1 00:00:05,850 --> 00:00:06,496 Bonjour. 2 00:00:07,488 --> 00:00:11,160 Prolongeons de quelques mots l'étude des différents dispositifs de lutte 3 00:00:11,200 --> 00:00:15,330 ou plus exactement de prévention des mécanismes d'évasion fiscale. 4 00:00:16,320 --> 00:00:19,344 Le droit français est outillé en réalité depuis de très nombreuses années, 5 00:00:19,392 --> 00:00:22,144 certains dispositifs remontent aux années 70 6 00:00:22,176 --> 00:00:24,112 voire même certains sont antérieurs, 7 00:00:24,330 --> 00:00:26,752 très outillé pour tenter de lutter 8 00:00:26,784 --> 00:00:29,472 en dissuadant un certain nombre de comportements 9 00:00:29,504 --> 00:00:31,552 qui peuvent être, à certains égards, 10 00:00:31,648 --> 00:00:34,656 qualifiés comme relevant de l'évasion fiscale, 11 00:00:34,688 --> 00:00:37,456 même si l'expression n'apparaît pas dans les textes. 12 00:00:37,504 --> 00:00:38,176 Et on va le voir, 13 00:00:38,270 --> 00:00:41,824 certains de ces mécanismes d'ailleurs ont trouvé des équivalents, 14 00:00:41,936 --> 00:00:45,104 soit dans des conventions signées par la France avec certains États 15 00:00:45,152 --> 00:00:49,712 donc l'autre État acceptant de jouer le jeu de ce dispositif anti-abus 16 00:00:49,840 --> 00:00:52,288 ou "anti pratique évasive", 17 00:00:52,880 --> 00:00:56,688 d'autres encore sont popularisés aujourd'hui notamment par l'OCDE 18 00:00:56,736 --> 00:01:00,352 qui encouragent l'ensemble des États à se doter de tels mécanismes 19 00:01:00,400 --> 00:01:02,896 pour lutter contre certains comportements. 20 00:01:02,928 --> 00:01:06,870 Je crois qu'on peut évoquer globalement trois types de dispositifs. 21 00:01:07,200 --> 00:01:09,536 Je vais évoquer la version française, si je puis dire, 22 00:01:09,616 --> 00:01:13,680 que l'on trouve dans le Code Général des Impôts, sachant qu'à certains égards, 23 00:01:16,080 --> 00:01:18,320 ces mécanismes se retrouvent 24 00:01:18,400 --> 00:01:20,800 dans certaines conventions fiscales bilatérales. 25 00:01:21,390 --> 00:01:23,952 C'est peut-être le dispositif le plus connu 26 00:01:23,984 --> 00:01:26,272 que l'on peut évoquer pour commencer, 27 00:01:26,336 --> 00:01:29,408 c'est l'article dit 238-A, enfin c'est son nom, 28 00:01:29,600 --> 00:01:31,632 du Code général des impôts, 29 00:01:31,710 --> 00:01:35,088 qui est un article relativement connu 30 00:01:35,120 --> 00:01:38,016 dans la mesure où c'est celui qui évoque une notion qui en réalité 31 00:01:38,160 --> 00:01:42,608 est la seule traduction juridique un peu précise de la notion de paradis fiscal. 32 00:01:42,750 --> 00:01:45,808 La notion de paradis fiscal en tant que telle n'existe pas juridiquement. 33 00:01:45,904 --> 00:01:48,928 Il y a un certain nombre de définitions d'États 34 00:01:49,020 --> 00:01:51,152 que d'autres considèrent comme paradis fiscal 35 00:01:51,200 --> 00:01:52,976 au regard de certaines caractéristiques. 36 00:01:54,016 --> 00:01:55,184 Depuis quelques années, 37 00:01:55,264 --> 00:01:58,592 l'OCDE d'une part et l'Union européenne dressent une liste 38 00:01:58,670 --> 00:02:00,768 dite des "paradis fiscaux", 39 00:02:00,800 --> 00:02:02,760 l'expression est employée en tout cas par les journalistes, 40 00:02:02,864 --> 00:02:05,424 mais qui vise uniquement à identifier des pays, 41 00:02:05,456 --> 00:02:07,120 en général des petits territoires, 42 00:02:07,248 --> 00:02:09,392 ne coopérant pas avec leurs voisins, 43 00:02:09,424 --> 00:02:11,120 notamment dans l'échange d'informations. 