1 00:00:05,620 --> 00:00:09,070 Nous en venons maintenant aux moyens de légalité interne. 2 00:00:09,820 --> 00:00:12,550 Les moyens de légalité interne sont ceux qui mettent en cause 3 00:00:12,750 --> 00:00:15,460 le fond de la décision de l’administration. 4 00:00:16,150 --> 00:00:20,620 Plus précisément, le fond de l’acte administratif peut être illégal 5 00:00:20,820 --> 00:00:22,000 pour trois raisons. 6 00:00:22,200 --> 00:00:26,830 D’abord, la décision de l’administration peut constituer 7 00:00:27,030 --> 00:00:29,710 une violation directe de la règle de droit. 8 00:00:29,910 --> 00:00:34,720 Deuxièmement, la décision de l’administration peut être fondée 9 00:00:34,920 --> 00:00:38,920 sur des motifs, des raisons de fait ou de droit erroné. 10 00:00:40,720 --> 00:00:44,320 Et troisièmement, la décision de l’administration peut constituer 11 00:00:44,520 --> 00:00:45,800 un détournement de pouvoir. 12 00:00:46,000 --> 00:00:49,450 Nous verrons ces différents vices dans les prochaines vidéos. 13 00:00:51,010 --> 00:00:54,880 Commençons par la violation directe de la règle de droit. 14 00:00:56,080 --> 00:00:59,350 La violation de la règle de droit ne présente pas beaucoup d’enjeu 15 00:00:59,550 --> 00:01:00,790 et elle est assez simple à présenter. 16 00:01:01,210 --> 00:01:05,530 Il s’agit simplement d’une contrariété directe entre la règle telle qu’elle 17 00:01:05,730 --> 00:01:09,270 est posée par l’administration et une règle qui est supérieure, 18 00:01:09,470 --> 00:01:12,670 c’est-à-dire règles constitutionnelles, internationales, législatives, 19 00:01:12,870 --> 00:01:14,050 jurisprudentielles, etc. 20 00:01:16,540 --> 00:01:21,550 Par exemple, un règlement rétroactif viole directement le principe de 21 00:01:21,750 --> 00:01:25,390 non-rétroactivité, de même que la mise en place d’un traitement 22 00:01:25,590 --> 00:01:31,780 différencié est contraire au principe d’égalité, donc violation directe 23 00:01:31,980 --> 00:01:34,900 de la règle de droit qui ne présente pas d’enjeu particulier. 24 00:01:36,250 --> 00:01:42,070 Les enjeux sont principalement concentrés, s’agissant de la légalité 25 00:01:42,270 --> 00:01:45,490 interne, sur les questions concernant les motifs, c’est-à-dire l’erreur 26 00:01:47,050 --> 00:01:48,700 de droit et l’erreur de fait. 27 00:01:48,900 --> 00:01:52,150 2 : l’erreur de droit et l’erreur de fait. 28 00:01:52,350 --> 00:01:57,010 L’explication des erreurs de droit et de fait est beaucoup plus 29 00:01:57,210 --> 00:01:57,970 compliquée. 30 00:01:58,170 --> 00:02:01,540 Il s’agit du contrôle, par le juge administratif, 31 00:02:01,960 --> 00:02:05,470 des motifs sur lesquels l’administration s’est fondée pour 32 00:02:05,670 --> 00:02:08,650 prendre sa décision, c’est-à-dire les raisons qu’elle 33 00:02:08,850 --> 00:02:10,750 a invoqué pour prendre sa décision. 34 00:02:10,950 --> 00:02:17,020 Raisons qu’elle a invoqué formellement ou non, selon que la décision devait 35 00:02:17,220 --> 00:02:18,040 être motivée ou non. 36 00:02:19,510 --> 00:02:23,710 Même si une décision ne doit pas être motivée, qu’il n’y a pas de 37 00:02:24,070 --> 00:02:27,850 règles de motivation, une décision est toujours fondée 38 00:02:28,090 --> 00:02:29,800 sur des raisons. 39 00:02:30,000 --> 00:02:34,600 L’administration se fonde toujours sur des motifs pour prendre ses 40 00:02:34,800 --> 00:02:35,560 décisions. 41 00:02:35,760 --> 00:02:38,890 Elle ne prend jamais ses décisions au hasard, sans raison. 42 00:02:39,220 --> 00:02:43,120 Il y a donc toujours un motif derrière une décision, que ce motif soit 43 00:02:43,990 --> 00:02:49,600 transmis par le biais de la motivation ou que ce motif reste interne à 44 00:02:49,800 --> 00:02:50,560 l’administration. 