1 00:00:05,820 --> 00:00:06,580 Bonjour. 2 00:00:06,960 --> 00:00:10,470 Alors achevons aujourd'hui la présentation de la notion d'abus 3 00:00:10,670 --> 00:00:14,700 de droit et notamment la présentation de ces différentes situations 4 00:00:15,210 --> 00:00:17,910 susceptibles d'être qualifiées d'abus de droit par fraude à la 5 00:00:18,110 --> 00:00:21,350 loi par l'administration avec un dernier cas de figure un peu compliqué 6 00:00:21,660 --> 00:00:25,020 que l'on avait déjà évoqué en fait précédemment au titre de l'examen 7 00:00:25,220 --> 00:00:25,980 de la doctrine. 8 00:00:26,180 --> 00:00:29,940 La question est de savoir si l'administration peut poursuivre 9 00:00:30,140 --> 00:00:30,950 sur le fondement de l'article L. 10 00:00:31,150 --> 00:00:36,930 64 un montage qui va conduire le contribuable à réaliser une opération 11 00:00:37,130 --> 00:00:40,980 dans un but exclusivement fiscal donc le critère dit subjectif est 12 00:00:41,180 --> 00:00:45,420 rempli, mais en employant pour cela non pas les stipulations d'une 13 00:00:45,620 --> 00:00:48,600 convention fiscale bilatérale comme dans Verdannet, ni même, 14 00:00:48,840 --> 00:00:52,260 comme c'est le cas généralement les stipulations d'une loi par exemple, 15 00:00:53,040 --> 00:00:56,790 mais les éléments compris dans une doctrine administrative. 16 00:00:56,990 --> 00:01:00,330 Donc l'idée est assez simple, une doctrine administrative vient 17 00:01:00,530 --> 00:01:04,050 amener une atténuation ou une tolérance, en tout cas à se montrer 18 00:01:04,250 --> 00:01:06,870 plus favorable que la loi, comme c'est très fréquemment le cas, 19 00:01:07,070 --> 00:01:11,640 bien entendu, sauf qu'évidemment, ce traitement plus favorable qu'à 20 00:01:11,840 --> 00:01:14,730 la loi proposée par la doctrine administrative, poursuit en général 21 00:01:14,930 --> 00:01:18,750 un objectif d'assouplissement pour favoriser certaines situations, 22 00:01:18,950 --> 00:01:22,350 bon, très bien, mais imaginons donc qu'un contribuable souhaite 23 00:01:22,550 --> 00:01:26,040 bénéficier de cette doctrine administrative et pour cela, 24 00:01:26,280 --> 00:01:29,520 réalise un montage juridique qui rentre dans les prévisions de la 25 00:01:29,720 --> 00:01:33,300 doctrine mais qui peut-être, ne respecte pas l'esprit, 26 00:01:33,500 --> 00:01:36,060 ne respecte manifestement pas, ou sans doute pas en tout cas, 27 00:01:36,300 --> 00:01:38,760 l'objectif poursuivi par les auteurs de la doctrine. 28 00:01:39,150 --> 00:01:41,970 Alors là se pose à nouveau une question assez proche de celle 29 00:01:42,170 --> 00:01:44,910 de l'arrêt Verdannet, est-ce que finalement le contribuable 30 00:01:45,780 --> 00:01:49,230 peut se voir reprocher d'avoir violé l'esprit de la doctrine 31 00:01:49,430 --> 00:01:50,280 administrative ? 32 00:01:51,270 --> 00:01:53,850 C'est donc le critère dit objectif de l'article L. 33 00:01:54,050 --> 00:01:59,310 64 qui de la sorte serait rempli, si par ailleurs il y a clairement 34 00:01:59,510 --> 00:02:03,390 une violation du critère subjectif, c'est-à-dire un but exclusivement 35 00:02:03,590 --> 00:02:04,350 fiscal. 36 00:02:04,550 --> 00:02:10,050 Alors on l'a vu avec les affaires SDMO de 1998 et aujourd'hui donc 37 00:02:10,290 --> 00:02:14,580 l'arrêt Charbit du 28 octobre 2020 du Conseil d'État pris en assemblée, 38 00:02:15,750 --> 00:02:18,570 le Conseil d'État a dû évoluer sur cette question, pourquoi ? 39 00:02:18,770 --> 00:02:23,040 Vous vous en souvenez, en 1998, le Conseil d'État estime 40 00:02:23,240 --> 00:02:26,460 que dans ce cas de figure très particulier, il n'est pas possible 41 00:02:26,660 --> 00:02:28,020 à l'administration d'employer l'article L. 42 00:02:28,220 --> 00:02:31,980 64 du LPF, de reprocher un abus de droit parce qu'il ne peut pas 43 00:02:32,180 --> 00:02:35,160 y avoir d'abus de doctrine, puisqu'il n'est pas possible, 44 00:02:35,940 --> 00:02:39,930 par construction, de reprocher à un contribuable d'avoir respecté 45 00:02:40,130 --> 00:02:42,390 à la lettre la doctrine, mais d'en avoir violé l'esprit, 46 00:02:42,630 --> 00:02:45,450 car la doctrine n'a pas d'esprit, car la doctrine ne s'interprète pas, 47 00:02:45,650 --> 00:02:48,960 car il est impossible et qu'il n'est pas souhaitable de se demander 48 00:02:49,160 --> 00:02:51,600 ce que les agents de l'administration avaient en tête en rédigeant une 49 00:02:51,800 --> 00:02:52,560 doctrine. 