1 00:00:05,110 --> 00:00:08,170 Chapitre 3 : l'autonomie de l'ordre juridique de l'Union par rapport 2 00:00:08,370 --> 00:00:09,250 au droit international. 3 00:00:10,150 --> 00:00:16,270 Bien comprendre que l'Union européenne entretient des relations avec le 4 00:00:16,470 --> 00:00:17,230 reste du monde. 5 00:00:17,430 --> 00:00:21,610 C'est d'ailleurs l'un de ses objectifs en vertu de l'article 3 du Traité 6 00:00:21,810 --> 00:00:26,350 sur l'Union européenne, qui explique le fait que l'Union 7 00:00:26,550 --> 00:00:32,350 ait conclu toute une série d'accords internationaux qui produisent, 8 00:00:32,560 --> 00:00:34,270 à son endroit, des effets. 9 00:00:35,230 --> 00:00:41,020 Ce qui appelle évidemment à une réflexion sur la manière dont l'Union 10 00:00:41,220 --> 00:00:46,240 européenne se place par rapport 11 00:00:47,290 --> 00:00:48,880 à l'ordre juridique international. 12 00:00:49,080 --> 00:00:53,230 Or, l'une des postures de la Cour de justice, notamment dans l'avis 2/13, 13 00:00:54,190 --> 00:00:57,460 c'est bien de nous dire qu'on a une autonomie, et une autonomie 14 00:00:57,660 --> 00:01:00,370 notamment dans le rapport au droit international. 15 00:01:00,580 --> 00:01:03,730 Que signifie cette autonomie du droit de l'Union au regard du droit 16 00:01:03,930 --> 00:01:04,690 international ? 17 00:01:04,890 --> 00:01:08,260 Présentée comme une caractéristique essentielle de ce droit, 18 00:01:08,460 --> 00:01:09,790 arrêt Achmea, affaire C-284/16. 19 00:01:10,150 --> 00:01:16,300 C'est cette question qu'on va essayer de résoudre aujourd'hui, 20 00:01:16,720 --> 00:01:21,580 en montrant d'abord que le droit de l'Union intègre certes le droit 21 00:01:21,780 --> 00:01:24,160 international, mais avec des conditions. 22 00:01:24,850 --> 00:01:30,430 Et on verra ensuite que cela n'est pas sans conséquences sur la structure 23 00:01:30,630 --> 00:01:32,230 même de l'Union européenne. 24 00:01:32,810 --> 00:01:34,900 Mais voyons d'abord, paragraphe 1, l'intégration 25 00:01:35,100 --> 00:01:38,680 conditionnée du droit international dans l'ordre juridique de l'Union. 26 00:01:39,670 --> 00:01:45,370 En effet, le droit international 27 00:01:45,570 --> 00:01:50,470 produit des effets dans l'ordre juridique de l'Union, 28 00:01:51,170 --> 00:01:56,380 mais attention, sous des conditions bien précises, à la fois énoncées 29 00:01:56,580 --> 00:01:59,830 par le traité, mais aussi par la jurisprudence, qui distingue à 30 00:02:00,030 --> 00:02:04,240 cet égard ce qu'on appelle le droit international général des accords 31 00:02:04,440 --> 00:02:05,200 internationaux de l'Union. 32 00:02:05,890 --> 00:02:08,680 Le droit international général, ce sont les sources de droit 33 00:02:08,880 --> 00:02:12,280 international, de nature non conventionnelle, qui ont vocation 34 00:02:12,480 --> 00:02:16,180 à s'appliquer à tous les sujets de droit international, dont l'Union 35 00:02:16,380 --> 00:02:17,140 européenne également. 36 00:02:17,680 --> 00:02:21,820 Puisque celle-ci, article 3, paragraphe 5, TUE, contribue au 37 00:02:22,020 --> 00:02:24,370 strict respect au développement du droit international. 38 00:02:25,720 --> 00:02:28,960 Ce qui signifie que les compétences de l'Union en matière externe doivent 39 00:02:29,160 --> 00:02:32,940 être exercées dans le strict respect du droit international général, 40 00:02:33,140 --> 00:02:35,020 arrêt Racke, affaire C-162/96. 41 00:02:35,530 --> 00:02:41,410 Donc, les règles coutumières du droit international général lient 42 00:02:41,980 --> 00:02:44,530 l'Union européenne, lient les institutions de l'Union, 43 00:02:44,980 --> 00:02:45,810 affaire Brita C-386/08. 