1 00:00:05,380 --> 00:00:08,320 Leçon quatre : les mesures d'effet équivalent.   2 00:00:11,710 --> 00:00:14,890 Le traité prévoit en effet, en matière de liberté de circulation 3 00:00:15,090 --> 00:00:19,060 des marchandises, également un chapitre trois qui est intitulé : 4 00:00:19,750 --> 00:00:22,210 l'interdiction des restrictions quantitatives entre les États membres 5 00:00:22,570 --> 00:00:26,680 et qui est constitué de quatre dispositions, des articles 34, 6 00:00:27,190 --> 00:00:30,190 35, 36 et 37. 7 00:00:32,920 --> 00:00:38,080 La logique ici, c'est que nous sommes évidemment à la lisière 8 00:00:38,280 --> 00:00:41,950 entre union douanière et marché intérieur. 9 00:00:42,190 --> 00:00:46,210 Et on bascule en réalité parce que d'un côté, il y a évidemment 10 00:00:46,410 --> 00:00:49,870 les restrictions quantitatives et le vocabulaire est volontairement 11 00:00:50,740 --> 00:00:53,230 celui des relations commerciales internationales. 12 00:00:54,100 --> 00:00:56,500 C'est de plus en plus, justement avec les accords de libre 13 00:00:56,700 --> 00:01:02,860 échange, ce que l'on entend éliminer non plus seulement seuls les droits 14 00:01:03,060 --> 00:01:05,110 de douane, mais aussi les restrictions quantitatives, c’est-à-dire, 15 00:01:06,250 --> 00:01:10,360 pour faire simple, le fait qu'il existe des quotas ou des pourcentages 16 00:01:10,560 --> 00:01:12,700 à l'importation et à l'exportation de produits. 17 00:01:13,060 --> 00:01:16,090 Voilà ce qu'est une restriction quantitative. 18 00:01:16,930 --> 00:01:22,330 Et d'ailleurs, cela explique que dans la jurisprudence et dans la 19 00:01:22,530 --> 00:01:26,440 pratique, devant les autorités et les juridictions nationales, 20 00:01:26,980 --> 00:01:30,640 la notion même de restriction quantitative soit demeurée finalement 21 00:01:30,840 --> 00:01:31,600 très rare. 22 00:01:33,610 --> 00:01:39,400 En 1968, dans un arrêt Salgoil 13-68, la Cour de justice déclare que 23 00:01:39,600 --> 00:01:43,990 l'article aujourd'hui 34 TFUE est d'effet direct en évoquant la 24 00:01:44,190 --> 00:01:48,030 restriction quantitative sans la définir et il faut attendre finalement 25 00:01:48,230 --> 00:01:56,650 1973 l'affaire Geddo 2-73 pour que la notion soit définie dans 26 00:01:56,850 --> 00:01:59,890 une affaire concernant la politique commerciale commune et non pas 27 00:02:00,190 --> 00:02:02,430 ici le marché commun. 28 00:02:02,630 --> 00:02:09,760 Mais peu importe, la Cour de justice souligne ici que la notion de 29 00:02:10,180 --> 00:02:13,630 restrictions quantitatives est aussi importante pour assurer la 30 00:02:13,830 --> 00:02:16,330 liberté de circulation des marchandises à l'intérieur de l'Union. 31 00:02:17,650 --> 00:02:18,410 Et que retrouve-t-on ici ? 32 00:02:19,270 --> 00:02:21,700 Ce sont des mesures, nous dit la Cour de justice, 33 00:02:21,970 --> 00:02:25,330 qui prohibent de manière totale ou partielle l'importation, 34 00:02:25,530 --> 00:02:27,400 l'exportation ou le transit de marchandises. 35 00:02:27,760 --> 00:02:32,740 Voilà d'où vient cette notion de restrictions quantitatives qui, 36 00:02:32,940 --> 00:02:36,400 finalement, est d'occurrence, je le répète, très rare en 37 00:02:36,600 --> 00:02:37,360 jurisprudence. 38 00:02:37,750 --> 00:02:42,490 On peut citer les affaires Henn et Darby en 1979, affaire 34/79, 39 00:02:43,720 --> 00:02:49,090 ou l'affaire Rosengren en 2007 affaire C-170/04. 