1 00:00:07,260 --> 00:00:10,770 Bonjour à tous et bienvenue à ce cours sur le monétarisme. 2 00:00:11,910 --> 00:00:16,180 Nous sommes toujours dans le chapitre 1, le renouveau de la théorie libérale. 3 00:00:16,980 --> 00:00:20,250 Nous abordons, en section 2, le monétarisme. 4 00:00:21,810 --> 00:00:27,750 Face à la crise des années 70, aux échecs des politiques de régulation 5 00:00:27,950 --> 00:00:32,010 keynésienne à relancer l'économie, le monétarisme se développe. 6 00:00:33,330 --> 00:00:36,000 Comme son nom l'indique, cette école de pensée met l'accent 7 00:00:36,200 --> 00:00:37,260 sur les questions monétaires. 8 00:00:38,550 --> 00:00:42,060 L'idée centrale est qu'il faut avant tout réguler la masse monétaire 9 00:00:42,260 --> 00:00:43,080 et limiter l'inflation. 10 00:00:44,640 --> 00:00:47,910 Cette thèse remet ainsi au goût du jour les idées anciennes de 11 00:00:48,110 --> 00:00:51,660 Jean Bodin, de David Hume, de Jean-Baptiste Say, 12 00:00:52,500 --> 00:00:56,910 et tend à réhabiliter la théorie quantitative de la monnaie de Irving 13 00:00:57,110 --> 00:00:57,870 Fisher. 14 00:00:59,670 --> 00:01:04,470 Le chef de file de l'école monétariste, Milton Friedman, 1912-2006, 15 00:01:06,680 --> 00:01:11,400 économiste américain, il obtient le prix Nobel en 1976. 16 00:01:12,240 --> 00:01:17,580 Il acquiert une importante notoriété auprès du grand public avec deux 17 00:01:17,780 --> 00:01:23,760 de ses ouvrages : Capitalisme et liberté en 1962, et La liberté 18 00:01:23,960 --> 00:01:29,540 du choix en 1980 qui est issu d'une série d'émissions télévisées. 19 00:01:31,240 --> 00:01:36,220 Tenant du libéralisme, Milton Friedman effectue une grande 20 00:01:36,420 --> 00:01:41,740 partie de sa carrière à l'université de Chicago, où il devient avec 21 00:01:41,940 --> 00:01:46,270 ses thèses monétaristes une des figures emblématiques de ce que 22 00:01:46,470 --> 00:01:51,290 l'on appelle l'école de Chicago qu'il contribue à développer. 23 00:01:54,130 --> 00:01:58,660 Nous allons étudier dans cette section l'état major de son analyse, 24 00:01:59,930 --> 00:02:03,590 sa remise en cause de la politique budgétaire keynésienne en I, 25 00:02:04,940 --> 00:02:08,000 sa vision de l'inflation et de la politique monétaire en II, 26 00:02:09,650 --> 00:02:12,090 son interprétation du chômage en III. 27 00:02:12,290 --> 00:02:18,710 I : une remise en question de la 28 00:02:18,910 --> 00:02:20,200 politique budgétaire keynésienne. 29 00:02:21,370 --> 00:02:25,070 Friedman a souvent été considéré comme l'anti-Keynes. 30 00:02:27,350 --> 00:02:31,610 Il ne croit pas en l'efficacité d'une politique conjoncturelle 31 00:02:31,810 --> 00:02:36,930 keynésienne pour relancer la croissance d'un pays et résorber le chômage. 32 00:02:39,320 --> 00:02:43,130 Comme on l'a vu précédemment, Partie 2, Chapitre 3, 33 00:02:43,330 --> 00:02:49,790 Section 4, avec sa théorie du revenu permanent, il remet totalement 34 00:02:49,990 --> 00:02:53,960 en question la stabilité de la fonction de consommation keynésienne. 35 00:02:55,950 --> 00:02:59,310 La consommation courante ne dépend pas du revenu courant. 