1 00:00:05,100 --> 00:00:10,350 Si la protection du corps est la première des garanties individuelles, 2 00:00:11,070 --> 00:00:14,610 la Convention européenne des droits de l'homme protège également l'individu 3 00:00:15,210 --> 00:00:17,220 dans son organisation privée. 4 00:00:17,420 --> 00:00:18,180 B. 5 00:00:18,630 --> 00:00:22,530 La protection de l'organisation privée de l'individu. 6 00:00:23,520 --> 00:00:29,580 Cette protection a deux facettes, la protection de la vie privée 7 00:00:29,780 --> 00:00:32,910 proprement dite d'un côté, la vie privée et familiale d'un côté, 8 00:00:33,330 --> 00:00:40,130 et la protection des biens de l'autre, la protection, dirait-on dans une 9 00:00:40,530 --> 00:00:44,220 autre tradition, on dirait la protection de la propriété privée. 10 00:00:47,040 --> 00:00:54,420 D'abord 1, si vous voulez, le droit au respect de sa vie privée 11 00:00:54,620 --> 00:00:58,560 et familiale, c'est un droit garanti par l'article 8 de la Convention 12 00:00:58,760 --> 00:01:02,880 européenne des droits de l'homme qui pose que toute personne a droit 13 00:01:03,270 --> 00:01:08,340 au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de 14 00:01:08,540 --> 00:01:09,840 sa correspondance. 15 00:01:11,280 --> 00:01:17,400 L'article 8 est complété après l'affirmation du principe par un 16 00:01:17,600 --> 00:01:23,040 deuxième paragraphe qu'on retrouve avec une terminologie très proche 17 00:01:23,580 --> 00:01:26,130 dans les articles suivants de la Convention européenne des droits 18 00:01:26,330 --> 00:01:33,570 de l'homme, les 9, 10, 11, un paragraphe qui permet les 19 00:01:33,770 --> 00:01:39,420 ingérences de l'État dans ce droit qui est garanti à condition qu'elles 20 00:01:39,620 --> 00:01:45,090 soient nécessaires, donc il y a un contrôle de nécessité de 21 00:01:45,290 --> 00:01:48,480 proportionnalité, qu’elles soient nécessaires dans une société 22 00:01:48,680 --> 00:01:53,400 démocratique pour protéger, nécessaire dans une société 23 00:01:53,600 --> 00:01:59,790 démocratique pour "protéger la sécurité nationale, la sûreté publique, 24 00:02:00,360 --> 00:02:03,690 le bien-être économique du pays, la défense de l'ordre, 25 00:02:04,080 --> 00:02:08,070 la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de 26 00:02:08,270 --> 00:02:11,040 la morale, la protection des droits et libertés d’autrui". 27 00:02:11,730 --> 00:02:16,130 En simplifiant et avec une terminologie davantage française, 28 00:02:16,330 --> 00:02:22,530 on dirait que du moment où l'ordre public le justifie, l'ingérence 29 00:02:22,920 --> 00:02:26,340 est permise si elle est nécessaire dans une société démocratique, 30 00:02:26,970 --> 00:02:32,100 à condition qu'il y ait un contrôle d'adéquation, de proportionnalité. 31 00:02:32,850 --> 00:02:37,380 Sur la base de ce texte, la jurisprudence a donné une ampleur 32 00:02:37,590 --> 00:02:40,620 considérable à la protection de la vie privée et familiale, 33 00:02:41,310 --> 00:02:46,680 avec une jurisprudence très importante et très abondante. 34 00:02:47,010 --> 00:02:50,520 On peut peut-être isoler quatre points qui me paraissent 35 00:02:50,720 --> 00:02:54,420 particulièrement significatifs dans cette jurisprudence très vaste. 36 00:02:54,620 --> 00:03:02,550 D'abord, la Cour européenne des droits de l'homme a appliqué cette 37 00:03:02,750 --> 00:03:09,090 disposition au traitement des enfants et en particulier a condamné et 38 00:03:09,360 --> 00:03:14,520 a fait disparaître les discriminations archaïques qui subsistaient dans 39 00:03:14,720 --> 00:03:18,720 les législations nationales aux dépens des enfants naturels. 