40 00:02:51,710 --> 00:02:54,800 En réalité, prend le relais très rapidement la notion de mesure 41 00:02:55,000 --> 00:02:59,060 d'effet équivalent, qui va concerner à la fois l'importation et 42 00:02:59,260 --> 00:03:02,270 l'exportation de produits dont l'une des caractéristiques, c'est 43 00:03:02,470 --> 00:03:08,930 qu'on a deux dispositions jumelles : l'article 34 qui interdit les mesures 44 00:03:09,130 --> 00:03:11,630 d'effet équivalent mais aux restrictions quantitatives à 45 00:03:11,830 --> 00:03:16,160 l'importation, et l'article 37, cette fois, qui concerne ces mesures 46 00:03:17,330 --> 00:03:20,840 d'effet équivalent aux restrictions quantitatives à l'exportation. 47 00:03:21,040 --> 00:03:23,240 Vous l'aurez compris, en pratique, c'est le plus souvent 48 00:03:23,440 --> 00:03:24,710 l'article 34 qui est appliqué. 49 00:03:24,910 --> 00:03:29,810 Mais attention, il y a quelques arrêts qui concernent l'article 35, 50 00:03:30,010 --> 00:03:31,700 qui a tout à fait vocation à s'appliquer. 51 00:03:32,390 --> 00:03:35,630 On peut avoir des hypothèses dans lesquelles l'État est récalcitrant 52 00:03:35,930 --> 00:03:40,370 à ce que des produits sortent de son territoire et c'est tout aussi 53 00:03:40,570 --> 00:03:42,980 attentatoire à la liberté de circulation des marchandises que 54 00:03:43,180 --> 00:03:49,370 le comportement de l'État qui consiste à limiter l'accès à son territoire 55 00:03:49,570 --> 00:03:51,230 de marchandises en provenance d'autres États. 56 00:03:52,220 --> 00:03:56,000 On a débattu un temps dans la jurisprudence sur le point de savoir 57 00:03:56,200 --> 00:03:59,900 s'il fallait avoir une définition analogue de l'article 34 et de 58 00:04:00,100 --> 00:04:03,530 l'article 35 des mesures d'effet équivalent à l'importation ou à 59 00:04:03,730 --> 00:04:04,490 l'exportation. 60 00:04:04,910 --> 00:04:08,870 La Cour de justice y a finalement répondu en 2008, après quelques 61 00:04:09,070 --> 00:04:14,230 hésitations dans une affaire Gysbrechts affaire C-205/07 et plus récemment, 62 00:04:14,430 --> 00:04:21,860 dans un arrêt de 2020 en disant que finalement, on va avoir une 63 00:04:22,060 --> 00:04:25,640 logique analogue parallèle entre ces deux dispositions jumelles. 64 00:04:25,840 --> 00:04:32,320 Ce sont ces dispositions qui vont à présent nous intéresser et sur 65 00:04:32,520 --> 00:04:37,990 lesquelles on va réfléchir en s'intéressant d'abord à l'applicabilité 66 00:04:38,190 --> 00:04:43,080 des dispositions, à l'imputabilité des mesures, à leurs effets. 67 00:04:46,510 --> 00:04:51,700 Mesures qu'on va devoir distinguer de l'article 37 et dont on va devoir 68 00:04:51,900 --> 00:04:56,110 apprécier, le cas échéant, la justification. 69 00:04:57,610 --> 00:05:03,880 Mais voyons, I, les conditions d'applicabilité des articles 34 à 36. 70 00:05:04,080 --> 00:05:11,830 Il y a une difficulté que l'on 71 00:05:13,180 --> 00:05:18,250 a évité en matière de taxes d'effet équivalent aux droits de douane, 72 00:05:18,910 --> 00:05:25,210 c'est celle de la situation purement interne et de l'exigence d'un élément 73 00:05:25,410 --> 00:05:26,170 d'extranéité. 74 00:05:26,370 --> 00:05:29,680 Rappelez-vous, en matière de taxe d'effet équivalent à des droits 75 00:05:29,880 --> 00:05:35,530 de douane, celle-ci peut être caractérisée quand bien même la 76 00:05:35,730 --> 00:05:40,210 taxe est-elle perçue au franchissement d'une frontière intérieure à l'Union 77 00:05:40,410 --> 00:05:41,170 européenne. 