44 00:02:11,360 --> 00:02:16,260 C'est plus une caractéristique liée au secret bancaire des affaires 45 00:02:16,304 --> 00:02:18,816 et à l'absence de communication entre administrations fiscales. 46 00:02:19,070 --> 00:02:20,624 Ce sont plus ces critères qui sont en cause 47 00:02:20,672 --> 00:02:22,976 que des caractéristiques liées à l'impôt en tant que tel, 48 00:02:23,024 --> 00:02:24,400 notamment au taux d'imposition. 49 00:02:24,976 --> 00:02:30,320 En revanche, l'article 238-A, lui, identifie une notion, et je le cite, 50 00:02:30,944 --> 00:02:34,590 de pays ou d'États à "fiscalité privilégiée". 51 00:02:34,752 --> 00:02:36,720 L'expression est assez élégante, elle est amusante. 52 00:02:36,990 --> 00:02:41,632 Un État à fiscalité privilégiée c'est un État dans lequel, 53 00:02:41,744 --> 00:02:44,112 pour une opération, un flux donné, 54 00:02:44,256 --> 00:02:47,488 vous paierez traditionnellement moitié moins d'impôts 55 00:02:47,728 --> 00:02:50,896 que ce que vous payeriez en France pour la même opération, 56 00:02:51,104 --> 00:02:56,624 et ce taux de 50% a été modifié et à compter de 2020, 57 00:02:56,656 --> 00:02:58,576 c'est un taux de 40%. 58 00:02:58,896 --> 00:03:04,752 Si vous payez 40% en moins que ce que vous payeriez en France 59 00:03:04,930 --> 00:03:06,896 dans l'État en question pour l'opération en question, 60 00:03:07,020 --> 00:03:09,488 cet État, au titre de ladite opération, 61 00:03:09,680 --> 00:03:12,528 est considéré comme un État à fiscalité privilégiée. 62 00:03:12,576 --> 00:03:14,480 Alors qu'est-ce que cela implique-t-il ? 63 00:03:14,940 --> 00:03:17,072 Aucune norme d'interdiction. 64 00:03:18,120 --> 00:03:19,888 Il ne s'agit donc pas, encore une fois, 65 00:03:20,000 --> 00:03:22,752 véritablement d'interdire mais seulement, 66 00:03:22,816 --> 00:03:24,160 dans une logique de régulation, 67 00:03:24,368 --> 00:03:28,464 de prévenir un certain nombre de flux d'activités 68 00:03:28,512 --> 00:03:32,224 en lien avec ces États qu'on pourrait qualifier de paradis fiscaux 69 00:03:32,448 --> 00:03:35,568 ou du moins un mécanisme justement 70 00:03:35,616 --> 00:03:39,296 qui vise à limiter les rapports avec ces États, 71 00:03:39,344 --> 00:03:41,856 sauf ceux qui sont véritablement justifiés puisque, 72 00:03:41,880 --> 00:03:42,928 et c'est ça que je vous demande de retenir, 73 00:03:42,976 --> 00:03:44,240 c'est cela qui me semble intéressant, 74 00:03:44,580 --> 00:03:45,408 au bout du compte, 75 00:03:45,610 --> 00:03:50,864 cet article 238-A pose une sorte de présomption disons d'anormalité 76 00:03:50,912 --> 00:03:53,056 sur le même mode que l'acte anormal de gestion, 77 00:03:53,104 --> 00:03:55,360 que l'article 57 du CGI pour les prix de transfert, 78 00:03:56,032 --> 00:04:00,704 présomption d'anormalité des flux sortants finalement de France 79 00:04:00,784 --> 00:04:03,024 vers des États de cette nature. 80 00:04:03,072 --> 00:04:03,856 Par exemple, 81 00:04:03,952 --> 00:04:07,440 une entreprise française payant une prestation 82 00:04:07,536 --> 00:04:10,256 à une entreprise installée dans un État 83 00:04:10,400 --> 00:04:13,440 où la fiscalité est beaucoup plus faible qu'en France, 84 00:04:14,010 --> 00:04:18,672 ce flux sera présumé comme potentiellement problématique. 