40 00:03:18,920 --> 00:03:26,730 Donc, le traitement différencié au profit des enfants légitimes, 41 00:03:26,970 --> 00:03:30,270 notamment en matière successorale mais pas seulement, a été jugé 42 00:03:30,540 --> 00:03:32,880 contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, 43 00:03:33,080 --> 00:03:36,810 ce qui a provoqué une profonde évolution des législations nationales 44 00:03:37,020 --> 00:03:42,120 dans le sens du dépassement de la distinction des régimes applicables 45 00:03:42,600 --> 00:03:46,800 aux deux filiations, aux enfants, en fonction de ces 46 00:03:47,000 --> 00:03:48,990 deux filiations plus exactement. 47 00:03:49,190 --> 00:03:55,170 L'arrêt, le grand arrêt fondateur, c'est donc l'article 8 couplé avec 48 00:03:55,370 --> 00:03:57,810 l'interdiction de discrimination de l'application de la convention, 49 00:03:58,320 --> 00:04:02,280 l'article 14, le jeu combiné de ces deux dispositions a provoqué 50 00:04:02,480 --> 00:04:06,590 cette évolution, le grand arrêt, l'arrêt de principe, 51 00:04:06,790 --> 00:04:11,370 l'arrêt Marckx contre Belgique du 13 juin 1979. 52 00:04:15,000 --> 00:04:19,980 Le deuxième domaine d'application particulièrement significatif de 53 00:04:20,180 --> 00:04:26,790 l'article 8 concerne ce qu'on peut 54 00:04:26,990 --> 00:04:32,250 appeler la problématique des législations nationales qui 55 00:04:33,780 --> 00:04:37,050 établissaient des traitements différenciés ou des pratiques, 56 00:04:37,410 --> 00:04:40,410 si ce n'était pas législation, des pratiques différenciées suivant 57 00:04:40,610 --> 00:04:45,840 l'orientation sexuelle ou le genre, l'article 8 est à l'origine de 58 00:04:46,040 --> 00:04:48,870 profondes modifications des législations nationales. 59 00:04:49,070 --> 00:04:58,770 J'en noterais deux, d'abord, s'agissant de la question des 60 00:04:58,970 --> 00:05:03,030 transsexuels, c'est la Cour européenne des droits de l'homme qui est à 61 00:05:03,230 --> 00:05:06,990 l'origine des évolutions nationales en la matière car c'est la Cour 62 00:05:07,190 --> 00:05:11,520 européenne des droits de l'homme qui a reconnu le droit du transsexuel 63 00:05:11,720 --> 00:05:18,930 d'obtenir le changement d'état civil pour faire coïncider son 64 00:05:19,210 --> 00:05:24,480 appartenance à ce qui est effectivement inscrit dans les documents d'état 65 00:05:24,680 --> 00:05:25,440 civil. 66 00:05:25,640 --> 00:05:29,400 C'est le grand arrêt Goodwin contre Royaume-Uni de 2002. 67 00:05:29,980 --> 00:05:34,860 Alors la Cour européenne des droits de l'homme est restée cependant 68 00:05:36,210 --> 00:05:41,250 le reflet tant du relatif conservatisme des sociétés nationales, 69 00:05:41,610 --> 00:05:47,610 en considérant que ce droit ne pouvait pas être, ou plus exactement 70 00:05:47,810 --> 00:05:53,850 que l'État pouvait refuser l'exercice de ce droit, ou du moins le subordonner 71 00:05:54,690 --> 00:06:02,190 au changement, le subordonner à la rupture préalable du mariage 72 00:06:05,940 --> 00:06:09,750 d'une personne transsexuelle, parce qu'elle estimait qu'elle 73 00:06:09,950 --> 00:06:15,990 ne pouvait pas imposer le mariage homosexuel à l'État et donc l'État 74 00:06:16,190 --> 00:06:20,190 pouvait refuser le changement d'état civil pour le transsexuel marié 75 00:06:20,390 --> 00:06:21,360 s'il ne divorçait pas d'abord. 