50 00:02:52,760 --> 00:02:56,310 SDMO, vous vous en souvenez, en gros, indique que de deux choses 51 00:02:56,510 --> 00:02:59,280 l'une, soit le contribuable respecte à la lettre les prévisions de la 52 00:02:59,480 --> 00:03:02,070 doctrine, auquel cas il peut en bénéficier sur le fondement de 53 00:03:02,270 --> 00:03:03,030 l'article L. 54 00:03:03,230 --> 00:03:06,120 80 A du LPF, il ne peut pas se voir reprocher d'avoir respecté 55 00:03:06,320 --> 00:03:09,780 à la lettre la doctrine sans que la question de l'éventuelle violation 56 00:03:09,980 --> 00:03:11,940 de l'esprit de la doctrine se pose. 57 00:03:12,300 --> 00:03:15,030 Alors il se trouve que l'arrêt Charbit en 2020, et je l'ai déjà 58 00:03:15,230 --> 00:03:17,140 évoqué, a amendé cette manière de faire. 59 00:03:17,340 --> 00:03:18,100 Pourquoi ? 60 00:03:18,300 --> 00:03:21,280 Principalement, sans doute, parce qu'il y a eu une évolution 61 00:03:21,480 --> 00:03:23,490 du texte et aussi une évolution de mentalité, disons-le comme ça. 62 00:03:23,790 --> 00:03:25,260 L'évolution de texte, je l'ai déjà évoquée, 63 00:03:25,460 --> 00:03:27,600 me semble-t-il, en tout cas, elle tient au fait, peut-être pas, 64 00:03:27,960 --> 00:03:30,570 elle tient au fait en tout cas qu'en 2008, comme je le disais 65 00:03:30,770 --> 00:03:31,950 précédemment, l'article L. 66 00:03:32,150 --> 00:03:36,420 64 a été modifié par le législateur, a priori juste pour intégrer finalement 67 00:03:36,750 --> 00:03:40,920 des évolutions d'interprétation dans la jurisprudence du Conseil 68 00:03:41,120 --> 00:03:41,880 d'État. 69 00:03:42,080 --> 00:03:43,560 Mais il se trouve qu'à la faveur de cette nouvelle rédaction de 2008, 70 00:03:44,760 --> 00:03:48,000 le législateur a décidé d'ajouter un mot qui n'était pas dans la 71 00:03:48,200 --> 00:03:50,550 jurisprudence, qui en fait, a été soufflé par l'administration 72 00:03:50,750 --> 00:03:53,010 fiscale aux parlementaires, c'est le mot de décision, 73 00:03:53,250 --> 00:03:55,410 suggérant, c'est aujourd'hui la lettre de l'article L. 74 00:03:55,610 --> 00:03:58,980 64 qu'il est possible à l'administration de reprocher un 75 00:03:59,180 --> 00:04:04,080 abus de droit en cas de violation en gros de l'esprit ou de l'objet 76 00:04:04,380 --> 00:04:07,740 d'un texte fiscal ou d'une décision. 77 00:04:07,940 --> 00:04:10,830 C'est le mot décision qui a été ajouté un peu subrepticement au 78 00:04:11,030 --> 00:04:12,390 moment de la discussion du texte de 2008. 79 00:04:13,290 --> 00:04:16,050 Et vraisemblablement, en tout cas c'est ma lecture, 80 00:04:16,250 --> 00:04:18,870 mais elle est partagée, je crois, par une majorité des 81 00:04:19,070 --> 00:04:23,460 commentateurs, il est très probable que cet ajout doit être interprété 82 00:04:23,660 --> 00:04:27,240 a priori comme une volonté du législateur justement de contrecarrer 83 00:04:27,440 --> 00:04:33,000 la jurisprudence de 1998 SDMO, en suggérant donc, par le mot 84 00:04:33,200 --> 00:04:36,480 "décision", que les actes de l'administration, et donc la doctrine 85 00:04:36,680 --> 00:04:40,680 administrative, devaient faire partie des textes, en tout cas, 86 00:04:40,880 --> 00:04:45,270 devaient être mis au même plan que les textes fiscaux dont l'objet, 87 00:04:45,470 --> 00:04:48,660 dont l'esprit ne devait pas être violé par le contribuable, 88 00:04:49,650 --> 00:04:51,930 sous peine donc d'être poursuivi pour abus de droit. 89 00:04:52,130 --> 00:04:55,850 Alors il se trouve que la question s'est posée de savoir effectivement, 90 00:04:56,050 --> 00:04:59,610 dans une affaire Charbit, si le montage qu'avait mis en œuvre 91 00:05:00,040 --> 00:05:04,690 un contribuable, qui vraisemblablement n'était motivé qu'à des fins fiscales 92 00:05:05,200 --> 00:05:09,460 et qui, par ailleurs, ne semblait pas complètement en 93 00:05:09,660 --> 00:05:14,140 phase avec ce qu'avait été l'objectif de la doctrine, parce que c'était 94 00:05:14,340 --> 00:05:16,660 sur le fondement d'une doctrine, tout à fait dans l'esprit de la 95 00:05:16,860 --> 00:05:20,920 doctrine lorsqu'elle avait créé ce régime fiscal plus favorable 96 00:05:21,120 --> 00:05:23,950 que ce que la loi prévoyait a priori, est-ce que l'administration pouvait 97 00:05:24,150 --> 00:05:27,070 remettre en cause ce montage sur le fondement de l'article L. 98 00:05:27,270 --> 00:05:28,030 64 ? 