36 00:03:00,180 --> 00:03:04,980 Seule la consommation permanente est fonction du revenu permanent. 37 00:03:05,970 --> 00:03:11,130 En d'autres termes, la seule relation que l'on peut trouver est une relation 38 00:03:11,330 --> 00:03:15,360 de long terme entre nos habitudes de consommation et notre revenu 39 00:03:15,560 --> 00:03:16,410 moyen de long terme. 40 00:03:18,060 --> 00:03:22,500 Toute politique de relance crée donc un supplément de revenu 41 00:03:22,700 --> 00:03:26,510 exceptionnel qui va forcément être épargné. 42 00:03:27,970 --> 00:03:32,940 Elle n'a donc pour Friedman aucun effet bénéfique sur l'économie du pays. 43 00:03:34,320 --> 00:03:38,640 Elle peut juste créer de l'inflation et engendrer des déséquilibres 44 00:03:38,840 --> 00:03:42,160 qui peuvent par la même déstabiliser l'économie. 45 00:03:44,820 --> 00:03:48,720 Si la fonction de consommation n'est pas une fonction stable du 46 00:03:48,920 --> 00:03:55,500 revenu, les monétaristes affirment la supériorité de l'approche par 47 00:03:55,700 --> 00:04:00,120 la quantité de monnaie à l'approche keynésienne fondée sur la liaison 48 00:04:00,320 --> 00:04:01,530 entre revenu et consommation. 49 00:04:04,120 --> 00:04:07,270 II : inflation et politique monétaire. 50 00:04:09,680 --> 00:04:14,630 Friedman cherche d'abord à lutter contre l'inflation, qui est pour 51 00:04:14,830 --> 00:04:15,670 lui le mal absolu. 52 00:04:17,410 --> 00:04:22,120 L'inflation se définit comme la perte du pouvoir d'achat de la monnaie, 53 00:04:23,090 --> 00:04:27,260 qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix. 54 00:04:28,920 --> 00:04:30,540 Quelle est la cause de cette inflation ? 55 00:04:32,990 --> 00:04:38,490 Pour les monétaristes, c'est un phénomène monétaire et 56 00:04:38,690 --> 00:04:39,450 non réel. 57 00:04:39,770 --> 00:04:44,870 L'idée que Friedman exprime à travers cette célèbre phrase "L'inflation 58 00:04:45,470 --> 00:04:50,510 est toujours et partout un phénomène monétaire", fin de citation. 59 00:04:53,380 --> 00:04:58,420 La cause principale est, selon ses termes, "une augmentation 60 00:04:58,620 --> 00:05:03,160 de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production". 61 00:05:04,000 --> 00:05:04,810 Fin de citation. 62 00:05:06,920 --> 00:05:11,090 Le responsable de cette inflation, c'est l'État et les autorités 63 00:05:11,290 --> 00:05:12,050 monétaires. 64 00:05:14,590 --> 00:05:19,570 L'État a en effet tendance à vouloir augmenter la masse monétaire pour 65 00:05:19,770 --> 00:05:24,340 combler un déficit budgétaire, afin de lutter contre le sous-emploi 66 00:05:24,760 --> 00:05:27,850 ou chercher à relancer l'économie en favorisant l'investissement. 67 00:05:30,380 --> 00:05:36,440 Pour Friedman, la lutte contre l'inflation doit être la priorité, 68 00:05:37,910 --> 00:05:42,050 car elle engendre des déséquilibres majeurs qui peuvent se répercuter 69 00:05:42,250 --> 00:05:45,020 sur l'ensemble des marchés de l'économie. 70 00:05:47,300 --> 00:05:51,320 L'inflation perturbe en effet les anticipations des agents économiques, 71 00:05:52,040 --> 00:05:55,170 et elle nuit à la compétitivité extérieure. 72 00:05:57,280 --> 00:06:03,940 Dans cet esprit, Friedman compare en 1968 l'inflation à l'alcoolisme. 