45 00:02:50,760 --> 00:02:54,280 Dans ce cas-là, c’est au juge de discuter avec l’administration 46 00:02:54,970 --> 00:02:59,650 dans le cadre des rapports processuels qui naissent du recours pour excès 47 00:02:59,850 --> 00:03:00,610 de pouvoir. 48 00:03:00,810 --> 00:03:04,990 C’est au juge de découvrir les motifs sur lesquels l’administration 49 00:03:05,190 --> 00:03:08,800 s’est fondée et le juge peut évidemment demander à l’administration de 50 00:03:09,000 --> 00:03:10,240 lui communiquer ses motifs. 51 00:03:10,840 --> 00:03:14,410 Si d’ailleurs l’administration refuse de lui communiquer ses motifs, 52 00:03:14,650 --> 00:03:16,870 le juge pourra en conclure ce qu’il veut. 53 00:03:17,440 --> 00:03:19,810 Vous pouvez aller voir, sur ce point, la décision Barel 54 00:03:20,200 --> 00:03:24,100 que j’ai déjà citée au premier semestre, à l’occasion de laquelle 55 00:03:24,300 --> 00:03:29,890 l’administration avait refusé de dire au juge qu’elle avait refusé 56 00:03:30,090 --> 00:03:33,310 l’inscription à des candidats au concours de l’ENA parce qu’ils 57 00:03:33,510 --> 00:03:34,330 étaient communistes. 58 00:03:34,530 --> 00:03:38,770 Le juge avait tiré du silence de l’administration des conclusions 59 00:03:38,970 --> 00:03:40,750 qui lui étaient propres, c’est-à-dire le fait que 60 00:03:40,950 --> 00:03:44,860 l’administration avait quelque chose à se reprocher dans ce silence, 61 00:03:45,310 --> 00:03:47,620 que ce silence montrait qu’il avait quelque chose à se reprocher. 62 00:03:47,820 --> 00:03:54,070 L’examen des motifs de droit consiste, 63 00:03:54,270 --> 00:03:58,390 pour le juge, à apprécier la validité des règles sur lesquelles 64 00:03:58,590 --> 00:04:01,450 l’administration s’est fondée pour prendre sa décision. 65 00:04:01,650 --> 00:04:08,170 Ensuite, l’examen des motifs de faits consiste à apprécier la véracité 66 00:04:08,590 --> 00:04:13,090 des éléments concrets invoqués par l’administration, mais également 67 00:04:13,290 --> 00:04:18,190 à apprécier si ces éléments de faits justifient la décision qui 68 00:04:18,390 --> 00:04:19,150 a été prise. 69 00:04:19,360 --> 00:04:20,980 Nous verrons ces motifs de fait plus tard. 70 00:04:21,280 --> 00:04:24,820 Pour l’instant, commençons par le contrôle des motifs de droit. 71 00:04:26,320 --> 00:04:31,330 On distingue deux types de vices qui peuvent entacher les motifs 72 00:04:31,530 --> 00:04:33,550 de droit des actes administratifs. 73 00:04:33,750 --> 00:04:39,100 L’administration peut d’abord se fonder sur un texte qu’elle interprète 74 00:04:39,300 --> 00:04:40,060 mal. 75 00:04:40,260 --> 00:04:43,360 Son acte est alors entaché d’un vice dans ses motifs. 76 00:04:43,660 --> 00:04:48,310 On parle d’erreur sur le sens et la portée de la règle de droit. 77 00:04:48,510 --> 00:04:54,700 Ensuite, l’administration peut se fonder sur une norme inexistante 78 00:04:54,900 --> 00:04:55,660 ou illégale. 79 00:04:56,230 --> 00:04:59,970 Dans ce cas-là, on parle, comme erreur de droit particulière, 80 00:05:00,860 --> 00:05:04,490 de défaut de base légale ou de défaut de base juridique. 81 00:05:04,970 --> 00:05:06,110 Je reprendrais ces deux points. 82 00:05:06,310 --> 00:05:10,310 D’abord, l’erreur sur le sens et la portée de la règle de droit. 83 00:05:11,360 --> 00:05:15,950 Les lois, les directives européennes et les décrets ne sont pas toujours 84 00:05:16,150 --> 00:05:17,330 simples à appliquer. 85 00:05:17,530 --> 00:05:21,290 L’administration peut commettre des erreurs dans son interprétation 86 00:05:21,490 --> 00:05:26,270 de ces textes qui l’amènent à se méprendre sur le sens ou la portée 87 00:05:26,470 --> 00:05:28,730 de la règle dont elle doit normalement faire l’application, 88 00:05:28,930 --> 00:05:32,840 ou, par exemple sur la règle qu’elle doit transposer dans le droit français. 89 00:05:33,040 --> 00:05:36,110 C’est le cas spécifique des directives de l’Union européenne. 