78 00:05:42,010 --> 00:05:44,830 Ce n'est pas tout à fait la même logique qu'on va retrouver pour 79 00:05:45,030 --> 00:05:49,420 les articles 34, 35 et 36, voire 37. 80 00:05:49,930 --> 00:05:55,240 Ce n'est pas la même logique parce qu’ici, on voit apparaître une 81 00:05:55,440 --> 00:06:00,400 jurisprudence qui dit qu’il faut un élément d'extranéité, 82 00:06:00,600 --> 00:06:04,930 c’est-à-dire le fait que dans un litige donné, lorsque vous avez 83 00:06:05,130 --> 00:06:11,230 un opérateur qui entend invoquer l'article 34 ou 35, un élément 84 00:06:11,430 --> 00:06:14,860 d'extranéité ou un élément de rattachement au droit de l'Union 85 00:06:15,060 --> 00:06:17,580 européenne doit être caractérisé. 86 00:06:18,460 --> 00:06:23,140 Ceci est apparu dans la jurisprudence Commission contre France, 87 00:06:23,340 --> 00:06:28,420 affaire 152/79, arrêt en manquement qui explique un peu la difficulté 88 00:06:28,620 --> 00:06:31,690 par la suite de comprendre les choses parce que finalement, 89 00:06:32,140 --> 00:06:40,870 l'arrêt semble, du moins si on lit la jurisprudence Waterkeyn de 1982, 90 00:06:41,260 --> 00:06:46,270 314/81, qui interprète la solution retenue par la Cour de justice 91 00:06:46,470 --> 00:06:47,890 dans son arrêt de 1981. 92 00:06:48,610 --> 00:06:53,890 En réalité, la Cour de justice nous dit que l'arrêt de 1981 applique 93 00:06:54,090 --> 00:07:03,810 uniquement l'article 34 aux produits étrangers ou qui sont potentiellement 94 00:07:04,010 --> 00:07:04,980 en provenance de l'étranger. 95 00:07:05,310 --> 00:07:08,070 En revanche, l'article 34 n'est pas applicable aux produits français. 96 00:07:08,430 --> 00:07:11,100 En l'occurrence, il s'agissait d'une mesure concernant les yaourts 97 00:07:11,370 --> 00:07:15,120 et l'idée était que cette mesure pouvait être contestée pour les 98 00:07:15,320 --> 00:07:18,450 yaourts étrangers, mais les producteurs de yaourts français ne pouvaient 99 00:07:18,650 --> 00:07:19,920 pas s'en prévaloir. 100 00:07:20,120 --> 00:07:28,470 À partir de là est apparue cette idée qu’ici, il fallait un élément 101 00:07:28,670 --> 00:07:32,520 d'extranéité, un élément de rattachement au droit de l'Union 102 00:07:32,720 --> 00:07:37,410 pour permettre l'application de l'article 34 et 35 du traité. 103 00:07:39,950 --> 00:07:44,030 Ces dispositions n’étant pas applicables en réalité lorsqu'on 104 00:07:44,230 --> 00:07:47,900 est dans une situation où on applique la loi nationale à des produits 105 00:07:48,100 --> 00:07:52,160 nationaux qui sont commercialisés par un opérateur national sur le 106 00:07:52,360 --> 00:07:53,120 territoire national. 107 00:07:53,870 --> 00:07:57,650 Quand tout est nationale, on se retrouve face à cette hypothèse, 108 00:07:57,860 --> 00:08:03,050 celle de la situation purement interne, tous les éléments du litige sont 109 00:08:03,260 --> 00:08:06,710 internes à un seul État membre, de sorte qu'en principe, 110 00:08:06,910 --> 00:08:11,750 on n'est pas censés pouvoir invoquer les articles 34 et 35 et on ne 111 00:08:11,950 --> 00:08:13,700 va pas les appliquer dans le cas d'espèce. 112 00:08:14,300 --> 00:08:19,400 Ce qui a une conséquence, celle de l'existence de discriminations 113 00:08:19,600 --> 00:08:20,360 à rebours. 