1 00:00:05,360 --> 00:00:11,520 Après la première condition du fait générateur de la responsabilité 2 00:00:11,720 --> 00:00:13,760 internationale : le fait internationalement illicite. 3 00:00:13,960 --> 00:00:17,200 La seconde condition du fait générateur : l'imputabilité du 4 00:00:17,400 --> 00:00:19,300 fait internationalement illicite. 5 00:00:19,700 --> 00:00:25,560 Alors, ce n'est pas parce qu'une action ou une inaction cause un 6 00:00:25,760 --> 00:00:30,200 préjudice sur le territoire d'un État que celui-ci est automatiquement 7 00:00:30,400 --> 00:00:33,120 tenu pour responsable de cette action ou inaction. 8 00:00:33,440 --> 00:00:36,740 Il est naturellement indispensable qu'un rattachement puisse être 9 00:00:36,940 --> 00:00:40,840 opéré entre ce comportement et l'État dont on recherche la 10 00:00:41,040 --> 00:00:41,880 responsabilité. 11 00:00:42,080 --> 00:00:44,720 C'est le rôle de ces questions d'imputabilité. 12 00:00:44,920 --> 00:00:50,140 Donc, l'imputabilité permet de rattacher un fait, un comportement 13 00:00:50,340 --> 00:00:54,260 à un État, c'est une opération intellectuelle qui a des conséquences 14 00:00:54,460 --> 00:00:57,320 juridiques importantes puisque c'est ce qui va permettre de déclencher 15 00:00:57,520 --> 00:00:59,880 la responsabilité internationale. 16 00:01:00,780 --> 00:01:06,260 Tout acte peut être rattaché à un individu et la question est 17 00:01:06,460 --> 00:01:10,340 de savoir parmi ces individus lesquels peuvent être rattachés à l'État, 18 00:01:10,540 --> 00:01:13,800 ce qui permettra de considérer que leur comportement est imputable 19 00:01:14,000 --> 00:01:17,120 à l'État et donc est susceptible d'engager la responsabilité 20 00:01:17,320 --> 00:01:19,540 internationale de cet État. 21 00:01:19,760 --> 00:01:26,380 Il s'agit d'opérer cette opération d'imputabilité permettant de considérer 22 00:01:26,580 --> 00:01:31,080 un fait comme étant le fait de l'État susceptible d'ouvrir sa 23 00:01:31,280 --> 00:01:32,780 responsabilité internationale. 24 00:01:33,520 --> 00:01:37,160 C'est le système international qui prévoit ces règles d'imputabilité 25 00:01:37,360 --> 00:01:41,340 du fait internationalement illicite, alors on va le voir ce sont des 26 00:01:41,540 --> 00:01:44,860 règles internationales, mais qui à un certain nombre d'hypothèses 27 00:01:45,060 --> 00:01:46,240 vont renvoyer au droit interne. 28 00:01:46,440 --> 00:01:50,160 Donc, système de droit international qui renvoie à certains égards au 29 00:01:50,360 --> 00:01:51,120 droit interne. 30 00:01:51,520 --> 00:01:54,060 Pour comprendre les règles d'imputabilité du fait 31 00:01:54,260 --> 00:01:57,600 internationalement illicite il faut distinguer plusieurs hypothèses 32 00:01:57,800 --> 00:02:01,280 qui vont s'éloigner de plus en plus de l'État, c'est-à-dire les 33 00:02:01,480 --> 00:02:04,440 individus dont on va apprécier le comportement vont s'éloigner 34 00:02:04,640 --> 00:02:06,720 de plus en plus de la sphère étatique. 35 00:02:07,520 --> 00:02:10,540 Première sphère que l'on peut dégager, celle des organes. 36 00:02:10,740 --> 00:02:11,900 Là, on est au cœur de l'État. 37 00:02:12,500 --> 00:02:16,300 Le principe est très clair en droit international, il est prévu à l'article 38 00:02:16,500 --> 00:02:22,340 4 du projet d'article de la CDI, tous les organes de l'État engagent 39 00:02:22,540 --> 00:02:26,860 la responsabilité de ce dernier, donc le comportement de tout organe 40 00:02:27,060 --> 00:02:30,300 de l'État est considéré comme un fait de l'État ouvrant sa 41 00:02:30,500 --> 00:02:32,680 responsabilité internationale. 