44 00:02:51,230 --> 00:02:54,890 Ce qui signifie que devant la Cour de justice, on peut invoquer un 45 00:02:55,090 --> 00:02:57,560 principe, par exemple de bonne foi, qui est issu de la coutume 46 00:02:57,760 --> 00:03:01,250 internationale, comme on le voit dans une affaire devant le tribunal, 47 00:03:01,450 --> 00:03:02,210 Tisza, T-468/08. 48 00:03:08,340 --> 00:03:13,890 Et donc, pas rare de voir dans la jurisprudence de la Cour à invoquer 49 00:03:14,090 --> 00:03:18,600 des principes du droit international coutumier, par exemple ceux qui 50 00:03:18,800 --> 00:03:22,440 régissent la souveraineté des États en matière aérienne, 51 00:03:22,950 --> 00:03:27,330 affaire Air Transport International Association of America, 52 00:03:27,530 --> 00:03:28,290 C-366/10. 53 00:03:33,240 --> 00:03:37,560 Ceci montre bien la volonté de la Cour de justice de contribuer 54 00:03:37,760 --> 00:03:39,420 au développement du droit international. 55 00:03:41,520 --> 00:03:45,360 Et d'ailleurs, la jurisprudence estime que les accords qui sont 56 00:03:45,560 --> 00:03:48,210 conclus par l'Union doivent être interprétés conformément aux règles 57 00:03:48,410 --> 00:03:49,650 du droit international général. 58 00:03:51,990 --> 00:03:55,440 Tel est le cas, par exemple, pour déterminer le champ d'application 59 00:03:55,640 --> 00:03:57,510 d'une convention internationale conclue par l'Union. 60 00:03:58,050 --> 00:04:01,560 On le voit dans une affaire sensible concernant le Front Polisario, 61 00:04:01,760 --> 00:04:09,030 affaire C-104/16 P, où ici, la Cour a interprété des principes 62 00:04:09,230 --> 00:04:11,670 coutumiers, comme l'autodétermination, par exemple. 63 00:04:13,860 --> 00:04:15,930 Question évidemment sensible dans cette affaire. 64 00:04:20,270 --> 00:04:25,190 On retrouve donc cette volonté très claire de prendre en compte 65 00:04:25,390 --> 00:04:30,740 pleinement le droit international général, et notamment si celui-ci 66 00:04:31,040 --> 00:04:33,920 vient à être précisé par des conventions internationales. 67 00:04:34,520 --> 00:04:36,530 C'est le cas pour le droit international maritime, 68 00:04:36,730 --> 00:04:37,490 par exemple. 69 00:04:37,690 --> 00:04:39,920 Comme on le voit dans une affaire Poulsen, une affaire C-286/90. 70 00:04:47,390 --> 00:04:53,270 Cette question peut se comprendre aussi si on réfléchit à ce que 71 00:04:53,470 --> 00:04:56,030 la doctrine avait caractérisé, à la suite de la jurisprudence 72 00:04:56,230 --> 00:04:58,250 de la Cour, comme la théorie de la succession. 73 00:04:59,180 --> 00:05:01,820 En effet, on était confrontés, dès les origines du droit 74 00:05:02,020 --> 00:05:05,000 communautaire, à un problème, c'est que les négociations du GATT 75 00:05:05,200 --> 00:05:10,070 avaient débuté avant que le traité CEE soit conclu, et que la politique 76 00:05:10,270 --> 00:05:13,460 commerciale commune ne soit transférée à la communauté à l'époque. 77 00:05:14,900 --> 00:05:19,600 La Cour de justice avait, dans notamment un arrêt International 78 00:05:19,800 --> 00:05:28,640 Fruit Company, une affaire 24/72, estimé qu'ici, on pouvait considérer 79 00:05:29,420 --> 00:05:34,130 que la communauté avait succédé aux États dans ses obligations 80 00:05:34,330 --> 00:05:44,180 puisque le domaine du GATT correspondait aux compétences désormais 81 00:05:44,380 --> 00:05:45,950 transférées à la communauté. 82 00:05:47,060 --> 00:05:51,530 Cette théorie de la succession n'est pas générale, loin s'en faut. 83 00:05:51,730 --> 00:05:54,950 Au contraire, la loi est appréciée convention par convention, 84 00:05:55,520 --> 00:05:58,310 et est très loin d'être automatique. 