1 00:00:05,220 --> 00:00:08,640 La dernière fois, nous avons commencé à envisager la question du 2 00:00:08,840 --> 00:00:12,120 licenciement, des règles relatives au licenciement. 3 00:00:12,320 --> 00:00:17,980 Nous avons abordé la procédure de licenciement pour motif personnel. 4 00:00:18,280 --> 00:00:21,040 Il nous reste à voir, à propos de ce licenciement pour 5 00:00:21,240 --> 00:00:22,420 motif personnel, deux points. 6 00:00:22,780 --> 00:00:26,200 C'est d'une part, la cause réelle et sérieuse de licenciement et ensuite, 7 00:00:26,400 --> 00:00:28,800 les suites du licenciement. 8 00:00:29,000 --> 00:00:34,560 Sous-section 2 : La cause réelle et sérieuse de licenciement. 9 00:00:34,860 --> 00:00:38,340 D'abord une première remarque importante, c'est que l'exigence 10 00:00:38,540 --> 00:00:41,680 d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, c'est la grande 11 00:00:41,880 --> 00:00:44,020 innovation d'une loi importante en droit du travail. 12 00:00:44,360 --> 00:00:51,320 C'est la loi du 13 juillet 1973, règle qui figure désormais à l'article 13 00:00:52,460 --> 00:00:53,220 L. 14 00:00:53,420 --> 00:00:54,580 1232-1 du Code du Travail. 15 00:00:54,820 --> 00:00:59,140 Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause 16 00:00:59,340 --> 00:01:00,840 réelle et sérieuse. 17 00:01:01,460 --> 00:01:06,480 Voyons dans un premier temps l'exigence de la cause réelle et sérieuse. 18 00:01:06,680 --> 00:01:10,300 On verra ensuite la preuve, et on envisagera enfin la sanction. 19 00:01:11,000 --> 00:01:14,440 Paragraphe 1: L'exigence d'une cause réelle et sérieuse de 20 00:01:14,640 --> 00:01:15,400 licenciement. 21 00:01:15,600 --> 00:01:18,920 Je commence d'emblée par une précision importante, c'est la différence 22 00:01:19,120 --> 00:01:22,340 qu'il faut faire entre la cause réelle et sérieuse de licenciement 23 00:01:22,540 --> 00:01:25,800 et la licéité de la cause du licenciement. 24 00:01:26,000 --> 00:01:30,680 Dit autrement et dans son sens négatif, il faut distinguer l'absence de 25 00:01:30,880 --> 00:01:33,960 cause réelle et sérieuse, et l'illicéité de la cause du 26 00:01:34,160 --> 00:01:34,920 licenciement. 27 00:01:35,120 --> 00:01:38,900 L'illicéité de la cause de licenciement, c'est une interdiction 28 00:01:39,100 --> 00:01:43,980 qui est prononcée à l'égard de l'employeur, interdiction de procéder 29 00:01:44,180 --> 00:01:47,420 au licenciement du salarié au motif que la cause est illicite. 30 00:01:48,000 --> 00:01:52,620 En fait, cette question de la cause illicite, elle est importante au 31 00:01:52,820 --> 00:01:53,860 moins sur deux points. 32 00:01:54,220 --> 00:01:57,900 D'abord sur le premier point, c'est-à-dire quelle est la cause 33 00:01:58,100 --> 00:02:00,200 qui sera considérée comme illicite. 34 00:02:00,400 --> 00:02:04,940 Je me répète, la cause illicite c'est celle qui interdit à l'employeur 35 00:02:05,140 --> 00:02:07,100 de procéder à un licenciement. 36 00:02:07,480 --> 00:02:10,100 Exemple d'un salarié qui est représentant du personnel, 37 00:02:10,540 --> 00:02:14,000 l'employeur ne peut pas le licencier sans autorisation de l'inspecteur 38 00:02:14,200 --> 00:02:14,960 du travail. 39 00:02:15,160 --> 00:02:19,400 Exemple, je l'avais déjà évoqué, hypothèse du licenciement d'une 40 00:02:19,600 --> 00:02:21,680 salariée pendant le congé de maternité. 41 00:02:21,980 --> 00:02:26,640 Il y a une interdiction de notifier le licenciement pendant la suspension 42 00:02:26,840 --> 00:02:27,900 du contrat de travail. 43 00:02:28,200 --> 00:02:33,860 Dernier exemple et je l'avais évoqué également, hypothèse d'un salarié 44 00:02:34,060 --> 00:02:39,120 qui est licencié parce qu'il a usé de sa liberté d'expression. 