85 00:04:18,830 --> 00:04:21,680 L'idée en fait du législateur est que derrière ces flux, 86 00:04:21,744 --> 00:04:26,000 il y a peut-être la rémunération, dans un Etat particulier, 87 00:04:26,160 --> 00:04:27,792 d'une prestation qui n'est pas complètement due 88 00:04:27,824 --> 00:04:31,840 afin de faire fuiter des bénéfices vers cet État. 89 00:04:31,888 --> 00:04:34,710 C'est une manière potentielle en tout cas pour une entreprise française 90 00:04:35,664 --> 00:04:39,090 de verser des liquidités à l'étranger là où elles seront moins imposées, 91 00:04:39,600 --> 00:04:42,650 afin éventuellement de les récupérer par un autre biais plus tard. 92 00:04:44,430 --> 00:04:46,720 Au bout du compte, ce qu'indique cet article 238-A, 93 00:04:46,816 --> 00:04:50,096 c'est simplement une sorte de renversement de la charge de la preuve, 94 00:04:50,960 --> 00:04:54,270 dès lors que l'administration identifie un flux vers un tel État, 95 00:04:54,600 --> 00:04:55,504 elle est en droit 96 00:04:55,808 --> 00:05:01,072 de réclamer une justification spécifique de la normalité du flux, 97 00:05:01,100 --> 00:05:08,640 c'est-à-dire l'explication du motif économique de ladite transaction. 98 00:05:09,000 --> 00:05:12,128 C'est une sorte, je le répète, de renversement de la charge de la preuve, 99 00:05:12,810 --> 00:05:15,248 ça n'est plus a priori à l'administration 100 00:05:15,344 --> 00:05:17,008 de mettre en cause l'anormalité 101 00:05:17,050 --> 00:05:19,504 sur le fondement par exemple de l'acte anormal de gestion du flux, 102 00:05:19,550 --> 00:05:21,840 en contestant le fait qu'il y a bien une dépense normale 103 00:05:21,880 --> 00:05:24,480 au regard d'une prestation fournie par l'entreprise étrangère, 104 00:05:25,710 --> 00:05:28,752 dès lors que le flux est identifié vers l'État en question, 105 00:05:28,830 --> 00:05:31,104 c'est au contraire à l'entreprise de, immédiatement, 106 00:05:31,152 --> 00:05:35,904 spontanément justifier qu'il y a bien une réalité économique derrière le flux ; 107 00:05:35,984 --> 00:05:38,960 ce qui est potentiellement le cas très fréquemment, 108 00:05:39,008 --> 00:05:42,512 dès lors qu'une entreprise a des relations avec un État 109 00:05:42,560 --> 00:05:44,768 dans lequel la fiscalité est nettement plus faible qu'en France, 110 00:05:44,800 --> 00:05:49,350 ce qui tout de même n'est pas si rare que cela. 111 00:05:50,700 --> 00:05:51,552 L'idée encore une fois, 112 00:05:51,600 --> 00:05:54,864 c'est de justifier la réalité des déductions de charges 113 00:05:54,920 --> 00:05:55,952 pour les entreprises françaises 114 00:05:55,984 --> 00:05:57,424 puisqu'elles payent de l'argent à l'étranger, 115 00:05:57,488 --> 00:06:00,272 c'est une charge pour elles en France, il faut les justifier. 116 00:06:01,530 --> 00:06:04,336 Sur un mode assez proche, 117 00:06:04,432 --> 00:06:06,880 mais un tout petit peu plus offensif, si je puis dire, 118 00:06:07,360 --> 00:06:10,880 on peut évoquer le deuxième mécanisme très connu, c'est l'article 209-B. 119 00:06:11,248 --> 00:06:14,912 Le 209-B du Code général des impôts comme le qualifient les praticiens, 120 00:06:15,240 --> 00:06:19,616 là, porte sur une relation un peu particulière 121 00:06:19,904 --> 00:06:23,552 qui également est liée à des paradis fiscaux, 122 00:06:23,584 --> 00:06:26,544 c'est-à-dire des États comme je le disais à fiscalité privilégiée 123 00:06:26,592 --> 00:06:29,488 au sens de l'article 238-A, ou même dans certains, 124 00:06:29,536 --> 00:06:32,720 et c'est la deuxième catégorie