1 00:00:07,710 --> 00:00:11,420 C : la pérennisation de la République. 2 00:00:13,650 --> 00:00:18,700 La victoire politique des Royalistes,  en 1873, est un moment important, 3 00:00:19,180 --> 00:00:25,040 parce qu'elle va contraindre à terme à un compromis entre Monarchistes et Républicains,  4 00:00:25,440 --> 00:00:30,660 dont la constitution de 1875 est l'expression la plus claire. 5 00:00:31,830 --> 00:00:33,840 La République va finalement s'installer,  6 00:00:33,980 --> 00:00:38,400 mais avec des mécanismes de fonctionnement qui sont monarchistes. 7 00:00:38,730 --> 00:00:41,600 Nous allons voir les étapes de ce processus, 8 00:00:41,850 --> 00:00:46,400 qui a abouti aux lois constitutionnelles de 1875. 9 00:00:47,880 --> 00:00:50,540 a : la loi du septennat. 10 00:00:52,360 --> 00:00:56,460 Cette loi du septennat, elle date du 20 novembre 1873. 11 00:00:57,510 --> 00:00:59,980 C'est un texte très bref de deux articles. 12 00:01:00,690 --> 00:01:07,360 L'article premier confie le pouvoir exécutif pour sept ans au maréchal de Mac Mahon. 13 00:01:08,220 --> 00:01:10,680 "Ce pouvoir", dispose la loi, 14 00:01:11,040 --> 00:01:16,060 "continuera à être exécuté avec le titre de président de la République,  15 00:01:16,400 --> 00:01:18,680 et dans les conditions actuelles,  16 00:01:18,900 --> 00:01:24,140 jusqu'aux modifications qui pourraient y être apportées par des lois constitutionnelles". 17 00:01:25,650 --> 00:01:29,740 L'article 2 met en place une commission de 30 membres,  18 00:01:29,940 --> 00:01:33,660 chargés d'examiner les lois constitutionnelles. 19 00:01:35,320 --> 00:01:37,940 Le contenu de cette loi est très surprenant,  20 00:01:39,220 --> 00:01:43,020 puisque la loi fixe la durée des pouvoirs du président,  21 00:01:43,320 --> 00:01:47,350 alors que la République est toujours une institution provisoire. 22 00:01:47,910 --> 00:01:51,740 Donc c'est une manière de consolider le régime républicain, 23 00:01:52,150 --> 00:01:57,550 alors que l'élection de Mac Mahon semblait au contraire préparer le terrain 24 00:01:57,550 --> 00:01:59,780 à une restauration monarchique. 25 00:02:01,630 --> 00:02:07,500 Cette consolidation est d'autant plus forte, que la durée prévue par la loi, 26 00:02:07,500 --> 00:02:09,560 pour la fonction présidentielle, est longue. 27 00:02:09,610 --> 00:02:12,480 Sept ans, c'est long pour une période d'essai. 28 00:02:14,200 --> 00:02:20,220 En fait, de Broglie avait proposé dix ans,  l'Assemblée aurait préféré cinq ans,  29 00:02:20,440 --> 00:02:23,440 et on a donc à la fin transigé sur sept ans,  30 00:02:23,660 --> 00:02:26,780 principalement à la demande de Mac Mahon qui était âgé. 31 00:02:28,480 --> 00:02:32,300 Donc l'Assemblée au fond se retrouve dans une contradiction. 32 00:02:33,090 --> 00:02:37,220 Elle a révoqué Thiers, pour empêcher l'installation de la République, 33 00:02:37,640 --> 00:02:41,980 mais elle prolonge l'existence du régime même qu'elle prétend combattre. 34 00:02:42,540 --> 00:02:43,210 Pourquoi ? 35 00:02:44,730 --> 00:02:48,560 L'explication tient au blocage des négociations politiques,  36 00:02:48,560 --> 00:02:53,220 entre Légitimistes et Orléanistes dans le camp des Royalistes. 37 00:02:54,720 --> 00:02:59,660 Les deux tendances étaient pourtant très conscientes de la nécessité impérative 38 00:02:59,660 --> 00:03:06,920 de trouver un accord, pour surmonter l'échec des tentatives précédentes de rapprochement. 