99 00:05:28,230 --> 00:05:29,950 Alors il se trouve que le Conseil d'État, et je l'ai déjà dit, 100 00:05:30,150 --> 00:05:33,190 je le répète, a répondu positivement à cette question, mais au terme 101 00:05:33,390 --> 00:05:37,270 d'un raisonnement assez sophistiqué et qui ne coulait pas forcément 102 00:05:37,470 --> 00:05:38,230 de source. 103 00:05:38,430 --> 00:05:42,130 En effet, le Conseil d'État n'a pas voulu tenir compte de la réforme 104 00:05:42,330 --> 00:05:45,100 législative de 2008, n'a pas voulu prendre en compte 105 00:05:45,300 --> 00:05:47,530 le mot de décision, a fait comme s'il n'existait pas, 106 00:05:48,070 --> 00:05:54,460 de peur en réalité finalement de donner un sens qui poserait problème 107 00:05:55,090 --> 00:06:00,430 à ce mot de décision dont on pourrait ensuite supposer finalement que 108 00:06:00,630 --> 00:06:05,410 l'administration a un pouvoir quasiment législatif, normateur en matière 109 00:06:05,610 --> 00:06:10,000 fiscale au même titre que la loi, et donc en créant finalement derrière 110 00:06:10,660 --> 00:06:13,990 cette référence aux décisions dont l'esprit pourrait être violé, 111 00:06:14,190 --> 00:06:18,460 en créant une espèce d'officialisation finalement de ce qui relève aujourd'hui 112 00:06:18,660 --> 00:06:22,360 de la pratique, c'est-à-dire la création de nouvelles normes avec 113 00:06:22,560 --> 00:06:26,260 un esprit propre au bout du compte, que l'administration pourrait reprocher 114 00:06:26,460 --> 00:06:27,850 au contribuable parfois d'avoir violé. 115 00:06:28,050 --> 00:06:30,520 Donc le Conseil d'État n'a pas voulu rentrer dans cette démarche 116 00:06:30,720 --> 00:06:34,660 et rester fidèle à sa démarche SDMO de 1998, consistant à ne pas 117 00:06:34,860 --> 00:06:41,230 survaloriser finalement le statut juridique de la doctrine administrative 118 00:06:41,680 --> 00:06:43,330 tout en maintenant la garantie L. 119 00:06:43,530 --> 00:06:46,900 80 évidemment, cette garantie qu'on a vue déjà dans le détail, 120 00:06:47,140 --> 00:06:50,650 et donc en fait le point de conciliation assez sophistiqué 121 00:06:50,850 --> 00:06:52,930 qu'avait trouvé le Conseil d'État est très en phase avec l'arrêt 122 00:06:53,130 --> 00:06:55,990 Verdannet, en fait, comme dans l'arrêt Verdannet, le Conseil d'État, 123 00:06:56,290 --> 00:07:01,810 après avoir donc réaffirmé l'avis SDMO et le fait finalement que 124 00:07:02,010 --> 00:07:04,420 l'administration ne peut jamais reprocher à un contribuable d'avoir 125 00:07:04,750 --> 00:07:07,840 en soi abusé d'une doctrine, il n'y a donc pas d'abus de doctrine, 126 00:07:08,040 --> 00:07:11,770 il n'y a pas d'esprit de la doctrine qui aurait pu être violé mais 127 00:07:11,970 --> 00:07:17,020 néanmoins, si un contribuable entre, et c'est là la subtilité, 128 00:07:17,440 --> 00:07:20,920 dans le champ d'application d'une loi telle qu'interprétée par la 129 00:07:21,120 --> 00:07:25,600 doctrine, de manière favorable le cas échéant, et ce grâce à un 130 00:07:25,800 --> 00:07:28,300 montage artificiel, c'était le cas dans l'affaire Charbit, 131 00:07:28,500 --> 00:07:32,800 d'après le Conseil d'État, là, il n'est pas possible de bénéficier 132 00:07:33,040 --> 00:07:36,670 de l'avantage, c'est un cas d'abus de droit, parce que donc c'est 133 00:07:36,870 --> 00:07:40,630 au terme d'un montage artificiel que le contribuable est entré dans 134 00:07:41,290 --> 00:07:44,230 les prévisions dans le champ d'application d'une loi telle 135 00:07:44,430 --> 00:07:45,460 qu'interprétée par la doctrine. 136 00:07:45,970 --> 00:07:50,560 Ce faisant, le Conseil d'État permet à l'administration de contester 137 00:07:50,760 --> 00:07:56,260 pour abus de droit certaines pratiques, certains montages artificiels qui 138 00:07:56,460 --> 00:07:58,570 permettent au contribuable de bénéficier d'un avantage qui semble 139 00:07:59,200 --> 00:08:04,030 indu et donc en particulier un avantage qui reposerait pour tout 140 00:08:04,230 --> 00:08:07,690 ou partie sur des éléments de doctrine administrative, mais sans avoir 141 00:08:07,890 --> 00:08:09,970 à s'interroger, et c'est ça le point central, vous l'avez compris, 142 00:08:10,330 --> 00:08:14,470 sans avoir à s'interroger sur la violation de l'éventuel objectif 143 00:08:14,670 --> 00:08:17,590 poursuivi par les auteurs de la doctrine sur l'éventuelle violation 144 00:08:17,790 --> 00:08:20,170 de l'esprit de la doctrine, non, l'idée, comme dans Verdannet, 145 00:08:20,370 --> 00:08:21,130 faire une présomption. 