1 00:00:05,650 --> 00:00:06,410 2. 2 00:00:06,610 --> 00:00:08,290 La sanction du pacte de préférence. 3 00:00:09,040 --> 00:00:12,970 Il y a violation du pacte lorsque le promettant vend le bien à un 4 00:00:13,170 --> 00:00:17,020 tiers sans avoir d’abord proposé le contrat au bénéficiaire. 5 00:00:17,740 --> 00:00:22,000 Quand ce système de purge du droit du bénéficiaire n’a pas été respecté, 6 00:00:22,570 --> 00:00:25,930 le promettant se rend coupable d’une violation de son engagement 7 00:00:26,130 --> 00:00:26,890 contractuel. 8 00:00:27,340 --> 00:00:29,380 Quelle est alors la sanction applicable ? 9 00:00:30,280 --> 00:00:33,040 Dans un premier temps, cette question a été tranchée par 10 00:00:33,240 --> 00:00:36,970 la Cour de cassation et sa jurisprudence, globalement stable 11 00:00:37,170 --> 00:00:41,500 jusqu’en 2006, a fini par évoluer sur un point très important. 12 00:00:42,760 --> 00:00:45,970 Dans un second temps, l’ordonnance du 10 février 2016 13 00:00:46,540 --> 00:00:50,170 est venue consacrer cette évolution au sein du Code civil. 14 00:00:52,300 --> 00:00:56,470 Il faut prendre garde ici aux conditions d’application dans le 15 00:00:56,670 --> 00:00:57,880 temps de la loi nouvelle. 16 00:00:58,840 --> 00:01:03,370 En principe, les dispositions issues de l’ordonnance de 2016 ne sont 17 00:01:03,570 --> 00:01:08,160 applicables qu’aux pactes conclus à compter du 1ᵉʳ octobre 2016. 18 00:01:09,040 --> 00:01:13,510 Pour les pactes conclus auparavant, le régime issu de la jurisprudence 19 00:01:13,710 --> 00:01:19,090 doit continuer de s’appliquer, sauf une exception qui résulte 20 00:01:19,290 --> 00:01:21,880 expressément de l’article 9 de l’ordonnance. 21 00:01:22,900 --> 00:01:24,430 On en reparlera un peu plus loin. 22 00:01:25,720 --> 00:01:30,160 En pratique, les solutions sont cependant assez proches dans la 23 00:01:30,360 --> 00:01:34,960 mesure où l’ordonnance de 2016 consacre pour l’essentiel les solutions 24 00:01:35,160 --> 00:01:36,700 qu’avait posées la Cour de cassation. 25 00:01:38,500 --> 00:01:41,830 Avant, comme après 2016, le point de départ du raisonnement 26 00:01:42,030 --> 00:01:47,080 est également inchangé et il repose sur l’analyse du pacte qui a été 27 00:01:47,280 --> 00:01:49,360 présenté plus haut dans la précédente vidéo. 28 00:01:50,110 --> 00:01:54,130 Aux termes du pacte, le bénéficiaire ne jouit d’aucun 29 00:01:54,330 --> 00:01:55,870 droit réel sur le bien. 30 00:01:57,010 --> 00:02:01,210 Il ne peut donc pas revendiquer ce bien entre les mains du tiers 31 00:02:01,410 --> 00:02:04,180 qui l’aurait acquis, tiers qui, pour sa part, 32 00:02:04,540 --> 00:02:08,350 est bien titulaire d’un droit réel, si la vente conclue à son profit 33 00:02:08,550 --> 00:02:09,820 avec le promettant est valable. 34 00:02:10,020 --> 00:02:16,510 L’existence du pacte ne peut donc pas à elle seule suffire à invalider 35 00:02:16,710 --> 00:02:18,070 la vente conclue avec le tiers. 36 00:02:19,120 --> 00:02:23,890 Autrement dit, puisque le bénéficiaire du pacte n’a pas de droits réels 37 00:02:24,090 --> 00:02:28,480 sur le bien, il n’a pas de droit de suite qui lui permettrait de 38 00:02:28,750 --> 00:02:32,950 récupérer directement ce bien entre les mains du tiers acquéreur. 