39 00:03:08,260 --> 00:03:12,540 Dans cet esprit de conciliation,  les deux prétendants au trône,  40 00:03:12,680 --> 00:03:17,920 donc le Comte de Paris pour les Orléanistes et le comte de Chambord pour les Légitimistes, 41 00:03:18,260 --> 00:03:23,160 les deux prétendants s'étaient rencontrés au cours de l'été 1873. 42 00:03:24,420 --> 00:03:27,860 Le Comte de Paris avait reconnu le Comte de Chambord 43 00:03:27,860 --> 00:03:31,340 comme seul représentant du principe monarchique. 44 00:03:31,560 --> 00:03:35,040 Autrement dit, il avait accepté de s'effacer politiquement 45 00:03:35,120 --> 00:03:37,060 devant le descendant des Bourbon. 46 00:03:38,070 --> 00:03:42,120 Mais le projet de restauration échoue finalement, 47 00:03:42,320 --> 00:03:46,640 à cause d'un désaccord sur la question très symbolique du drapeau. 48 00:03:47,520 --> 00:03:53,300 Dans une lettre du 30 octobre 1873, au journal royaliste l'Union,  49 00:03:53,780 --> 00:03:59,680 le Comte de Chambord proclame son attachement indéfectible au drapeau blanc, 50 00:03:59,970 --> 00:04:02,280 emblème de la monarchie d'Ancien régime,  51 00:04:02,600 --> 00:04:09,100 et il refuse d'être selon ses propres termes, "le roi légitime de la Révolution". 52 00:04:10,350 --> 00:04:17,840 Donc il conserve le drapeau blanc,  parce que garder le drapeau tricolore 53 00:04:17,940 --> 00:04:21,480 reviendrait à reconnaître la Révolution française, 54 00:04:21,580 --> 00:04:25,240 la souveraineté nationale et le régime parlementaire. 55 00:04:25,560 --> 00:04:27,640 Autrement dit, pour le Comte de Chambord,  56 00:04:27,760 --> 00:04:33,380 le drapeau tricolore reviendrait à faire le jeu des Orléanistes. 57 00:04:35,000 --> 00:04:39,560 Cette attitude provoque à nouveau une scission chez les Royalistes,  58 00:04:39,600 --> 00:04:42,420 et au-delà, chez les conservateurs. 59 00:04:43,700 --> 00:04:47,390 Falloux par exemple, l'auteur de la célèbre loi du même nom,  60 00:04:47,390 --> 00:04:51,320 la loi Falloux de 1850, sur la liberté de l'enseignement 61 00:04:51,620 --> 00:04:55,760 et sur la valorisation de l'enseignement privé confessionnel,  62 00:04:56,140 --> 00:04:59,020 Falloux reproche au Comte de Chambord, 63 00:04:59,120 --> 00:05:03,600 "d'avoir obligé les hommes monarchiques à prolonger la République". 64 00:05:03,920 --> 00:05:07,280 Autrement dit, d'avoir manqué de sens politique 65 00:05:07,440 --> 00:05:11,440 en laissant échapper l'occasion de rétablir la monarchie. 66 00:05:12,470 --> 00:05:18,000 Mais du côté des Légitimistes, on reproche aux Orléanistes leur double jeu. 67 00:05:18,770 --> 00:05:22,020 Ils ont fait mine de se ranger derrière le Comte de Chambord,  68 00:05:22,200 --> 00:05:25,860 pour mieux le prendre en défaut sur cette question du drapeau,  69 00:05:26,140 --> 00:05:30,940 et pour montrer son incapacité à affronter la vie politique. 70 00:05:30,980 --> 00:05:34,060 La vie politique est faite de négociations, de compromis,  71 00:05:34,380 --> 00:05:39,820 ils ont piégé le Comte de Chambord pour qu'il montre son incapacité à faire des compromis. 72 00:05:41,600 --> 00:05:42,650 Quoi qu'il en soit,  73 00:05:43,025 --> 00:05:47,650 les Monarchistes comprennent que leur accès au pouvoir est bloqué 74 00:05:47,875 --> 00:05:50,060 par l'intransigeance du Comte de Chambord. 75 00:05:50,820 --> 00:05:53,440 Ils choisissent alors une solution d'attente. 