85 00:05:59,270 --> 00:06:01,610 Elle peut être refusée, comme on le voit en matière maritime, 86 00:06:01,810 --> 00:06:04,210 dans une affaire Commune de Mesquer, affaire C-188/07. 87 00:06:07,790 --> 00:06:11,690 Ou même pour la question de la CEDH, alors que Pescatore considérait 88 00:06:11,890 --> 00:06:15,830 que les États membres avaient vu l'Union leur succéder dans le respect 89 00:06:16,030 --> 00:06:16,790 de la CEDH. 90 00:06:16,990 --> 00:06:21,200 La Cour avait conclu en sens inverse dans son avis 2/94, expliquant 91 00:06:21,400 --> 00:06:24,230 que le traité de Lisbonne ait introduit une disposition spécifique pour 92 00:06:24,430 --> 00:06:28,220 que l'Union adhère au droit international. 93 00:06:31,700 --> 00:06:36,290 Cette autonomie, on le voit, du droit de l'Union à l'égard du 94 00:06:36,490 --> 00:06:41,810 droit international, n'est pas une autonomie totalement complète, 95 00:06:42,010 --> 00:06:42,800 totalement fermée. 96 00:06:43,370 --> 00:06:46,640 Elle permet, par le biais du droit international général, 97 00:06:47,300 --> 00:06:51,590 de garantir le respect par l'Union de la légalité internationale. 98 00:06:52,460 --> 00:06:56,390 D'autant que l'Union conclut nombre d'accords internationaux, 99 00:06:59,040 --> 00:07:02,000 à la condition d'être compétents, de disposer d'une compétence externe, 100 00:07:02,200 --> 00:07:05,150 bien entendu, mais il y a un nombre d'accords internationaux qui sont 101 00:07:05,350 --> 00:07:08,990 conclus par celle-ci, et surtout, de jurisprudence concluant  102 00:07:10,040 --> 00:07:12,800 ces accords internationaux, une fois qu'ils sont conclus, 103 00:07:13,000 --> 00:07:16,760 forment partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union, 104 00:07:16,960 --> 00:07:21,260 dit la Cour, depuis un arrêt Haegeman, affaire 181/73. 105 00:07:22,460 --> 00:07:25,880 Et l'article 216 le dit bien, les accords conclus par l'Union 106 00:07:26,080 --> 00:07:29,360 lient les institutions, et prévalent en conséquence sur 107 00:07:29,990 --> 00:07:32,840 les actes de droit dérivé qui sont adoptés par les institutions. 108 00:07:33,290 --> 00:07:36,350 Et là, vous avez une jurisprudence particulièrement abondante, 109 00:07:36,650 --> 00:07:41,720 dans laquelle la Cour de justice peut contrôler le respect par des 110 00:07:41,920 --> 00:07:46,460 actes de droit dérivé, d'accords internationaux conclus 111 00:07:46,660 --> 00:07:47,720 par l'Union européenne. 112 00:07:47,920 --> 00:07:53,960 Ici, cette supériorité reconnue par rapport aux droits dérivés 113 00:07:54,160 --> 00:07:55,070 des accords internationaux. 114 00:07:55,400 --> 00:07:58,670 Il y a donc une primauté des accords internationaux sur le droit dérivé, 115 00:07:59,720 --> 00:08:04,040 mais il n'y a pas de primauté sur le traité, bien entendu, 116 00:08:04,240 --> 00:08:05,080 par définition. 117 00:08:05,280 --> 00:08:09,440 D'ailleurs, sur ce point, il faut insister sur un élément 118 00:08:09,640 --> 00:08:10,400 important. 119 00:08:10,600 --> 00:08:15,170 Il existe en effet, dans le traité, un article 218, paragraphe 11, 120 00:08:15,740 --> 00:08:18,950 en vertu duquel Parlement, Conseil et Commission, 121 00:08:19,150 --> 00:08:23,090 voire États membres, peuvent demander à la Cour de justice 122 00:08:23,600 --> 00:08:28,220 d'apprécier à titre préventif si un accord que l'Union envisage 123 00:08:28,420 --> 00:08:30,170 de conclure est compatible avec les traités. 124 00:08:30,370 --> 00:08:33,650 Ici, la Cour de justice rend un avis. 125 00:08:33,980 --> 00:08:35,150 C'est un avis, ce n'est pas un arrêt. 