1 00:00:05,680 --> 00:00:09,880 Seconde voie d'exécution du droit international après les sanctions 2 00:00:10,080 --> 00:00:12,260 internationales, le recours à la force armée. 3 00:00:12,560 --> 00:00:16,540 Alors on l'a dit, le recours à la force armée a fait l'objet d'une 4 00:00:16,740 --> 00:00:21,040 évolution importante en droit international public puisque le 5 00:00:21,240 --> 00:00:25,980 droit international public tend vers la limitation, l'interdiction 6 00:00:26,180 --> 00:00:30,700 du recours à la force armée pour exécuter, pour faire respecter 7 00:00:30,900 --> 00:00:31,660 le droit international. 8 00:00:32,000 --> 00:00:35,540 Alors il y a eu plusieurs étapes dans cette affirmation de 9 00:00:35,740 --> 00:00:37,780 l'interdiction du recours à la force armée. 10 00:00:38,900 --> 00:00:42,140 Certaines que l'on va mentionner, pas toutes, par exemple la convention 11 00:00:42,340 --> 00:00:47,720 de La Haye de 1907 qui est une convention qui concernait la limitation 12 00:00:47,920 --> 00:00:51,360 justement de l'emploi de la force pour le recouvrement des dettes 13 00:00:51,560 --> 00:00:52,360 contractuelles. 14 00:00:52,800 --> 00:00:57,040 Donc cette convention-là est apparue comme l'une des premières conventions 15 00:00:57,240 --> 00:00:59,580 à venir limiter le recours à la force armée. 16 00:00:59,780 --> 00:01:04,600 Dans son article premier, cette convention pose en effet 17 00:01:04,800 --> 00:01:10,140 que le non-recouvrement d'une dette à l'égard de nationaux n'est pas 18 00:01:10,340 --> 00:01:15,240 un motif qui justifie le recours à la force armée sauf si l'État 19 00:01:15,440 --> 00:01:19,340 débiteur refuse ou laisse sans réponse une offre d'arbitrage ou 20 00:01:19,540 --> 00:01:23,180 manque à se conformer à la sentence qui a été rendue. 21 00:01:23,380 --> 00:01:26,480 Donc limitation, là, du principe de recours à la force 22 00:01:26,680 --> 00:01:31,740 armée en tant que moyen venant répondre au non-recouvrement d'une 23 00:01:31,940 --> 00:01:33,860 dette qui est due à l'égard des nationaux. 24 00:01:34,060 --> 00:01:37,300 Alors d'autres limitations ont été introduites ensuite dans la 25 00:01:37,500 --> 00:01:41,600 pratique jusqu'aux deux textes qui vont venir consacrer le principe 26 00:01:41,800 --> 00:01:44,020 d'interdiction de recourir à la force armée. 27 00:01:44,220 --> 00:01:48,480 Donc le pacte de Briand-Kellogg de 1928 et enfin, texte qui est 28 00:01:48,680 --> 00:01:53,120 toujours applicable donc la charte des Nations unies de 1945 qui prévoit 29 00:01:53,320 --> 00:01:59,000 dans son article 2 paragraphe 4 le principe d'interdiction de recourir 30 00:01:59,200 --> 00:02:00,320 à la force armée. 31 00:02:00,520 --> 00:02:05,180 Donc depuis cette consécration, le recours à la force armée n'est 32 00:02:05,380 --> 00:02:10,540 plus considéré comme un moyen de représailles lorsque l'État est 33 00:02:10,740 --> 00:02:13,160 victime d'une violation du droit international donc ce n'est plus 34 00:02:13,360 --> 00:02:16,840 considéré dans son principe comme un moyen d'exécution du droit 35 00:02:17,040 --> 00:02:20,420 international public, ce qui était l'hypothèse majoritaire 36 00:02:20,620 --> 00:02:24,600 avant la consécration de ce principe d'interdiction de recourir à la 37 00:02:24,800 --> 00:02:25,560 force armée. 38 00:02:25,760 --> 00:02:29,640 Alors pour autant, ce principe connaît des tempéraments, 39 00:02:29,840 --> 00:02:30,600 des exceptions. 40 00:02:30,940 --> 00:02:35,600 La première permet une utilisation que l'on peut qualifier multilatérale 41 00:02:35,800 --> 00:02:38,400 de la force armée, c'est celle qui repose sur le conseil de sécurité 42 00:02:38,600 --> 00:02:43,980 des Nations unies, et la seconde qui évoque cette fois-ci une hypothèse 43 00:02:44,180 --> 00:02:48,160 unilatérale de recourir à la force armée, c'est la légitime défense. 