1 00:00:05,040 --> 00:00:08,940 Nous avons vu que le droit international demande au droit 2 00:00:09,140 --> 00:00:14,970 interne de s'adapter et il le laisse choisir la technique qu'il emprunte, 3 00:00:15,170 --> 00:00:18,690 le droit interne, pour s'adapter à l'obligation internationale. 4 00:00:18,990 --> 00:00:22,260 Nous pouvons regarder maintenant quelles sont les techniques 5 00:00:22,460 --> 00:00:28,800 effectivement empruntées par les différentes constitutions nationales 6 00:00:29,010 --> 00:00:31,890 pour s'adapter au droit international. 7 00:00:32,090 --> 00:00:37,170 Paragraphe 2 : les techniques d'adaptation au droit international 8 00:00:37,470 --> 00:00:42,180 et nous étudierons essentiellement le cas du droit français. 9 00:00:44,160 --> 00:00:46,830 Mais d'abord, avant de rentrer dans le détail du droit français, 10 00:00:47,070 --> 00:00:53,670 évoquons très rapidement les modèles possibles, le modèle le dit moniste 11 00:00:54,330 --> 00:00:55,890 et le modèle dit dualiste. 12 00:00:56,090 --> 00:00:58,440 A : les modèles, monisme et dualisme. 13 00:01:01,170 --> 00:01:10,440 On appelle moniste le système constitutionnel qui renvoie au 14 00:01:10,640 --> 00:01:17,340 droit international et fixe un statut constitutionnel pour les 15 00:01:17,540 --> 00:01:20,500 règles internationales, un statut constitutionnel en droit interne, 16 00:01:20,700 --> 00:01:24,630 peu importe le niveau qui est donné, législatif ou supra législatif, 17 00:01:24,830 --> 00:01:30,120 etc., mais il fixe un statut pour le droit international et le droit 18 00:01:30,320 --> 00:01:36,600 international n'a pas à être reproduit par des lois nationales, 19 00:01:36,800 --> 00:01:40,260 par des décrets nationaux, il suffit qu'il existe en tant 20 00:01:40,460 --> 00:01:44,790 que droit international et que, tout au plus, il soit publié en 21 00:01:44,990 --> 00:01:49,560 droit interne pour qu'il devienne connu et il aura le statut que 22 00:01:49,760 --> 00:01:51,000 lui réserve la Constitution. 23 00:01:51,250 --> 00:01:54,910 C'est la solution de l'article 55, on va le voir de plus près, 24 00:01:55,110 --> 00:01:57,780 de la Constitution française, qui est réputé comme un système 25 00:01:58,290 --> 00:02:01,590 comme ayant adopté une solution de type moniste. 26 00:02:03,360 --> 00:02:08,490 On oppose à ce système le système dualiste dans lequel le droit 27 00:02:08,690 --> 00:02:11,190 international n'a pas un statut unique. 28 00:02:12,720 --> 00:02:18,390 Il a le statut que lui confère l'acte de transposition. 29 00:02:18,780 --> 00:02:24,210 Il faut un acte interne pour obliger les autorités nationales à exécuter 30 00:02:24,750 --> 00:02:32,460 telle ou telle autre obligation internationale et la valeur de 31 00:02:32,660 --> 00:02:36,300 l'obligation internationale dépendra de l'acte interne qui est utilisé 32 00:02:36,500 --> 00:02:37,350 pour la transposer. 33 00:02:37,770 --> 00:02:41,070 Si elle est transposée par une loi, il aura valeur législative, 34 00:02:41,310 --> 00:02:44,040 si elle est transposée par un acte administratif, il aura valeur 35 00:02:44,240 --> 00:02:47,190 administrative, si elle est transposée par un acte constitutionnel, 36 00:02:47,550 --> 00:02:48,780 il aura valeur constitutionnelle. 37 00:02:51,450 --> 00:02:53,640 Voilà comment on oppose ces deux systèmes. 