90 00:05:36,980 --> 00:05:41,060 Il faut bien comprendre que ce n’est pas la solution qu’elle adopte 91 00:05:41,260 --> 00:05:44,720 qui est illégale en soi, auquel cas il s’agirait d’une violation 92 00:05:44,920 --> 00:05:45,860 directe de la règle de droit. 93 00:05:46,280 --> 00:05:51,380 Ce qui est illégal, c’est le fait que l’administration ait cru appliquer 94 00:05:51,800 --> 00:05:54,140 ou exécuter une règle préexistante. 95 00:05:54,340 --> 00:05:59,270 Or, dans le cas précis, elle se méprend sur la règle qu’elle 96 00:05:59,470 --> 00:06:00,830 devait appliquer. 97 00:06:01,100 --> 00:06:04,070 Elle ne l’applique pas correctement. 98 00:06:05,300 --> 00:06:10,370 Par exemple, l’acte de l’administration est illégal lorsqu’elle cherche 99 00:06:10,570 --> 00:06:16,400 si un critère particulier est rempli par un demandeur, alors que ce 100 00:06:16,600 --> 00:06:18,410 critère n’a jamais été prévu par le texte. 101 00:06:19,040 --> 00:06:23,600 Dans ce cas-là, elle rajoute une condition aux conditions prévues 102 00:06:23,800 --> 00:06:26,300 par la loi par exemple, et dans ce cas-là, elle se méprend 103 00:06:26,500 --> 00:06:28,760 sur le sens ou la portée de la loi. 104 00:06:29,960 --> 00:06:35,150 En sens inverse, l’acte est illégal également lorsque l’administration 105 00:06:35,420 --> 00:06:39,770 ne recherche pas si un critère était rempli, alors que le texte 106 00:06:39,970 --> 00:06:44,120 lui impose normalement de contrôler la satisfaction de ce critère. 107 00:06:45,140 --> 00:06:47,960 On peut citer encore un exemple. 108 00:06:48,160 --> 00:06:52,460 C’est le cas où l’administration pense pouvoir refuser d’agir, 109 00:06:52,910 --> 00:06:55,160 alors qu’elle a l’obligation d’agir. 110 00:06:55,640 --> 00:06:59,000 Ce qu’elle pense être une faculté en se fondant sur un texte est, 111 00:06:59,200 --> 00:07:00,800 en réalité, une obligation. 112 00:07:01,280 --> 00:07:04,880 Elle commet, dans ce cas, une erreur sur le sens ou la portée 113 00:07:05,180 --> 00:07:07,250 du texte qu’elle entend appliquer. 114 00:07:09,500 --> 00:07:12,170 Voilà pour la méprise sur le sens ou la portée du texte. 115 00:07:12,950 --> 00:07:14,630 Voyons maintenant le défaut de base légal. 116 00:07:15,470 --> 00:07:21,080 Dans ce cas, il n’y a pas méprise sur le sens ou sur sa portée, 117 00:07:21,830 --> 00:07:25,790 mais l’administration invoque un texte qui, en réalité, 118 00:07:25,990 --> 00:07:28,730 n’est pas applicable par elle ou n’existe pas. 119 00:07:29,420 --> 00:07:32,690 Voici les différents cas de défaut de base légal. 120 00:07:32,890 --> 00:07:37,910 D’abord, il est possible que l’administration se fonde sur un 121 00:07:38,110 --> 00:07:41,300 texte qui n’est pas encore en vigueur pour prendre sa décision. 122 00:07:41,500 --> 00:07:47,030 C’est le cas lorsqu’une autorité administrative fait application 123 00:07:47,230 --> 00:07:50,090 d’une loi qui, certes, a été promulguée, mais qui n’est 124 00:07:50,290 --> 00:07:53,690 pas entrée en vigueur en raison d’une disposition qui diffère cette 125 00:07:53,890 --> 00:07:54,650 entrée en vigueur. 126 00:07:54,850 --> 00:07:58,220 L’administration ne doit pas commettre d’erreur de tempo. 127 00:07:58,580 --> 00:08:02,030 Elle doit respecter, elle doit appliquer les textes 128 00:08:02,230 --> 00:08:05,960 qui sont en vigueur et non pas les textes qui ne sont pas encore 129 00:08:06,160 --> 00:08:06,920 en vigueur. 130 00:08:07,120 --> 00:08:11,360 Ensuite, la base juridique peut ne plus exister. 131 00:08:11,570 --> 00:08:13,360 Dans ce cas-là, on est dans l’hypothèse inverse. 132 00:08:14,480 --> 00:08:16,550 Il existait une loi, celle-ci n’existe plus, 133 00:08:16,750 --> 00:08:20,000 l’administration continue pourtant à l’appliquer. 