39 00:02:34,510 --> 00:02:38,680 Dès lors, selon une jurisprudence ancienne confortée par l’ordonnance 40 00:02:38,880 --> 00:02:43,660 de 2016, la sanction de la violation du pacte doit varier selon que 41 00:02:43,860 --> 00:02:48,640 le tiers acquéreur du bien est de bonne foi, a, ou de mauvaise foi, 42 00:02:48,840 --> 00:02:49,600 b. 43 00:02:50,830 --> 00:02:55,750 On envisagera ces deux hypothèses avant de voir comment doit être 44 00:02:55,950 --> 00:02:59,350 comprise la notion de mauvaise foi qui, vous l’avez compris, 45 00:02:59,550 --> 00:03:05,410 est la clef de voûte de cette construction, il s’agira d’un petit c. 46 00:03:05,610 --> 00:03:09,520 a, première hypothèse : le tiers acquéreur est de bonne foi. 47 00:03:11,110 --> 00:03:15,580 Lorsque le tiers acquéreur du bien est de bonne foi, son acquisition 48 00:03:15,780 --> 00:03:17,200 ne saurait être remise en cause. 49 00:03:18,160 --> 00:03:22,150 La sécurité des transactions impose cette solution, même si elle est 50 00:03:22,350 --> 00:03:25,450 sévère, défavorable au bénéficiaire du pacte. 51 00:03:26,560 --> 00:03:29,560 Par la force des choses, la violation de son engagement 52 00:03:29,760 --> 00:03:33,760 par le promettant sera simplement sanctionnée par l’octroi de 53 00:03:33,960 --> 00:03:34,720 dommages-intérêts. 54 00:03:35,740 --> 00:03:39,280 Le promettant pourrait être condamné à verser une somme d’argent pour 55 00:03:39,480 --> 00:03:43,600 réparer le préjudice causé au bénéficiaire, l’évaluation de ce 56 00:03:43,800 --> 00:03:47,620 préjudice étant délicate, voire franchement aléatoire. 57 00:03:47,820 --> 00:03:52,120 L’ordonnance de 2016 a consacré cette solution jurisprudentielle 58 00:03:52,660 --> 00:03:56,860 au deuxième alinéa de l’article 1123 du Code civil. 59 00:03:57,280 --> 00:04:02,260 Je cite : "Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation 60 00:04:02,460 --> 00:04:06,250 d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la 61 00:04:06,450 --> 00:04:08,140 réparation du préjudice subi". 62 00:04:09,400 --> 00:04:13,300 Même si le texte ne le dit pas très clairement, cette réparation 63 00:04:13,500 --> 00:04:16,570 sera forcément ici une réparation par équivalent. 64 00:04:17,320 --> 00:04:20,110 Il s’agit du simple octroi de dommages-intérêts avant, 65 00:04:21,220 --> 00:04:23,440 comme après, la réforme de 2016. 66 00:04:23,640 --> 00:04:30,550 b, seconde hypothèse : le tiers acquéreur est de mauvaise foi. 67 00:04:32,050 --> 00:04:35,290 Dans ce cas-là, la question est de savoir si le bénéficiaire du 68 00:04:35,490 --> 00:04:39,760 pacte peut être autorisé par le juge à se substituer au tiers 69 00:04:39,960 --> 00:04:45,040 acquéreur, c’est-à-dire à acquérir le bien vendu à la place du tiers 70 00:04:45,240 --> 00:04:46,000 de mauvaise foi. 71 00:04:47,080 --> 00:04:51,610 La réparation du préjudice subi se ferait alors en nature et non 72 00:04:51,810 --> 00:04:52,570 plus par équivalent. 73 00:04:53,290 --> 00:04:57,850 Le bénéficiaire du pacte pourrait exiger la réalisation forcée de 74 00:04:58,050 --> 00:04:59,350 la vente à son profit. 75 00:05:00,870 --> 00:05:04,800 Pendant longtemps, la Cour de cassation a refusé cette substitution. 