76 00:06:21,960 --> 00:06:27,150 Donc la Cour européenne des droits 77 00:06:27,350 --> 00:06:32,910 de l'homme est restée sur une position fondamentalement conservatrice 78 00:06:33,110 --> 00:06:35,250 au regard, conservatrice, j'entends son jugement, 79 00:06:35,450 --> 00:06:39,480 au regard de l'état des sociétés nationales. 80 00:06:40,350 --> 00:06:43,440 C'est également la Convention, la Cour européenne des droits de 81 00:06:43,640 --> 00:06:49,950 l'homme, qui a permis l'évolution des législations nationales et 82 00:06:50,150 --> 00:06:56,640 notamment l'abrogation de législations nationales qui réprimaient 83 00:06:57,330 --> 00:07:02,100 l'homosexualité entre adultes mâles consentants, c'était l'homosexualité 84 00:07:02,300 --> 00:07:06,600 masculine qui était pénalement réprimée, et la Cour européenne 85 00:07:06,800 --> 00:07:08,580 des droits de l'homme a condamné, du fait de ces lois, 86 00:07:08,820 --> 00:07:13,650 le Royaume-Uni dans l'affaire Dudgeon contre Royaume-Uni, l'Irlande dans 87 00:07:13,850 --> 00:07:18,300 l'affaire Norris contre Irlande dans les années 80, en 1981 et 88 00:07:18,500 --> 00:07:20,580 88 respectivement, on les retrouvera. 89 00:07:20,910 --> 00:07:26,250 Mais on notera que ce n'est qu'en 1994 que la République fédérale 90 00:07:26,450 --> 00:07:30,870 d'Allemagne a accepté, elle, d'abroger cette législation. 91 00:07:35,290 --> 00:07:41,650 Troisième domaine dans lequel l'effet de l'article 8 été particulièrement 92 00:07:41,850 --> 00:07:46,540 notable, c'est le domaine de la correspondance et en particulier 93 00:07:46,740 --> 00:07:50,470 l'extension de la protection de la correspondance aux écoutes 94 00:07:50,920 --> 00:07:51,700 téléphoniques. 95 00:07:52,120 --> 00:07:56,530 C'est la Cour européenne des droits de l'homme qui a permis de faire 96 00:07:56,730 --> 00:08:00,640 évoluer les législations nationales dans le sens d'un contrôle des 97 00:08:00,840 --> 00:08:06,490 écoutes téléphoniques et d'une protection des personnes à l'égard 98 00:08:06,690 --> 00:08:10,360 de cette pratique qui devient techniquement possible. 99 00:08:13,140 --> 00:08:16,600 Le premier arrêt de principe sur l'applicabilité aux écoutes 100 00:08:16,800 --> 00:08:21,370 téléphoniques et l'arrêt Malone contre Royaume-Uni de 1984. 101 00:08:22,930 --> 00:08:25,540 S'agissant de la France, c'est la condamnation de la France 102 00:08:25,780 --> 00:08:34,390 en 1990 dans les affaires Huvig et Kruslin qui a provoqué l'adoption 103 00:08:34,590 --> 00:08:39,100 de la première loi française avec une discipline claire, 104 00:08:41,050 --> 00:08:45,850 accessible des écoutes téléphoniques en 1991, et bien entendu, 105 00:08:46,060 --> 00:08:49,180 la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme reste vigilante 106 00:08:49,930 --> 00:08:53,890 pour s'assurer que les écoutes téléphoniques n'excèdent pas ce 107 00:08:54,090 --> 00:08:57,040 qui est nécessaire dans une société démocratique. 108 00:08:57,340 --> 00:08:59,830 Il est aussi à noter, et c'est fondamental, 109 00:09:00,030 --> 00:09:06,880 que la protection de la correspondance a été également étendue aux 110 00:09:07,080 --> 00:09:08,930 communications électroniques. 