73 00:06:05,900 --> 00:06:09,100 Je le cite : "L'inflation est comme l'alcoolisme. 74 00:06:10,010 --> 00:06:13,910 Lorsqu'un homme se livre à une beuverie, le soir même cela lui 75 00:06:14,110 --> 00:06:14,870 fait du bien. 76 00:06:15,320 --> 00:06:19,460 Ce n'est que le lendemain qu'il se sent mal." Fin de citation. 77 00:06:20,900 --> 00:06:25,430 En d'autres termes, l'inflation peut avoir des effets favorables 78 00:06:26,000 --> 00:06:26,760 à court terme. 79 00:06:27,500 --> 00:06:31,820 Cependant, ces effets deviennent extrêmement défavorables sur le 80 00:06:32,020 --> 00:06:32,780 long terme. 81 00:06:34,010 --> 00:06:38,030 Pour comprendre ce raisonnement, détaillons ce qu'il se passe à 82 00:06:38,230 --> 00:06:39,770 court terme et à long terme. 83 00:06:41,290 --> 00:06:42,350 1 : à court terme. 84 00:06:44,610 --> 00:06:47,940 Les autorités cherchent à relancer l'économie en mettant en œuvre 85 00:06:48,140 --> 00:06:50,430 une politique monétaire expansive. 86 00:06:51,690 --> 00:06:56,220 L'augmentation de la masse monétaire engendre une augmentation des prix. 87 00:06:57,030 --> 00:06:58,230 C'est la théorie quantitative. 88 00:06:59,850 --> 00:07:04,050 Si les prix, que l'on voit représentés par la lettre P, augmentent : 89 00:07:05,220 --> 00:07:09,120 sur le marché du travail, cela va réduire le salaire réel, 90 00:07:09,320 --> 00:07:13,120 qui s'exprime je vous le rappelle par le rapport de W/P. 91 00:07:16,400 --> 00:07:21,990 C'est le rapport entre W, le salaire nominal, et P le niveau 92 00:07:22,190 --> 00:07:22,950 général des prix. 93 00:07:23,150 --> 00:07:27,950 On reprend ici les bonnes habitudes néoclassiques. 94 00:07:29,310 --> 00:07:32,870 Le marché du travail est régulé par le taux de salaire réel. 95 00:07:34,830 --> 00:07:39,660 La base de ce salaire réel conduit les entreprises à pouvoir embaucher 96 00:07:39,860 --> 00:07:42,270 davantage, ce qui réduit le chômage. 97 00:07:43,920 --> 00:07:47,750 Mais tout cela n'est possible que parce que les agents ont été trompés. 98 00:07:49,110 --> 00:07:52,080 Ils ne s'aperçoivent pas tout de suite de la baisse de leur salaire 99 00:07:52,280 --> 00:07:54,630 réel, de la baisse de leur pouvoir d'achat. 100 00:07:55,830 --> 00:07:58,710 On dit qu'ils font l'objet d'une illusion monétaire. 101 00:08:00,540 --> 00:08:06,630 Cela est possible, car ils ont pour Friedman des anticipations 102 00:08:06,830 --> 00:08:07,590 adaptatives. 103 00:08:09,120 --> 00:08:11,460 Qu'est-ce qu'une anticipation adaptative ? 104 00:08:14,540 --> 00:08:19,400 Le concept d'anticipation adaptative est un concept utilisé par Friedman. 105 00:08:20,660 --> 00:08:24,740 Il signifie que les individus effectuent leurs anticipations 106 00:08:24,940 --> 00:08:26,240 à partir des événements passés. 107 00:08:27,560 --> 00:08:32,420 Ils réalisent au fil du temps des corrections, mais cela leur prend 108 00:08:32,620 --> 00:08:33,380 un certain délai. 109 00:08:34,730 --> 00:08:38,750 Ainsi, à court terme, les individus ne se rendent pas 110 00:08:38,950 --> 00:08:41,060 compte de la baisse de leur pouvoir d'achat. 