76 00:05:53,840 --> 00:05:58,800 Ils placent le royaliste Mac Mahon comme président pendant sept ans,  77 00:05:59,400 --> 00:06:01,780 pour se donner un délai suffisamment long,  78 00:06:02,240 --> 00:06:07,200 qui leur permettra de mettre en place progressivement des institutions 79 00:06:07,360 --> 00:06:09,940 qui préparent la restauration monarchique. 80 00:06:10,980 --> 00:06:15,740 Le septennat c'est une sorte de coup d'attente,  si l'on veut prendre un vocabulaire stratégique. 81 00:06:16,470 --> 00:06:21,660 La royauté n'est pas rétablie,  mais tout sera fait pour installer,  82 00:06:22,760 --> 00:06:26,680 pour reprendre les termes du Comte de Paris, "ce qui s'en rapproche le plus". 83 00:06:27,330 --> 00:06:29,260 Et pour cela, il faut du temps. 84 00:06:29,760 --> 00:06:34,000 Sept ans paraît donc un moindre mal aux yeux des Monarchistes. 85 00:06:36,460 --> 00:06:39,960 La République est donc prorogée,  au moins de manière nominale,  86 00:06:39,960 --> 00:06:44,660 jusqu'en 1880, mais avec un président royaliste. 87 00:06:45,420 --> 00:06:51,020 Par ailleurs, la loi du septennat ne prévoit pas de révocation du président. 88 00:06:51,490 --> 00:06:54,320 Donc il est dans la position d'un chef d'État parlementaire. 89 00:06:55,090 --> 00:06:58,300 Il n'a plus de responsabilités présidentielles, 90 00:06:58,460 --> 00:07:03,440 mais il existe seulement une responsabilité ministérielle. 91 00:07:04,720 --> 00:07:10,000 Ce point institutionnel important résulte de l'attitude de Mac Mahon,  92 00:07:10,400 --> 00:07:14,920 qui n'a jamais voulu utiliser son droit de communiquer avec l'Assemblée. 93 00:07:15,200 --> 00:07:20,160 Mac Mahon avait une personnalité beaucoup plus discrète que celle de Thiers,  94 00:07:20,460 --> 00:07:27,060 et il ne sentait pas la nécessité de disposer d'une arme institutionnelle contre l'Assemblée,  95 00:07:27,100 --> 00:07:31,260 et par conséquent l'Assemblée ne voyait pas elle non plus la nécessité 96 00:07:31,360 --> 00:07:34,980 d'avoir une arme limitant les interventions du président. 97 00:07:35,600 --> 00:07:40,640 Donc on a un président élu pour sept ans et irrévocable. 98 00:07:41,920 --> 00:07:47,440 Dans ce contexte, les Monarchistes pensent avoir sauvé la situation, 99 00:07:47,840 --> 00:07:53,780 en gardant la maîtrise du calendrier politique et en comptant sur le travail de la Commission,  100 00:07:53,840 --> 00:07:57,220 qui a été chargée d'examiner les lois constitutionnelles,  101 00:07:57,560 --> 00:08:01,680 en comptant sur son travail pour bonder dans le sens de la monarchie. 102 00:08:02,950 --> 00:08:05,760 Les Royalistes sont majoritaires à l'Assemblée, 103 00:08:06,060 --> 00:08:08,140 ils sont majoritaires à la Commission,  104 00:08:08,300 --> 00:08:13,440 et donc ils vont pouvoir préparer l'avènement de la troisième restauration. 105 00:08:14,240 --> 00:08:18,400 En réalité, c'est la Troisième République qui est en gestation 106 00:08:18,550 --> 00:08:21,640 du fait d'une poussée régulière du vote républicain,  107 00:08:21,760 --> 00:08:25,520 et d'une remontée inattendue du bonapartisme. 108 00:08:26,680 --> 00:08:28,920 C'est ce que nous allons voir maintenant dans le b. 109 00:08:29,700 --> 00:08:32,680 b : les aléas de la vie politique. 