114 00:08:20,570 --> 00:08:22,910 Dans la jurisprudence, on tolère les discriminations à 115 00:08:23,110 --> 00:08:27,650 rebours, c’est-à-dire des hypothèses dans lesquelles on va se trouver 116 00:08:27,850 --> 00:08:31,850 dans une situation où une marchandise nationale va, sur le territoire 117 00:08:32,050 --> 00:08:35,570 d'un État membre, être traitée de manière moins favorable qu'une 118 00:08:35,770 --> 00:08:36,560 marchandise étrangère. 119 00:08:38,480 --> 00:08:41,390 En France, il y a la loi française appliquée par le juge français. 120 00:08:42,440 --> 00:08:49,120 Le juge français applique cette loi à un produit allemand et il 121 00:08:49,320 --> 00:08:54,970 se rend compte qu'il y a une mesure d'effet équivalent, article 34, 122 00:08:55,300 --> 00:08:58,150 et il écarte l'application de la loi française pour le produit allemand. 123 00:08:58,600 --> 00:09:02,950 Mais s'il est confronté à un produit français, situation purement interne, 124 00:09:03,150 --> 00:09:06,100 il va devoir en principe appliquer la loi française. 125 00:09:06,400 --> 00:09:10,270 Ce qui fait que le produit français sera traité moins favorablement 126 00:09:10,470 --> 00:09:15,550 que le produit étranger parce que lui, dans une situation purement interne, 127 00:09:16,150 --> 00:09:19,540 ne peut bénéficier du bénéfice des libertés de circulation. 128 00:09:22,870 --> 00:09:25,940 C'est cette hypothèse-là que la Cour de justice admet dans un arrêt 129 00:09:26,140 --> 00:09:32,650 Mathot de 1987, affaire 98/86, et dans lequel la Cour nous donne 130 00:09:32,850 --> 00:09:33,700 déjà la marche à suivre. 131 00:09:34,060 --> 00:09:36,670 Si vous voulez remédier à ces situations purement internes avec 132 00:09:36,870 --> 00:09:40,960 des discriminations à rebours, il appartient au législateur, 133 00:09:41,350 --> 00:09:45,910 à l'époque communautaire, d'harmoniser pour appliquer à tous 134 00:09:46,110 --> 00:09:48,200 les produits, qu'ils soient nationaux et étrangers, les mêmes règles. 135 00:09:48,400 --> 00:09:49,160 Voilà l'idée. 136 00:09:49,360 --> 00:09:55,180 Ou alors, on dira par la suite qu'il faudra veiller à ce qu'on 137 00:09:55,380 --> 00:09:58,210 applique le droit national et uniquement le droit national et 138 00:09:58,410 --> 00:10:01,870 peut-être, le cas échéant, le principe d'égalité qui permettra 139 00:10:02,070 --> 00:10:09,030 ainsi de rétablir un traitement équivalent aux produits nationaux 140 00:10:09,230 --> 00:10:09,990 et aux produits étrangers. 141 00:10:12,010 --> 00:10:13,400 Voilà ce que dit la jurisprudence.  142 00:10:14,950 --> 00:10:20,590 On est tentés de penser qu'en réalité, cette question de situation purement 143 00:10:20,790 --> 00:10:27,010 interne est réglée et on se dit : 144 00:10:27,210 --> 00:10:31,600 "Mais on ne va pas appliquer l'article 34, l'article 35 à des produits 145 00:10:31,800 --> 00:10:37,990 français lorsque les producteurs 146 00:10:38,190 --> 00:10:43,480 français contestent une mesure française devant le juge français. 147 00:10:44,320 --> 00:10:48,310 Tout est français, situation purement interne." C'est plus compliqué 148 00:10:48,510 --> 00:10:52,480 que cela parce que la jurisprudence va évoluer à l'occasion de deux 149 00:10:52,680 --> 00:10:57,400 arrêts qu'il faut bien comprendre et dont il faut peut-être relativiser 150 00:10:57,600 --> 00:11:00,250 la portée ou bien expliciter la portée. 151 00:11:00,450 --> 00:11:03,580 D'abord, l'arrêt Pistre de 1997, une affaire C-321/94. 