42 00:02:33,380 --> 00:02:37,580 La difficulté est de savoir ce que l'on entend par organe de l'État, 43 00:02:37,820 --> 00:02:42,620 le projet d'article de la CDI mentionne à cet égard de manière assez générique 44 00:02:42,820 --> 00:02:46,380 qu'il peut s'agir de l'organe qui exerce des fonctions législatives, 45 00:02:46,640 --> 00:02:49,260 des fonctions exécutives ou des fonctions judiciaires. 46 00:02:49,460 --> 00:02:51,840 Donc, dans toutes les fonctions que l'on connaît dans les systèmes 47 00:02:52,040 --> 00:02:57,780 étatiques, quelle que soit la place, la position que cet organe occupe 48 00:02:57,980 --> 00:02:59,200 dans l'organisation de l'État. 49 00:02:59,420 --> 00:03:02,660 Donc, que ce soit un organe important ou pas important pour l'organisation 50 00:03:02,860 --> 00:03:06,880 de l'État, et, quelle que soit sa nature en tant qu'organe du 51 00:03:07,080 --> 00:03:09,920 gouvernement central ou d'une collectivité territoriale. 52 00:03:10,540 --> 00:03:16,000 Approche très générale de la notion d'organe, tout ce qui est un organe 53 00:03:16,200 --> 00:03:18,800 de l'État ou de ce démembrement, quelle que soit sa nature, 54 00:03:19,080 --> 00:03:23,140 quelles que soient ses fonctions, est considéré selon l'article 4 55 00:03:23,340 --> 00:03:27,360 comme un organe de l'État engageant la responsabilité de l'État. 56 00:03:28,080 --> 00:03:31,300 La question est de savoir ce qu'est un organe de l'État, 57 00:03:31,500 --> 00:03:36,600 ici le droit international donc va renvoyer au droit interne puisqu'il 58 00:03:36,800 --> 00:03:42,760 va falloir déterminer en droit interne ce que celui-ci considère 59 00:03:42,960 --> 00:03:44,140 comme étant un organe de l'État. 60 00:03:44,340 --> 00:03:48,840 Ça va généralement renvoyer à la constitution de l'État pour lister 61 00:03:49,040 --> 00:03:52,580 les organes qui sont constitutionnellement reconnus 62 00:03:52,780 --> 00:03:53,740 comme des organes de l'État. 63 00:03:53,940 --> 00:03:57,280 Ça, c'est une situation assez simple qui ne pose pas véritablement de 64 00:03:57,480 --> 00:03:58,240 difficulté. 65 00:03:58,440 --> 00:04:02,260 Les problèmes surviennent, les difficultés apparaissent avec 66 00:04:02,460 --> 00:04:07,520 des entités, des instances ou des individus qui ne sont pas 67 00:04:07,720 --> 00:04:11,760 officiellement, qui ne sont pas formellement des organes de l'État 68 00:04:11,960 --> 00:04:15,700 au sens de la constitution par exemple, mais qui se comportent comme telles. 69 00:04:15,900 --> 00:04:18,380 Donc, ils ne sont pas reconnus officiellement comme des organes, 70 00:04:18,580 --> 00:04:19,660 mais se comportent comme tel. 71 00:04:20,000 --> 00:04:24,120 Ici, le projet d'article de la CDI s'est montré assez flexible 72 00:04:24,320 --> 00:04:28,920 puisqu'à l'article 5 il prévoit que même si un organe n'est pas 73 00:04:29,120 --> 00:04:35,660 désigné comme tel par le droit interne, il sera considéré comme un organe 74 00:04:36,540 --> 00:04:39,820 engageant la responsabilité de l'État s'il s'est vu accordé des 75 00:04:40,020 --> 00:04:42,240 prérogatives de puissance publique par ce dernier. 76 00:04:43,300 --> 00:04:47,320 Dès lors que l'État lui a reconnu des prérogatives de puissance publique, 77 00:04:47,520 --> 00:04:51,280 il faut considérer que l'État lui-même le considère comme un organe même 78 00:04:51,480 --> 00:04:55,220 si cela n'est pas prévu par le droit interne et donc l'État va 79 00:04:55,420 --> 00:05:03,180 se voir imputer des agissements qui sont ceux de cet organe détenteur 80 00:05:03,380 --> 00:05:05,300 de prérogatives de puissance publique. 