110 00:08:35,110 --> 00:08:37,760 Le retournement qui va se produire en faveur de la République,  111 00:08:37,760 --> 00:08:42,300 est lié à l'inactivité quasi complète de la Commission,  112 00:08:42,500 --> 00:08:46,960 chargée par la loi du septennat,  d'examiner les lois constitutionnelles. 113 00:08:47,000 --> 00:08:50,480 Cette Commission, qui s'appelle la Commission des Trente,  114 00:08:50,940 --> 00:08:57,540 ne fait rien et cette inertie libère le champ pour la critique républicaine,  115 00:08:57,600 --> 00:09:01,900 mais aussi pour la réapparition de l'opposition bonapartiste. 116 00:09:03,600 --> 00:09:06,880 1 : l'attentisme de la droite. 117 00:09:09,240 --> 00:09:13,360 La Commission des Trente est composée majoritairement de monarchistes. 118 00:09:14,700 --> 00:09:19,660 Son rôle implicite est donc de favoriser les principes royalistes,  119 00:09:19,880 --> 00:09:24,340 dans l'élaboration des nouvelles règles constitutionnelles du futur régime,  120 00:09:24,760 --> 00:09:27,220 dont on n'a toujours pas fixé la nature. 121 00:09:28,680 --> 00:09:35,940 Mais la Commission adopte cette stratégie de l'inertie, en espérant gagner du temps. 122 00:09:36,180 --> 00:09:40,160 Autrement dit, elle travaille volontairement très lentement,  123 00:09:40,200 --> 00:09:43,520 ce qui suscite beaucoup de critiques et beaucoup de moqueries. 124 00:09:43,860 --> 00:09:48,980 Par exemple, certains députés qualifient la Commission de Pénélope,  125 00:09:49,120 --> 00:09:57,300 qui fait, défait, refait son éternelle tapisserie, en attendant le retour d'Ulysse ; 126 00:09:57,500 --> 00:10:00,120 jeu de mots sur le nom propre Ulysse, 127 00:10:00,190 --> 00:10:07,520 et puis les deux mots "du" et plus loin "lys", la fleur, qui est l'emblème de la royauté. 128 00:10:09,680 --> 00:10:12,940 Le Journal des Débats, créé en 1789,  129 00:10:12,940 --> 00:10:16,840 pour retranscrire l'intégralité des débats au Parlement, 130 00:10:17,280 --> 00:10:20,420 ce Journal des Débats préconise que la Constitution 131 00:10:20,620 --> 00:10:25,940 soit la consécration officielle et définitive de la forme, 132 00:10:26,420 --> 00:10:29,720 que les circonstances ont donnée à la nation. 133 00:10:31,190 --> 00:10:34,420 Mais il est bien difficile de déterminer quelle est cette forme,  134 00:10:34,460 --> 00:10:39,260 car elle n'a jamais été très stable depuis la chute de l'ancien régime. 135 00:10:41,380 --> 00:10:46,800 L'Assemblée se montre donc incapable de tracer les contours du futur régime. 136 00:10:46,990 --> 00:10:50,720 Ce qui renforce la critique des Républicains de gauche,  137 00:10:50,940 --> 00:10:53,920 qui avaient contesté le pouvoir constituant de l'Assemblée,  138 00:10:54,260 --> 00:10:59,460 en utilisant l'argument un peu spécieux que, "cette Assemblée n'était que nationale 139 00:10:59,680 --> 00:11:03,500 et qu'elle ne devait se prononcer que sur la poursuite de la guerre, 140 00:11:03,720 --> 00:11:05,720 ou l'acceptation de l'Armistice. 141 00:11:06,560 --> 00:11:13,380 " Les Républicains demandent la dissolution de cette Assemblée, qui n'a plus de raison d'être. 142 00:11:13,640 --> 00:11:18,400 Gambetta parle à son propos d'un "cadavre attendant un fossoyeur". 143 00:11:19,400 --> 00:11:27,020 Et les Républicains réclament la consultation directe du peuple, sur la nature du régime à venir. 