38 00:02:53,840 --> 00:02:56,700 Alors d'abord, on l'a compris, ces deux systèmes sont également 39 00:02:56,900 --> 00:02:59,040 compatibles avec le droit international. 40 00:02:59,240 --> 00:03:02,880 Le droit international, de ce côté-là, il accepte parfaitement 41 00:03:03,080 --> 00:03:09,500 la solution moniste comme la solution dualiste du moment où elles aboutissent 42 00:03:09,700 --> 00:03:12,690 effectivement à l'exécution du droit international. 43 00:03:12,890 --> 00:03:16,170 Ce qui compte, c'est si on arrive, oui ou non par ces systèmes, 44 00:03:16,500 --> 00:03:18,720 à exécuter l'engagement international. 45 00:03:19,710 --> 00:03:26,490 Donc les deux sont compatibles avec le droit international et 46 00:03:26,690 --> 00:03:32,460 d'ailleurs, l'expérience ne démontre pas que le monisme serait plus 47 00:03:32,660 --> 00:03:34,710 efficace que le dualisme. 48 00:03:35,490 --> 00:03:38,970 L'observation sociologique ne l'établit pas, dans les États monistes, 49 00:03:39,240 --> 00:03:41,680 il y a des traités qui ne sont pas appliquées parce qu'on dit 50 00:03:41,880 --> 00:03:44,550 qu'ils ne sont pas d'effet direct ou parce qu'on ne les a pas publiés 51 00:03:44,880 --> 00:03:48,710 pour plein de raisons, alors que dans des États dualistes, 52 00:03:51,090 --> 00:03:53,850 ces mêmes traités peuvent être parfaitement appliqués s'ils ont 53 00:03:54,050 --> 00:03:57,330 fait l'objet d'une loi de transposition respectée. 54 00:03:58,500 --> 00:04:04,050 Donc la réalité sociologique et le droit ne sont pas en faveur 55 00:04:04,250 --> 00:04:08,430 d'un système comme de l'autre, c'est un choix constitutionnel 56 00:04:08,730 --> 00:04:09,490 national. 57 00:04:09,690 --> 00:04:11,160 Ce qui est intéressant, c'est aussi que ce choix 58 00:04:11,360 --> 00:04:16,350 constitutionnel n'est pas univoque, c'est-à-dire qu'on dit de la France 59 00:04:16,550 --> 00:04:21,510 qu'elle est un système moniste, on l'oppose au système britannique, 60 00:04:21,750 --> 00:04:24,480 au système américain, au système italien, au système 61 00:04:24,680 --> 00:04:29,730 allemand qui sont des systèmes dualistes mais quand il s'agit, 62 00:04:29,930 --> 00:04:33,390 par exemple, et c'est parce qu'on pense au traité, mais quand il s'agit, 63 00:04:33,590 --> 00:04:38,400 par exemple, de la coutume, on trouve des solutions monistes 64 00:04:38,730 --> 00:04:44,700 appliquées à la coutume au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Italie, 65 00:04:44,900 --> 00:04:48,390 etc., c'est-à-dire qu'un État qui est entre guillemets "dualiste" 66 00:04:48,590 --> 00:04:51,210 pour les traités peut être moniste pour la coutume. 67 00:04:51,420 --> 00:04:54,990 Et quand on compare le traitement de la coutume en France ou au 68 00:04:55,190 --> 00:04:58,560 Royaume-Uni, dans la France moniste par rapport au Royaume-Uni dualiste, 69 00:04:58,830 --> 00:05:02,960 il n'est pas sûr du tout que le statut, d'ailleurs ce n'est pas le cas, 70 00:05:03,200 --> 00:05:06,830 le statut de la coutume en France est certainement, la coutume 71 00:05:07,030 --> 00:05:10,730 internationale est certainement moins confortable, du moins en théorie, 72 00:05:10,930 --> 00:05:14,870 que le statut conféré au Royaume-Uni. 73 00:05:15,380 --> 00:05:21,490 Donc on a deux modèles théoriques, moniste et dualiste. 