de "paradis fiscaux", 125 00:06:32,784 --> 00:06:33,888 comme le disent les journalistes, 126 00:06:34,144 --> 00:06:37,680 ce sont les ETNC, États et territoires non coopératifs, 127 00:06:37,824 --> 00:06:40,592 deuxième expression qu'emploie la loi française qui là, 128 00:06:40,928 --> 00:06:42,912 vise une catégorie beaucoup plus restreinte d'États, 129 00:06:43,776 --> 00:06:46,448 comme leur nom l'indique, États non coopératifs, 130 00:06:46,550 --> 00:06:50,096 ce sont ceux qui ne jouent pas le jeu de l'échange de renseignements notamment 131 00:06:50,192 --> 00:06:52,608 et identifiés par l'administration. 132 00:06:53,680 --> 00:06:55,872 Il y en a quelques-uns, 133 00:06:57,020 --> 00:06:58,672 une dizaine identifiés 134 00:06:58,704 --> 00:07:00,670 par l'administration française actuellement, 135 00:07:00,800 --> 00:07:05,376 de tout petits États en général type îles Caïmans, type Vanuatu, 136 00:07:05,424 --> 00:07:09,152 ce genre de tout petits îlots offshore qui ne jouent pas le jeu, 137 00:07:09,200 --> 00:07:11,220 forcément en tout cas, de la coopération. 138 00:07:11,490 --> 00:07:15,984 Mais que ce soient des États à fiscalité privilégiée au sens 238-A ou ces ETNC, 139 00:07:16,080 --> 00:07:19,920 l'article 209-B indique que lorsque l'entreprise française 140 00:07:20,720 --> 00:07:23,888 contrôle une entreprise dans l'un de ces territoires, 141 00:07:24,384 --> 00:07:29,216 le principe est que les résultats, 142 00:07:29,290 --> 00:07:31,824 les bénéfices dégagés par cette entreprise 143 00:07:31,856 --> 00:07:33,344 pourtant non résidente française, 144 00:07:33,424 --> 00:07:38,144 mais installée sur un territoire de type état à fiscalité privilégiée, 145 00:07:38,304 --> 00:07:40,576 ont vocation à être imposés en France, 146 00:07:41,104 --> 00:07:45,680 et donc c'est une sorte d'extension de la souveraineté fiscale française 147 00:07:45,936 --> 00:07:49,696 à des filiales, à des sociétés contrôlées, on parle de SEC, 148 00:07:50,000 --> 00:07:53,696 sociétés étrangères contrôlées, 149 00:07:53,760 --> 00:07:56,800 par la société française et installées sur des territoires 150 00:07:56,880 --> 00:08:00,496 où le niveau d'imposition est très faible voire sur des territoires 151 00:08:00,592 --> 00:08:04,896 où le niveau de coopération administratif est nul ou à peu près nul. 152 00:08:06,870 --> 00:08:10,980 Ce mécanisme est celui qui se répand le plus dans le monde. 153 00:08:11,310 --> 00:08:15,312 De très nombreux pays justement intègrent à leur législation nationale 154 00:08:15,690 --> 00:08:20,032 ce type de dispositif dit parfois CFC, 155 00:08:20,048 --> 00:08:23,152 on parle de Controlled Foreign Companies, 156 00:08:23,180 --> 00:08:26,336 c'est-à-dire des sociétés installées à l'étranger 157 00:08:26,368 --> 00:08:30,736 et contrôlées par une société locale résidente qui va donc être imposée 158 00:08:30,760 --> 00:08:35,632 au titre des résultats bénéficiaires de cette société étrangère qu'elle contrôle, 159 00:08:35,664 --> 00:08:40,000 installée, disons-le pour simplifier, dans un paradis fiscal. 