81 00:05:05,760 --> 00:05:08,760 L'idée est que l'État ne peut pas, c'est une idée qu'on a déjà vu, 82 00:05:09,400 --> 00:05:13,300 se retrancher derrière le silence de son droit interne pour éviter 83 00:05:13,500 --> 00:05:17,120 les conséquences d'une violation du droit international qui aurait 84 00:05:17,320 --> 00:05:20,820 été opéré par un organe qu'il ne reconnaît pas officiellement ou 85 00:05:21,020 --> 00:05:23,940 en tout cas qui n'est pas reconnu par ce droit interne. 86 00:05:25,100 --> 00:05:29,640 La Cour internationale de justice a ouvert une hypothèse un peu 87 00:05:29,840 --> 00:05:34,180 différente de celle prévue à l'article 5 du projet d'article de la CDI 88 00:05:34,380 --> 00:05:39,880 puisqu'elle a évoqué la situation d'un organe que l'on peut appeler 89 00:05:40,080 --> 00:05:40,840 de facto. 90 00:05:41,960 --> 00:05:44,720 C'est l'hypothèse d'un organe qui n'est pas relié à l'État, 91 00:05:44,920 --> 00:05:47,740 donc ça c'est la distinction que l'on peut faire avec l'article 5. 92 00:05:47,960 --> 00:05:50,840 Là, on est face à un organe qui n'est pas du tout formellement 93 00:05:51,040 --> 00:05:55,820 relié à l'État, mais qui en réalité agit sous la totale dépendance 94 00:05:56,020 --> 00:05:56,780 de cet État. 95 00:05:56,980 --> 00:05:59,100 Donc, un État qui n'est pas du tout relié à l'État, 96 00:05:59,300 --> 00:06:01,180 c'est-à-dire que ce n’est même pas qu'il n'est pas considéré par 97 00:06:01,380 --> 00:06:05,100 le droit interne comme étant un organe, il n'est absolument pas relié à l'État, 98 00:06:05,300 --> 00:06:09,780 il ne fait pas partie de l'organisation de l'État, mais pour autant il 99 00:06:09,980 --> 00:06:13,180 agit sous la totale dépendance de ce dernier. 100 00:06:13,380 --> 00:06:17,280 Dans ce cas-là, la Cour internationale de Justice considère qu'on est 101 00:06:17,480 --> 00:06:22,280 face à ce que la doctrine a appelé un organe de facto dont le comportement 102 00:06:22,480 --> 00:06:24,160 pourra être imputé à l'État. 103 00:06:24,860 --> 00:06:29,300 Elle a reconnu cette hypothèse notamment dans l'affaire relative 104 00:06:29,500 --> 00:06:32,980 à l'application de la convention pour la prévention et la répression 105 00:06:33,180 --> 00:06:36,880 du génocide qui concernait la Yougoslavie. 106 00:06:37,080 --> 00:06:42,100 Étaient en cause des violations allégées commises par cet État, 107 00:06:42,300 --> 00:06:48,420 la Yougoslavie, qui aurait agi par le truchement de l'armée serbe. 108 00:06:48,660 --> 00:06:54,080 L'armée serbe aurait agi au nom 109 00:06:54,280 --> 00:06:57,160 de la Yougoslavie et aurait commis ces violations de la convention 110 00:06:57,360 --> 00:06:59,460 pour la prévention et la répression du génocide. 111 00:07:00,640 --> 00:07:05,420 La Cour a eu à statuer sur ce lien, puisque là on essaye d'imputer 112 00:07:05,620 --> 00:07:11,900 à un État le comportement d'un organe qui est officiellement l'organe 113 00:07:12,100 --> 00:07:15,620 d'un autre État donc la Serbie en l'espèce. 114 00:07:16,100 --> 00:07:21,360 C'est ce cadre-là que la Cour a reconnu cette hypothèse d'imputabilité 115 00:07:21,560 --> 00:07:26,700 lorsque l'organe en cause, qui n'est pas formellement relié 116 00:07:26,900 --> 00:07:30,180 à l'État, est en situation de totale dépendance avec cet État. 117 00:07:30,900 --> 00:07:34,420 L'idée est qu'en fait c'est un organe qui se cache derrière son 118 00:07:34,620 --> 00:07:38,300 rattachement à un autre État, mais qui en réalité agit pour le 119 00:07:38,500 --> 00:07:42,540 compte de l'État dont on entend engager la responsabilité 120 00:07:42,740 --> 00:07:43,600 internationale. 