146 00:08:22,120 --> 00:08:26,050 En aucun cas, la loi telle qu'interprétée par la doctrine 147 00:08:26,250 --> 00:08:30,610 ne peut avoir été conçue pour bénéficier à des opérations purement 148 00:08:30,810 --> 00:08:31,570 artificielles. 149 00:08:31,770 --> 00:08:33,220 C'est exactement le même raisonnement que dans Verdannet. 150 00:08:33,850 --> 00:08:37,210 Et donc ça évite au Conseil d'État et à l'administration de se poser 151 00:08:37,410 --> 00:08:40,060 véritablement la question de savoir : "Mais au fait, quel était l'objectif 152 00:08:40,260 --> 00:08:41,700 de la convention bilatérale Verdannet ? 153 00:08:41,980 --> 00:08:46,510 Quel était l'objectif de la loi ou de la doctrine dans Charbit ?"  154 00:08:46,900 --> 00:08:50,980 Dès lors qu'il y a un montage artificiel, c'est nécessairement 155 00:08:52,150 --> 00:08:57,550 en violation donc de l'esprit des textes mobilisés que l'opération 156 00:08:57,750 --> 00:09:01,330 a été réalisée et a bénéficié d'un avantage fiscal qui n'est pas censé 157 00:09:01,530 --> 00:09:04,930 bénéficier donc à une personne artificielle, à un montage artificiel. 158 00:09:05,320 --> 00:09:08,380 Et donc c'est ce qui permet finalement à Monsieur Charbit d'être redressé 159 00:09:08,580 --> 00:09:11,200 sur le fondement de l'abus de droit. 160 00:09:11,410 --> 00:09:14,080 Donc voilà, alors tout ça est assez complexe, je suis allé vite, 161 00:09:14,280 --> 00:09:15,880 j'espère que j'ai été à peu près clair néanmoins. 162 00:09:16,240 --> 00:09:18,910 Mais voilà donc les différentes armes aujourd'hui mobilisables 163 00:09:19,330 --> 00:09:22,780 par l'administration et je le répète pour conclure, au bout du compte, 164 00:09:22,980 --> 00:09:26,800 en pratique, ce sont des cas relativement rares d'abus de droit 165 00:09:27,000 --> 00:09:30,430 qui sont effectivement poursuivis par l'administration, tout simplement 166 00:09:30,630 --> 00:09:32,440 parce que ça fonctionne, parce que cela fonctionne, 167 00:09:32,640 --> 00:09:33,970 parce qu'il y a ce côté un peu arme atomique, finalement, 168 00:09:34,360 --> 00:09:37,480 que mobilise l'administration dans des cas un peu extrêmes et donc 169 00:09:37,680 --> 00:09:40,060 tout cela est censé évidemment normaliser les comportements, 170 00:09:40,450 --> 00:09:42,850 discipliner finalement la manière dont les contribuables et leurs 171 00:09:43,050 --> 00:09:46,870 conseils raisonnent et mettent en œuvre un certain nombre de montages, 172 00:09:47,070 --> 00:09:47,950 c'est bien l'objectif. 173 00:09:48,150 --> 00:09:51,880 Alors pour tout à fait terminer sur la question de l'abus de droit, 174 00:09:52,080 --> 00:09:53,890 voyons maintenant, mais ce sera beaucoup plus rapide, 175 00:09:54,130 --> 00:09:57,100 la question de la répression des abus de droit dans un second 176 00:09:57,300 --> 00:09:58,060 paragraphe. 177 00:09:58,520 --> 00:10:01,420 Donc l'essentiel a déjà été dit, je ne fais que répéter, 178 00:10:01,620 --> 00:10:04,880 d'abord la sanction elle-même et ensuite la procédure qui y est 179 00:10:05,080 --> 00:10:05,840 attachée. 180 00:10:06,320 --> 00:10:07,080 A. 181 00:10:07,280 --> 00:10:08,040 La sanction de l'abus de droit. 182 00:10:08,240 --> 00:10:10,340 Nous l'avons déjà dit un certain nombre de fois, selon l'article 183 00:10:10,540 --> 00:10:13,970 1729 du Code général des impôts, le principe est qu'après donc avoir 184 00:10:14,170 --> 00:10:18,530 restitué au montage son véritable caractère, donc pouvoir qualifier 185 00:10:18,730 --> 00:10:23,240 juridiquement l'opération telle qu'elle a eu lieu en réalité et 186 00:10:23,440 --> 00:10:27,290 donc après avoir levé, en se le rendant inopposable, 187 00:10:27,500 --> 00:10:30,770 le montage juridique fictif, la simulation, bref, 188 00:10:31,820 --> 00:10:34,880 cette coquille juridique-là, après avoir levé cette coquille 189 00:10:35,080 --> 00:10:40,050 juridique, requalification et ensuite, évidemment, c'est là l'article 190 00:10:40,250 --> 00:10:44,660 1729 du CGI, cette sanction de 80 % de l'imposition éludée, 191 00:10:44,860 --> 00:10:49,430 alors même s'il se trouve que le législateur considère depuis 2008 192 00:10:49,630 --> 00:10:52,280 que dans un certain nombre de cas, en particulier lorsque le contribuable 193 00:10:52,480 --> 00:10:57,690 n'est pas à l'origine du montage, la sanction peut être ramenée à 40 %. 