126 00:08:35,540 --> 00:08:39,620 Mais cet avis a pour conséquence, en cas de constat d'incompatibilité 127 00:08:39,820 --> 00:08:45,650 de l'accord envisagé avec le traité, de rendre impossible la conclusion 128 00:08:45,850 --> 00:08:46,610 de cet accord. 129 00:08:46,820 --> 00:08:50,690 L'exemple caractéristique, l'avis 2/13 : la Cour considère 130 00:08:50,890 --> 00:08:55,430 que l'accord d'adhésion de l'Union à la CEDH est incompatible avec 131 00:08:55,630 --> 00:08:57,410 les caractéristiques spécifiques du droit de l'Union. 132 00:08:59,390 --> 00:09:04,640 Cet accord n'a pu être conclu, et est encore en cours de renégociation 133 00:09:04,840 --> 00:09:06,230 pour permettre sa conclusion. 134 00:09:06,950 --> 00:09:09,410 Il y a bien d'autres avis qui ont été rendus par la Cour, 135 00:09:09,610 --> 00:09:12,410 notamment à propos des accords de libre-échange, qui ont soulevé 136 00:09:12,610 --> 00:09:13,660 des questions sensibles. 137 00:09:13,860 --> 00:09:18,320 On le voit dans l'affaire concernant l'accord de libre-échange avec 138 00:09:18,520 --> 00:09:21,750 le Canada, le CETA, l'avis 1/17 sur la question du règlement des 139 00:09:21,950 --> 00:09:24,450 investisseurs, et d'autres encore ont été rendus. 140 00:09:25,410 --> 00:09:28,440 N'oublions pas, sur ce point, ce contrôle préventif. 141 00:09:28,640 --> 00:09:32,220 Mais ça n'empêche pas, ensuite, un contrôle postérieur. 142 00:09:32,670 --> 00:09:36,540 Tout simplement parce que ce n'est qu'une minorité, une faible minorité 143 00:09:36,740 --> 00:09:40,620 des accords internationaux, qui font l'objet de ce contrôle 144 00:09:40,820 --> 00:09:42,440 préventif de l'article 218. 145 00:09:42,640 --> 00:09:46,020 La très grande majorité sont conclus sans contrôle préalable de la Cour 146 00:09:46,220 --> 00:09:50,550 de justice, qui peut ensuite être saisie de la question de la validité 147 00:09:50,750 --> 00:09:52,860 de ces accords, et notamment au regard du traité ou de la Charte 148 00:09:53,060 --> 00:09:53,820 des droits fondamentaux. 149 00:09:58,380 --> 00:10:00,750 Ces accords conclus, se pose ensuite la question de 150 00:10:00,950 --> 00:10:03,030 leur invocabilité dans l'ordre juridique de l'Union. 151 00:10:03,510 --> 00:10:11,100 Et là, sur ce point, il faut souligner la spécificité 152 00:10:12,210 --> 00:10:14,790 de ces accords internationaux pour être invocables. 153 00:10:16,200 --> 00:10:23,310 Et la Cour le dit, de jurisprudence constante, notamment réitérée à 154 00:10:23,510 --> 00:10:26,220 plusieurs reprises, mais qu'on voit dans l'arrêt Demirel, 155 00:10:26,420 --> 00:10:28,110 une affaire 12/86. 156 00:10:28,830 --> 00:10:32,130 Pour qu'un accord international conclu par l'Union puisse être 157 00:10:32,490 --> 00:10:35,250 invoqué devant la Cour de justice de l'Union européenne, 158 00:10:35,450 --> 00:10:36,210 il faut deux choses. 159 00:10:36,720 --> 00:10:43,470 Il faut d'abord que l'accord international puisse être apte 160 00:10:43,920 --> 00:10:48,840 à ce que ces dispositions produisent un effet direct, une aptitude générale, 161 00:10:49,170 --> 00:10:52,290 et ensuite, il faut que la disposition en question soit suffisamment précise 162 00:10:52,490 --> 00:10:54,600 et inconditionnelle pour être invoquée. 163 00:10:55,260 --> 00:10:56,220 On procède en deux temps. 164 00:10:56,850 --> 00:11:01,320 L'aptitude c’est apprécier de manière générale en fonction de l'économie 165 00:11:01,520 --> 00:11:04,500 et des termes du traité, si celui-ci présente une aptitude 166 00:11:04,700 --> 00:11:06,270 générale à produire un effet direct. 