74 00:05:22,310 --> 00:05:26,300 On a des solutions nuancées dans la pratique, et puis on a surtout 75 00:05:26,660 --> 00:05:32,690 une indifférence de principe du droit international qui admet les 76 00:05:32,890 --> 00:05:41,930 deux systèmes du moment où on aboutit à l'exécution, à la bonne exécution 77 00:05:42,650 --> 00:05:44,030 de l'engagement international. 78 00:05:45,650 --> 00:05:51,530 On peut dire quelques mots maintenant, B, sur le droit français consacré 79 00:05:51,730 --> 00:05:56,780 aux traités internationaux, le droit français relatif à 80 00:05:56,980 --> 00:05:59,270 l'adaptation aux traités internationaux. 81 00:06:00,530 --> 00:06:04,970 C'est l'article 55 de la Constitution française qui vise les traités 82 00:06:05,170 --> 00:06:08,330 ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés donc les traités 83 00:06:08,530 --> 00:06:12,850 internationaux et ils ont régulièrement ratifié ou approuvé, 84 00:06:13,050 --> 00:06:18,170 ils ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, 85 00:06:18,590 --> 00:06:23,120 sous réserve pour chaque traité ou accord de son application par 86 00:06:23,320 --> 00:06:24,080 l'autre partie. 87 00:06:24,280 --> 00:06:29,420 Donc il y a plusieurs conditions dans l'article 55 pour bénéficier 88 00:06:29,870 --> 00:06:32,690 de l'autorité spécifique reconnue au traité. 89 00:06:33,140 --> 00:06:37,340 Il faut d'abord que le traité soit publié au Journal Officiel. 90 00:06:37,760 --> 00:06:39,890 C'est une opération factuelle. 91 00:06:40,610 --> 00:06:41,660 Il faut qu'il soit publié. 92 00:06:41,860 --> 00:06:46,480 Il faut qu'il figure au Journal Officiel et puis à un jour franc, 93 00:06:46,820 --> 00:06:57,170 il sera opposable, dont le terme du Code civil, mais on l'a vu aussi, 94 00:06:57,380 --> 00:07:00,620 la jurisprudence considère que la publication n'est pas seulement 95 00:07:00,820 --> 00:07:03,980 une opération matérielle, c'est aussi une décision de publier, 96 00:07:04,180 --> 00:07:07,940 une décision juridique et on a vu que cette décision juridique 97 00:07:08,690 --> 00:07:14,060 était entachée de nullité si le traité n'était pas régulièrement 98 00:07:14,260 --> 00:07:19,460 ratifié, c'est-à-dire plus exactement si le traité était accepté par 99 00:07:19,660 --> 00:07:24,470 la France sans autorisation législative, dans un cas où 100 00:07:24,670 --> 00:07:29,030 l'autorisation législative était exigée par l'article 53 de la 101 00:07:29,230 --> 00:07:33,980 Constitution, c'est l'arrêt Blotzheim qu'on a déjà rencontré du 18 décembre 102 00:07:34,180 --> 00:07:39,020 1998, société à responsabilité limitée du parc d'activité de 103 00:07:39,220 --> 00:07:39,980 Blotzheim. 104 00:07:40,310 --> 00:07:46,670 Le traité, qui entre dans le domaine de l'article 53 et qui n'est pas 105 00:07:46,870 --> 00:07:51,590 autorisé par le législateur, ne peut pas être régulièrement publié. 106 00:07:51,830 --> 00:07:55,500 S'il est publié, le décret de publication est vicié. 107 00:07:59,810 --> 00:08:04,970 Le traité publié doit être appliqué 108 00:08:05,170 --> 00:08:06,500 par l'autre partie. 109 00:08:08,720 --> 00:08:11,930 Et sur ce point, il y a une jurisprudence un peu hésitante 110 00:08:12,320 --> 00:08:16,250 et en France, avec des divergences de points de vue suivant les 111 00:08:16,450 --> 00:08:17,210 juridictions. 