160 00:08:40,350 --> 00:08:45,450 Il se trouve que, que ce soit le 238-A ou le 209-B, en principe, 161 00:08:45,650 --> 00:08:47,616 ces mécanismes n'ont pas vocation à fonctionner 162 00:08:47,660 --> 00:08:50,384 dès lors qu'entre les deux États concernés, 163 00:08:50,416 --> 00:08:53,888 une convention fiscale bilatérale est signée puisque là, 164 00:08:53,936 --> 00:08:55,072 pour la peine évidemment, 165 00:08:55,160 --> 00:08:58,530 c'est la convention bilatérale qui va allouer le droit de taxer 166 00:08:58,592 --> 00:09:03,824 et donc c'est ce qui mettra en péril l'application de l'article 209-B. 167 00:09:03,960 --> 00:09:06,384 De même pour l'article 238-A, 168 00:09:06,912 --> 00:09:10,256 les règles justement liées à la déduction des charges, etc., 169 00:09:11,056 --> 00:09:12,880 n'ont pas vocation à être affectées 170 00:09:12,976 --> 00:09:17,376 par l'article 238-A dès lors qu'une convention bilatérale est signée, 171 00:09:17,664 --> 00:09:18,768 sauf dans des cas, 172 00:09:18,800 --> 00:09:25,120 mais qui viennent finalement compléter ces dispositifs domestiques, 173 00:09:25,200 --> 00:09:28,208 cas dans lesquels la convention bilatérale signée entre les deux États 174 00:09:28,320 --> 00:09:31,040 prévoira des dispositifs finalement équivalents, 175 00:09:31,104 --> 00:09:33,232 des dispositifs dits "anti-abus", 176 00:09:33,440 --> 00:09:37,296 qui ne stigmatisent pas l'un des deux États comme une sorte de paradis fiscal 177 00:09:37,328 --> 00:09:38,816 ou d'État à fiscalité privilégiée, 178 00:09:38,928 --> 00:09:43,952 mais qui exigent parfois un certain nombre de justifications supplémentaires 179 00:09:44,112 --> 00:09:46,336 à certaines déductions de charges, 180 00:09:47,488 --> 00:09:50,496 pour certains mouvements intéressant les deux États. 181 00:09:50,820 --> 00:09:53,504 Ce sont plus alors des dispositifs dits anti-abus 182 00:09:53,536 --> 00:09:55,152 tels que ceux que nous avons déjà vus 183 00:09:55,232 --> 00:09:56,990 lorsque nous avons étudié l'abus de droit, 184 00:09:57,024 --> 00:10:01,376 ce sont plutôt ce type de clause visant à s'assurer de la réalité des flux, 185 00:10:01,456 --> 00:10:07,490 à éviter notamment qu'un État soit un lieu d'installation 186 00:10:07,536 --> 00:10:10,400 pour une entreprise juste dans le but de bénéficier de la convention 187 00:10:10,816 --> 00:10:12,032 de façon artificielle, 188 00:10:12,080 --> 00:10:13,968 c'est plutôt pour lutter contre ce type de choses 189 00:10:14,110 --> 00:10:17,456 que ces clauses anti-abus des conventions bilatérales 190 00:10:17,504 --> 00:10:18,288 ont été mises en œuvre. 191 00:10:18,620 --> 00:10:19,776 Ce que je viens d'évoquer, 192 00:10:19,808 --> 00:10:23,808 209-B ou 238-A sont plus des espèces de mécanismes 193 00:10:24,040 --> 00:10:25,760 que les États mettent en place 194 00:10:26,464 --> 00:10:28,960 pour justement prendre en compte des situations 195 00:10:29,024 --> 00:10:31,392 qui ne sont pas couvertes par des conventions bilatérales, 196 00:10:31,440 --> 00:10:32,928 sachant que la France, justement, 197 00:10:33,104 --> 00:10:35,184 n'a pas de convention bilatérale en général 198 00:10:35,230 --> 00:10:38,496 avec les États qu'elle estime comme étant des paradis fiscaux, 199 00:10:38,528 --> 00:10:40,512 en tout cas "les plus violents" d'entre eux. 200 00:10:41,200 --> 00:10:44,960 Elle a en revanche une convention avec par exemple la Suisse, 201 00:10:45,380 --> 00:10:46,816 ou avec par exemple l'Irlande, 202 00:10:46,864 --> 00:10:49,872 de sorte que pour les relations entre la France et l'Irlande, 203 00:10:49,920 --> 00:10:53,360 la France et la Suisse, ces dispositifs ne s'appliquent pas en principe. 