45 00:02:39,320 --> 00:02:43,920 On va considérer que c'est attentatoire à un droit fondamental et par 46 00:02:44,120 --> 00:02:46,820 conséquent, le licenciement est illicite. 47 00:02:47,020 --> 00:02:50,580 Il est illicite parce qu'il est attentatoire à une liberté 48 00:02:50,780 --> 00:02:51,540 fondamentale. 49 00:02:51,740 --> 00:02:56,460 La Cour de cassation avait dégagé les hypothèses de l'illicéité. 50 00:02:56,660 --> 00:03:00,600 On peut renvoyer notamment à un arrêt du 13 mars 2001, 51 00:03:01,800 --> 00:03:06,280 solution qui aujourd'hui finalement est réglée par le texte lui-même 52 00:03:06,480 --> 00:03:11,290 depuis l'une des ordonnances du 22 septembre 2017, puisque l'article L. 53 00:03:11,490 --> 00:03:16,940 1235-3-1 du Code du travail énumère 54 00:03:17,140 --> 00:03:23,400 les causes illicites de licenciement, ou dit autrement, celles qui emportent 55 00:03:23,600 --> 00:03:25,200 la nullité du licenciement. 56 00:03:25,400 --> 00:03:28,840 Il s'agit de la violation d'une liberté fondamentale, il s'agit 57 00:03:29,040 --> 00:03:32,140 du licenciement qui est lié à des faits de harcèlement moral ou sexuel, 58 00:03:32,360 --> 00:03:35,440 il s'agit bien évidemment du licenciement discriminatoire. 59 00:03:35,780 --> 00:03:38,900 Il peut s'agir d'un licenciement qui est consécutif à une action 60 00:03:39,100 --> 00:03:41,740 en justice en matière d'égalité professionnelle. 61 00:03:41,960 --> 00:03:46,320 Cela vise encore et je l'ai évoqué tout à l'heure, le licenciement 62 00:03:46,520 --> 00:03:49,740 d'un salarié protégé sans que l'employeur n'ait respecté les 63 00:03:49,940 --> 00:03:52,980 règles spéciales de licenciement. 64 00:03:53,180 --> 00:03:58,320 Ou le licenciement d'une salariée en congé maternité, ou d'un salarié 65 00:03:58,520 --> 00:04:01,540 pendant la période de suspension du contrat de travail lié à un 66 00:04:01,740 --> 00:04:03,620 accident de travail ou une maladie professionnelle. 67 00:04:04,100 --> 00:04:07,320 Première différence, c'est la cause, c'est à dire que 68 00:04:07,520 --> 00:04:10,260 pour qu'il y ait illicéité donc nullité du licenciement, 69 00:04:10,460 --> 00:04:14,220 il faut être sur l'une des causes visées par l'article L. 70 00:04:14,420 --> 00:04:16,040 1235-3-1. 71 00:04:16,300 --> 00:04:20,380 La deuxième conséquence et le deuxième enjeu de distinction entre l'absence 72 00:04:20,580 --> 00:04:23,260 de cause réelle et sérieuse et l'illicéité, c'est la sanction. 73 00:04:23,760 --> 00:04:26,960 Je viens de le dire, le licenciement qui est illicite, 74 00:04:27,200 --> 00:04:29,400 c'est un licenciement qui est nul. 75 00:04:29,700 --> 00:04:34,200 Nul, ce qui signifie que ça emporte deux conséquences, enfin plutôt, 76 00:04:34,500 --> 00:04:37,600 ça emporte une alternative pour le salarié. 77 00:04:37,800 --> 00:04:41,820 Première branche de l'alternative, si le licenciement est nul, 78 00:04:42,020 --> 00:04:45,160 le salarié peut demander la réintégration dans l'entreprise 79 00:04:45,360 --> 00:04:50,400 et l'employeur doit s'exécuter, doit réintégrer le salarié. 80 00:04:50,600 --> 00:04:54,140 Il doit le réintégrer et l'employeur devra verser tous les salaires 81 00:04:54,340 --> 00:04:58,000 qui sont dus, du jour de la rupture jusqu'au jour de la réintégration 82 00:04:58,200 --> 00:04:58,960 effective. 83 00:04:59,820 --> 00:05:04,220 Deuxième conséquence, ou plutôt deuxième branche de 84 00:05:04,420 --> 00:05:07,860 l'alternative, c'est que le salarié peut préférer une indemnisation 85 00:05:08,060 --> 00:05:10,160 plutôt que la réintégration. 86 00:05:10,360 --> 00:05:15,300 Dans ce cas, le salarié pourra prétendre à une indemnité d'un 87 00:05:15,500 --> 00:05:20,750 minimum de six mois de salaire, toujours conformément à l'article L. 88 00:05:20,950 --> 00:05:24,280 1235-3-1 du Code du travail. 