121 00:07:44,280 --> 00:07:48,660 C'est une hypothèse que la Cour avait déjà évoquée dans l'affaire 122 00:07:48,860 --> 00:07:52,940 des activités militaires et paramilitaires, mais la Cour avait 123 00:07:53,140 --> 00:07:57,460 souligné déjà à l'époque que cette hypothèse ne reste qu'exceptionnelle. 124 00:07:57,660 --> 00:08:01,780 Donc, il y a un degré de preuve de cette totale dépendance qui 125 00:08:01,980 --> 00:08:07,280 est assez élevée pour pouvoir attirer l'organe d'un autre État vers l'État 126 00:08:07,480 --> 00:08:10,220 dont on entend engager la responsabilité internationale. 127 00:08:10,420 --> 00:08:14,680 Et dans l'affaire de la Convention pour la prévention et la répression 128 00:08:14,880 --> 00:08:18,840 du génocide la Cour avait d'ailleurs estimé que ce degré de totale 129 00:08:19,040 --> 00:08:23,400 dépendance n'était pas atteint malgré, on le sait, les liens très forts 130 00:08:23,600 --> 00:08:27,500 qui existaient entre la République serbe et la Yougoslavie, 131 00:08:27,700 --> 00:08:31,520 et la Cour avait noté notamment l'existence de différends politiques 132 00:08:31,720 --> 00:08:36,720 entre eux et du fait de ces différends 133 00:08:36,920 --> 00:08:39,840 politiques on ne pouvait pas parler de totale dépendance. 134 00:08:40,040 --> 00:08:45,200 Donc, la Cour avait refusé d'imputer les actes de l'armée serbe à la 135 00:08:45,400 --> 00:08:47,820 Yougoslavie dans le cadre de ce différend. 136 00:08:48,200 --> 00:08:53,320 C'est une porte qui a été ouverte, mais de manière assez limitée par 137 00:08:53,520 --> 00:08:54,840 la Cour internationale de justice. 138 00:08:55,040 --> 00:08:58,600 Ça, c'est pour ce que l'on considère comme étant les organes. 139 00:08:58,800 --> 00:09:01,460 Alors, on voit que déjà, on s'éloigne déjà un peu de l'État : 140 00:09:01,660 --> 00:09:03,980 les organes officiels, les organes non officiels, 141 00:09:04,180 --> 00:09:07,140 mais détenteurs de prérogatives de puissance publique, 142 00:09:07,340 --> 00:09:08,320 les organes de facto. 143 00:09:08,520 --> 00:09:14,620 C'est la première sphère d'imputabilité d'un fait internationalement illicite 144 00:09:14,820 --> 00:09:15,580 à l'État. 145 00:09:15,840 --> 00:09:18,820 Seconde sphère, qui est très particulière, ce sont les mouvements 146 00:09:19,020 --> 00:09:19,780 insurrectionnels. 147 00:09:19,980 --> 00:09:23,040 Le projet de la CDI prévoit des dispositions très précises en ce 148 00:09:23,240 --> 00:09:26,340 qui concerne les mouvements insurrectionnels, c'est l'article 149 00:09:26,540 --> 00:09:31,020 10 du projet de la CDI, une disposition qui distingue plusieurs 150 00:09:31,220 --> 00:09:31,980 hypothèses. 151 00:09:32,180 --> 00:09:37,720 Si l'insurrection est défaite, donc si l'insurrection ne parvient 152 00:09:37,920 --> 00:09:42,920 pas à faire tomber le gouvernement légitime, le comportement adopté 153 00:09:43,120 --> 00:09:45,420 par les insurgés n'est pas imputable à l'État. 154 00:09:45,680 --> 00:09:50,100 L'insurrection reste une affaire privée dont l'État ne peut pas 155 00:09:50,300 --> 00:09:53,120 être jugé responsable. 156 00:09:53,320 --> 00:09:57,460 Par contre, si l'insurrection est victorieuse, que le mouvement rebelle 157 00:09:57,660 --> 00:10:00,620 a réussi à faire tomber les autorités légitimes de l'État, 158 00:10:00,820 --> 00:10:04,760 à ce moment-là, l'État va se voir imputer les actes de ce mouvement 159 00:10:04,960 --> 00:10:07,800 insurrectionnel, y compris de manière rétroactive. 160 00:10:08,160 --> 00:10:11,880 Les actes qui ont été commis par cette rébellion dans le cadre de 161 00:10:12,480 --> 00:10:16,360 ce qu'on pourrait appeler une guerre civile vont être imputés a posteriori 162 00:10:16,560 --> 00:10:20,480 à l'État, dès lors que ce mouvement insurrectionnel a réussi à prendre 163 00:10:20,680 --> 00:10:23,180 la place du gouvernement initial. 