112 00:08:17,410 --> 00:08:20,870 Le Conseil constitutionnel, mais qui n'est pas celui qui applique 113 00:08:21,070 --> 00:08:23,750 les traités, mais le Conseil constitutionnel a été d'avis, 114 00:08:24,350 --> 00:08:29,060 dans sa décision consacrée au traité portant statut de la Cour pénale 115 00:08:29,260 --> 00:08:35,900 internationale le 22 janvier 1999, que les traités consacrés à la 116 00:08:36,100 --> 00:08:39,920 protection de la personne humaine n'étaient pas soumis à réciprocité. 117 00:08:40,640 --> 00:08:44,420 On ne pouvait pas utiliser la réciprocité pour justifier leur 118 00:08:44,630 --> 00:08:49,610 inexécution et on sait, du point de vue du droit international, 119 00:08:49,810 --> 00:08:52,910 qu'effectivement, l'exception d'inexécution n'est pas applicable 120 00:08:53,840 --> 00:08:56,090 au traité qui protège la personne humaine. 121 00:08:56,440 --> 00:08:59,570 Donc il y a quelque logique dans la position du Conseil constitutionnel, 122 00:08:59,770 --> 00:09:01,940 mais ce n'est pas lui qui est compétent. 123 00:09:03,350 --> 00:09:08,810 La Cour de cassation a une position qui est elle, en parfaite logique 124 00:09:09,010 --> 00:09:11,270 avec les procédures du droit international. 125 00:09:11,470 --> 00:09:14,840 En droit international, si un État n'exécute pas un traité, 126 00:09:15,040 --> 00:09:21,020 cela donne aux autres États la faculté d'invoquer la réciprocité 127 00:09:21,380 --> 00:09:23,210 pour suspendre ses propres engagements. 128 00:09:23,480 --> 00:09:28,310 Mais c'est une faculté dans certains cas, et c'est à l'exécutif, 129 00:09:28,510 --> 00:09:32,420 c'est à l'État d'apprécier sa stratégie, exception d'inexécution, 130 00:09:32,660 --> 00:09:35,360 mise en cause de la responsabilité ou autre. 131 00:09:36,980 --> 00:09:41,360 Et c'est donc en relative cohérence que la Cour de cassation a une 132 00:09:41,560 --> 00:09:45,830 jurisprudence, qu'on appelle la jurisprudence Kryla du 6 mars 1984, 133 00:09:48,320 --> 00:09:54,410 reprise depuis, la jurisprudence Kryla, qui considère que si le ministère 134 00:09:54,610 --> 00:09:57,110 des Affaires étrangères n'a pas dénoncé le traité, s'il n'a pas 135 00:09:57,310 --> 00:10:01,550 invoqué l'exception d'inexécution, il est présumé appliqué par l'autre 136 00:10:01,750 --> 00:10:02,510 partie. 137 00:10:03,620 --> 00:10:10,430 Le Conseil d'État a voulu décider autrement et il a voulu, 138 00:10:11,870 --> 00:10:16,460 pour chaque cas d'espèce pour lequel la réciprocité serait contestée 139 00:10:16,660 --> 00:10:21,440 devant lui, a voulu saisir le ministère des Affaires étrangères. 140 00:10:21,740 --> 00:10:30,500 Il avait fait dans un arrêt Rekhou de 1981 qu'il avait maintenu contre 141 00:10:30,700 --> 00:10:35,420 l'avis de la doctrine en 1999, dans l'affaire Chevrol-Benkeddach. 142 00:10:37,700 --> 00:10:41,870 La doctrine reprochait au Conseil d'État de faire parfois de l'État 143 00:10:42,070 --> 00:10:49,340 juge et partie parce que le gouvernement va apprécier la 144 00:10:49,540 --> 00:10:53,330 réciprocité, mais le gouvernement est lui-même éventuellement partie 145 00:10:53,660 --> 00:10:57,020 au procès, à la procédure devant le Conseil d'État, donc il y a 146 00:10:57,220 --> 00:11:01,370 un risque d'interférence de l'exécutif dans la procédure judiciaire. 