144 00:11:28,760 --> 00:11:31,580 Mais sur ce terrain de la consultation du peuple, 145 00:11:32,000 --> 00:11:35,620 les Républicains se heurtent à une autre branche de l'opposition 146 00:11:36,180 --> 00:11:37,820 qui connaît un regain de vigueur 147 00:11:38,000 --> 00:11:42,860 et qui est en quelque sorte un dépositaire de l'arme politique du plébiscite, 148 00:11:43,000 --> 00:11:44,760 ce sont les Bonapartistes. 149 00:11:45,700 --> 00:11:48,560 2 : la menace bonapartiste. 150 00:11:51,000 --> 00:11:55,180 Alors face aux Royalistes donc qui pratiquent cette politique attentiste, 151 00:11:55,180 --> 00:11:58,200 il y a deux courants politiques concurrents. 152 00:11:58,870 --> 00:12:01,120 Il y a d'un côté les Républicains 153 00:12:01,300 --> 00:12:05,080 qui progressent régulièrement à toutes les élections partielles. 154 00:12:05,950 --> 00:12:10,400 Entre mai 1873 et février 1875,  155 00:12:10,520 --> 00:12:16,180 20 Républicains sont élus contre un seul Monarchiste et six Bonapartistes. 156 00:12:17,040 --> 00:12:21,660 Donc cette tendance qu'on avait déjà observée sous le gouvernement de Thiers se confirme. 157 00:12:23,260 --> 00:12:26,980 Trois quarts de ces députés républicains sont des modérés,  158 00:12:27,800 --> 00:12:30,940 qui ont été élus sur une image d'apaisement 159 00:12:31,180 --> 00:12:35,080 pour désarmer l'argument de leurs adversaires royalistes 160 00:12:35,080 --> 00:12:39,960 qui agitaient le spectre de la Terreur pour dissuader le vote républicain. 161 00:12:41,630 --> 00:12:47,080 Ce succès électoral est en fait la conséquence de la tactique de Gambetta 162 00:12:47,400 --> 00:12:52,320 qui visait les classes moyennes et qui commence à porter ses fruits. 163 00:12:52,760 --> 00:12:58,780 Les Républicains gagnent des voix chez les indécis par leur discours rassurant. 164 00:13:00,140 --> 00:13:03,380 Alors en face des Républicains, il y a les Bonapartistes. 165 00:13:04,040 --> 00:13:08,260 Les Bonapartistes étaient très marginaux aux élections de 1871, 166 00:13:08,510 --> 00:13:12,180 mais ils regagnent du terrain à partir de 1873. 167 00:13:13,400 --> 00:13:17,900 Entre mai 1874 et février 1875,  168 00:13:17,980 --> 00:13:21,900 ils remportent un tiers des sièges aux élections partielles 169 00:13:22,400 --> 00:13:24,360 et dans les départements où ils ne sont pas élus, 170 00:13:24,360 --> 00:13:27,020 ils obtiennent des scores assez substantiels. 171 00:13:28,550 --> 00:13:33,360 Leur programme politique repose sur le régime plébiscitaire, 172 00:13:33,840 --> 00:13:38,860 comme d'ailleurs l'indique le nom de leur groupe parlementaire qui s'appelle L'appel au peuple 173 00:13:39,220 --> 00:13:44,340 et qui fait directement référence à la déclaration de Louis-Napoléon Bonaparte 174 00:13:44,480 --> 00:13:51,540 au moment du coup d'État du 2 décembre 1851,  discours qui était intitulé Appel au peuple. 175 00:13:53,000 --> 00:13:59,140 Et dans leur brochure électorale qui est diffusée à partir des années 1873, 176 00:13:59,880 --> 00:14:03,580 les Bonapartistes s'adressent ainsi au peuple français : 177 00:14:03,920 --> 00:14:09,880 "Ta forme de gouvernement, c'est l'empire,  c'est la royauté plébéienne et démocratique 178 00:14:10,240 --> 00:14:15,440 où celui qui gouverne n'agit qu'en ton nom et par délégation de toi". 179 00:14:17,180 --> 00:14:21,500 La percée des Bonapartistes apparaît comme un danger aux yeux des Royalistes 180 00:14:21,500 --> 00:14:23,880 mais aussi bien sûr aux yeux des Républicains. 