164 00:10:24,800 --> 00:10:28,360 De fait, ainsi, l'insurrection non seulement fait tomber le 165 00:10:28,560 --> 00:10:32,120 gouvernement, mais obtient la création d'un nouvel État, ce qui peut être 166 00:10:32,320 --> 00:10:34,760 le cas lorsqu'on a une insurrection qui vise une indépendance. 167 00:10:35,380 --> 00:10:38,740 Si on a la création d'un nouvel État, ce nouvel État se verra imputer 168 00:10:38,940 --> 00:10:43,880 les actes du mouvement insurrectionnel, alors même qu'il n'existait pas 169 00:10:44,080 --> 00:10:46,860 au moment où ils ont été commis, puisque l'acte nouvellement créé, 170 00:10:47,360 --> 00:10:51,640 la création de ce nouvel État, n'intervient qu'après, 171 00:10:51,840 --> 00:10:55,320 naturellement, la victoire du mouvement insurrectionnel. 172 00:10:55,520 --> 00:11:00,260 Donc, des règles assez particulières, on le voit, en cas de mouvement 173 00:11:00,460 --> 00:11:05,780 insurrectionnel qui viendrait défaire les autorités en place d'un État. 174 00:11:05,980 --> 00:11:12,120 Troisième cercle en matière d'imputabilité, on s'éloigne encore 175 00:11:12,320 --> 00:11:15,780 plus de l'État : les personnes physiques, donc les sujets internes. 176 00:11:15,980 --> 00:11:20,000 Est-ce que le comportement des sujets internes peut être imputé 177 00:11:20,200 --> 00:11:20,960 à l'État ? 178 00:11:21,160 --> 00:11:23,300 Le principe est naturellement non. 179 00:11:23,500 --> 00:11:28,160 L'État n'a pas à rendre des comptes des activités de ses sujets internes. 180 00:11:29,600 --> 00:11:34,160 Le principe est que le comportement des sujets internes n'est pas imputable 181 00:11:34,360 --> 00:11:36,080 à l'État. 182 00:11:36,280 --> 00:11:40,200 Alors, sous réserve de tout ce que l'on a vu avant, 183 00:11:40,960 --> 00:11:44,540 déjà la frontière de ce qui est du sujet interne et ce qui n'est 184 00:11:44,740 --> 00:11:49,380 pas du sujet interne est parfois poreuse et conduit quand même à 185 00:11:49,580 --> 00:11:53,520 des règles d'imputabilité qui sont assez engageantes pour l'État, 186 00:11:53,720 --> 00:11:57,940 notamment avec les organes de facto, hypothèse que l'on a déjà vue. 187 00:11:58,140 --> 00:12:01,700 En dehors de tout ça, la jurisprudence internationale 188 00:12:01,900 --> 00:12:06,780 a tendance parfois à voir, derrière le comportement de sujets 189 00:12:06,980 --> 00:12:13,620 a priori purement internes, en réalité, le comportement de l'État. 190 00:12:13,820 --> 00:12:18,040 Donc, le droit international va vraiment s'intéresser aux circonstances 191 00:12:18,240 --> 00:12:24,060 de ce comportement non étatique et va vérifier que l'État n'est 192 00:12:24,260 --> 00:12:26,460 pas en lien avec ce sujet interne. 193 00:12:26,660 --> 00:12:30,940 Alors, il y a plusieurs hypothèses dans lesquelles on retrouve ce 194 00:12:31,140 --> 00:12:31,900 raisonnement. 195 00:12:32,100 --> 00:12:35,300 Premièrement, les faits, et ça, le droit international le 196 00:12:35,500 --> 00:12:39,200 reconnaît, qui sont commis par des sujets internes peuvent en 197 00:12:39,400 --> 00:12:42,960 réalité cacher une complicité ou une inaction de l'État. 198 00:12:43,160 --> 00:12:47,720 Donc, les faits de sujets purement internes peuvent cacher une complicité 199 00:12:47,920 --> 00:12:51,120 ou une inaction de l'État, et cette complicité et cette inaction 200 00:12:51,320 --> 00:12:54,460 sont imputables à l'État et peuvent, le cas échéant, générer une 201 00:12:54,660 --> 00:12:56,140 responsabilité internationale. 