194 00:10:58,050 --> 00:11:00,620 Donc c'est l'équivalent du cas de mauvaise foi, de manquement 195 00:11:00,820 --> 00:11:04,640 délibéré et donc il y a cette possibilité en quelque sorte, 196 00:11:04,840 --> 00:11:07,250 pour l'administration finalement, d'être un petit peu moins sévère 197 00:11:07,580 --> 00:11:11,570 que ce que traditionnellement le texte prévoit, c'est-à-dire cette 198 00:11:11,770 --> 00:11:15,020 sanction de 80 % qui reste tout de même celle, en général, 199 00:11:15,380 --> 00:11:17,300 attachée à l'abus de droit. 200 00:11:17,500 --> 00:11:21,710 Alors évidemment, cela fait s'interroger un certain nombre 201 00:11:21,910 --> 00:11:25,190 d'auteurs, notamment Jérôme Turot qu'on peut citer pour son expression 202 00:11:25,390 --> 00:11:28,760 fameuse selon laquelle il coûte plus, en matière fiscale parfois, 203 00:11:28,960 --> 00:11:31,370 de chatouiller la loi que de la bousculer. 204 00:11:31,570 --> 00:11:32,330 Pourquoi ? 205 00:11:32,530 --> 00:11:35,960 Parce qu'en effet, dans un certain nombre de cas, peut être le cas 206 00:11:36,160 --> 00:11:39,590 Verdannet ou le cas Charbit, même si là, ils étaient peut-être 207 00:11:39,790 --> 00:11:42,560 un peu caricaturaux tout de même, mais dans un certain nombre de cas, 208 00:11:42,770 --> 00:11:46,250 un contribuable aura cru être très malin, si je puis dire, 209 00:11:46,450 --> 00:11:51,460 effectivement, en montant une opération à la frontière, disons-le comme ça, 210 00:11:51,660 --> 00:11:54,470 de la légalité fiscale, mais de manière pour la peine assumée, 211 00:11:54,670 --> 00:11:57,200 c'est-à-dire que ni dans Verdannet ni dans Charbit, quoi que ce soit 212 00:11:57,400 --> 00:11:59,450 n'a été dissimulé et l'ensemble des actes ont été présentés à 213 00:11:59,650 --> 00:12:00,410 l'administration. 214 00:12:00,610 --> 00:12:03,470 L'administration a considéré qu'ils n'étaient que formellement légaux, 215 00:12:03,670 --> 00:12:06,560 mais qu'ils violaient l'esprit d'une convention, d'une doctrine, 216 00:12:06,760 --> 00:12:13,730 d'une loi, bref, tout a été révélé, 217 00:12:13,930 --> 00:12:16,400 tout cela a été fait de manière transparente et néanmoins la sanction 218 00:12:16,600 --> 00:12:18,230 est de 80 % de l'impôt éludé. 219 00:12:18,430 --> 00:12:22,940 Alors que dans les affaires Verdannet et Charbit, si le contribuable 220 00:12:23,140 --> 00:12:25,430 n'avait rien déclaré du tout à l'administration, avait réalisé 221 00:12:25,630 --> 00:12:31,040 son opération et pour la peine en omettant toute forme de déclaration, 222 00:12:31,490 --> 00:12:34,670 dans cette hypothèse, c'est simplement finalement un 223 00:12:34,870 --> 00:12:37,460 manquement délibéré à la loi qui aurait pu être reproché au contribuable 224 00:12:37,660 --> 00:12:38,700 et donc une sanction de 40 %. 225 00:12:38,900 --> 00:12:43,310 C'est pour ça qu' à certains égards, chatouiller la loi en s'approchant 226 00:12:43,510 --> 00:12:47,570 et en essayant de jouer un peu avec, peut coûter plus au contribuable 227 00:12:47,770 --> 00:12:50,300 que le fait de la violer grossièrement, en omettant complètement, 228 00:12:50,500 --> 00:12:54,980 par exemple, de déclarer un montage et les revenus qui y sont attachés. 229 00:12:55,210 --> 00:12:58,220 Alors c'est bien l'objectif encore une fois, c'est bien l'objectif 230 00:12:58,430 --> 00:13:01,700 de la notion d'abus de droit que de rendre insécurisantes, 231 00:13:01,900 --> 00:13:04,730 si je puis dire, ces opérations à la limite de la légalité. 232 00:13:04,930 --> 00:13:06,890 C'est une manière de dissuader les contribuables de faire les 233 00:13:07,090 --> 00:13:10,790 malins pour dire les choses de manière un peu vulgaire mais néanmoins, 234 00:13:11,000 --> 00:13:17,060 je crois, assez proche de l'esprit en effet de ce texte. 