181 00:14:24,160 --> 00:14:31,600 Et ce danger se concrétise lors de l'élection partielle du 24 mai 1874 dans la Nièvre,  182 00:14:32,280 --> 00:14:35,800 élection qui est remportée haut la main par le baron de Bourgoing,  183 00:14:36,040 --> 00:14:38,020 ancien écuyer de Napoléon III, 184 00:14:38,520 --> 00:14:44,560 et qui était opposé au candidat républicain pourtant favori puisque la Nièvre,  185 00:14:44,580 --> 00:14:46,220 département rural,  186 00:14:46,220 --> 00:14:51,380 avait manifesté son opposition au coup d'État de Napoléon III en 1851 187 00:14:51,740 --> 00:14:57,320 et elle avait envoyé en 1873 deux députés radicaux à l'Assemblée. 188 00:14:58,020 --> 00:15:02,940 Donc en principe, l'élection aurait dû tourner à la faveur du candidat républicain. 189 00:15:03,060 --> 00:15:05,900 Or c'est donc le baron de Bourgoing qui la remporte. 190 00:15:07,010 --> 00:15:12,260 Après la menace des radicaux, qui avait été symbolisée par l'élection de Barodet 191 00:15:12,300 --> 00:15:14,720 et qui avait provoqué la chute de Thiers, 192 00:15:15,060 --> 00:15:20,920 l'Assemblée doit donc faire face à la menace bonapartiste avec cette élection de Bourgoing. 193 00:15:22,310 --> 00:15:27,160 Le principal argument politique des Bonapartistes, c'est que finalement, 194 00:15:27,240 --> 00:15:33,260  la formule du césarisme politique  est la seule manière de concilier 195 00:15:33,400 --> 00:15:36,300 les acquis de la Révolution avec le besoin d'ordre. 196 00:15:37,940 --> 00:15:44,220 Et au centre de la rhétorique politique des Bonapartistes se trouve le suffrage universel. 197 00:15:45,710 --> 00:15:49,960 Le suffrage universel est incompatible avec la monarchie légitimiste,  198 00:15:50,240 --> 00:15:52,860 comme l'a montré l'échec du comte de Chambord. 199 00:15:54,050 --> 00:15:59,700 Mais il n'est également qu'un instrument de démagogie entre les mains des républicains 200 00:15:59,820 --> 00:16:02,980 pour déposséder le peuple de sa souveraineté. 201 00:16:04,110 --> 00:16:08,720 Seul le bonapartisme permet de concilier toutes ces aspirations 202 00:16:08,760 --> 00:16:10,740 en apparence contradictoires,  203 00:16:11,460 --> 00:16:15,580 et c'est ce que résume Eugène Rouher,  ancien ministre de Napoléon III 204 00:16:15,680 --> 00:16:22,320 et personnalité éminente du Second Empire, dans une lettre du 11 janvier 1873 :  205 00:16:22,520 --> 00:16:29,720 "Suffrage universel et Napoléon sont seuls  synonymes de démocratie et de stabilité". 206 00:16:32,100 --> 00:16:35,560 Pour les Républicains comme pour une partie des Royalistes,  207 00:16:35,860 --> 00:16:39,280 l'adversaire commun est désormais le bonapartisme. 208 00:16:40,040 --> 00:16:46,120 Et on va donc assister à un rapprochement entre les Républicains modérés et les Orléanistes,  209 00:16:46,340 --> 00:16:48,920 c'est-à-dire un rapprochement des centres. 210 00:16:50,090 --> 00:16:51,220 Comme par enchantement, 211 00:16:51,300 --> 00:16:55,620 les Républicains cessent de contester le pouvoir constituant de l'Assemblée. 212 00:16:56,460 --> 00:16:59,580 Il y a un retournement très net par exemple chez Gambetta. 213 00:16:59,760 --> 00:17:03,100 Gambetta, dont on connaît les talents d'orateur, 214 00:17:03,100 --> 00:17:06,340 et qui était un ardent défenseur de la cause républicaine, 215 00:17:06,380 --> 00:17:10,220 cesse de dénoncer une Assemblée anti démocratique 216 00:17:10,380 --> 00:17:15,740 et se positionne contre la dissolution de l'Assemblée. 