202 00:12:56,920 --> 00:13:01,800 C'est ce que la Cour internationale de justice a notamment fait prévaloir 203 00:13:02,000 --> 00:13:06,260 dans l'affaire du personnel diplomatique américain à Téhéran. 204 00:13:06,460 --> 00:13:11,900 Étaient en cause, pour rappel, des manifestations qui avaient 205 00:13:12,100 --> 00:13:14,340 été lancées par les gardiens de la révolution. 206 00:13:14,620 --> 00:13:18,500 Les gardiens de la révolution, qui sont considérés comme de simples 207 00:13:18,700 --> 00:13:23,560 particuliers, sont détachés de l'organisation étatique de l'Iran. 208 00:13:23,760 --> 00:13:28,240 Était notamment en cause une attaque bien connue contre l'ambassade 209 00:13:28,440 --> 00:13:31,580 des États-Unis à Téhéran, qui avait conduit à des dégradations 210 00:13:31,780 --> 00:13:37,540 et aussi à des captures de certains membres du personnel diplomatique 211 00:13:37,740 --> 00:13:39,120 présents dans l'ambassade. 212 00:13:39,480 --> 00:13:44,580 La particularité est que, à plusieurs reprises, 213 00:13:44,780 --> 00:13:47,920 les autorités consulaires, et notamment l'ambassadeur, 214 00:13:48,120 --> 00:13:52,880 avaient contacté le gouvernement iranien pour l'informer de l'imminence 215 00:13:53,080 --> 00:13:55,960 d'une attaque contre ses locaux, et le gouvernement n'était pas 216 00:13:56,160 --> 00:13:56,920 intervenu. 217 00:13:57,120 --> 00:14:02,760 Donc, la Cour a considéré que cette attaque constitue le fait de sujets 218 00:14:02,960 --> 00:14:05,760 internes, mais elle est allée au-delà puisqu'elle a considéré qu'en ne 219 00:14:05,960 --> 00:14:11,540 réagissant pas suite aux appels de l'ambassadeur, l'État a commis 220 00:14:11,740 --> 00:14:17,520 un acte qui lui est imputable et qui peut ouvrir, par conséquent, 221 00:14:17,720 --> 00:14:21,520 sa responsabilité internationale du fait de la carence de l'État 222 00:14:21,720 --> 00:14:26,540 iranien à prévenir des violations qui seraient commises par ces sujets 223 00:14:26,740 --> 00:14:27,500 internes. 224 00:14:27,700 --> 00:14:30,600 En l'espèce, elle a reconnu la responsabilité internationale de 225 00:14:30,800 --> 00:14:34,600 l'Iran du fait de cette omission, du fait de cette inaction de la 226 00:14:34,800 --> 00:14:36,200 part des autorités iraniennes. 227 00:14:36,400 --> 00:14:39,900 Donc, ça, c'est un premier cas où, derrière le comportement de sujets 228 00:14:40,100 --> 00:14:41,940 internes, on va voir en réalité l'État. 229 00:14:42,760 --> 00:14:46,140 Deuxième hypothèse, là aussi reconnue par le droit international : 230 00:14:46,340 --> 00:14:50,760 des faits qui sont commis par des sujets internes peuvent avoir été 231 00:14:50,960 --> 00:14:54,440 endossés, peuvent avoir été assumés par l'État, et dans ce cas-là aussi, 232 00:14:54,720 --> 00:14:59,080 on va pouvoir les imputer à l'État et potentiellement déclencher sa 233 00:14:59,280 --> 00:15:00,780 responsabilité internationale. 234 00:15:00,980 --> 00:15:05,140 Alors, c'est également ce qu'a reconnu la Cour internationale 235 00:15:05,340 --> 00:15:07,740 de justice, toujours dans cette affaire du personnel diplomatique 236 00:15:07,940 --> 00:15:08,880 américain à Téhéran. 