111 00:09:09,130 --> 00:09:13,900 Voyez l'arrêt de 2007 Copland contre Royaume-Uni, c'est très important 112 00:09:14,260 --> 00:09:18,580 parce que c'est des technologies postérieures à la Convention européenne 113 00:09:18,780 --> 00:09:19,540 des droits de l'homme, eh bien la Convention européenne 114 00:09:19,740 --> 00:09:22,720 les couvre, et c'est très important parce que les développements 115 00:09:22,920 --> 00:09:26,590 technologiques exposent particulièrement la vie privée 116 00:09:26,800 --> 00:09:27,560 et familiale. 117 00:09:27,760 --> 00:09:33,010 Enfin, dernier domaine d'extension jurisprudentielles ou pratique 118 00:09:33,210 --> 00:09:38,340 jurisprudentielle qui me paraît essentielle s'agissant de l'article 8, 119 00:09:38,770 --> 00:09:44,680 c'est le droit des étrangers, notamment la question du séjour 120 00:09:44,880 --> 00:09:46,270 et de l'éloignement des étrangers. 121 00:09:46,480 --> 00:09:51,280 La Cour européenne des droits de l'homme considère que l'État qui 122 00:09:51,480 --> 00:09:58,330 éloigne un étranger doit s'assurer de l'adaptation de la mesure à 123 00:09:58,530 --> 00:10:02,590 l'atteinte qui est portée à la vie privée et familiale de l'étranger 124 00:10:03,100 --> 00:10:03,860 éloigné. 125 00:10:04,060 --> 00:10:07,540 Il faut qu'il y ait une adéquation entre l'intérêt général attaché 126 00:10:07,740 --> 00:10:12,850 à l'éloignement et l'atteinte au droit individuel, à une vie privée 127 00:10:13,050 --> 00:10:16,450 et familiale pour des personnes qui parfois ne connaissent même 128 00:10:16,650 --> 00:10:20,680 pas la langue du pays dont ils ont la nationalité. 129 00:10:20,880 --> 00:10:24,370 Ils peuvent être nés sur place et avoir passé l'essentiel de leur 130 00:10:24,570 --> 00:10:28,060 vie donc il y a un équilibre à sauvegarder. 131 00:10:28,360 --> 00:10:31,600 Les arrêts de principe sont les arrêts de la Cour européenne des 132 00:10:31,800 --> 00:10:39,130 droits de l'homme de 1991, Moustaquim contre Belgique et 1992, 133 00:10:39,330 --> 00:10:42,130 Beldjoudi contre France. 134 00:10:43,420 --> 00:10:49,120 C'est dans ce contexte jurisprudentiel que le Conseil d'État a accepté 135 00:10:49,330 --> 00:10:53,080 lui-même ce qu'il avait refusé jusqu'alors, a accepté lui-même, 136 00:10:53,470 --> 00:10:56,530 dans un revirement de jurisprudence très important et historique, 137 00:10:56,730 --> 00:11:03,760 a accepté lui-même de contrôler la proportionnalité de la mesure 138 00:11:03,960 --> 00:11:08,770 de reconduite à la frontière d'un étranger en situation irrégulière 139 00:11:09,070 --> 00:11:13,570 ou l'expulsion d'un étranger en situation régulière, 140 00:11:13,770 --> 00:11:19,330 respectivement dans les arrêts Babas et Belgacem, rendus tous 141 00:11:19,530 --> 00:11:22,810 les deux le 19 avril 1991. 142 00:11:25,210 --> 00:11:32,500 Le droit au respect de la vie familiale est complété, 2, par le droit au 143 00:11:32,700 --> 00:11:33,850 respect des biens. 144 00:11:34,900 --> 00:11:37,630 En France, on dirait peut-être le droit au respect de la propriété 145 00:11:37,830 --> 00:11:42,010 privée, c'est le respect des biens, c'est sous cet angle que le droit 146 00:11:42,210 --> 00:11:45,790 est garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, 147 00:11:46,030 --> 00:11:50,890 mais pas dans le texte d'origine de la Convention, c'est dans l'article 148 00:11:51,090 --> 00:11:54,520 premier du protocole additionnel, le premier protocole additionnel 149 00:11:54,850 --> 00:11:58,600 à la Convention européenne des droits de l'homme, que la garantie 150 00:11:58,800 --> 00:12:03,400 du droit des biens est posée avec un article qui