111 00:08:42,080 --> 00:08:44,230 Ils ne s'en aperçoivent que sur le long terme. 112 00:08:46,200 --> 00:08:51,300 En d'autres termes, les effets bénéfiques de la politique monétaire 113 00:08:51,840 --> 00:08:55,950 proviennent des erreurs d'anticipation des agents économiques. 114 00:08:57,010 --> 00:09:00,960 En trompant les agents, les autorités parviennent donc 115 00:09:01,160 --> 00:09:05,010 à augmenter artificiellement le niveau de l'activité et de l'emploi. 116 00:09:06,870 --> 00:09:11,460 La théorie monétariste abandonne ici les principes de la dichotomie 117 00:09:11,660 --> 00:09:14,520 entre la sphère réelle et la sphère monétaire, chère aux classiques 118 00:09:14,720 --> 00:09:15,480 et aux néoclassiques. 119 00:09:16,440 --> 00:09:19,830 La monnaie n'est donc plus neutre à court terme. 120 00:09:22,150 --> 00:09:25,660 Cet effet bénéfique ne dure cependant qu'un temps. 121 00:09:27,490 --> 00:09:28,930 Que se passe-t-il à long terme ? 122 00:09:30,230 --> 00:09:31,730 2 : à long terme. 123 00:09:33,830 --> 00:09:37,550 Sur le long terme, les travailleurs finissent par s'apercevoir de la 124 00:09:37,750 --> 00:09:38,960 baisse de leur pouvoir d'achat. 125 00:09:40,720 --> 00:09:43,000 Ils demandent des augmentations de rémunération. 126 00:09:44,980 --> 00:09:50,310 La hausse de leur salaire accroît leur taux de salaire réel, 127 00:09:51,010 --> 00:09:52,060 cela va accroître W/P. 128 00:09:53,570 --> 00:09:58,160 Mais cela va par la même occasion créer du chômage. 129 00:09:59,750 --> 00:10:05,000 C'est pourquoi la politique monétaire expansive devient inefficace sur 130 00:10:05,200 --> 00:10:05,960 le long terme. 131 00:10:06,980 --> 00:10:11,570 Le chômage revient à son niveau initial, mais l'inflation a explosé. 132 00:10:13,660 --> 00:10:18,610 On retrouve sur le long terme la théorie quantitative et l'analyse 133 00:10:18,810 --> 00:10:19,700 en termes de dichotomie. 134 00:10:21,490 --> 00:10:25,420 Il n'y a pas d'arbitrage possible entre inflation et chômage, 135 00:10:26,260 --> 00:10:31,330 car ils appartiennent à deux sphères disjointes : la sphère réelle et 136 00:10:31,530 --> 00:10:32,410 la sphère monétaire. 137 00:10:35,580 --> 00:10:40,860 Ces effets peuvent se retrouver graphiquement en reprenant une courbe, 138 00:10:41,280 --> 00:10:45,810 que nous avons étudiée précédemment, c'est-à-dire la courbe de Phillips. 139 00:10:47,660 --> 00:10:52,010 3 : la courbe de Phillips dans la vision monétariste. 140 00:10:54,190 --> 00:10:58,720 Pour rappel, la courbe de Phillips établit une relation décroissante 141 00:10:58,920 --> 00:11:00,130 entre inflation et chômage. 142 00:11:00,970 --> 00:11:04,990 Nous l'avions étudiée dans la partie 2, chapitre 3, section 1. 143 00:11:07,300 --> 00:11:10,450 Si l'on porte en abscisse le chômage et en ordonnée l'inflation : 144 00:11:11,980 --> 00:11:16,180 la courbe présente une tendance décroissante. 145 00:11:18,030 --> 00:11:22,740 Les monétaristes réinterprètent ces deux courbes en supposant partir 146 00:11:22,940 --> 00:11:27,330 d'une situation A représentée par le point A sur la courbe. 