89 00:05:24,640 --> 00:05:27,900 Alors, à distinguer donc de la cause réelle et sérieuse de 90 00:05:28,100 --> 00:05:30,320 licenciement, et c'est ce que nous allons envisager maintenant, 91 00:05:30,720 --> 00:05:33,940 se concentrer sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, 92 00:05:35,960 --> 00:05:40,100 en envisageant très simplement d'abord la notion de cause réelle 93 00:05:40,300 --> 00:05:42,060 et ensuite, la notion de cause sérieuse. 94 00:05:42,260 --> 00:05:43,020 A. 95 00:05:43,220 --> 00:05:45,840 La notion de cause réelle. 96 00:05:47,440 --> 00:05:52,680 La cause réelle, c'est celle qui repose sur des éléments objectifs, 97 00:05:52,880 --> 00:05:54,800 existants et exacts. 98 00:05:55,700 --> 00:05:59,240 Éléments objectifs : "la cause sera considérée comme 99 00:05:59,440 --> 00:06:03,920 objective lorsqu'elle se fonde sur des manifestations extérieures 100 00:06:04,120 --> 00:06:08,080 susceptibles d'être vérifiées par le juge". 101 00:06:09,700 --> 00:06:15,840 Cette exigence d'objectivité, elle conduit à écarter certains 102 00:06:16,040 --> 00:06:17,660 types de motifs de licenciement. 103 00:06:17,880 --> 00:06:22,400 Premier exemple, c'est le licenciement qui serait fondé sur une mésentente. 104 00:06:22,640 --> 00:06:25,040 La mésentente, c'est une cause qui est totalement subjective, 105 00:06:25,580 --> 00:06:27,280 le juge ne peut pas vérifier. 106 00:06:27,480 --> 00:06:31,660 C'est une question qui relève parfois du ressenti, de sorte qu'on va 107 00:06:31,860 --> 00:06:34,900 considérer que la mésentente ne peut pas être une cause de licenciement 108 00:06:35,100 --> 00:06:37,160 parce que ça n'est pas une cause réelle, parce qu'elle n'est pas 109 00:06:37,360 --> 00:06:38,120 objective. 110 00:06:38,360 --> 00:06:41,800 Autre exemple qui a donné lieu à une évolution de la jurisprudence, 111 00:06:42,860 --> 00:06:46,880 c'est le motif de licenciement que l'on appelle souvent la perte 112 00:06:47,080 --> 00:06:47,840 de confiance. 113 00:06:48,040 --> 00:06:51,980 Est-ce qu'un employeur peut licencier un salarié pour perte de confiance ? 114 00:06:52,180 --> 00:06:55,940 Il fut un temps où la Cour de cassation considérait que la perte de confiance 115 00:06:56,140 --> 00:06:58,500 pouvait être un motif de licenciement. 116 00:06:58,780 --> 00:07:04,640 Puis, on s'est orienté vers une autre approche qui s'est faite 117 00:07:04,840 --> 00:07:06,130 essentiellement, d'ailleurs, en deux étapes. 118 00:07:06,330 --> 00:07:10,560 C'est-à-dire, il y a eu une première étape en 1990 avec un arrêt du 119 00:07:10,760 --> 00:07:12,040 29 novembre 1990. 120 00:07:13,440 --> 00:07:17,860 Il s'agissait ici, dans cette affaire, d'un employeur qui reprochait à 121 00:07:18,060 --> 00:07:22,120 une salariée le comportement de son époux qui était employé dans 122 00:07:22,320 --> 00:07:26,560 la même entreprise, et qui avait intenté une action devant le conseil 123 00:07:26,760 --> 00:07:27,920 de prud'hommes contre l'employeur. 124 00:07:28,160 --> 00:07:31,520 La Cour de cassation a décidé à ce moment-là que la perte de confiance 125 00:07:31,720 --> 00:07:35,800 ne constitue pas en soi un motif de licenciement. 126 00:07:36,380 --> 00:07:38,980 Néanmoins, dans ce même arrêt, la Cour de cassation considère 127 00:07:39,180 --> 00:07:43,420 que la perte de confiance peut être un motif de licenciement, 128 00:07:43,620 --> 00:07:46,180 dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs. 129 00:07:46,660 --> 00:07:49,580 Donc, arrêt de 1990, une sorte d'entre-deux, 130 00:07:50,120 --> 00:07:52,000 la perte de confiance n'est pas en soi un motif. 