167 00:11:06,870 --> 00:11:09,020 Ce n'est pas, par exemple, le cas des accords OMC, 168 00:11:09,220 --> 00:11:09,980 dit la Cour. 169 00:11:10,180 --> 00:11:15,480 Par exemple, dans une affaire FIAMM, C-120/06 P, on ne peut pas invoquer 170 00:11:16,320 --> 00:11:21,150 les dispositions des accords OMC devant la Cour de justice directement 171 00:11:21,480 --> 00:11:24,990 parce que, estime la Cour, les accords OMC ne présentent pas 172 00:11:25,190 --> 00:11:28,500 cette aptitude générale à produire un effet direct. 173 00:11:28,700 --> 00:11:35,910 D'autres, par exemple les accords d'association avec certains États 174 00:11:36,110 --> 00:11:39,720 tiers, présentent cette aptitude à produire un effet direct. 175 00:11:41,790 --> 00:11:43,320 Dans ce cas-là, que faut-il faire ? 176 00:11:44,310 --> 00:11:46,740 Comme dans l'affaire Demirel, par exemple, à propos de l'accord 177 00:11:46,940 --> 00:11:47,940 d'association avec la Turquie. 178 00:11:48,300 --> 00:11:51,180 Une fois qu'on a dit que l'accord présente cette attitude générale, 179 00:11:51,750 --> 00:11:55,850 on appréciera si la disposition de l'accord invoqué, 180 00:11:56,050 --> 00:11:59,600 elle, est suffisamment précise et inconditionnelle pour être d'effet 181 00:11:59,800 --> 00:12:00,560 direct. 182 00:12:00,760 --> 00:12:05,940 Voilà cette double condition ici qui est exercée. 183 00:12:07,920 --> 00:12:09,590 Je répète : c'est important. 184 00:12:09,790 --> 00:12:15,540 C'est important parce qu'ici, la volonté, c'est bien entendu 185 00:12:15,740 --> 00:12:23,460 de veiller à ce que les accords internationaux qui lient l'Union 186 00:12:23,660 --> 00:12:28,260 européenne respectent le droit de l'Union, la structure générale 187 00:12:28,460 --> 00:12:29,220 du droit de l'Union. 188 00:12:29,890 --> 00:12:32,310 Parce qu'est en cause, paragraphe 2, la préservation de 189 00:12:32,510 --> 00:12:33,960 la structure constitutionnelle. 190 00:12:34,440 --> 00:12:36,840 Paragraphe 2 : la préservation de la structure constitutionnelle. 191 00:12:37,560 --> 00:12:41,430 La Cour insiste, en effet, sur le fait qu'un accord international 192 00:12:41,630 --> 00:12:44,520 que l'Union conclurait ne peut pas porter atteinte à l'ordre des 193 00:12:44,720 --> 00:12:48,540 compétences fixées par le traité et à l'autonomie du système juridique 194 00:12:48,780 --> 00:12:50,760 que la Cour entend défendre. 195 00:12:53,490 --> 00:12:57,510 De sorte que la Cour est très suspicieuse de toute velléité 196 00:12:57,710 --> 00:13:01,800 d'encadrement externe, de contrôle externe, 197 00:13:02,670 --> 00:13:07,590 par des juridictions qui ne seraient pas des juridictions de droit de 198 00:13:07,790 --> 00:13:08,550 l'Union. 199 00:13:08,750 --> 00:13:13,380 À cet égard, la Cour entend veiller jalousement à préserver ses 200 00:13:13,580 --> 00:13:14,340 prérogatives. 201 00:13:16,240 --> 00:13:20,890 Si on prend des avis comme l'avis 1/94 sur l'Espace économique européen, 202 00:13:21,090 --> 00:13:25,000 l'avis 1/09 sur la question du règlement des litiges en matière 203 00:13:25,200 --> 00:13:31,870 de brevets, ou encore l'avis 2/80, 2/13 sur la CEDH, que voit-on de 204 00:13:32,070 --> 00:13:32,830 commun dans tout cela ? 205 00:13:33,550 --> 00:13:38,860 On voit que la Cour de justice veille très jalousement à une chose : 206 00:13:40,030 --> 00:13:46,960 à ce qu'il n'y ait pas de juridiction internationale, d'autres juridictions 207 00:13:48,280 --> 00:13:52,210 qui pourraient contrôler le droit de l'Union à sa place, 208 00:13:52,420 --> 00:13:53,230 en quelque sorte. 209 00:13:54,190 --> 00:13:56,890 Ce contrôle externe par une juridiction internationale lui pose 210 00:13:57,090 --> 00:13:59,350 fondamentalement problème, et c'est ça qui est contraire à 211 00:13:59,550 --> 00:14:03,790 l'autonomie même du droit de l'Union, dit la Cour, de manière constante. 