44 00:02:48,620 --> 00:02:52,200 Alors sur le volet multilatéral donc il s'agit du rôle du conseil 45 00:02:52,400 --> 00:02:56,960 de sécurité, ce rôle du conseil de sécurité en matière de recours 46 00:02:57,160 --> 00:03:02,240 à la force armée repose sur l'article 39 qui permet au conseil de sécurité 47 00:03:02,440 --> 00:03:06,660 d'intervenir lorsqu'il y a une menace contre la paix, 48 00:03:06,860 --> 00:03:11,160 une rupture de la paix ou un acte d'agression donc les trois hypothèses 49 00:03:11,360 --> 00:03:16,200 visées par l'article 39 donc menace contre la paix, rupture de la paix 50 00:03:16,400 --> 00:03:17,240 ou acte d'agression. 51 00:03:17,480 --> 00:03:23,340 Une fois que le conseil de sécurité identifie donc une telle circonstance, 52 00:03:23,540 --> 00:03:27,700 il peut conformément au chapitre 7 de la charte des Nations unies, 53 00:03:27,900 --> 00:03:31,980 il peut donc décider du recours à la force armée en vertu notamment 54 00:03:32,180 --> 00:03:33,330 de l'article 41. 55 00:03:33,530 --> 00:03:39,000 Donc la charte des Nations unies autorise le conseil de sécurité 56 00:03:39,200 --> 00:03:46,100 à mettre en place l'utilisation de la force armée en cas de rupture 57 00:03:46,300 --> 00:03:47,060 de la paix. 58 00:03:47,260 --> 00:03:51,500 Donc cette décision est prise par une résolution du conseil de sécurité 59 00:03:51,700 --> 00:03:57,940 qui est prise par un vote affirmatif de neuf de ses membres donc de 60 00:03:58,140 --> 00:04:02,920 neuf des quinze membres du conseil de sécurité dans lequel sont comprises 61 00:04:03,120 --> 00:04:06,560 les voix de tous les membres permanents donc c'est cette règle que l'on 62 00:04:06,760 --> 00:04:10,280 traduit en général par le droit de veto des cinq membres permanents 63 00:04:10,480 --> 00:04:13,640 du conseil de sécurité, sachant que l'abstention de l'un 64 00:04:13,840 --> 00:04:17,740 de ses membres ne vaut pas veto conformément à la pratique qui 65 00:04:17,940 --> 00:04:21,520 s'est établie dans le cadre du conseil de sécurité des Nations unies. 66 00:04:22,280 --> 00:04:25,700 Donc une résolution adoptée par le conseil de sécurité qui vient 67 00:04:25,900 --> 00:04:30,680 autoriser dans les cas définis par l'article 39 de recourir à 68 00:04:30,880 --> 00:04:31,640 la force armée. 69 00:04:31,840 --> 00:04:37,620 Quelques remarques sur la pratique de cet article 39 et de cet article 41, 70 00:04:37,820 --> 00:04:41,580 s'agissant des hypothèses dans lesquelles le conseil de sécurité 71 00:04:41,780 --> 00:04:46,180 est intervenu donc au titre de l'article 39 et notamment en matière 72 00:04:46,380 --> 00:04:50,840 de recours à la force armée, ces circonstances visées par l'article 73 00:04:51,040 --> 00:04:54,500 39 font l'objet d'une interprétation assez large du conseil de sécurité 74 00:04:54,700 --> 00:04:59,200 qui dépasse très largement la question du respect du droit international. 75 00:04:59,860 --> 00:05:04,260 Donc le conseil de sécurité utilise l'article 39 non pas uniquement 76 00:05:04,460 --> 00:05:07,500 quand il s'agit de faire exécuter le droit international mais dans 77 00:05:07,700 --> 00:05:09,900 des hypothèses où il n'y a pas forcément de violation du droit 78 00:05:10,100 --> 00:05:14,160 international mais il y a une menace à la paix, une menace contre la 79 00:05:14,360 --> 00:05:15,940 paix ou une rupture de la paix. 80 00:05:16,140 --> 00:05:19,080 Donc c'est ainsi par exemple que l'on voit des interventions du 81 00:05:19,280 --> 00:05:22,640 conseil de sécurité dans des conflits qui sont purement internes qui 82 00:05:22,840 --> 00:05:25,100 ne mobilisent pas forcément de violation du droit international 83 00:05:25,300 --> 00:05:29,760 mais que le conseil de sécurité va considérer comme une menace 84 00:05:29,960 --> 00:05:30,720 contre la paix. 85 00:05:30,940 --> 00:05:35,440 Donc à ce titre, l'article 39 tel qu'il est interprété par le conseil 86 00:05:35,640 --> 00:05:40,060 de sécurité dépasse en fait le simple cas qui nous occupe nous 87 00:05:40,260 --> 00:05:44,860 ici qui est le cas des voies d'exécution du DIP puisque dans 88 00:05:45,060 --> 00:05:47,300 certaines hypothèses, il n'y a pas de violation du droit 89 00:05:47,500 --> 00:05:50,880 international public qui est identifié par le conseil de sécurité. 90 00:05:52,580 --> 00:05:58,240 Deuxième remarque sur la pratique de cet article 39 donc s'agissant 91 00:05:58,440 --> 00:06:02,140 cette fois-ci des pouvoirs du conseil de sécurité en matière d'autorisation 92 00:06:02,340 --> 00:06:03,820 de recourir à la force armée. 93 00:06:04,120 --> 00:06:07,640 Alors initialement, le conseil de sécurité était appelé, 94 00:06:07,840 --> 00:06:10,980 lorsqu'il autorise le recours à la force armée, il était appelé 95 00:06:11,180 --> 00:06:15,440 à diriger l'opération militaire qu'il avait autorisée donc à travers 96 00:06:15,640 --> 00:06:20,520 un état-major qui relevait de la responsabilité du conseil de sécurité 97 00:06:20,720 --> 00:06:23,460 et qui était donc dans les mains des Nations unies. 98 00:06:23,740 --> 00:06:28,580 Alors cette hypothèse-là a pratiquement disparue aujourd'hui en pratique 99 00:06:28,780 --> 00:06:33,040 depuis la guerre de Corée et les blocages qu'il y a pu avoir entre 100 00:06:33,240 --> 00:06:37,560 les différents blocs, le conseil de sécurité se contente 101 00:06:37,760 --> 00:06:41,560 généralement d'autoriser le recours à la force armée, d'autoriser des 102 00:06:41,760 --> 00:06:46,060 États ou d'autoriser des forces multinationales à recourir à la 103 00:06:46,260 --> 00:06:49,520 force armée et ne l'encadre plus comme ils pouvaient faire dans 104 00:06:49,720 --> 00:06:55,360 la pratique précédente donc c'est la pratique qui consiste simplement 105 00:06:55,560 --> 00:07:00,400 à donner une autorisation à recourir à la force armée, alors avec les 106 00:07:00,600 --> 00:07:04,840 conséquences que cela peut avoir en matière de détournement ou de 107 00:07:05,040 --> 00:07:09,060 dévoiement de l'autorisation qui a été donnée par le conseil de 108 00:07:09,260 --> 00:07:12,740 sécurité aux États ou aux forces multinationales. 109 00:07:14,120 --> 00:07:18,780 Donc voilà pour le rôle du conseil de sécurité qui va donc sur le 110 00:07:18,980 --> 00:07:24,420 fondement de l'article 39 pouvoir utiliser la force armée notamment 111 00:07:24,620 --> 00:07:27,160 comme voie d'exécution du droit international public. 112 00:07:28,060 --> 00:07:33,080 L'autre hypothèse qui vient réintroduire l'usage de la force 113 00:07:33,280 --> 00:07:35,840 en droit international, c'est la légitime défense donc 114 00:07:36,040 --> 00:07:41,060 il s'agit cette fois-ci d'une hypothèse individuelle unilatérale de recourir 115 00:07:41,260 --> 00:07:42,020 à la force armée. 