147 00:11:29,050 --> 00:11:32,050 Pour réduire le chômage, les autorités peuvent être tentées 148 00:11:32,250 --> 00:11:34,780 de mettre en place une politique monétaire expansive, 149 00:11:35,500 --> 00:11:38,650 qui réduit le chômage en augmentant l'inflation. 150 00:11:40,500 --> 00:11:43,820 On passe donc du point A au point B à court terme. 151 00:11:45,220 --> 00:11:48,640 Cependant, à long terme, les individus s'aperçoivent de 152 00:11:48,840 --> 00:11:51,850 la baisse de leur pouvoir d'achat et demandent des augmentations 153 00:11:52,050 --> 00:11:52,810 de salaire. 154 00:11:53,770 --> 00:11:58,530 Le chômage augmente de nouveau, il se retrouve à son niveau initial. 155 00:11:59,520 --> 00:12:02,470 Mais l'inflation est plus importante qu'à l'origine. 156 00:12:03,600 --> 00:12:05,270 On se situe alors au point C. 157 00:12:07,270 --> 00:12:12,040 L'analyse de Friedman donne ainsi une explication du déplacement 158 00:12:12,240 --> 00:12:16,180 vers la droite de la courbe de Phillips dans les années 70. 159 00:12:19,060 --> 00:12:23,380 Cette analyse a des conséquences directes sur la politique monétaire 160 00:12:23,800 --> 00:12:25,540 préconisée par les monétaristes. 161 00:12:26,500 --> 00:12:28,210 Que faut-il donc faire ? 162 00:12:30,430 --> 00:12:34,540 4 : la politique monétaire préconisée. 163 00:12:36,530 --> 00:12:40,610 En période de faible croissance, comme on vient de le voir, 164 00:12:41,540 --> 00:12:45,220 il faut renoncer à toute politique monétaire de relance. 165 00:12:47,320 --> 00:12:53,080 En période de forte croissance, la monnaie peut cependant se révéler 166 00:12:53,440 --> 00:12:56,320 insuffisante pour réaliser des transactions. 167 00:12:58,090 --> 00:13:02,830 Friedman développe alors l'idée qu'il faut mettre en place une 168 00:13:03,030 --> 00:13:07,810 politique monétaire codifiée, qui doit suivre un code, 169 00:13:08,440 --> 00:13:10,410 une règle bien précise. 170 00:13:11,710 --> 00:13:17,260 Cette règle est la suivante : toute augmentation de la masse 171 00:13:17,460 --> 00:13:22,420 monétaire doit se faire de façon proportionnelle au taux de croissance 172 00:13:22,620 --> 00:13:23,380 du PIB. 173 00:13:24,340 --> 00:13:29,080 Au contraire, il faut abandonner toute politique discrétionnaire 174 00:13:29,590 --> 00:13:34,230 qui se ferait à la discrétion du gouvernement, selon son bon vouloir, 175 00:13:34,930 --> 00:13:38,770 gouvernement qui pourrait chercher à vouloir tromper les individus 176 00:13:39,460 --> 00:13:41,080 pour relancer l'économie. 177 00:13:41,980 --> 00:13:46,510 Une telle politique ne fonctionne pas sur le long terme pour les 178 00:13:46,710 --> 00:13:47,470 monétaristes. 179 00:13:48,040 --> 00:13:49,330 III : le chômage. 180 00:13:50,500 --> 00:13:53,980 Nous avons beaucoup parlé d'inflation, mais beaucoup moins de chômage. 181 00:13:55,100 --> 00:13:58,510 Pour Friedman, la priorité est la lutte contre l'inflation, 182 00:13:58,710 --> 00:14:00,580 mais quelle analyse fait-il du chômage ? 183 00:14:01,870 --> 00:14:05,830 Pour lui, il existe un taux de chômage naturel : qui se définit 184 00:14:06,030 --> 00:14:09,970 comme le taux de chômage d'équilibre qui aurait tendance à s'établir 185 00:14:10,170 --> 00:14:10,960 sur le long terme. 