est considéré comme 151 00:12:03,600 --> 00:12:07,120 ayant trois dispositions, un principe comportant en réalité 152 00:12:07,320 --> 00:12:11,110 trois règles, un principe général de protection des biens, 153 00:12:12,910 --> 00:12:16,750 un deuxième principe qui s'applique aux mesures de privation de la 154 00:12:16,950 --> 00:12:21,190 propriété, expropriation ou nationalisation, qui sont admises 155 00:12:21,390 --> 00:12:25,840 à condition qu'elles soient justifiées par une cause d'utilité publique 156 00:12:26,290 --> 00:12:29,920 et qu'elles respectent les principes du droit international, 157 00:12:30,120 --> 00:12:34,150 c'est-à-dire notamment qu'elles fassent l'objet d'une compensation 158 00:12:34,760 --> 00:12:40,100 correspondantes à la valeur réelle marchande du bien, ce qui soulève 159 00:12:40,300 --> 00:12:43,150 des contentieux importants dans lesquels la Cour européenne des 160 00:12:43,350 --> 00:12:47,150 droits de l'homme est amenée à réévaluer des compensations nationales 161 00:12:47,480 --> 00:12:48,500 jugées insuffisantes. 162 00:12:49,050 --> 00:12:53,690 Et enfin, une troisième règle qui concerne la réglementation de l'usage 163 00:12:53,890 --> 00:12:57,830 des biens, donc les mesures pour protéger l'ordre public, 164 00:12:58,030 --> 00:13:00,920 les mesures douanières, les mesures fiscales qui peuvent 165 00:13:01,130 --> 00:13:05,060 entraîner une restriction à l'usage des biens. 166 00:13:06,680 --> 00:13:10,580 Mais ce sont des restrictions admises par la Convention européenne des 167 00:13:10,780 --> 00:13:15,730 droits de l'homme, à condition qu'elles ne dépassent pas ici encore 168 00:13:15,930 --> 00:13:21,830 ce qui est nécessaire pour poursuivre 169 00:13:22,030 --> 00:13:26,580 le but d'intérêt général attaché à la réglementation, donc il y 170 00:13:26,780 --> 00:13:32,160 a un contrôle plus limité cette fois-ci, qui est exercé par le juge, 171 00:13:32,360 --> 00:13:39,320 c'est la disproportion qui est sanctionnée, qui peut concerner 172 00:13:39,980 --> 00:13:42,200 l'ensemble de la réglementation de l'usage des biens, 173 00:13:42,620 --> 00:13:48,380 des règles sur les débits de boissons aux règles sur la réglementation 174 00:13:48,580 --> 00:13:51,890 des loyers, le droit douanier, le droit fiscal aussi, 175 00:13:52,090 --> 00:13:53,840 bien sûr, et la Cour européenne des droits de l'homme veille à 176 00:13:54,040 --> 00:13:55,610 ce qu'il n'y ait pas une disproportion. 177 00:13:56,690 --> 00:14:01,730 Le concept clé dans l'article premier est le concept de bien qui est 178 00:14:01,930 --> 00:14:05,210 différent des concepts nationaux de propriété. 179 00:14:05,630 --> 00:14:10,640 Il y a une conception très large de ce qu'est un bien selon la 180 00:14:10,840 --> 00:14:13,430 jurisprudence européenne, elle reprend d'ailleurs les conceptions 181 00:14:13,630 --> 00:14:17,240 du droit international qui couvrent en réalité tous les biens, 182 00:14:17,440 --> 00:14:22,430 droits et intérêts juridiquement protégés ayant une valeur économique. 183 00:14:22,850 --> 00:14:27,260 Et donc un bien, ça peut être un bien au sens du droit français, 184 00:14:27,460 --> 00:14:33,110 mais même un droit contractuel, une licence, une autorisation peut 185 00:14:33,310 --> 00:14:36,800 constituer un bien à partir du moment où elle était considérée 186 00:14:37,000 --> 00:14:38,960 comme ayant une valeur économique. 