116 00:07:42,220 --> 00:07:44,820 Elle est unilatérale, ça ne signifie pas qu'elle n'ait 117 00:07:45,020 --> 00:07:48,620 pas encadré par les textes, elle n'est pas arbitraire puisque là, 118 00:07:48,820 --> 00:07:52,400 encore c'est la charte des Nations unies qui vient prévoir le cas 119 00:07:52,600 --> 00:07:56,120 dans lequel l'État peut recourir à la légitime défense, 120 00:07:56,320 --> 00:07:59,660 c'est-à-dire peut utiliser la force armée à l'encontre d'un autre État, 121 00:07:59,860 --> 00:08:04,520 c'est l'article 51 de la charte des Nations unies qui prévoit de 122 00:08:04,720 --> 00:08:09,480 manière négative, donc ce qui montre la volonté quand même de maintenir 123 00:08:09,680 --> 00:08:13,800 le principe d'interdiction de recourir à la force, qui prévoit qu'aucune 124 00:08:14,000 --> 00:08:17,800 disposition de la présente charte ne porte atteinte au droit naturel 125 00:08:18,000 --> 00:08:22,280 de légitime défense individuelle ou collective dans le cas où un 126 00:08:22,480 --> 00:08:27,240 membre des Nations unies est l'objet d'une agression armée jusqu'à ce 127 00:08:27,440 --> 00:08:30,580 que le conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour 128 00:08:30,780 --> 00:08:33,660 maintenir la paix et la sécurité internationale. 129 00:08:33,860 --> 00:08:39,360 Donc ça, c'est l'article 51 donc on retrouve l'idée d'une légitime 130 00:08:39,560 --> 00:08:43,240 défense qui serait une prérogative inhérente à la qualité d'État donc 131 00:08:43,440 --> 00:08:47,140 c'est un droit naturel de légitime défense mais qui est conçu de manière 132 00:08:47,340 --> 00:08:52,260 provisoire puisque conformément à l'article 51, le droit d'exercer 133 00:08:52,460 --> 00:08:56,420 la légitime défense disparaît lorsque le conseil de sécurité prend les 134 00:08:56,620 --> 00:09:00,300 mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationale 135 00:09:00,500 --> 00:09:05,240 donc lorsque l'on bascule d'une réaction unilatérale à une réaction 136 00:09:05,440 --> 00:09:09,120 collective par le biais du conseil de sécurité, la légitime défense 137 00:09:09,320 --> 00:09:14,340 disparaît et la priorité est donnée à l'action collective via le conseil 138 00:09:14,540 --> 00:09:16,240 de sécurité des Nations unies. 139 00:09:16,440 --> 00:09:22,720 Ce basculement s'opère sur le plan procédural par l'obligation qui 140 00:09:22,920 --> 00:09:26,320 est faite à l'État qui entend agir en légitime défense, 141 00:09:26,520 --> 00:09:29,920 obligation qui lui est faite de notifier donc de porter à la 142 00:09:30,120 --> 00:09:33,880 connaissance du conseil de sécurité le fait qu'il va exercer son droit 143 00:09:34,080 --> 00:09:38,100 de légitime défense et d'informer le conseil des sécurité des mesures 144 00:09:38,300 --> 00:09:42,040 qui sont prises dans le cadre de ce qu'il considère comme son droit 145 00:09:42,240 --> 00:09:45,740 à légitime défense, ce qui permet au conseil des sécurité d'être 146 00:09:45,940 --> 00:09:50,820 informé de l'exercice de la légitime défense et le cas échéant d'intervenir, 147 00:09:51,020 --> 00:09:56,240 ce qui va conduire à épuiser le droit de légitime défense de l'État 148 00:09:56,440 --> 00:09:59,660 conformément à l'article 51 de la charte. 149 00:09:59,860 --> 00:10:04,520 La légitime défense donc qui permet à l'État de recourir à la force 150 00:10:04,720 --> 00:10:08,180 armée constitue donc dans ce cas-là une voie d'exécution du droit 151 00:10:08,380 --> 00:10:12,840 international mais uniquement dans une situation bien précise puisqu'il 152 00:10:13,040 --> 00:10:15,740 s'agit de l'hypothèse où l'État subit une agression donc c'est 153 00:10:15,940 --> 00:10:19,440 pas toutes les violations du droit international qui peuvent faire 154 00:10:19,640 --> 00:10:23,280 l'objet de représailles armées, c'est uniquement l'agression d'un 155 00:10:23,480 --> 00:10:28,060 État par un autre État qui va donner droit d'utiliser la force armée, 156 00:10:28,260 --> 00:10:32,020 l'idée étant d'autoriser l'état à repousser l'ennemi lorsqu'il 157 00:10:32,220 --> 00:10:33,900 subit une agression étrangère. 