76 00:05:05,640 --> 00:05:08,910 Cette solution, défavorable aux intérêts du bénéficiaire, 77 00:05:09,570 --> 00:05:15,090 avait été posée dans une décision de 1957. 78 00:05:15,290 --> 00:05:20,220 À condition que le tiers soit de mauvaise foi, le bénéficiaire du 79 00:05:20,420 --> 00:05:24,300 pacte pouvait poursuivre en justice la nullité de la vente consentie 80 00:05:24,500 --> 00:05:30,860 aux tiers, mais il ne pouvait jamais exiger sa substitution au tiers évincé. 81 00:05:31,060 --> 00:05:35,010 Il ne pouvait pas devenir acquéreur à la place du tiers évincé. 82 00:05:35,210 --> 00:05:39,630 C’est encore en ce sens que se prononçait un arrêt rendu par la 83 00:05:39,830 --> 00:05:43,710 troisième chambre civile de la Cour de cassation en 1997, 84 00:05:44,460 --> 00:05:47,490 au motif que le promettant est tenu d’une obligation de faire 85 00:05:47,760 --> 00:05:51,750 qui se résout en dommages-intérêts selon la lettre de l’ancien article 86 00:05:52,290 --> 00:05:54,570 1142 du Code civil. 87 00:05:55,380 --> 00:05:58,230 Nous reviendrons plus loin sur cette motivation juridique très 88 00:05:58,860 --> 00:06:02,430 discutable quand nous traiterons de la promesse unilatérale de vente 89 00:06:02,730 --> 00:06:04,680 puisque la justification était la même. 90 00:06:06,240 --> 00:06:12,990 Cette solution, posée en 1957 et 1997, était très critiquée en doctrine 91 00:06:13,530 --> 00:06:18,480 parce qu’elle portait atteinte à l’efficacité du pacte de préférence. 92 00:06:19,740 --> 00:06:22,730 Sachant qu’il ne serait condamné qu’à verser des dommages-intérêts, 93 00:06:23,790 --> 00:06:28,530 généralement d’un montant assez faible, le promettant n’était pas du tout 94 00:06:28,730 --> 00:06:33,120 incité à respecter la parole qu’il avait donnée dans le pacte. 95 00:06:35,010 --> 00:06:39,720 Après être longtemps restée sourde à ces critiques, la Cour de cassation 96 00:06:39,920 --> 00:06:40,950 les a finalement entendues. 97 00:06:41,850 --> 00:06:44,130 Elle a en effet effectué un spectaculaire revirement de 98 00:06:44,330 --> 00:06:49,200 jurisprudence dans un arrêt rendu en chambre mixte le 26 mai 2006. 99 00:06:49,620 --> 00:06:53,640 Je cite l’attendu de principe sur lequel on va revenir ensuite en détail. 100 00:06:54,810 --> 00:06:59,310 La Cour de cassation décide dans cet arrêt de 2006 que le bénéficiaire 101 00:06:59,510 --> 00:07:04,320 d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du 102 00:07:04,520 --> 00:07:08,010 contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits, 103 00:07:08,670 --> 00:07:10,050 solution jusque-là classique. 104 00:07:10,980 --> 00:07:15,090 Mais la Cour de cassation poursuit : "Le bénéficiaire est aussi en droit 105 00:07:15,420 --> 00:07:20,880 d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, à la condition que 106 00:07:21,080 --> 00:07:23,850 le tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, 107 00:07:24,300 --> 00:07:28,230 de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de 108 00:07:28,430 --> 00:07:29,190 s’en prévaloir". 109 00:07:29,390 --> 00:07:33,900 À compter de cet arrêt, la conclusion forcée du contrat 110 00:07:34,100 --> 00:07:37,770 au profit du bénéficiaire, donc la substitution, 111 00:07:38,040 --> 00:07:39,330 devient possible. 