147 00:11:01,790 --> 00:11:07,910 Et la critique, de ce côté-là, la critique doctrinale est apparue 148 00:11:08,840 --> 00:11:11,300 a posteriori bien fondée parce que la Cour européenne des droits 149 00:11:11,500 --> 00:11:15,470 de l'homme a condamné la France pour cette position en 2003, 150 00:11:15,710 --> 00:11:18,110 dans l'affaire Chevrol contre France. 151 00:11:19,790 --> 00:11:26,180 Le Conseil d'État a pourtant maintenu et continue de maintenir sa position, 152 00:11:26,570 --> 00:11:32,390 qui consiste à renvoyer au ministère des Affaires étrangères simplement, 153 00:11:34,820 --> 00:11:39,260 au titre du droit au procès équitable, il estime pouvoir respecter le 154 00:11:39,460 --> 00:11:43,760 droit au procès équitable en organisant une procédure contradictoire à 155 00:11:43,960 --> 00:11:46,430 partir de l'avis du ministre des Affaires étrangères. 156 00:11:46,700 --> 00:11:50,350 Il y aurait la possibilité de la contradiction par la personne qui 157 00:11:50,550 --> 00:11:55,330 est partie à la procédure et par l'État dont le comportement serait 158 00:11:55,530 --> 00:11:57,830 en cause, l'État qui n'appliquerait pas le traité. 159 00:11:58,030 --> 00:12:03,180 Évidemment, c'est très théorique parce qu'on n'imagine pas et ça 160 00:12:03,380 --> 00:12:07,370 n'arrive pas que l'État étranger vienne en quelque sorte se justifier 161 00:12:07,570 --> 00:12:10,250 devant le juge français dans une procédure à laquelle il serait tiers. 162 00:12:11,090 --> 00:12:14,990 Mais enfin voilà, c'est la solution actuelle depuis l'arrêt de 2010, 163 00:12:15,190 --> 00:12:17,120 Madame Souad Cheriet-Benseghir. 164 00:12:20,000 --> 00:12:26,210 Les traités, ont, vous le savez, une autorité supérieure à celle 165 00:12:26,540 --> 00:12:32,300 des lois, ce qui veut dire qu'ils s'imposent, par rapport naturellement 166 00:12:32,500 --> 00:12:35,870 aux actes administratifs, y compris les décrets, 167 00:12:36,080 --> 00:12:41,600 c'est l'arrêt de 1952 Dame Kirkwood, et ils s'imposent par rapport à la loi, 168 00:12:42,260 --> 00:12:44,120 même postérieure. 169 00:12:48,860 --> 00:12:55,310 On sait que le Conseil constitutionnel avait refusé le 15 janvier 1975, 170 00:12:55,510 --> 00:12:59,840 dans la décision IVG, avait refusé de contrôler, 171 00:13:00,040 --> 00:13:05,000 lui, le respect du traité par la loi postérieure et il avait ainsi 172 00:13:05,200 --> 00:13:07,850 renvoyé cette mission au juge ordinaire. 173 00:13:08,130 --> 00:13:12,890 Et on sait que la Cour de cassation, dès 1975, tout de suite après la 174 00:13:13,090 --> 00:13:18,140 décision du Conseil constitutionnel, dès 1975, a accepté de faire primer 175 00:13:18,410 --> 00:13:24,890 le traité sur la loi postérieure alors que le Conseil d'État ne 176 00:13:25,090 --> 00:13:29,630 l'a pas entendu et il a maintenu sa vieille jurisprudence jusqu'au 177 00:13:29,830 --> 00:13:37,510 20 octobre 1989, le très connu arrêt Nicolo, qui se range enfin 178 00:13:37,710 --> 00:13:44,720 à cette analyse et fait primer, là, le traité sur la loi postérieure, 179 00:13:44,920 --> 00:13:46,280 même sur la loi postérieure au traité. 180 00:13:48,260 --> 00:13:51,290 S'agissant des rapports entre le traité et la Constitution, 181 00:13:51,490 --> 00:13:55,160 il y a un peu de confusion parce que le principe est tout simplement 182 00:13:55,520 --> 00:14:00,020 que le contrôle de constitutionnalité est un contrôle a priori, 183 00:14:00,410 --> 00:14:05,090 notamment par l'article 54 de la Constitution, et une fois que le 184 00:14:05,290 --> 00:14:07,910 traité est en vigueur, il n'appartient pas au juge de 185 00:14:08,110 --> 00:14:11,000 contrôler qu'il serait ou non conforme à la Constitution. 