235 00:13:18,080 --> 00:13:20,540 Juste rappelons-nous également que cette sanction, en revanche, 236 00:13:20,740 --> 00:13:22,670 ne s'applique pas aux cas de figures L. 237 00:13:24,530 --> 00:13:29,570 64 A du LPF et 205 A du CGI, ces procédures dites de mini abus 238 00:13:29,770 --> 00:13:34,430 de droit pour les cas de montages qui poursuivent un but principalement 239 00:13:34,630 --> 00:13:36,170 mais pas exclusivement, principalement fiscal, 240 00:13:36,370 --> 00:13:39,020 là, il n'y a pas de sanction automatique de la même nature. 241 00:13:39,470 --> 00:13:41,720 Ce sont les sanctions de droit commun, le cas échéant, qui viennent 242 00:13:41,920 --> 00:13:45,440 s'appliquer, 40 % peut-être s'il y a un manquement délibéré par 243 00:13:45,640 --> 00:13:48,130 ailleurs éprouvé ou pas de sanction du tout dans un certain nombre 244 00:13:48,440 --> 00:13:49,200 d'autres cas. 245 00:13:49,400 --> 00:13:52,730 Je n'y insiste pas, je le répète, à ma connaissance, l'administration 246 00:13:53,420 --> 00:13:56,600 n'applique pas, ou que très peu, et on ne le sait pas très bien 247 00:13:56,800 --> 00:13:59,660 à ce stade, elle ne communique pas sur ce point, mais ces procédures 248 00:13:59,860 --> 00:14:01,910 de mini abus de droit ne sont en pratique sans doute pas beaucoup 249 00:14:02,110 --> 00:14:02,870 mobilisées. 250 00:14:03,070 --> 00:14:05,570 Donc sachons qu'elles existent sans s'y appesantir. 251 00:14:06,110 --> 00:14:08,060 Alors le dernier élément, B, c'est la procédure. 252 00:14:09,080 --> 00:14:13,310 Et là, de manière relativement équilibrée, le législateur, 253 00:14:13,510 --> 00:14:17,000 en créant la procédure d'abus de droit, la sanction assez lourde, 254 00:14:17,200 --> 00:14:19,580 même particulièrement lourde qui y est attachée, a aussi voulu accorder 255 00:14:19,780 --> 00:14:22,490 un certain nombre de garanties particulières aux contribuables. 256 00:14:23,360 --> 00:14:26,180 Deux garanties qui peuvent sembler assez formelles, mais qui ont une 257 00:14:26,380 --> 00:14:27,260 vraie importance pratique. 258 00:14:27,530 --> 00:14:28,790 La première chose, selon l'article L. 259 00:14:28,990 --> 00:14:32,360 64 lui-même, c'est que cette procédure d'abus de droit ne peut être mise 260 00:14:32,560 --> 00:14:35,330 en œuvre par le vérificateur fiscal qu'avec l'accord de son supérieur 261 00:14:35,530 --> 00:14:36,290 hiérarchique. 262 00:14:36,490 --> 00:14:38,870 Un visa du supérieur hiérarchique doit apparaître, ce qui n'est pas 263 00:14:39,070 --> 00:14:41,300 le cas pour les autres redressements, et donc ce qui est une manière 264 00:14:41,500 --> 00:14:44,450 quand même de donner une forme de solennité à ce type de pratique, 265 00:14:44,810 --> 00:14:49,400 le vérificateur ne peut pas sortir cette arme tout seul sans en référer 266 00:14:49,600 --> 00:14:52,130 à ses supérieurs et cela permet une sorte de régulation, 267 00:14:52,330 --> 00:14:56,110 là aussi sans doute de la pratique, pour éviter une multiplication 268 00:14:56,310 --> 00:15:01,020 peut-être parfois de l'emploi de cette arme, donc c'est un premier 269 00:15:01,220 --> 00:15:01,980 élément. 270 00:15:02,180 --> 00:15:03,840 Alors le second élément, plus important encore, 271 00:15:04,140 --> 00:15:07,440 c'est qu'une commission, une commission administrative qui 272 00:15:07,640 --> 00:15:09,420 s'apparente à une autorité administrative indépendante, 273 00:15:10,140 --> 00:15:12,630 que la loi qualifie de comité de l'abus de droit fiscal, 274 00:15:14,220 --> 00:15:17,760 peut être saisie, peut être saisie soit par le contribuable, 275 00:15:17,960 --> 00:15:22,050 soit même par l'administration, dans un cas donc où l'administration 276 00:15:22,250 --> 00:15:26,580 lance une procédure consistant à reprocher un abus de droit à 277 00:15:27,030 --> 00:15:28,050 un contribuable. 