204 00:10:54,140 --> 00:10:57,792 Un dernier dispositif qui trouve à s'appliquer également 205 00:10:57,820 --> 00:11:02,496 et qui mérite d'être évoqué pour les relations avec certains États étrangers, 206 00:11:02,570 --> 00:11:06,848 c'est l'article 155-A dont le champ d'application est limité 207 00:11:06,880 --> 00:11:09,872 parce que le droit communautaire et les conventions bilatérales 208 00:11:09,920 --> 00:11:12,160 sont venus restreindre en pratique sa mise en œuvre, 209 00:11:12,200 --> 00:11:13,696 mais qui reste assez connu 210 00:11:13,744 --> 00:11:16,470 et historiquement qui reste assez intéressant,. 211 00:11:16,510 --> 00:11:18,752 Le 155-A, c'est un dispositif qui, lui, 212 00:11:18,784 --> 00:11:21,712 vise à dissuader des montages qui conduisent, 213 00:11:21,792 --> 00:11:23,930 c'est le cas le plus fréquent, un chanteur, 214 00:11:23,984 --> 00:11:26,112 un sportif résident français 215 00:11:26,560 --> 00:11:29,200 à être rémunéré pour des prestations qu'il rend en France, 216 00:11:29,248 --> 00:11:30,336 des concerts par exemple 217 00:11:30,368 --> 00:11:33,872 ou bien le club de foot pour lequel il joue en France, 218 00:11:35,550 --> 00:11:37,744 auprès d'une société installée à l'étranger, 219 00:11:38,064 --> 00:11:39,568 par exemple pour son image, 220 00:11:40,096 --> 00:11:42,350 pour des publicités qu'il ferait, etc. 221 00:11:43,430 --> 00:11:46,490 Charge ensuite à ladite société installée à l'étranger de lui reverser 222 00:11:46,944 --> 00:11:48,080 les cachets en question. 223 00:11:48,350 --> 00:11:50,528 Il se trouve que l'administration française se méfie 224 00:11:50,670 --> 00:11:53,200 de ce type de dispositifs qui ne sont pas illégaux en tant que tels, 225 00:11:53,248 --> 00:11:56,096 il est tout à fait possible d'avoir un contrat avec une société étrangère 226 00:11:56,144 --> 00:11:58,340 qui gère votre image de marque par exemple. 227 00:11:58,640 --> 00:12:00,512 Néanmoins, l'administration française se méfie de cela 228 00:12:00,544 --> 00:12:01,792 parce que le risque évidemment, 229 00:12:01,840 --> 00:12:05,680 c'est qu'une partie de l'argent versé au titre des cachets reste finalement 230 00:12:05,744 --> 00:12:08,576 dans l'État étranger où il sera par hypothèse moins imposé, 231 00:12:08,624 --> 00:12:10,240 en tout cas c'est ce qui se passe en général, 232 00:12:11,264 --> 00:12:15,536 quitte aussi peut-être à être placé ici ou là et avec un niveau de transparence 233 00:12:15,568 --> 00:12:19,070 qui peut être très insuffisant. 234 00:12:19,152 --> 00:12:21,968 C'est pour cela que sur le fondement de l'article 155-A, 235 00:12:22,000 --> 00:12:25,744 alors sauf évidemment si le droit de l'Union européenne s'y oppose 236 00:12:26,864 --> 00:12:29,024 ou si une convention bilatérale s'y oppose 237 00:12:29,200 --> 00:12:32,064 dans la mesure où ça crée une sorte de discrimination ou d'entrave 238 00:12:32,140 --> 00:12:35,104 en dissuadant le sportif français, pour garder la même hypothèse, 239 00:12:36,570 --> 00:12:39,632 d'avoir des relations contractuelles avec une société luxembourgeoise 240 00:12:39,664 --> 00:12:41,936 pour l'aider à gérer son image, 241 00:12:42,112 --> 00:12:45,568 et donc en l'absence en général de convention et en dehors de l'Europe, 242 00:12:46,370 --> 00:12:49,520 la France estime que sur le fondement de ce dispositif, 243 00:12:49,580 --> 00:12:51,536 article 155-A du Code général des impôts, 244 00:12:51,616 --> 00:12:54,288 elle peut en fait taxer en France, 245 00:12:54,496 --> 00:12:57,280 par un mécanisme de prélèvement à la source, 246 00:12:57,360 --> 00:12:59,680 on parle de retenue à la source pour être plus précis, 247 00:13:00,080 --> 00:13:02,768 ces flux qui partent vers la société étrangère. 