112 00:07:40,200 --> 00:07:43,920 Mais attention, cette substitution n’est possible qu’à de strictes 113 00:07:44,120 --> 00:07:48,240 conditions, car la mauvaise foi du tiers est difficile à caractériser. 114 00:07:48,440 --> 00:07:50,970 C’est ce qu’il convient maintenant d’examiner. 115 00:07:51,170 --> 00:07:55,560 c : la notion de mauvaise foi du tiers. 116 00:07:57,390 --> 00:08:01,380 En matière de pacte de préférence, la Cour de cassation a retenu une 117 00:08:01,580 --> 00:08:05,610 définition particulièrement rigoureuse de la mauvaise foi du tiers, 118 00:08:06,210 --> 00:08:11,130 mauvaise foi qui doit obligatoirement être caractérisée pour offrir au 119 00:08:11,330 --> 00:08:14,820 bénéficiaire la substitution dans le contrat de vente conclu par 120 00:08:15,020 --> 00:08:16,410 le promettant avec le tiers. 121 00:08:18,060 --> 00:08:22,680 Deux conditions strictes doivent être remplies selon la jurisprudence 122 00:08:22,880 --> 00:08:27,630 de 2006 qui a été pleinement consacrée par l’ordonnance de 2016, 123 00:08:28,170 --> 00:08:30,660 en dépit de certaines critiques doctrinales. 124 00:08:31,920 --> 00:08:36,540 Il faut d’abord, première condition, que le tiers ait eu connaissance 125 00:08:36,740 --> 00:08:38,250 de l’existence du pacte. 126 00:08:39,210 --> 00:08:42,480 Cette première exigence pour caractériser la mauvaise foi du 127 00:08:42,680 --> 00:08:44,100 tiers est tout à fait logique. 128 00:08:44,760 --> 00:08:49,500 Le tiers, comme son nom l’indique, est étranger au pacte qui ne crée 129 00:08:49,740 --> 00:08:51,600 aucune obligation à sa charge. 130 00:08:52,350 --> 00:08:57,690 Il ne peut donc pas y avoir nullité et substitution si le tiers ignorait 131 00:08:57,890 --> 00:08:58,800 l’existence du pacte. 132 00:08:59,610 --> 00:09:02,730 En tout état de cause, cette connaissance du pacte ne 133 00:09:02,930 --> 00:09:05,430 suffit pas pour caractériser la mauvaise foi du tiers. 134 00:09:05,910 --> 00:09:10,230 Car une seconde condition est ensuite posée : il faut que le tiers ait 135 00:09:10,430 --> 00:09:14,820 su que le bénéficiaire du pacte avait l’intention de se prévaloir 136 00:09:15,020 --> 00:09:15,780 de celui-ci. 137 00:09:15,980 --> 00:09:21,090 C’est exactement la solution retenue par le deuxième alinéa de l’article 138 00:09:21,290 --> 00:09:26,790 1123 du Code civil issu de l’ordonnance de 2016 qui, dans sa deuxième phrase, 139 00:09:26,990 --> 00:09:32,430 dispose : "Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention 140 00:09:32,630 --> 00:09:36,990 du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier, c’est-à-dire le 141 00:09:37,190 --> 00:09:41,970 bénéficiaire, peut également agir en nullité ou demander au juge 142 00:09:42,170 --> 00:09:44,190 de le substituer au tiers dans le contrat conclu". 143 00:09:45,840 --> 00:09:50,670 À l’évidence, la preuve qui est ici exigée, à savoir la connaissance 144 00:09:50,870 --> 00:09:54,510 qu’a le tiers des intentions du bénéficiaire, est difficile à 145 00:09:54,710 --> 00:09:58,740 rapporter, difficile à établir, quand bien même cette preuve peut 146 00:09:58,940 --> 00:09:59,740 être rapportée par tous moyens. 147 00:10:01,370 --> 00:10:05,000 Ce serait même une preuve diabolique, selon une partie de la doctrine. 