212 00:14:08,080 --> 00:14:11,490 On ne doit pas porter atteinte à l'autonomie de l'ordre juridique, 213 00:14:13,780 --> 00:14:18,090 en confiant à une juridiction internationale une compétence exclusive 214 00:14:18,290 --> 00:14:19,570 pour connaître du droit de l'Union. 215 00:14:24,440 --> 00:14:29,090 La Cour dit : "On le tolère si la Cour de justice reste, 216 00:14:29,290 --> 00:14:34,100 elle, compétente." Et en réalité, si la Cour de justice a le dernier mot, 217 00:14:34,300 --> 00:14:37,850 parce que c'est de cela dont il s'agit. 218 00:14:39,260 --> 00:14:44,670 La Cour veille jalousement à cela parce que l'article 340 du traité 219 00:14:44,870 --> 00:14:49,760 FUE nous dit que les États membres ne peuvent pas engager de différends 220 00:14:49,960 --> 00:14:54,710 relatifs à interprétation ou au droit de l'Union en recourant à 221 00:14:54,910 --> 00:14:57,500 un mode de règlement autre que celui prévu par le traité. 222 00:14:57,700 --> 00:15:01,490 Donc, la Cour se réserve une sorte de compétence exclusive pour régler 223 00:15:01,690 --> 00:15:03,470 les différends juridiques opposant les États membres. 224 00:15:05,170 --> 00:15:08,780 Avis 1/91, avis 2/13, par exemple. 225 00:15:10,430 --> 00:15:14,030 De sorte que l'État membre qui engage un règlement des différends 226 00:15:14,230 --> 00:15:17,060 en dehors du droit de l'Union, alors que le droit de l'Union est 227 00:15:17,260 --> 00:15:18,470 en cause, viole le droit de l'Union. 228 00:15:18,670 --> 00:15:22,880 Affaire MOX, Commission contre Irlande, C-459/03. 229 00:15:25,400 --> 00:15:29,030 De la même manière, lorsqu'on prévoit des règlements des différends avec 230 00:15:29,230 --> 00:15:31,880 le recours à des clauses d'arbitrage entre États membres, 231 00:15:32,080 --> 00:15:36,200 comme dans l'affaire Achmea, affaire C-284/16, on méconnaît 232 00:15:36,400 --> 00:15:40,330 l'article 340 du traité FUE, on méconnaît le principe d'autonomie. 233 00:15:42,710 --> 00:15:45,710 La Cour de justice veille jalousement à ses prérogatives. 234 00:15:46,700 --> 00:15:50,450 Ce qui explique d'ailleurs qu'elle accepte volontiers que dans un 235 00:15:50,650 --> 00:15:53,960 accord international, soit introduit une clause compromissoire qui la 236 00:15:54,160 --> 00:15:58,200 rendrait compétente, en vertu de l'article 273 du traité 237 00:15:58,400 --> 00:15:59,160 FUE. 238 00:15:59,360 --> 00:16:05,600 Peu importe, d'ailleurs, à cet égard, qu'il s'agisse ici 239 00:16:07,610 --> 00:16:09,770 de régler un différend concernant le droit de l'Union ou, 240 00:16:09,970 --> 00:16:13,190 au contraire, des dispositions échappant au droit de l'Union. 241 00:16:14,330 --> 00:16:17,420 Des conditions doivent cependant être remplies pour recourir à l'article 242 00:16:17,620 --> 00:16:20,410 273, que nous rappelle l'arrêt Pringle, l'affaire C-370/12. 243 00:16:23,240 --> 00:16:27,860 On voit donc ici la volonté de la Cour de justice de bien garantir 244 00:16:28,060 --> 00:16:29,270 l'autonomie du droit de l'Union. 245 00:16:29,510 --> 00:16:34,550 C'est un élément très important pour elle, car il s'agit de veiller 246 00:16:34,910 --> 00:16:38,570 au respect des caractéristiques spécifiques du droit de l'Union. 247 00:16:39,050 --> 00:16:41,840 Caractéristiques spécifiques qui permettront ensuite, 248 00:16:42,530 --> 00:16:45,800 à la Cour de justice de l'Union européenne et aux juridictions 249 00:16:46,000 --> 00:16:51,410 nationales, de protéger de façon suffisamment effective le droit 250 00:16:51,610 --> 00:16:54,740 de l'Union, d'assurer une protection juridictionnelle effective.