158 00:10:35,020 --> 00:10:37,780 Alors dans la pratique, quelques éléments de pratique sur 159 00:10:37,980 --> 00:10:41,520 cette légitime défense, il y a beaucoup de situations dans 160 00:10:41,720 --> 00:10:45,220 lesquelles la légitime défense est invoquée par l'État, 161 00:10:46,720 --> 00:10:51,860 certaines de ces pratiques viennent quand même mettre au défi l'article 162 00:10:52,060 --> 00:10:55,740 51 et les règles qui sont posées par le droit international en la 163 00:10:55,940 --> 00:10:56,700 matière. 164 00:10:56,900 --> 00:11:02,920 Alors on en mentionnera deux ici, premièrement, certains États défendent 165 00:11:03,120 --> 00:11:08,040 la possibilité d'une légitime défense dite préventive, c'est-à-dire qui 166 00:11:08,240 --> 00:11:12,900 interviendrait avant que l'agression ne soit commise, légitime défense 167 00:11:13,100 --> 00:11:17,120 préventive, ce fut le cas de la position américaine dans le cadre 168 00:11:17,320 --> 00:11:21,780 de la lutte contre le terrorisme après les attentats de septembre 169 00:11:21,980 --> 00:11:26,480 2001 puisque les États-Unis ont développé ce concept d'action 170 00:11:26,680 --> 00:11:32,400 anticipative qui leur permettrait, qui justifierait l'emploi de la 171 00:11:32,600 --> 00:11:37,180 force pour prévenir une attaque armée qui devrait se produire à 172 00:11:37,380 --> 00:11:41,320 une date indéterminée puisqu'on est dans l'anticipation, c'était 173 00:11:41,520 --> 00:11:45,100 ce qu'on a appelé la doctrine Bush donc cette légitime défense préventive 174 00:11:45,300 --> 00:11:48,700 qui permettrait donc d'utiliser la force armée alors même que 175 00:11:48,900 --> 00:11:51,480 l'agression n'a pas encore été commise. 176 00:11:51,680 --> 00:11:56,620 Alors c'est une doctrine qui n'a pas disparu puisqu'on la retrouve 177 00:11:56,820 --> 00:12:02,260 aujourd'hui toujours dans la pratique américaine, c'est notamment la 178 00:12:02,460 --> 00:12:08,140 position qui a été évoquée par les États-Unis lorsque les États-Unis 179 00:12:08,500 --> 00:12:15,240 ont ciblé un haut représentant iranien donc le général Soleimani 180 00:12:15,440 --> 00:12:21,740 donc ont pratiqué donc un assassinat ciblé donc en janvier 2020 du général 181 00:12:21,940 --> 00:12:25,560 Soleimani qui était un haut représentant iranien, 182 00:12:25,760 --> 00:12:30,380 l'argument était, l'argument pour justifier cet assassinat était 183 00:12:30,580 --> 00:12:34,340 de dissuader les futurs plans d'attaque iraniens donc on est bien dans 184 00:12:34,540 --> 00:12:40,880 du vocabulaire de l'action d'anticipation d'une potentielle 185 00:12:41,080 --> 00:12:42,760 future agression armée. 186 00:12:42,960 --> 00:12:45,980 Alors c'est aussi des arguments que l'on a pu retrouver à certains 187 00:12:46,180 --> 00:12:51,900 égards dans les discours de Poutine en ce qui concerne l'agression 188 00:12:52,100 --> 00:12:57,720 de l'Ukraine avec cette idée d'une menace à venir du fait notamment 189 00:12:57,920 --> 00:13:04,480 de la présence de l'OTAN sur la frontière entre l'Ukraine et la Russie. 190 00:13:04,680 --> 00:13:07,540 C'est aussi quelque chose qu'on le retrouve de manière plus 191 00:13:07,740 --> 00:13:12,460 contemporaine dans le cadre du conflit israélo-palestinien avec 192 00:13:12,660 --> 00:13:17,220 là encore certains discours des autorités israéliennes qui évoquent 193 00:13:17,420 --> 00:13:23,820 cette idée d'une volonté de dissuader une agression future à l'encontre 194 00:13:24,020 --> 00:13:27,140 du Hamas mais aussi de plus en plus à l'encontre du Hezbollah 195 00:13:27,340 --> 00:13:31,560 donc on s'attaque à ces entités alors même qu'ils n'ont pas commis 196 00:13:31,760 --> 00:13:36,280 d'agression en tout cas pour ce qui concerne le Hezbollah du fait 197 00:13:36,480 --> 00:13:40,860 de cette volonté de dissuader de futurs plans d'attaque à l'encontre 198 00:13:41,060 --> 00:13:42,560 des intérêts israéliens. 