186 00:14:12,250 --> 00:14:15,640 Ce taux dépend des structures du marché du travail, et provient 187 00:14:15,840 --> 00:14:20,440 en particulier de ses rigidités qui perturbent l'ajustement 188 00:14:20,640 --> 00:14:22,270 concurrentiel des salaires. 189 00:14:23,380 --> 00:14:28,330 Ces rigidités peuvent ainsi provenir du salaire minimum en vigueur, 190 00:14:29,160 --> 00:14:33,840 de l'action des syndicats, ou du niveau des allocations chômage 191 00:14:34,040 --> 00:14:34,800 distribuées. 192 00:14:36,250 --> 00:14:39,430 Elles dépendent donc de facteurs structurels. 193 00:14:41,180 --> 00:14:45,830 Cette idée d'un chômage structurel se retrouve dans la notion de NAIRU, 194 00:14:46,160 --> 00:14:51,080 non-accelerating inflation rate of unemployment, qui apparaîtra 195 00:14:51,350 --> 00:14:52,460 quelques années plus tard. 196 00:14:53,630 --> 00:14:58,550 C'est le taux de chômage qui est compatible avec un taux d'inflation 197 00:14:58,750 --> 00:15:04,730 stable, et qui constitue actuellement un indicateur du chômage structurel. 198 00:15:06,770 --> 00:15:10,490 Ce taux est cependant difficile à estimer précisément. 199 00:15:11,000 --> 00:15:16,460 L'OCDE considère ainsi pour la France, en 2017, un NAIRU aux alentours 200 00:15:16,660 --> 00:15:17,720 de 9,2 %. 201 00:15:20,750 --> 00:15:23,360 Quelles sont les conséquences en termes de politique économique 202 00:15:23,560 --> 00:15:24,320 de cette analyse ? 203 00:15:26,820 --> 00:15:32,490 Une des principales conséquences, c'est que la solution pour lutter 204 00:15:32,690 --> 00:15:39,330 contre le chômage réside dans des politiques économiques structurelles 205 00:15:39,870 --> 00:15:42,990 visant à flexibiliser le marché du travail. 206 00:15:44,220 --> 00:15:48,120 L'idée, c'est que les politiques conjoncturelles ont peu d'action 207 00:15:48,320 --> 00:15:51,390 sur le niveau de chômage, et finalement ne risquent que de 208 00:15:51,590 --> 00:15:52,500 créer de l'inflation. 209 00:15:54,010 --> 00:15:58,150 Ces idées auront alors un impact considérable, car elles seront 210 00:15:58,350 --> 00:16:01,840 à l'origine d'un certain nombre des réformes du marché du travail 211 00:16:02,040 --> 00:16:03,080 de ces dernières décennies. 212 00:16:04,060 --> 00:16:04,860 IV : conclusion. 213 00:16:07,600 --> 00:16:12,220 En conclusion, on peut dire que cette analyse permet de mettre 214 00:16:12,420 --> 00:16:17,590 en exergue trois principaux points de controverse entre keynésiens 215 00:16:17,890 --> 00:16:18,730 et monétaristes. 216 00:16:20,230 --> 00:16:24,100 Premier point : c'est la divergence du cadre d'analyse. 217 00:16:24,970 --> 00:16:29,320 Keynes privilégie le court terme, car si l'on reprend ses propos : 218 00:16:30,250 --> 00:16:31,780 à long terme, nous serons tous morts. 219 00:16:32,870 --> 00:16:36,850 Pour Friedman, au contraire, il ne faut pas hypothéquer l'avenir. 220 00:16:37,750 --> 00:16:41,920 Il ne faut donc surtout pas mener de politique qui pourrait creuser 221 00:16:42,120 --> 00:16:44,900 le déficit ou créer de l'inflation sur le long terme. 