186 00:14:11,350 --> 00:14:17,540 Donc le principe est que la conformité 187 00:14:17,740 --> 00:14:20,090 du traité à la Constitution n'est pas très appréciée, point. 188 00:14:21,440 --> 00:14:25,640 En quelque sorte, le traité fait écran, on ne contrôle pas sa conformité 189 00:14:25,840 --> 00:14:26,600 à la Constitution. 190 00:14:27,470 --> 00:14:33,440 Mais on a créé, la jurisprudence a créé, la jurisprudence du Conseil d'État 191 00:14:33,830 --> 00:14:39,500 a créé trois limites, une fausse limite, c'est l'arrêt, 192 00:14:39,700 --> 00:14:42,710 et trois entorses aux conséquences incertaines. 193 00:14:46,110 --> 00:14:51,080 La première n'est pas une vraie entorse, c'est l'arrêt Sarran de 1998, 194 00:14:51,280 --> 00:14:55,820 qui considère simplement que si un décret se contente de faire 195 00:14:56,020 --> 00:14:59,000 une exacte application de la Constitution, on ne peut pas lui 196 00:14:59,200 --> 00:15:06,290 opposer ni la loi ni les traités internationaux parce que le décret 197 00:15:06,490 --> 00:15:09,170 se contente de faire exacte application de la Constitution. 198 00:15:09,370 --> 00:15:11,690 C'est donc cette fois-ci tout simplement la Constitution qui 199 00:15:11,890 --> 00:15:14,030 fait écran par rapport au traité et la loi. 200 00:15:16,220 --> 00:15:20,420 Il ne contrôle pas la conformité, le Conseil d'État ne contrôle pas 201 00:15:20,620 --> 00:15:23,870 la conformité des traités à la Constitution, il ne contrôle pas 202 00:15:24,070 --> 00:15:25,910 non plus la conformité de la Constitution aux traités. 203 00:15:26,450 --> 00:15:28,310 Donc l'arrêt Sarran n'est pas une vraie entorse. 204 00:15:28,510 --> 00:15:37,190 L'entorse, c'est l'arrêt Koné de 1996, l'arrêt Koné qui permet de refuser 205 00:15:37,640 --> 00:15:43,040 l'extradition, obligatoire en vertu d'un traité, qui permet de refuser 206 00:15:43,240 --> 00:15:48,470 la Constitution sur la base d'un principe fondamental découvert 207 00:15:48,670 --> 00:15:51,020 par le Conseil d'État, un principe fondamental reconnu 208 00:15:51,220 --> 00:15:51,980 par les lois de la République. 209 00:15:52,240 --> 00:15:56,990 Donc on utilise la Constitution pour refuser l'exécution du traité 210 00:15:57,230 --> 00:15:58,130 d'extradition. 211 00:15:59,910 --> 00:16:06,750 C'est très problématique du point de vue du statut des traités en 212 00:16:06,950 --> 00:16:07,710 droit français. 213 00:16:07,910 --> 00:16:10,790 Là, il y a une première entorse, vraie entorse. 214 00:16:10,990 --> 00:16:15,000 La deuxième, sur la troisième entorse, mais la deuxième vraie entorse, 215 00:16:15,300 --> 00:16:21,270 c'est l'arrêt récent du Conseil d'État du 21 avril 2021 French 216 00:16:21,480 --> 00:16:28,940 Data Network, adopté dans le contexte du droit européen et qui, 217 00:16:30,140 --> 00:16:35,360 par cet arrêt, le Conseil d'État considère que si une règle 218 00:16:35,560 --> 00:16:39,110 constitutionnelle française n'a pas une protection équivalente 219 00:16:39,410 --> 00:16:47,090 de l'ordre européen en droit européen, alors on ne pourrait pas opposer 220 00:16:47,510 --> 00:16:51,620 à une loi française conforme à ce principe constitutionnel une 221 00:16:51,820 --> 00:16:55,310 règle européenne n'offrant pas la même protection. 