148 00:10:05,600 --> 00:10:11,240 Comment le bénéficiaire du pacte pourrait-il prouver la connaissance 149 00:10:11,440 --> 00:10:13,700 qu’avait le tiers de ses intentions ? 150 00:10:13,900 --> 00:10:19,790 Ainsi, certains n’ont pas hésité à faire une proposition pour adoucir 151 00:10:19,990 --> 00:10:20,750 cette condition. 152 00:10:21,650 --> 00:10:25,820 Ne pourrait-on pas reprocher au tiers acquéreur de ne pas s’être 153 00:10:26,020 --> 00:10:30,110 renseigné sur les intentions du bénéficiaire dès lors qu’il connaissait 154 00:10:30,310 --> 00:10:31,070 l’existence du pacte ? 155 00:10:32,390 --> 00:10:35,600 La Cour de cassation a clairement refusé de s’engager dans cette voie, 156 00:10:36,080 --> 00:10:39,470 aux termes d’un arrêt rendu par sa troisième chambre civile le 157 00:10:39,670 --> 00:10:40,730 29 juin 2010. 158 00:10:40,930 --> 00:10:45,980 À dire vrai, cette rigueur dont fait montre la jurisprudence ne 159 00:10:46,180 --> 00:10:47,750 me paraît pas sans justification. 160 00:10:48,590 --> 00:10:53,270 Le tiers est étranger au pacte de préférence et on ne voit pas 161 00:10:53,470 --> 00:10:57,800 pourquoi la bonne exécution de ce pacte devrait reposer sur ses 162 00:10:58,000 --> 00:10:58,760 épaules. 163 00:10:59,000 --> 00:11:02,720 Au reste, la preuve de la mauvaise foi du tiers n’est pas absolument 164 00:11:02,920 --> 00:11:05,810 impossible à rapporter, comme le prouvent certaines affaires 165 00:11:06,010 --> 00:11:10,490 postérieures au revirement de 2006 dans lesquelles les juges ont admis 166 00:11:10,700 --> 00:11:11,660 la substitution. 167 00:11:12,770 --> 00:11:16,640 La première affaire a donné lieu à un arrêt rendu par la troisième 168 00:11:16,840 --> 00:11:20,510 chambre civile de la Cour de cassation le 14 février 2007. 169 00:11:21,500 --> 00:11:25,580 Dans l’acte de vente conclu avec le tiers, il était indiqué qu’un 170 00:11:25,780 --> 00:11:29,840 conflit existait entre le vendeur promettant et le bénéficiaire du 171 00:11:30,040 --> 00:11:32,570 pacte qui avait exprimé sa volonté d’acquérir. 172 00:11:33,200 --> 00:11:36,980 Le tiers et était donc au courant des intentions du bénéficiaire, 173 00:11:37,180 --> 00:11:40,490 d’après les énonciations même de l’acte de vente qu’il avait conclu. 174 00:11:41,720 --> 00:11:45,350 Dans une autre affaire jugée par la même chambre le 3 novembre 2011, 175 00:11:45,550 --> 00:11:50,150 c’est la même personne physique qui représentait la société promettante 176 00:11:50,480 --> 00:11:52,340 et la société tiers acquéreur. 177 00:11:53,030 --> 00:11:56,840 Les juges ont très logiquement déduit que cette personne avait 178 00:11:57,040 --> 00:11:59,270 connaissance des intentions du bénéficiaire. 179 00:12:00,530 --> 00:12:04,400 Ces deux décisions montrent bien que, même si elle est difficile à rapporter, 180 00:12:05,270 --> 00:12:09,350 la preuve de la connaissance des intentions n’est pas impossible, 181 00:12:10,220 --> 00:12:14,060 du coup, en pratique, il se peut que le tiers bénéficiaire 182 00:12:14,260 --> 00:12:16,820 du pacte obtienne sa substitution. 183 00:12:18,620 --> 00:12:23,720 Si l’ordonnance de 2016 consacre la rigoureuse jurisprudence de 2006, 184 00:12:24,260 --> 00:12:28,280 elle modifie toutefois l’état du droit en créant ce que la doctrine 185 00:12:28,480 --> 00:12:30,710 appelle une action interrogatoire. 