152 00:11:06,350 --> 00:11:14,640 Nous sommes face à des produits de charcuterie français pour lesquels 153 00:11:14,840 --> 00:11:19,720 un décret avait réservé l'utilisation de la mention montagne, 154 00:11:20,380 --> 00:11:26,530 mais uniquement pour les produits en provenance de zones montagneuses 155 00:11:26,800 --> 00:11:27,560 françaises. 156 00:11:28,660 --> 00:11:32,290 Et on s'est retrouvés ici face à une hypothèse où un producteur 157 00:11:32,490 --> 00:11:35,710 français ne bénéficiait pas de l'appellation montagne, 158 00:11:36,460 --> 00:11:40,480 invoquait l'article 34 contre la disposition française devant un 159 00:11:40,680 --> 00:11:41,440 juge français. 160 00:11:41,640 --> 00:11:42,850 Tout était français, on avait une situation purement 161 00:11:43,050 --> 00:11:43,810 interne. 162 00:11:44,010 --> 00:11:48,190 Et pourtant, dans cette hypothèse, la Cour de justice a admis qu'on 163 00:11:48,390 --> 00:11:53,020 puisse invoquer l'article 34, mais pour quelles raisons ? 164 00:11:54,250 --> 00:11:58,300 Parce qu'en réalité, ici, le décret en question était 165 00:11:58,500 --> 00:12:03,460 discriminatoire, car il réservait l'appellation montagne aux seuls 166 00:12:03,660 --> 00:12:04,810 produits français. 167 00:12:05,260 --> 00:12:09,910 Et comme telle, la mesure était de toute façon incompatible avec 168 00:12:10,110 --> 00:12:10,870 l'article 34. 169 00:12:12,040 --> 00:12:13,720 On s'est dit : "Bon, d'accord, l'arrêt Pistre, 170 00:12:13,920 --> 00:12:17,200 mais c'est cette hypothèse un peu particulière dans laquelle on peut 171 00:12:17,710 --> 00:12:22,150 évoquer toujours l'article 34 à l'encontre de mesures nationales 172 00:12:22,350 --> 00:12:27,040 discriminatoires, quand bien même serait-on dans un litige de nature 173 00:12:27,240 --> 00:12:31,960 purement interne." Et une évolution se fait encore sentir avec l'arrêt 174 00:12:32,160 --> 00:12:37,420 Guimont, nous passons ici du jambon 175 00:12:37,620 --> 00:12:38,380 au fromage. 176 00:12:38,580 --> 00:12:43,780 C'est cette fois, l'emmenthal dont on se demandait, question hautement 177 00:12:43,980 --> 00:12:48,850 métaphysique, s'il devait disposer de croûtes ou s'il pouvait être 178 00:12:49,050 --> 00:12:49,810 sans croûte. 179 00:12:50,020 --> 00:12:56,560 Question résolue en France par une disposition contestée par monsieur 180 00:12:56,760 --> 00:13:02,770 Guimont, producteur français d'emmenthal français mais poursuivi 181 00:13:02,970 --> 00:13:06,640 pour utilisation frauduleuse de l'appellation emmenthal devant 182 00:13:06,840 --> 00:13:07,600 le juge français. 183 00:13:08,050 --> 00:13:10,930 Et celui-ci, monsieur Guimont invoque l'article 34 en disant : 184 00:13:11,230 --> 00:13:16,630 "La législation française ici, la mesure française méconnaît l'article 185 00:13:16,830 --> 00:13:20,650 34 du traité FUE." Et nous sommes devant le tribunal de police de Belley, 186 00:13:20,850 --> 00:13:25,150 ça fait partie de ces petites affaires qui conduisent à des grandes solutions 187 00:13:25,350 --> 00:13:28,720 de principe sur des questions, je le répète, importantes, 188 00:13:28,920 --> 00:13:31,510 la présence de croute ou non sur le fromage. 