187 00:14:39,160 --> 00:14:45,650 Donc il y a une jurisprudence qui étend le concept de bien et dans 188 00:14:45,850 --> 00:14:51,710 des cas extrêmes, en quelque sorte, mais on voit l'extension du concept, 189 00:14:51,950 --> 00:14:56,000 il a été jugé, par exemple, qu'une créance de TVA d'une société 190 00:14:56,200 --> 00:15:00,170 commerciale, le droit à obtenir le paiement de la TVA est un bien 191 00:15:00,620 --> 00:15:03,320 au sens de la Convention européenne des droits de l'homme et protégé 192 00:15:03,680 --> 00:15:08,990 par l'article premier, voyez la Société anonyme Dangeville 193 00:15:09,410 --> 00:15:11,210 contre France de 2012. 194 00:15:13,760 --> 00:15:20,630 Un dernier mot sur ces garanties de la vie privée individuelle, 195 00:15:20,830 --> 00:15:26,300 C, pour évoquer la question de la non-discrimination. 196 00:15:28,850 --> 00:15:33,600 La non-discrimination a un traitement singulier dans la Convention européenne 197 00:15:33,800 --> 00:15:35,270 des droits de l'homme, parce qu'en réalité, 198 00:15:35,840 --> 00:15:39,260 elle n'est pas, la non-discrimination, garantie en tant que telle. 199 00:15:39,890 --> 00:15:45,770 Ce qui est garanti est la non-discrimination dans le bénéfice 200 00:15:46,250 --> 00:15:48,650 des droits protégés par la Convention. 201 00:15:48,890 --> 00:15:53,240 L'article 14 prévoit que la jouissance des droits et libertés reconnus 202 00:15:53,750 --> 00:15:57,500 par la Convention doit être assurée sans distinction aucune, 203 00:15:58,370 --> 00:16:03,560 fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, 204 00:16:03,770 --> 00:16:07,610 la langue, la religion, les opinions, l'origine nationale 205 00:16:07,810 --> 00:16:10,910 ou sociale, l'appartenance à une minorité, la fortune, 206 00:16:11,110 --> 00:16:13,010 la naissance ou toute autre situation. 207 00:16:14,120 --> 00:16:18,440 C'est un principe d'égalité, oui, mais d'égalité pour la jouissance 208 00:16:18,830 --> 00:16:22,520 des droits reconnus dans la Convention. 209 00:16:22,740 --> 00:16:28,310 Donc il faut que l'article 14 soit en quelque sorte couplé avec une 210 00:16:28,510 --> 00:16:32,320 autre disposition de la convention pour qu'il trouve application, 211 00:16:32,520 --> 00:16:36,520 comme on l'a vu dans l'affaire Marckx contre Belgique, 212 00:16:37,580 --> 00:16:41,540 la protection de la vie privée couplée avec la non-discrimination. 213 00:16:41,780 --> 00:16:46,910 Mais la Convention, la jurisprudence de la Cour va un peu plus loin 214 00:16:47,420 --> 00:16:50,570 en considérant que si les deux dispositions doivent être couplées, 215 00:16:50,770 --> 00:16:53,990 c'est-à-dire que si la non-discrimination s'apprécie 216 00:16:55,070 --> 00:17:00,500 lorsqu'une garantie de la Convention est applicable, elle peut être 217 00:17:00,740 --> 00:17:05,330 violée dans une situation où la disposition substantielle elle-même 218 00:17:06,350 --> 00:17:10,490 n'était pas violée au sens où elle ne garantissait pas le traitement 219 00:17:10,940 --> 00:17:13,520 sur lequel la discrimination a eu lieu. 220 00:17:13,880 --> 00:17:17,960 C'est la question qui a été débattue, peut-être mal comprise en France, 221 00:17:18,290 --> 00:17:19,970 de la question de l'adoption. 