199 00:13:43,380 --> 00:13:47,680 Donc ça, ce sont des positions qui sont prises par les États. 200 00:13:48,020 --> 00:13:52,980 Le droit positif n'est pas très clair sur la question, 201 00:13:53,180 --> 00:13:56,200 il n'y a jamais eu de consécration par exemple par la Cour internationale 202 00:13:56,400 --> 00:13:59,980 de Justice de cette possibilité de la légitime défense préventive. 203 00:14:00,320 --> 00:14:04,620 Du point de vue de la doctrine, on considère à la limite que si 204 00:14:04,820 --> 00:14:08,520 la légitime défense préventive est possible au regard du droit 205 00:14:08,720 --> 00:14:12,420 international, c'est uniquement dans l'hypothèse d'une menace 206 00:14:12,620 --> 00:14:16,940 irrésistible que seul pourrait arrêter un recours à la force préalable 207 00:14:17,140 --> 00:14:20,680 donc une menace irrésistible que seul pourrait arrêter un recours 208 00:14:20,880 --> 00:14:22,620 à la force préalable, c'est-à-dire dans des conditions 209 00:14:22,820 --> 00:14:28,600 qui sont quand même assez strictes en matière de recours à la force armée. 210 00:14:29,940 --> 00:14:34,440 Deuxième pratique que l'on peut mentionner et qui là encore peut 211 00:14:34,640 --> 00:14:37,360 être questionnée au regard du droit international positif, 212 00:14:37,600 --> 00:14:41,780 la légitime défense a été invoquée pour justifier des représailles 213 00:14:41,980 --> 00:14:47,340 armées faisant suite à une attaque qui était menée par une organisation 214 00:14:47,540 --> 00:14:52,060 terroriste ou par une entité infra-étatique donc dans ce cas-là, 215 00:14:52,260 --> 00:14:55,600 l'agression a bien été commise mais elle n'a pas été le fait d'un 216 00:14:55,800 --> 00:15:00,060 État, elle a été le fait d'une entité infra-étatique, une entité 217 00:15:00,260 --> 00:15:04,060 non étatique, souvent le cas d'une organisation terroriste. 218 00:15:04,260 --> 00:15:07,400 Alors la difficulté est que la légitime défense telle qu'elle 219 00:15:07,600 --> 00:15:11,260 est conçue à l'article 51 de la charte des Nations unies vise une 220 00:15:11,460 --> 00:15:14,820 agression armée commise par un État à l'encontre d'un autre État 221 00:15:15,020 --> 00:15:18,860 donc on est dans un conflit inter-étatique et ne vise pas 222 00:15:19,060 --> 00:15:21,120 l'hypothèse des entités non étatiques. 223 00:15:21,900 --> 00:15:25,240 Alors la question a été posée à la Cour internationale de Justice 224 00:15:25,440 --> 00:15:32,020 dans son avis qu'elle a rendu en 2004 sur les conséquences juridiques 225 00:15:32,220 --> 00:15:36,780 de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé 226 00:15:36,980 --> 00:15:40,600 donc là, on était en 2004 et la Cour internationale de justice 227 00:15:40,800 --> 00:15:45,520 a rejeté l'argument fondé sur la légitime défense qui était invoquée 228 00:15:45,720 --> 00:15:53,160 par Israël à l'encontre du Hamas qui donc était l'auteur prétendu 229 00:15:53,360 --> 00:15:57,860 des actes à l'encontre des intérêts israéliens et la Cour a conclu 230 00:15:58,060 --> 00:16:02,020 notamment que l'article 51 de la charte est sans pertinence au cas 231 00:16:02,220 --> 00:16:05,640 particulier donc qui concernait les relations entre Israël et le Hamas, 232 00:16:05,840 --> 00:16:10,760 donc limitant la légitime défense à une agression qui a été commise 233 00:16:10,960 --> 00:16:13,060 par un État à l'encontre d'un autre État. 234 00:16:13,500 --> 00:16:16,780 Alors là encore, il y a des théories qui se sont développées, 235 00:16:16,980 --> 00:16:22,220 des positions qui ont été affirmées par les États pour contourner cette 236 00:16:22,420 --> 00:16:27,460 difficulté, c'est le cas d'une théorie que l'on schématise de 237 00:16:27,660 --> 00:16:31,340 la manière suivante, Unwilling or Unable State qui est 238 00:16:31,540 --> 00:16:37,460 une doctrine par laquelle on autoriserait un État à recourir 239 00:16:37,660 --> 00:16:42,660 à la force armée à l'encontre d'une organisation non étatique dès lors 240 00:16:42,860 --> 00:16:47,240 que l'État sur le territoire duquel se trouve cette organisation non 241 00:16:47,440 --> 00:16:53,500 étatique est incapable ou n'a pas la volonté de combattre ce mouvement 242 00:16:53,700 --> 00:16:56,860 terroriste donc dès lors que l'État sur le territoire duquel se trouve 243 00:16:57,060 --> 00:17:03,600 l'organisation terroriste ne peut pas ou ne veut pas stopper ou dissuader 244 00:17:03,800 --> 00:17:07,040 les attaques commises par cette organisation, ça donnerait droit 245 00:17:07,240 --> 00:17:10,260 à légitime défense de la part de l'État. 246 00:17:10,680 --> 00:17:15,340 Alors cette théorie, cette position a notamment été 247 00:17:15,540 --> 00:17:21,980 défendue par Israël dans le cadre du conflit israélo-palestinien donc là, 248 00:17:22,180 --> 00:17:28,820 on était avant l'agression d'octobre 2023 pour donc justifier ses 249 00:17:29,020 --> 00:17:33,120 interventions dans la bande de Gaza qui existait déjà auparavant 250 00:17:33,320 --> 00:17:37,360 en alléguant l'incapacité de l'autorité palestinienne donc c'est-à-dire 251 00:17:37,560 --> 00:17:42,160 du gouvernement légitime de l'autorité palestinienne de réprimer le mouvement 252 00:17:42,360 --> 00:17:44,320 du Hamas sur son territoire. 253 00:17:44,520 --> 00:17:49,320 C'est aussi une théorie qui a été défendue par les États-Unis en 254 00:17:49,520 --> 00:17:56,920 2014 pour justifier leur campagne militaire aérienne à l'encontre 255 00:17:57,120 --> 00:18:01,600 de l'État islamique sur le territoire syrien, les États-Unis faisant 256 00:18:01,800 --> 00:18:06,380 valoir que le régime syrien ne veut pas ou ne peut pas empêcher 257 00:18:06,580 --> 00:18:11,000 le développement de l'État islamique sur son territoire, ce qui justifierait 258 00:18:11,200 --> 00:18:16,200 de la part des États-Unis le droit d'exercer leur légitime défense 259 00:18:16,400 --> 00:18:19,380 sur le territoire syrien à l'encontre de l'État islamique. 260 00:18:19,580 --> 00:18:23,380 La difficulté dans ces hypothèses, c'est que bien souvent, 261 00:18:23,580 --> 00:18:28,740 la représaille armée va porter sur un État qui n'a pas forcément 262 00:18:28,940 --> 00:18:35,100 de lien avec l'auteur des attaques donc ce qui jette là encore un 263 00:18:35,300 --> 00:18:37,440 doute sur la légalité en droit international. 264 00:18:37,920 --> 00:18:41,220 Là encore, il n'y a pas eu de reconnaissance en droit international 265 00:18:41,420 --> 00:18:48,980 positif de cette possibilité de légitime défense, c'est du point 266 00:18:49,180 --> 00:18:52,020 de vue doctrinal, c'est une interprétation qui est quand même 267 00:18:52,220 --> 00:18:57,520 assez largement contestée en ce qui concerne donc cette légitime 268 00:18:57,720 --> 00:19:01,560 défense contre des entités non étatiques. 269 00:19:02,440 --> 00:19:06,100 Alors quoi qu'il en soit, toutes ces pratiques qui viennent 270 00:19:06,300 --> 00:19:11,920 donc tendre à essayer d'étirer le droit à légitime défense sont 271 00:19:12,120 --> 00:19:16,660 autant de remises en cause du principe d'interdiction de recourir à la 272 00:19:16,860 --> 00:19:20,420 force armée et ce que rappelle la doctrine est que, 273 00:19:20,620 --> 00:19:24,180 en l'état, toutes ces exceptions-là à ce principe qui est un principe 274 00:19:24,380 --> 00:19:28,540 cardinal des relations internationales doit naturellement être interprété 275 00:19:28,740 --> 00:19:29,700 de manière restrictive.