248 00:13:02,992 --> 00:13:05,376 Le Conseil constitutionnel a ajouté que ce dispositif, 249 00:13:05,408 --> 00:13:07,088 s'il était conforme à la Constitution, 250 00:13:07,120 --> 00:13:08,336 ne l'était qu'à condition tout de même 251 00:13:08,368 --> 00:13:11,504 que l'administration s'assure qu'il n'y ait pas de double imposition, 252 00:13:11,720 --> 00:13:16,304 au cas où, ce qui est normalement la situation prévue par le contrat 253 00:13:16,400 --> 00:13:20,208 où la société étrangère rend l'argent d'une certaine manière, 254 00:13:20,450 --> 00:13:22,320 ensuite au sportif ou au chanteur, 255 00:13:22,384 --> 00:13:24,784 et donc celui-ci ne sera pas imposé une deuxième fois 256 00:13:24,848 --> 00:13:27,712 sur le flux qui est parti d'abord à l'étranger. 257 00:13:28,400 --> 00:13:31,440 Au moment du versement du cachet pour un concert par exemple, 258 00:13:31,640 --> 00:13:32,816 il y a eu cette retenue à la source, 259 00:13:32,848 --> 00:13:36,976 il n'y aura pas une deuxième imposition au moment où l'argent est rapatrié. 260 00:13:37,008 --> 00:13:38,800 C'est une forme d'avance, si vous voulez, 261 00:13:38,896 --> 00:13:42,448 fiscale qu'exige l'administration sur ce fondement légal. 262 00:13:43,070 --> 00:13:44,976 Dans tous les cas, et je conclus sur ce point, 263 00:13:45,040 --> 00:13:48,272 que ce soit 238-A, 209-B ou 155-A, 264 00:13:48,288 --> 00:13:49,872 dans tous les cas, la logique est la même, 265 00:13:49,952 --> 00:13:53,712 ça n'est jamais d'interdire certaines relations économiques, 266 00:13:53,860 --> 00:13:56,736 c'est simplement de les dissuader 267 00:13:56,816 --> 00:14:00,640 ou du moins de tenter d'en neutraliser les effets fiscaux 268 00:14:01,328 --> 00:14:05,520 ou d'imposer des exigences probatoires supplémentaires 269 00:14:05,824 --> 00:14:10,096 pour s'assurer qu'au-delà d'une présomption d'anormalité, d'étrangeté, 270 00:14:10,144 --> 00:14:11,328 si je puis dire, de la relation, 271 00:14:11,712 --> 00:14:14,112 la relation a bien un vrai contenu économique. 272 00:14:14,240 --> 00:14:16,800 Il est évidemment possible lorsqu'on est une entreprise française 273 00:14:17,424 --> 00:14:18,928 d'avoir des relations avec des pays, 274 00:14:19,008 --> 00:14:21,390 y compris ceux qu'on peut juger un peu suspects. 275 00:14:21,440 --> 00:14:22,880 Il est possible de vendre des voitures 276 00:14:22,928 --> 00:14:25,340 aux Bahamas ou aux îles Caïmans lorsqu'on est Peugeot ou Renault. 277 00:14:26,870 --> 00:14:29,136 Il ne s'agit évidemment pas d'interdire de telles relations 278 00:14:29,200 --> 00:14:33,824 mais tout de même de les encadrer dans un filet assez serré 279 00:14:33,900 --> 00:14:37,712 pour opérer une sorte de tri entre les véritables relations économiques 280 00:14:37,744 --> 00:14:40,688 et celles qui relèvent d'une certaine artificialité. 281 00:14:41,100 --> 00:14:43,552 Voilà donc pour ces différents mécanismes 282 00:14:43,648 --> 00:14:46,064 qui visent à dissuader l'évasion fiscale. 283 00:14:46,430 --> 00:14:48,950 Je le disais, je le répète, pour l'essentiel aujourd'hui, 284 00:14:49,024 --> 00:14:51,216 ce sont à travers des dispositifs anti-abus 285 00:14:51,408 --> 00:14:54,736 que cette lutte contre l'artificialité est à l'œuvre.