134 00:08:20,570 --> 00:08:23,630 Dans ce cas-là encore, elle commet un défaut de base légale 135 00:08:24,740 --> 00:08:27,620 ou défaut de base juridique, qui est plus large que le terme 136 00:08:27,820 --> 00:08:30,810 de défaut de base légale puisqu’il peut incorporer les défauts de 137 00:08:31,010 --> 00:08:31,770 base juridique. 138 00:08:31,970 --> 00:08:35,000 Il peut incorporer l’application d’une norme internationale, 139 00:08:35,200 --> 00:08:36,440 l’application d’un règlement, etc. 140 00:08:38,900 --> 00:08:43,640 Troisième cas beaucoup plus intéressant, c’est celui du défaut 141 00:08:43,840 --> 00:08:46,550 d’une base juridique valide. 142 00:08:47,630 --> 00:08:51,470 Nous avons déjà croisé ce cas à de nombreuses reprises. 143 00:08:51,670 --> 00:08:55,100 C’est celui de l’exception d’illégalité ou de l’exception d’inconventionnalité. 144 00:08:55,300 --> 00:09:02,990 L’administration a fait application d’un règlement ou d’une loi contraire 145 00:09:03,410 --> 00:09:04,670 à un texte supérieur. 146 00:09:04,870 --> 00:09:09,890 C’est un argument très important en contentieux de l’excès de pouvoir. 147 00:09:10,340 --> 00:09:14,960 Un administré peut demander au juge de considérer que le règlement 148 00:09:15,160 --> 00:09:19,760 que l’administration lui a appliqué est contraire à une loi ou que 149 00:09:19,960 --> 00:09:23,360 cette loi est contraire à une convention internationale. 150 00:09:24,170 --> 00:09:31,340 Si tel est le cas, le juge considérera le règlement comme illégal et le 151 00:09:31,540 --> 00:09:36,140 texte contesté devant le juge administratif sera annulé pour 152 00:09:36,340 --> 00:09:37,340 défaut de base légale. 153 00:09:37,880 --> 00:09:41,870 Le règlement que l’administration a adopté, lui, reste en vigueur. 154 00:09:42,290 --> 00:09:45,740 Ce n’est que l’acte qui est attaqué devant le juge de l’excès de pouvoir 155 00:09:46,010 --> 00:09:47,750 qui cesse d’exister. 156 00:09:48,590 --> 00:09:52,370 Dans le cas du contrôle de conventionnalité, un administré 157 00:09:52,570 --> 00:09:56,630 conteste un acte administratif devant le juge de l’excès de pouvoir, 158 00:09:56,830 --> 00:10:00,670 il en demande l’annulation et il en demande l’annulation en tant 159 00:10:00,870 --> 00:10:04,540 que ce texte fait application d’une loi contraire à une convention 160 00:10:04,740 --> 00:10:05,500 internationale. 161 00:10:06,220 --> 00:10:11,890 Dans ce cadre-là, si le juge administratif constate 162 00:10:12,250 --> 00:10:16,480 l’inconventionnalité de la loi, il l’écarte du litige - la loi 163 00:10:16,680 --> 00:10:23,020 ne disparaît pas - et il annule l’acte qui était contesté devant 164 00:10:23,220 --> 00:10:25,150 lui pour défaut de base légale. 165 00:10:27,990 --> 00:10:31,140 Je vous l’ai dit également plus tôt dans le semestre. 166 00:10:31,440 --> 00:10:34,650 Un justiciable ne peut toutefois pas invoquer l’inconventionnalité 167 00:10:34,850 --> 00:10:40,310 d’une loi pour demander qu’elle soit écartée du litige et qu’un 168 00:10:40,950 --> 00:10:43,200 acte administratif qui en fait application soit annulé. 169 00:10:44,400 --> 00:10:47,250 Le justiciable ne peut le faire que dans le cadre d’une question 170 00:10:48,570 --> 00:10:50,340 prioritaire de constitutionnalité. 171 00:10:50,640 --> 00:10:54,480 Ce n’est que dans le cadre d’une QPC qu’un administré peut obtenir 172 00:10:55,410 --> 00:11:00,780 la qualification de l’acte qu’il conteste comme entaché d’un défaut 173 00:11:00,980 --> 00:11:01,740 de base légale. 174 00:11:01,940 --> 00:11:06,240 C’est seulement si le Conseil constitutionnel a abrogé la loi 175 00:11:06,440 --> 00:11:08,520 dont l’administration a fait application. 176 00:11:08,820 --> 00:11:15,210 Ce n’est que dans ce cas-là que le juge censurera l’acte de 177 00:11:15,410 --> 00:11:16,170 l’administration.