222 00:16:47,820 --> 00:16:52,950 Deuxième divergence : c'est une divergence sur l'efficacité 223 00:16:53,150 --> 00:16:55,020 des politiques conjoncturelles de court terme. 224 00:16:56,940 --> 00:17:00,890 Pour Keynes, de telles politiques peuvent relancer l'économie. 225 00:17:01,560 --> 00:17:06,080 Pour Friedman, au contraire, la politique de relance est totalement 226 00:17:06,500 --> 00:17:08,780 inefficace et ne peut qu'aggraver les déficits. 227 00:17:09,920 --> 00:17:14,180 Quant à la politique monétaire, son efficacité est de courte durée 228 00:17:14,380 --> 00:17:15,230 sur le chômage. 229 00:17:16,190 --> 00:17:18,260 À long terme, elle ne crée que de l'inflation. 230 00:17:19,280 --> 00:17:24,740 Seule une politique structurelle visant à flexibiliser le marché 231 00:17:24,940 --> 00:17:29,890 du travail pourrait réduire durablement le chômage pour Friedman. 232 00:17:32,520 --> 00:17:36,840 Troisième divergence : c'est une divergence de priorités. 233 00:17:37,800 --> 00:17:42,840 Pour Keynes, il faut à tout prix éviter le chômage, et donc l'inflation 234 00:17:43,040 --> 00:17:43,860 est un moindre mal. 235 00:17:44,790 --> 00:17:48,120 Au contraire, pour Friedman, il faut d'abord lutter contre 236 00:17:48,320 --> 00:17:49,080 l'inflation. 237 00:17:50,990 --> 00:17:54,810 Les théories monétaristes ont connu beaucoup de succès. 238 00:17:56,030 --> 00:17:59,690 Friedman influença la politique de nombreux gouvernements : 239 00:18:00,170 --> 00:18:03,380 aux États-Unis avec Reagan, mais aussi au Royaume-Uni avec 240 00:18:03,580 --> 00:18:07,490 Margaret Thatcher, ainsi que dans de nombreux autres pays. 241 00:18:08,870 --> 00:18:12,590 Ses thèses eurent également des conséquences directes sur les 242 00:18:12,790 --> 00:18:15,440 politiques monétaires menées par les banques centrales. 243 00:18:16,790 --> 00:18:22,490 Elles ont contribué notamment au repli généralisé de l'inflation 244 00:18:22,690 --> 00:18:23,480 dans les années 80. 245 00:18:25,310 --> 00:18:30,290 Si la règle d'une évolution stricte de la masse monétaire reposant 246 00:18:30,490 --> 00:18:35,120 sur le PIB a été abandonnée, la plupart des banques centrales 247 00:18:35,320 --> 00:18:40,790 gardent néanmoins dans leurs statuts l'importance de la lutte contre 248 00:18:40,990 --> 00:18:41,750 l'inflation. 249 00:18:43,070 --> 00:18:47,780 Cette priorité de la lutte contre l'inflation demeure ainsi inscrite 250 00:18:48,140 --> 00:18:50,780 dans les statuts de la Banque centrale européenne. 251 00:18:52,640 --> 00:18:58,370 Elle contribue, comme le voulait Friedman, à mettre au premier plan 252 00:18:58,570 --> 00:19:03,260 la politique monétaire par rapport à une politique budgétaire. 253 00:19:05,420 --> 00:19:09,410 Malgré les critiques dont le monétarisme a fait l'objet, 254 00:19:10,190 --> 00:19:13,520 notamment par les écoles que l'on va étudier à la suite, 255 00:19:14,090 --> 00:19:16,280 comme les nouveaux classiques ou les nouveaux keynésiens, 256 00:19:17,390 --> 00:19:21,650 certains de ces principes demeurent encore d'actualité. 257 00:19:23,510 --> 00:19:28,250 Ainsi, Milton Friedman, son chef de file, constitue l'un 258 00:19:28,450 --> 00:19:32,390 des économistes les plus influents de la fin du 20e siècle.