278 00:15:28,470 --> 00:15:31,590 Cette commission, alors elle est saisie chaque année d'une vingtaine, 279 00:15:31,790 --> 00:15:33,990 parfois un peu moins, parfois un peu plus de dossiers, 280 00:15:34,290 --> 00:15:37,380 une quarantaine certaines grosses années, ça donne une indication 281 00:15:37,580 --> 00:15:40,140 assez précise du nombre globalement de redressements pour abus de droit, 282 00:15:40,340 --> 00:15:43,140 car on peut supposer que dans la majorité des cas, soit 283 00:15:43,340 --> 00:15:45,570 l'administration, soit  le contribuable souhaite que cette commission soit 284 00:15:45,770 --> 00:15:48,060 saisie, et en fait, cette commission a tout simplement le pouvoir de 285 00:15:48,260 --> 00:15:51,720 donner son avis sur le fait que l'abus de droit est effectivement 286 00:15:51,920 --> 00:15:52,680 constitué ou pas. 287 00:15:52,880 --> 00:15:55,270 Alors il se trouve que cette commission a une certaine notoriété, 288 00:15:55,470 --> 00:15:57,780 une certaine importance, très principalement liée à la 289 00:15:57,980 --> 00:16:01,950 personnalité de son président, membre du Conseil d'État et avec 290 00:16:02,150 --> 00:16:05,520 une vraie influence intellectuelle depuis plusieurs années et une 291 00:16:05,720 --> 00:16:10,740 proposition de spécialistes de la fiscalité, un universitaire, 292 00:16:10,940 --> 00:16:15,090 des avocats, etc., et au bout du compte donc le comité de l'abus 293 00:16:15,290 --> 00:16:17,630 de droit fiscal, eh bien, dans un certain nombre de situations, 294 00:16:17,830 --> 00:16:19,050 vient désavouer l'administration. 295 00:16:19,250 --> 00:16:21,990 Alors à la suite de cet avis, l'administration n'est pas tenue 296 00:16:22,190 --> 00:16:26,160 de suivre l'avis du Comité d'abus de droit fiscal mais on peut supposer 297 00:16:26,360 --> 00:16:29,730 qu'ensuite, en cas de saisine du juge, évidemment, cet avis ait un certain 298 00:16:29,930 --> 00:16:32,640 poids et soit de nature souvent à influencer le juge, 299 00:16:32,840 --> 00:16:34,860 pas systématiquement, en tout cas, c'est quand même une 300 00:16:35,060 --> 00:16:39,840 manière de créer un nouveau débat devant une enceinte impartiale, 301 00:16:40,040 --> 00:16:43,650 enfin on peut estimer impartiale, ce qui constitue assurément une 302 00:16:43,850 --> 00:16:45,900 garantie pour le contribuable. 303 00:16:46,740 --> 00:16:50,520 Et donc finalement, et justement, c'est le dernier point en lien 304 00:16:50,720 --> 00:16:53,580 avec cette garantie puisque le Comité de l'abus de droit constitue 305 00:16:53,780 --> 00:16:57,060 une garantie, le Conseil d'État et la Cour de cassation ont développé 306 00:16:57,260 --> 00:16:58,980 une jurisprudence qui mérite d'être citée pour terminer, 307 00:16:59,250 --> 00:17:02,520 relative à ce que la pratique qualifie d'abus de droit rampant. 308 00:17:03,210 --> 00:17:07,260 C'est le cas dans lequel l'administration, peut-être souhaitant 309 00:17:07,460 --> 00:17:10,050 ne pas accabler un contribuable qui a tout de même voulu faire le malin, 310 00:17:10,680 --> 00:17:14,190 se lance dans un redressement, pensant qu'il y a bien, 311 00:17:14,390 --> 00:17:18,120 par exemple, une opération fictive, donc quelque chose susceptible 312 00:17:18,320 --> 00:17:21,420 d'être qualifié d'abus de droit, mais sur le fondement des dispositions 313 00:17:21,620 --> 00:17:22,950 de droit commun qui permettent à l'administration tout simplement 314 00:17:23,310 --> 00:17:25,290 de requalifier une situation. 315 00:17:25,800 --> 00:17:28,650 Et dans ce type de situation, alors  ça peut sembler un peu à 316 00:17:28,850 --> 00:17:32,670 la limite du nemo auditur et de ce genre de choses, mais le 317 00:17:32,870 --> 00:17:36,870 contribuable pourrait être tenté finalement de reprocher après coup 318 00:17:37,070 --> 00:17:41,040 à l'administration d'avoir voulu lui reprocher un abus de droit, 319 00:17:41,730 --> 00:17:45,810 sans finalement formellement le redresser sur ce motif, 320 00:17:46,300 --> 00:17:48,750 alors avec certes une sanction au bout du compte qui peut être 321 00:17:48,950 --> 00:17:53,400 moindre, plutôt 40 % que 80 %, mais sans lui avoir fait profiter 322 00:17:53,600 --> 00:17:56,640 de la garantie qui va avec, spécifiquement la procédure de 323 00:17:56,840 --> 00:18:00,120 l'abus de droit, c'est notamment la saisine possible du Comité de 324 00:18:00,320 --> 00:18:03,390 l'abus de droit fiscal et donc il a pu arriver, très rarement, 325 00:18:03,590 --> 00:18:05,370 je le dis tout de suite, que le Conseil d'État, 326 00:18:05,700 --> 00:18:08,550 et un peu plus fréquemment la Cour de cassation dans des hypothèses 327 00:18:09,330 --> 