222 00:16:55,510 --> 00:17:00,740 M'enfin, le résultat pratique est bien la mise à l'écart de la 223 00:17:00,940 --> 00:17:08,090 disposition européenne, la non-utilisation de la disposition 224 00:17:08,290 --> 00:17:14,060 européenne sur le fondement de la Constitution, ce qui ouvre des 225 00:17:14,260 --> 00:17:18,500 perspectives et des risques certains s'agissant des relations, 226 00:17:18,800 --> 00:17:24,410 s'agissant de la bonne exécution du droit européen avec les risques 227 00:17:24,650 --> 00:17:29,450 de mise en cause à travers l'action en manquement et les autres procédures 228 00:17:29,720 --> 00:17:30,500 du droit européen. 229 00:17:30,700 --> 00:17:36,930 Car, ne l'oublions pas, le droit international, 230 00:17:37,130 --> 00:17:41,610 comme le droit européen, est au fond, pour lui, 231 00:17:41,810 --> 00:17:43,380 ce qui compte est le résultat. 232 00:17:43,740 --> 00:17:48,750 Si on n'exécute pas l'obligation internationale, eh bien le droit 233 00:17:49,080 --> 00:17:53,190 constitutionnel national n'est qu'un fait qui n'a pas permis la 234 00:17:53,390 --> 00:17:56,880 bonne exécution de l'obligation internationale et donc qui expose 235 00:17:57,090 --> 00:18:00,330 à la mise en cause de la responsabilité de l'État. 236 00:18:03,720 --> 00:18:08,700 Le juge français se reconnaît le 237 00:18:08,900 --> 00:18:16,710 pouvoir d'interpréter les traités sans avoir besoin de l'avis, 238 00:18:17,070 --> 00:18:20,460 l'interprétation du ministère des Affaires étrangères. 239 00:18:20,910 --> 00:18:25,860 Le juge français se reconnaît ce pouvoir. 240 00:18:26,310 --> 00:18:32,190 Il le fait sous la pression historique du juge européen. 241 00:18:32,580 --> 00:18:37,920 Il le fait depuis le 29 juin 1990, le Conseil d'État dans un arrêt 242 00:18:38,130 --> 00:18:46,380 GISTI et la Cour de cassation depuis 1995, dans une affaire Banque africaine 243 00:18:46,620 --> 00:18:47,730 de développement. 244 00:18:52,530 --> 00:18:58,290 Le Conseil d'État considère également, au titre de son interprétation 245 00:18:58,490 --> 00:19:03,330 qu'il peut lui arriver de découvrir que deux engagements internationaux 246 00:19:03,530 --> 00:19:04,770 seraient contradictoires. 247 00:19:05,700 --> 00:19:11,190 C'est l'arrêt rendu en 2011 dans l'affaire Eduardo-José Kandyrine 248 00:19:12,510 --> 00:19:16,980 de Brito Paiva, arrêt bien connu. 249 00:19:17,190 --> 00:19:20,010 Mais nous savons qu'en droit international, s'il y a des engagements 250 00:19:20,210 --> 00:19:25,290 contradictoires qui ne s'appliquent pas aux mêmes parties, 251 00:19:25,490 --> 00:19:28,170 vis-à-vis d'États différents, il y a effectivement un risque 252 00:19:28,440 --> 00:19:31,740 d'engagement de la responsabilité internationale. 253 00:19:32,040 --> 00:19:35,460 Tout ce que peut faire au titre de l'interprétation le juge national, 254 00:19:35,660 --> 00:19:38,130 c'est d'essayer d'éviter les contradictions. 255 00:19:38,580 --> 00:19:40,620 Le Conseil d'État imagine une autre règle. 256 00:19:40,820 --> 00:19:44,610 Il dit que si on ne peut pas éviter les contradictions, il faut voir 257 00:19:44,910 --> 00:19:49,230 quel est le traité sous la prise duquel a choisi de se mettre 258 00:19:49,430 --> 00:19:50,220 l'administration. 