217 00:17:16,140 --> 00:17:21,420 Et quand un député de droite lui rappelle sa comparaison entre cette Assemblée 218 00:17:21,660 --> 00:17:25,620 et un cadavre attendant un fossoyeur, Gambetta lui répond : 219 00:17:25,760 --> 00:17:30,420 "Eh bien si vous voulez éviter le fossoyeur,  mariez-vous avec la République". 220 00:17:32,380 --> 00:17:37,180 Mais tout l'enjeu du rapprochement entre Républicains et Royalistes 221 00:17:37,340 --> 00:17:40,720 porte justement sur la nature du régime. 222 00:17:41,640 --> 00:17:45,400 Les deux tendances politiques sont d'accord pour s'allier contre les Bonapartistes 223 00:17:45,400 --> 00:17:50,520 mais ne sont pas d'accord sur le contenu de l'alternative centriste 224 00:17:50,560 --> 00:17:52,040 qu'il faut mettre en place. 225 00:17:52,560 --> 00:17:57,880 Va-t-on préférer un régime républicain modéré ou une monarchie ? 226 00:17:58,290 --> 00:18:03,380 C'est ce qui est âprement débattu à l'occasion des discussions sur le projet 227 00:18:03,600 --> 00:18:10,960 que la Commission des Trente remet  enfin à l'Assemblée le 21 janvier 1875. 228 00:18:12,480 --> 00:18:15,980 3 : le projet de la commission. 229 00:18:18,020 --> 00:18:23,160 Ce projet est examiné entre le 21 et le 30 janvier 1875. 230 00:18:24,230 --> 00:18:27,060 Le rapporteur de la Commission, Louis de Ventavon, 231 00:18:27,720 --> 00:18:30,920 présente le résultat des travaux soumis à l'Assemblée 232 00:18:31,320 --> 00:18:34,880 en soulignant qu'il s'agit de proposer des structures provisoires. 233 00:18:35,540 --> 00:18:36,275 Je cite : 234 00:18:36,925 --> 00:18:41,400 "Ce n'est pas à vrai dire une Constitution que j'ai l'honneur de vous rapporter, 235 00:18:41,760 --> 00:18:46,840 ce nom ne convient qu'aux institutions fondées pour un avenir indéfini. 236 00:18:47,780 --> 00:18:54,020 Il s'agit simplement aujourd'hui d'organiser des pouvoirs temporaires, les pouvoirs d'un homme". 237 00:18:55,860 --> 00:19:00,620 Cette dernière phrase, les pouvoirs d'un homme, situe l'enjeu des débats. 238 00:19:01,740 --> 00:19:05,180 Le projet vient compléter la loi du septennat,  239 00:19:05,480 --> 00:19:08,900 elle-même temporaire et taillée sur mesure pour Mac Mahon. 240 00:19:09,540 --> 00:19:12,980 Il n'est pas question de se prononcer sur la nature du régime 241 00:19:13,260 --> 00:19:15,600 ni d'envisager des institutions pérennes. 242 00:19:18,120 --> 00:19:23,380 Pour la droite, la loi du septennat qui fixait les pouvoirs de Mac Mahon pour sept ans 243 00:19:23,980 --> 00:19:28,220 est considérée comme une loi constitutionnelle et donc irrévocable. 244 00:19:29,240 --> 00:19:31,600 Du coup, les légitimistes s'insurgent. 245 00:19:32,390 --> 00:19:38,560 La loi du septennat ferme la porte à la monarchie en empêchant le successeur au trône, 246 00:19:38,600 --> 00:19:44,220 le comte de Chambord, d'accéder au pouvoir puisqu'on pourra lui opposer le délai de sept ans. 247 00:19:45,670 --> 00:19:48,520 On retrouve la querelle avec les Orléanistes  248 00:19:48,520 --> 00:19:51,440 qui étaient accusés d'avoir trompé les légitimistes 249 00:19:51,440 --> 00:19:53,880 en empêchant le retour au pouvoir des Bourbon. 250 00:19:55,670 --> 00:20:00,480 Les Orléanistes de leur côté se défendent par la voix du duc de Broglie en faisant valoir 251 00:20:00,480 --> 00:20:04,200 que la prorogation pour sept ans des pouvoirs de Mac Mahon 252 00:20:04,640 --> 00:20:08,140 ne visait qu'à offrir à la France une période de sécurité. 