222 00:17:20,360 --> 00:17:25,430 La Convention européenne des droits de l'homme, l'article 8 ne garantit 223 00:17:25,630 --> 00:17:34,420 pas un droit à l'adoption, un droit à adopter, mais une 224 00:17:34,620 --> 00:17:41,830 discrimination liée à l'orientation sexuelle dans la pratique de 225 00:17:42,430 --> 00:17:45,040 l'adoption, dans les conditions dans lesquelles l'adoption est 226 00:17:45,240 --> 00:17:47,380 effectivement reconnue dans les pays, attribuée dans les pays, 227 00:17:48,190 --> 00:17:53,230 peut donner lieu à une discrimination contraire à la Convention européenne 228 00:17:53,430 --> 00:17:54,190 des droits de l'homme. 229 00:17:54,390 --> 00:17:56,050 C'est l'affaire E.B. 230 00:17:56,260 --> 00:17:58,960 contre France du 22 janvier 2008. 231 00:18:00,790 --> 00:18:06,460 Ce n'est pas que la Convention exclut toute diversité de traitement, 232 00:18:07,030 --> 00:18:10,870 mais la Cour européenne des droits de l'homme, lorsqu'il y a une diversité 233 00:18:11,070 --> 00:18:16,090 de traitements, s'assure qu'elle poursuive un but légitime et que 234 00:18:16,420 --> 00:18:22,540 la distorsion dans les garanties soit raisonnable pour atteindre 235 00:18:23,710 --> 00:18:24,520 cet objectif. 236 00:18:24,790 --> 00:18:29,830 Il peut y avoir donc aussi des mesures incitatives, des mesures 237 00:18:30,030 --> 00:18:32,230 différenciées, mais qui, si elles sont proportionnées, 238 00:18:32,530 --> 00:18:37,780 peuvent être justifiées par le but légitime qui est recherché. 239 00:18:39,310 --> 00:18:48,100 Mais la Cour a donné une sorte de limite à ce système de l'article 240 00:18:48,300 --> 00:18:52,720 14 de façon un peu constructive mais importante, c'est l'arrêt 241 00:18:54,070 --> 00:19:00,520 Timichev contre Russie du 13 décembre 2005, dans laquelle la Cour se 242 00:19:00,720 --> 00:19:03,580 penche sur la question des discriminations entre guillemets 243 00:19:03,780 --> 00:19:06,970 raciales, fondée sur une distinction de traitement, fondée sur un critère 244 00:19:07,170 --> 00:19:07,930 de type ethnique. 245 00:19:09,730 --> 00:19:16,240 La Cour considère, je cite, "qu'aucune différence de traitement 246 00:19:16,660 --> 00:19:22,780 fondée exclusivement ou de manière déterminante sur l'origine ethnique 247 00:19:22,980 --> 00:19:28,030 d'un individu, aucune différence ne peut passer pour objectivement 248 00:19:28,230 --> 00:19:33,610 justifiée dans une société démocratique contemporaine fondée sur des principes 249 00:19:33,810 --> 00:19:36,790 de pluralisme et du respect de la diversité culturelle". 250 00:19:36,990 --> 00:19:39,430 Donc il y a une sorte, en réalité, de limite, 251 00:19:39,790 --> 00:19:44,110 qui consiste à dire, cette discrimination-là appelle 252 00:19:44,770 --> 00:19:48,610 une vigilance particulière et on ne voit pas comment elle pourrait 253 00:19:48,810 --> 00:19:52,510 être conforme à la Convention européenne des droits de l'homme. 254 00:19:54,700 --> 00:19:57,670 L'article 14, c'est une garantie minimale. 255 00:19:57,880 --> 00:20:01,660 Mais quand on voit aussi les difficultés qu'ont les États à 256 00:20:01,860 --> 00:20:05,970 accepter davantage, on voit à quel point elle est essentielle. 257 00:20:06,170 --> 00:20:14,080 Le protocole 12 de 2000, qui entendait étendre la 258 00:20:14,280 --> 00:20:17,670 non-discrimination à l'ensemble des droits prévus par la loi, 259 00:20:17,870 --> 00:20:21,070 à la jouissance des droits, de tous droits prévus par la loi, 260 00:20:21,310 --> 00:20:25,960 n'a été que très faiblement ratifié, les États ne l'ont pas accepté 261 00:20:26,160 --> 00:20:32,320 dont la France donc ce qui montre à rebours l'importance de la garantie 262 00:20:32,520 --> 00:20:33,430 de l'article 14.