189 00:13:33,490 --> 00:13:37,750 Dans cet arrêt, même si on était dans une situation purement interne, 190 00:13:38,740 --> 00:13:44,520 tout est français, monsieur Guimont est français, son fromage est français, 191 00:13:44,720 --> 00:13:47,560 la loi française, le juge français, tout est français, situation purement 192 00:13:48,510 --> 00:13:51,690 interne, malgré tout la Cour de justice a accepté de répondre à 193 00:13:51,890 --> 00:13:56,370 la question préjudicielle posée par le tribunal de police de Belley, 194 00:13:56,820 --> 00:14:02,530 en France, estimant qu'il n'apparaît 195 00:14:02,730 --> 00:14:06,400 pas de manière manifeste, nous dit la Cour, que l'interprétation 196 00:14:06,600 --> 00:14:10,660 sollicitée de l'article 34 ne serait pas nécessaire pour le juge français. 197 00:14:11,110 --> 00:14:13,900 En effet, dit la Cour, une telle réponse sur l'interprétation 198 00:14:14,100 --> 00:14:18,550 de l'article 34 pourrait lui être utile dans l'hypothèse où son droit 199 00:14:18,750 --> 00:14:21,820 national imposerait, dans une procédure telle que celle 200 00:14:22,020 --> 00:14:25,270 de l'espèce, de faire bénéficier à un producteur national des mêmes 201 00:14:25,470 --> 00:14:29,290 droits que ceux qu'un producteur dans un autre État membre tirerait 202 00:14:29,490 --> 00:14:32,170 du droit à l'époque communautaire dans la même situation. 203 00:14:32,370 --> 00:14:35,920 Là, la Cour de justice accepte de répondre à une question 204 00:14:36,120 --> 00:14:40,540 préjudicielle posée à l'occasion d'une situation purement interne. 205 00:14:41,420 --> 00:14:47,500 Ici, on en a tiré la conclusion un peu rapide peut-être que finalement, 206 00:14:47,700 --> 00:14:49,720 cela signifiait qu'il n'y avait plus de situations purement internes 207 00:14:49,920 --> 00:14:51,760 en liberté de circulation des marchandises. 208 00:14:51,960 --> 00:14:53,410 C'est un peu plus compliqué que cela. 209 00:14:54,190 --> 00:14:56,500 En réalité, que nous dit la Cour de justice ? 210 00:14:57,040 --> 00:15:00,010 La Cour de justice nous dit que dans l'hypothèse d'une situation 211 00:15:00,210 --> 00:15:03,640 purement interne, une question préjudicielle peut néanmoins lui 212 00:15:03,840 --> 00:15:12,310 être posée sur l'interprétation de l'article 34 dès lors que cette 213 00:15:12,510 --> 00:15:15,190 interprétation peut être utile au juge français pour résoudre 214 00:15:15,390 --> 00:15:18,220 le litige pendant devant lui, mais utile pour faire quoi ? 215 00:15:19,300 --> 00:15:25,480 En réalité, utile pour établir une discrimination à rebours et 216 00:15:25,680 --> 00:15:29,980 une discrimination à rebours pourra être contestée devant le juge français 217 00:15:30,880 --> 00:15:34,750 en invoquant le principe français d'égalité devant la loi. 218 00:15:35,620 --> 00:15:37,960 On ne traite pas différemment, du fait de la loi française, 219 00:15:38,160 --> 00:15:40,930 les produits nationaux et les produits étrangers, c'est une différence 220 00:15:41,130 --> 00:15:41,890 de traitement. 221 00:15:43,180 --> 00:15:46,000 Ce sont des produits similaires, situation similaire, 222 00:15:46,200 --> 00:15:47,830 donc violation du principe d'égalité. 223 00:15:48,280 --> 00:15:52,150 Autrement dit, en réalité, la question posée à la Cour de 224 00:15:52,350 --> 00:15:58,060 justice peut être utile pour établir une mesure d'effet équivalent dans 225 00:15:58,260 --> 00:16:03,490 l'hypothèse où la mesure nationale s'applique à un produit étranger, 226 00:16:05,170 --> 00:16:08,710 mais si on pousse le raisonnement en appliquant la même mesure nationale 227 00:16:08,910 --> 00:16:12,670 au produit national, il y a une différence de traitement 228 00:16:13,090 --> 00:16:16,030 qui constitue une discrimination à rebours qui va être combattue 229 00:16:16,230 --> 00:16:19,150 non sur le terrain du droit de l'Union, mais sur le terrain du droit national. 