186 00:12:31,790 --> 00:12:35,960 Cette action interrogatoire est prévue par le troisième alinéa 187 00:12:36,320 --> 00:12:39,050 de l’article 1123 du Code civil. 188 00:12:39,290 --> 00:12:45,200 Je cite : "Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer, 189 00:12:45,500 --> 00:12:48,530 dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, 190 00:12:48,730 --> 00:12:54,110 l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir". 191 00:12:55,310 --> 00:13:01,040 Le tiers est ici invité à sonder les intentions du bénéficiaire 192 00:13:01,240 --> 00:13:04,940 du pacte pour se mettre à l’abri de toute action ultérieure, 193 00:13:05,270 --> 00:13:06,890 donc d’une demande en substitution. 194 00:13:07,090 --> 00:13:13,460 L’alinéa suivant du même article ajoute que l’écrit envoyé par le 195 00:13:13,660 --> 00:13:18,320 tiers mentionne, à défaut de réponse du bénéficiaire dans le délai, 196 00:13:18,520 --> 00:13:23,660 que "le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution 197 00:13:24,080 --> 00:13:27,200 au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat". 198 00:13:28,520 --> 00:13:31,220 Le bénéficiaire pourrait seulement demander des dommages-intérêts 199 00:13:31,940 --> 00:13:34,490 si le pacte venait à être violé. 200 00:13:35,960 --> 00:13:41,270 Selon l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016, ces dispositions 201 00:13:41,470 --> 00:13:45,620 relatives à l’action interrogatoire sont applicables dès l’entrée en 202 00:13:45,820 --> 00:13:47,360 vigueur de la présente ordonnance. 203 00:13:48,110 --> 00:13:51,740 Elles peuvent ainsi être appliquées au pacte de préférence conclu à 204 00:13:51,940 --> 00:13:56,000 partir du 1ᵉʳ octobre 2016, comme à ceux qui ont été conclus 205 00:13:56,200 --> 00:13:56,960 auparavant. 206 00:13:57,980 --> 00:14:01,430 Il faut enfin signaler que la création de cette action interrogatoire 207 00:14:01,880 --> 00:14:05,990 suscite une question importante, question qui n’a pas encore été 208 00:14:06,190 --> 00:14:07,850 tranchée par la Cour de cassation. 209 00:14:08,810 --> 00:14:14,060 Si le tiers connaissait l’existence du pacte, ne peut-on pas lui reprocher 210 00:14:14,270 --> 00:14:19,370 désormais de ne pas avoir interrogé le bénéficiaire sur ses intentions, 211 00:14:19,790 --> 00:14:23,900 puisque cette possibilité est désormais prévue par la loi ? 212 00:14:24,950 --> 00:14:28,610 Cela reviendrait à abandonner la jurisprudence que nous avons citée 213 00:14:28,810 --> 00:14:32,720 tout à l’heure du 29 juillet 2010 sur la preuve de la mauvaise foi 214 00:14:32,920 --> 00:14:33,680 du tiers. 215 00:14:34,100 --> 00:14:38,450 Informé de l’existence du pacte, le tiers serait considéré comme 216 00:14:38,650 --> 00:14:43,100 de mauvaise foi dès lors qu’il n’a pas exercé l’action interrogatoire, 217 00:14:43,430 --> 00:14:47,060 dès lors qu’il n’a pas interrogé le bénéficiaire du pacte sur ses 218 00:14:47,260 --> 00:14:48,020 intentions. 219 00:14:48,530 --> 00:14:53,090 Cela faciliterait beaucoup la tâche probatoire du bénéficiaire du pacte 220 00:14:53,480 --> 00:14:56,030 en vue d’obtenir sa substitution au tiers.