259 00:19:52,290 --> 00:19:57,150 C'est un peu étonnant comme idée et heureusement, le Conseil d'État 260 00:19:57,350 --> 00:20:01,080 lui-même n'applique pas cette idée, par exemple, s'il y a un décret 261 00:20:01,280 --> 00:20:06,120 d'extradition qui se met sous le fondement d'un traité d'extradition 262 00:20:06,320 --> 00:20:09,360 mais entre en contradiction avec la Convention européenne des droits 263 00:20:09,560 --> 00:20:13,200 de l'homme, il va bien entendu refuser et annuler le traité 264 00:20:13,400 --> 00:20:15,540 d'extradition sur le fondement de la Convention européenne des 265 00:20:15,740 --> 00:20:20,820 droits de l'homme, et obligeant 266 00:20:21,020 --> 00:20:25,080 ainsi l'exécutif à essayer d'obtenir une demande d'extradition conforme 267 00:20:25,440 --> 00:20:26,760 à la Convention européenne des droits de l'homme. 268 00:20:27,180 --> 00:20:33,210 Et voilà, ce qui n'est pas le principe que le Conseil d'État avait posé 269 00:20:33,410 --> 00:20:35,840 et il est heureux, de ce point de vue-là, qu'en un sens, 270 00:20:36,240 --> 00:20:38,940 que le Conseil d'État n'applique pas sur ce point sa propre 271 00:20:39,270 --> 00:20:40,080 jurisprudence. 272 00:20:40,440 --> 00:20:45,840 On notera pour finir que les traités internationaux ne sont pas 273 00:20:46,040 --> 00:20:49,080 nécessairement des faits directs en droit français. 274 00:20:49,440 --> 00:20:55,530 On a vu que la Cour permanente de justice internationale, 275 00:20:56,010 --> 00:21:00,000 en 1928, dans l'affaire de la compétence des tribunaux de Dantzig, 276 00:21:00,200 --> 00:21:03,930 renvoyait à l'intention des parties pour savoir si elle voulait créer 277 00:21:04,290 --> 00:21:08,550 oui ou non des droits pour les particuliers, mais on se rend compte 278 00:21:08,760 --> 00:21:11,610 que sur la base de cette jurisprudence, il y a une pratique, 279 00:21:11,910 --> 00:21:15,540 notamment du Conseil d'État, qui se révèle être un obstacle 280 00:21:15,740 --> 00:21:19,110 à l'exécution des obligations internationales acceptées par la 281 00:21:19,310 --> 00:21:27,090 France parce qu'il y a un recours fréquent, peut-être trop fréquent 282 00:21:27,390 --> 00:21:31,830 à la notion d'effet direct pour refuser l'exécution des obligations 283 00:21:32,030 --> 00:21:32,790 internationales. 284 00:21:33,080 --> 00:21:36,250 Et on peut noter d'ailleurs les contradictions de jurisprudences, 285 00:21:36,450 --> 00:21:38,970 les fluctuations qui existent en la matière. 286 00:21:39,360 --> 00:21:43,980 L'exemple historique le plus visible était celui de la Convention sur 287 00:21:44,180 --> 00:21:44,940 le droit des enfants. 288 00:21:45,660 --> 00:21:52,920 Le Conseil d'État procède au dépeçage de la Convention, il applique certaines 289 00:21:53,120 --> 00:21:54,870 dispositions, refuse d'en appliquer d'autres. 290 00:21:55,560 --> 00:21:58,890 La Cour de cassation, elle, refusait la Convention en 291 00:21:59,090 --> 00:22:06,690 bloc en 1993, dont l'arrêt Lejeune, mais depuis le 18 mai 2005, 292 00:22:06,890 --> 00:22:08,340 elle l'applique en bloc. 293 00:22:08,540 --> 00:22:15,690 Jamais, maintenant toujours, parfois, selon le Conseil d'État, 294 00:22:15,990 --> 00:22:22,350 on voit dans cet exemple emblématique les risques dans un État moniste 295 00:22:22,710 --> 00:22:25,230 lié à la notion d'effet direct.