230 00:16:19,600 --> 00:16:22,430 Voilà le raisonnement, si on est rigoureux et précis. 231 00:16:23,110 --> 00:16:24,820 Sauf qu'en pratique, ça ne se passe pas comme ça. 232 00:16:25,020 --> 00:16:28,780 En pratique en réalité, on va beaucoup plus vite et on 233 00:16:28,980 --> 00:16:34,480 nous explique comme dans l'affaire Guimont : "La mesure nationale 234 00:16:34,870 --> 00:16:36,820 est incompatible avec l'article 34. 235 00:16:37,060 --> 00:16:39,880 On en écarte l'application, même dans une situation purement 236 00:16:40,080 --> 00:16:45,520 interne." Et là, on a une difficulté parce qu'on peut se demander si 237 00:16:45,720 --> 00:16:50,950 les situations purement internes existent encore pour la libre 238 00:16:51,150 --> 00:16:52,080 circulation des marchandises. 239 00:16:52,280 --> 00:16:55,180 Et là, il y a un doute, deux façons de voir les choses. 240 00:16:55,380 --> 00:17:00,250 Oui, elles existent encore et il faut passer toujours par l'étape 241 00:17:00,450 --> 00:17:04,750 de discrimination à rebours et contester par la voie du principe 242 00:17:04,950 --> 00:17:06,190 d'égalité devant le juge national. 243 00:17:06,640 --> 00:17:11,590 Ou alors se dire qu'en réalité, en matière de liberté de circulation 244 00:17:11,790 --> 00:17:15,610 des marchandises, finalement, on en revient à la jurisprudence 245 00:17:15,810 --> 00:17:20,890 que nous allons étudier tout à l'heure, Dassonville 1974, affaire 8-74, 246 00:17:21,820 --> 00:17:23,860 dans laquelle on nous dit qu'une mesure d'effet équivalent, 247 00:17:24,400 --> 00:17:27,370 c'est toute réglementation commerciale susceptible d'entraver directement 248 00:17:27,570 --> 00:17:30,130 ou indirectement actuellement, et c'est là où c'est important, 249 00:17:30,820 --> 00:17:34,790 potentiellement le commerce intracommunautaire. 250 00:17:34,990 --> 00:17:38,560 Ce sont cela les mesures d'effet équivalent au sens de l'article 34. 251 00:17:38,760 --> 00:17:41,560 Potentiellement, ça veut dire qu'une mesure nationale, potentiellement, 252 00:17:43,270 --> 00:17:44,980 peut constituer une entrave. 253 00:17:48,650 --> 00:17:52,120 Et c'est la raison pour laquelle le juge national va pouvoir l'écarter, 254 00:17:52,630 --> 00:17:57,940 même si on est dans un litige apparemment où une situation purement 255 00:17:58,140 --> 00:17:59,230 interne est caractérisée. 256 00:17:59,430 --> 00:18:02,830 Là, il y a un doute, mais ce qu'on constate en 257 00:18:03,030 --> 00:18:06,400 jurisprudence, c'est que cette notion de situation purement interne 258 00:18:06,970 --> 00:18:10,090 n'est quasiment jamais invoquée en matière de liberté de circulation 259 00:18:10,290 --> 00:18:14,650 des marchandises, alors qu'elle le sera avec des conséquences pour 260 00:18:14,850 --> 00:18:16,150 les autres liberté de circulation. 261 00:18:16,750 --> 00:18:20,830 Ce qui fait penser qu'effectivement, les situations purement internes 262 00:18:21,030 --> 00:18:25,240 ont peut-être disparu ou se sont estompées en matière de liberté 263 00:18:25,440 --> 00:18:26,920 de circulation des marchandises.