00:18:11,460 qui ne sont pas non plus si fréquentes, mais qui sont un petit peu plus 328 00:18:11,660 --> 00:18:14,460 fréquentes que donc, le juge se laisse convaincre de 329 00:18:15,210 --> 00:18:18,600 ce cas d'abus de droit rampant, c'est-à-dire du cas dans lequel 330 00:18:18,800 --> 00:18:21,530 l'administration veut poursuivre un abus de droit sans le dire donc 331 00:18:21,730 --> 00:18:24,840 n'emploie pas la bonne procédure et donc ne donne pas les garanties 332 00:18:25,050 --> 00:18:29,070 au contribuables et donc une annulation complète du redressement a pu être 333 00:18:29,270 --> 00:18:31,560 opérée dans un certain nombre de situations par le juge, 334 00:18:31,760 --> 00:18:34,230 avec cette situation un peu troublante, c'est pour ça que je parlais de 335 00:18:34,430 --> 00:18:37,710 nemo auditur, dans laquelle finalement le contribuable vient dire à 336 00:18:37,910 --> 00:18:41,250 l'administration : "Je lui reproche de ne pas avoir été assez méchante 337 00:18:41,450 --> 00:18:43,890 avec moi, de ne pas m'avoir reproché un abus de droit, de ne pas m'avoir 338 00:18:44,090 --> 00:18:47,430 sanctionné autour de 80 % mais ce faisant, de ne pas m'avoir offert 339 00:18:47,630 --> 00:18:51,060 la garantie qui va avec."  Bon, donc cela peut sembler troublant, 340 00:18:51,260 --> 00:18:54,060 c'est la raison pour laquelle, en équité, le Conseil d'État se 341 00:18:54,260 --> 00:18:58,440 laisse assez rarement convaincre de ce type de situation mais cela 342 00:18:58,640 --> 00:19:00,960 rappelle simplement que l'administration, en réalité, 343 00:19:01,710 --> 00:19:04,590 n'a pas un choix des armes en matière d'abus de droit. 344 00:19:04,790 --> 00:19:08,430 Si elle estime qu'il faut passer par l'abus de droit parce qu'il 345 00:19:08,630 --> 00:19:11,940 y a un acte juridique qui doit lui être rendu inopposable, 346 00:19:12,140 --> 00:19:16,320 qui doit être shunté en quelque sorte, pour pouvoir finalement redresser 347 00:19:16,520 --> 00:19:19,050 sur le fondement d'une réalité, après avoir fait disparaître un 348 00:19:19,250 --> 00:19:22,680 acte juridique de droit privé, un contrat, un montage avec des 349 00:19:22,880 --> 00:19:26,240 sociétés créées pour la beauté du geste donc l'administration 350 00:19:26,440 --> 00:19:27,200 doit passer par l'article L. 351 00:19:27,400 --> 00:19:31,050 64 et donc doit respecter la procédure et proposer la saisine du Comité 352 00:19:31,250 --> 00:19:32,010 de l'abus de droit. 353 00:19:32,210 --> 00:19:35,550 Et si en revanche il n'y a pas à faire sauter un acte juridique, 354 00:19:35,750 --> 00:19:39,120 alors un redressement peut être opéré simplement en requalifiant 355 00:19:39,320 --> 00:19:43,110 une situation sans être donc obligé de se rendre inopposable un acte 356 00:19:43,310 --> 00:19:46,230 juridique de droit privé, là, c'est le droit commun qui trouvera 357 00:19:46,430 --> 00:19:47,190 à s'appliquer. 358 00:19:47,390 --> 00:19:51,960 Donc au bout du compte, le Conseil d'État vient tout de 359 00:19:52,160 --> 00:19:55,620 même rappeler à l'administration qu'il n'y a pas, je répète cette 360 00:19:55,820 --> 00:19:58,530 expression, une espèce de choix des armes en toute situation, 361 00:19:58,730 --> 00:20:01,390 s'il faut faire sauter un acte juridique, seule la procédure de 362 00:20:01,590 --> 00:20:04,510 l'abus de droit est disponible, un acte juridique de droit privé, 363 00:20:04,710 --> 00:20:07,420 un contrat, et sinon, c'est une opération simplement 364 00:20:07,820 --> 00:20:14,290 qui consiste à envisager le flux économique taxable d'une manière 365 00:20:14,490 --> 00:20:16,810 différente de ce qui a été déclaré par le contribuable, 366 00:20:17,010 --> 00:20:20,340 et sans avoir à passer par la mise à l'écart d'un acte juridique. 367 00:20:20,540 --> 00:20:23,350 C'est un redressement normal et donc c'est de cette manière que 368 00:20:23,590 --> 00:20:27,820 le juge essaye d'inviter l'administration à ne pas se tromper 369 00:20:28,150 --> 00:20:31,420 dans l'arme utilisée pour éviter notamment de se voir reprocher 370 00:20:31,620 --> 00:20:34,030 un abus de droit rampant. 371 00:20:34,390 --> 00:20:37,750 Voilà donc ce qui mérite d'être retenu à propos de cette notion 372 00:20:37,950 --> 00:20:38,710 essentielle d'abus de droit.