237 00:15:09,080 --> 00:15:12,440 C'est le second volet un petit peu de l'affaire, puisque la Cour 238 00:15:12,640 --> 00:15:18,560 a noté en effet que le Guide suprême de la révolution, qui est un organe 239 00:15:18,760 --> 00:15:25,440 étatique, avait prononcé un discours à propos de l'attaque qu'il avait 240 00:15:25,640 --> 00:15:28,900 qualifiée comme un moyen de faire pression sur les États-Unis. 241 00:15:29,880 --> 00:15:35,360 La Cour a considéré que, par ce discours, l'État iranien 242 00:15:35,560 --> 00:15:42,040 avait endossé les faits des gardiens de la révolution, et donc l'occupation 243 00:15:42,240 --> 00:15:48,680 continue de l'ambassade et la détention des otages sont devenues de ce 244 00:15:48,880 --> 00:15:52,700 fait un fait de l'État, donc un fait imputable à l'État. 245 00:15:52,900 --> 00:15:57,080 Les individus, nous dit la Cour, ont pris la qualité d'agent de l'État, 246 00:15:57,280 --> 00:16:01,800 engageant donc sa responsabilité personnelle de l'État. 247 00:16:02,360 --> 00:16:06,240 Du fait de ce discours, la Cour a considéré que ce comportement 248 00:16:06,440 --> 00:16:10,220 purement privé est devenu en fait un comportement imputable à l'État, 249 00:16:10,420 --> 00:16:14,520 l'État ayant endossé l'action de ces sujets internes. 250 00:16:14,720 --> 00:16:22,100 Donc, deuxième hypothèse dans laquelle on va trouver l'État derrière le 251 00:16:22,300 --> 00:16:24,380 comportement de sujets internes. 252 00:16:24,580 --> 00:16:29,740 Dernière hypothèse qui a là aussi été dégagée par la Cour internationale 253 00:16:29,940 --> 00:16:33,780 de Justice, c'est l'hypothèse où les faits ont été réalisés par 254 00:16:33,980 --> 00:16:36,720 des sujets internes, mais sous le contrôle de l'État. 255 00:16:36,920 --> 00:16:39,520 Donc, c'est encore une hypothèse un peu différente de celle que 256 00:16:39,720 --> 00:16:40,480 l'on a vue précédemment. 257 00:16:41,120 --> 00:16:45,400 Les faits sont réalisés par des sujets purement internes, 258 00:16:45,600 --> 00:16:47,560 il n'y a pas de question d'organes, il ne s'agit pas de savoir si ce 259 00:16:47,760 --> 00:16:50,020 sont des organes ou pas, ce sont des sujets internes, 260 00:16:50,220 --> 00:16:53,920 mais en réalité, ces sujets internes agissent sous le contrôle de l'État. 261 00:16:54,120 --> 00:16:59,360 Alors, c'est notamment ce que la Cour a dégagé dans l'affaire relative 262 00:16:59,560 --> 00:17:02,180 aux activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, 263 00:17:02,380 --> 00:17:06,640 que j'ai déjà mentionnée, qui concernait donc l'activité 264 00:17:06,840 --> 00:17:10,380 des Contras, ce qui est un mouvement rebelle au Nicaragua, 265 00:17:10,580 --> 00:17:14,900 et l'action des États-Unis à l'égard de ce mouvement. 266 00:17:15,100 --> 00:17:20,460 Puisqu'il était reproché aux États-Unis des actions en soutien de ce mouvement 267 00:17:20,660 --> 00:17:21,420 rebelle. 268 00:17:21,620 --> 00:17:24,570 Il y avait des actions directes de la part des États-Unis qui ne 269 00:17:24,770 --> 00:17:28,560 posaient pas de difficulté en termes d'imputabilité, puisque les États-Unis 270 00:17:28,800 --> 00:17:31,260 avaient procédé notamment à des mouillages de mines. 271 00:17:31,460 --> 00:17:36,720 Ça, c'était une imputabilité qui était facilement établie.   272 00:17:36,920 --> 00:17:41,980 Par contre, le Nicaragua entendait imputer l'ensemble des actes de 273 00:17:42,180 --> 00:17:48,000 ce mouvement rebelle aux États-Unis, du fait du financement qu'opéraient 274 00:17:48,200 --> 00:17:49,900 les États-Unis à l'égard de ce mouvement. 275 00:17:50,100 --> 00:17:53,440 Donc, considérant que, du fait de ce financement, 276 00:17:53,700 --> 00:17:58,000 les actes de ces sujets internes, de ces Contras, devaient finalement 277 00:17:58,200 --> 00:18:01,140 être imputés aux États-Unis, parce que ce sont les États-Unis 278 00:18:01,440 --> 00:18:02,260 qui les financent. 