253 00:20:09,420 --> 00:20:13,520 Les Orléanistes sont surtout attachés à l'organisation des pouvoirs 254 00:20:13,780 --> 00:20:16,980 au profit d'une personne déterminée, Mac Mahon,  255 00:20:17,320 --> 00:20:23,620 dont ils sont sûrs et donc ils veulent imposer l'idée d'un septennat personnel. 256 00:20:23,620 --> 00:20:28,320 Et c'est le sens de la référence de Ventavon au pouvoir d'un homme, 257 00:20:28,380 --> 00:20:31,920 c'est-à-dire au pouvoir de cet homme,  en l'occurrence Mac Mahon, 258 00:20:31,920 --> 00:20:36,820 mais il s'agit de maintenir une personnification de la fonction du Président. 259 00:20:39,400 --> 00:20:42,940 Pour la gauche, la loi de 1873,  260 00:20:42,940 --> 00:20:47,140 la loi sur le septennat est bien sûr opposable aux Monarchistes 261 00:20:47,500 --> 00:20:52,700 et elle garantit la République pour sept ans, mais, pensent les Républicains, 262 00:20:52,780 --> 00:20:58,060 il faut établir dans les nouvelles institutions un septennat impersonnel 263 00:20:58,320 --> 00:21:03,360 et des institutions pérennes pour cristalliser la forme républicaine 264 00:21:03,680 --> 00:21:07,760 à la fois par l'anonymat de la fonction présidentielle 265 00:21:07,920 --> 00:21:11,000 et par la durée indéterminée des institutions. 266 00:21:12,140 --> 00:21:17,440 Et les républicains critiquent la neutralité de la rédaction de l'article 1er du projet 267 00:21:17,560 --> 00:21:18,860 présenté par la Commission,  268 00:21:19,560 --> 00:21:24,680 qui évoque l'organisation du pouvoir législatif sans utiliser le mot "République". 269 00:21:25,540 --> 00:21:31,500 L'article 1er est ainsi rédigé : "Le pouvoir législatif s'exerce par deux Assemblées,  270 00:21:31,760 --> 00:21:33,820 la Chambre des députés et le Sénat". 271 00:21:34,960 --> 00:21:40,080 Toutes les discussions sur le projet vont donc porter sur l'utilisation du mot "République" 272 00:21:40,420 --> 00:21:43,380 qui est revendiqué à gauche et écarté à droite. 273 00:21:44,440 --> 00:21:49,700 Laboulaye propose le 28 janvier un amendement à l'article 1er,  274 00:21:49,900 --> 00:21:51,550 rédigé de la manière suivante : 275 00:21:51,750 --> 00:21:56,980 "Le gouvernement de la République se compose de deux chambres et d'un président". 276 00:21:57,980 --> 00:22:01,000 Et il reprend ainsi textuellement une proposition 277 00:22:01,000 --> 00:22:05,480 qui avait été faite environ six mois plus tôt en juillet 1874 278 00:22:05,880 --> 00:22:11,040 par le député Casimir Perier, et rejetée à une courte majorité,  279 00:22:11,320 --> 00:22:16,040 369 voix contre 341, donc un écart de 28 voix. 280 00:22:17,460 --> 00:22:23,400 L'amendement Laboulaye est lui aussi rejeté par 359 voix contre 336, 281 00:22:23,480 --> 00:22:26,200 c'est-à-dire par un écart de 23 voix. 282 00:22:27,820 --> 00:22:29,360 L'écart se resserre certes, 283 00:22:29,560 --> 00:22:34,240 mais on voit bien que c'est le mot "République" qui suscite la crispation. 284 00:22:34,380 --> 00:22:37,620 Et tant que ce mot figurera dans un amendement,  285 00:22:37,920 --> 00:22:41,400 il sera rejeté par les Royalistes et les Bonapartistes. 286 00:22:42,280 --> 00:22:47,980 Il faut donc trouver un moyen de contourner cette situation et de sortir de l'impasse. 287 00:22:48,370 --> 00:22:52,460 Ce moyen, il sera trouvé par le député Henri Wallon.