279 00:18:03,020 --> 00:18:07,340 La Cour a donc eu à s'interroger sur ces hypothèses-là, qui encore 280 00:18:07,540 --> 00:18:10,120 une fois sont différentes des hypothèses vues précédemment, 281 00:18:10,320 --> 00:18:16,160 dans lesquelles on a des comportements de sujets internes qui agissent 282 00:18:16,360 --> 00:18:20,160 sous le contrôle, en l'espèce sous le financement, d'un État. 283 00:18:20,540 --> 00:18:25,460 La Cour a reconnu qu'il pouvait y avoir imputabilité, donc on pouvait 284 00:18:25,660 --> 00:18:29,200 imputer à l'État des faits commis par des sujets internes, 285 00:18:29,400 --> 00:18:32,980 mais uniquement lorsque l'on arrive à démontrer que cet État exerce 286 00:18:33,180 --> 00:18:36,480 un contrôle effectif sur ces sujets internes. 287 00:18:36,680 --> 00:18:40,600 C'est le critère du contrôle effectif, un critère qui a été beaucoup discuté 288 00:18:40,800 --> 00:18:43,300 au sein des juges et aussi en doctrine. 289 00:18:43,500 --> 00:18:48,400 Le critère du contrôle effectif signifie pour la Cour que le simple 290 00:18:48,600 --> 00:18:55,080 fait de financer les activités de ces sujets internes ne suffit pas : 291 00:18:55,280 --> 00:18:58,020 on n'est pas dans le cadre d'un contrôle effectif, on est dans 292 00:18:58,220 --> 00:19:01,240 le cadre d'un contrôle global qui, pour la Cour, ne suffit pas au 293 00:19:01,440 --> 00:19:02,680 titre de l'imputabilité. 294 00:19:02,880 --> 00:19:06,720 Ce qu'il faut, c'est donc un contrôle effectif, ce qui signifie qu'il 295 00:19:06,920 --> 00:19:11,760 faut démontrer que ces sujets internes ont agi sur les instructions et 296 00:19:11,960 --> 00:19:13,140 les directives de l'État. 297 00:19:13,520 --> 00:19:17,780 Le financement ne suffit pas : il faut démontrer qu'il y a eu 298 00:19:17,980 --> 00:19:20,580 instruction et directives de la part de l'État. 299 00:19:20,780 --> 00:19:24,180 C'est ce qui permet d'établir le contrôle effectif et ce qui permet 300 00:19:24,380 --> 00:19:30,480 donc de rattacher des comportements de sujets internes à l'État. 301 00:19:30,740 --> 00:19:34,820 En l'espèce, s'agissant purement, entre guillemets, d'un financement 302 00:19:35,020 --> 00:19:38,740 du mouvement rebelle par les États-Unis, la Cour a considéré 303 00:19:38,940 --> 00:19:42,660 qu'elle ne pouvait pas imputer les actes des Contras aux États-Unis. 304 00:19:42,860 --> 00:19:46,160 Alors, ça, c'est une hypothèse qu'il convient de garder en tête, 305 00:19:46,360 --> 00:19:47,840 cette question du contrôle effectif. 306 00:19:49,040 --> 00:19:56,280 Puisque les circonstances dans lesquelles on voit des États financer 307 00:19:56,480 --> 00:20:00,380 des entités, des sujets internes qui vont potentiellement commettre 308 00:20:00,580 --> 00:20:03,260 des violations du droit international, se multiplient en pratique. 309 00:20:03,460 --> 00:20:06,660 On mentionne beaucoup, dans l'actualité, par exemple, 310 00:20:06,860 --> 00:20:11,400 le rôle de l'Iran vis-à-vis de tout un tas de mouvements déstabilisant 311 00:20:11,600 --> 00:20:12,360 la région. 312 00:20:12,560 --> 00:20:17,440 Ce type d'hypothèses rentre dans ce champ-là, dans ce qu'a dégagé 313 00:20:17,640 --> 00:20:21,680 la Cour internationale de Justice dans cette affaire, avec ce seuil 314 00:20:21,880 --> 00:20:25,860 qui est assez élevé du contrôle effectif, ce qui laisse à penser que, 315 00:20:26,060 --> 00:20:31,780 sauf à démontrer que l'Iran délivre des instructions et des directives, 316 00:20:31,980 --> 00:20:37,960 et que ces sujets internes agissent à l'égard de ces instructions et 317 00:20:38,160 --> 00:20:43,580 de ces directives, il sera compliqué d'imputer les actes de ces entités 318 00:20:43,780 --> 00:20:45,740 à l'État iranien. 319 00:20:45,940 --> 00:20:50,860 Donc, c'est une hypothèse qui aujourd'hui montre beaucoup d'actualité 320 00:20:51,060 --> 00:20:54,800 dans les relations internationales contemporaines.