131 00:07:52,320 --> 00:07:54,860 En revanche, si cette perte de confiance repose sur des éléments 132 00:07:55,060 --> 00:07:57,620 objectifs, elle peut constituer un motif de licenciement. 133 00:07:58,220 --> 00:08:02,800 Deuxième étape, c'est un arrêt du 29 mai 2001, toujours un arrêt 134 00:08:03,000 --> 00:08:06,080 de la Cour de cassation chambre sociale, arrêt dans lequel la Cour 135 00:08:06,280 --> 00:08:09,100 de cassation, en fait, écarte totalement la perte de confiance 136 00:08:09,300 --> 00:08:10,880 comme motif de licenciement. 137 00:08:11,100 --> 00:08:15,480 La perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une 138 00:08:15,680 --> 00:08:16,780 cause de licenciement. 139 00:08:17,120 --> 00:08:20,900 Seuls les éléments objectifs pourraient, le cas échéant, 140 00:08:21,100 --> 00:08:28,120 caractériser, justifier un licenciement qui aurait dans ce cas une cause 141 00:08:28,320 --> 00:08:29,640 réelle et sérieuse de licenciement. 142 00:08:29,840 --> 00:08:32,900 C'est-à-dire qu'il n'est pas possible de faire référence à la perte de 143 00:08:33,100 --> 00:08:33,860 confiance. 144 00:08:34,060 --> 00:08:35,600 La perte de confiance n'est pas un motif de licenciement. 145 00:08:35,800 --> 00:08:38,400 En revanche, si cette perte de confiance repose sur des éléments 146 00:08:38,600 --> 00:08:41,080 objectifs, ce que nous dit la Cour de cassation, c'est que l'employeur 147 00:08:41,280 --> 00:08:45,180 doit aller directement sur les éléments objectifs pour répondre 148 00:08:45,380 --> 00:08:48,320 à la question de savoir si ces éléments objectifs constituent 149 00:08:48,520 --> 00:08:50,200 une cause réelle et sérieuse. 150 00:08:50,400 --> 00:08:53,470 Donc, d'abord la cause réelle c'est la cause objective. 151 00:08:53,670 --> 00:08:58,660 Ensuite, la cause réelle c'est la cause existante. 152 00:08:59,620 --> 00:09:04,660 Un licenciement qui est prononcé sans motif est automatiquement abusif. 153 00:09:04,900 --> 00:09:10,020 La réalité du motif implique l'existence d'un élément matériel 154 00:09:10,220 --> 00:09:16,020 constitué par un fait concret, susceptible d'être prouvé, 155 00:09:16,240 --> 00:09:21,060 lié à l'exécution du contrat de travail et tenant, soit à la personne 156 00:09:21,260 --> 00:09:25,140 du salarié, soit à son aptitude au travail. 157 00:09:25,520 --> 00:09:31,160 Cause objective, cause existante et enfin, cause exacte, 158 00:09:31,360 --> 00:09:36,420 le juge doit finalement rechercher si derrière le motif invoqué ne 159 00:09:36,620 --> 00:09:41,080 se dissimule pas le motif exact de licenciement. 160 00:09:41,540 --> 00:09:47,000 Exemple tiré de la jurisprudence, il s'agissait ici d'une salariée 161 00:09:47,200 --> 00:09:49,920 qui avait été licenciée pour vol. 162 00:09:50,120 --> 00:09:53,700 Sauf que la salariée parvient à démontrer que le vrai motif de 163 00:09:53,900 --> 00:09:57,740 licenciement en réalité ça n'était pas le vol, mais c'était plutôt 164 00:09:57,940 --> 00:10:02,880 lié au fait que cette salariée avait témoigné dans la procédure 165 00:10:03,080 --> 00:10:06,020 de divorce de l'employeur, et avait témoigné contre l'employeur 166 00:10:06,220 --> 00:10:07,960 et en faveur de l'épouse de l'employeur. 167 00:10:08,160 --> 00:10:14,420 Les juges du fond ont considéré que tel était le véritable motif 168 00:10:14,620 --> 00:10:18,280 de licenciement, et par conséquent ce n'était pas le motif qui figurait 169 00:10:18,480 --> 00:10:19,320 dans la lettre de licenciement. 170 00:10:19,520 --> 00:10:23,340 La Cour de cassation a pu admettre ici qu'il n'y avait pas de cause 171 00:10:23,540 --> 00:10:24,340 réelle. 172 00:10:24,860 --> 00:10:27,260 Donc la cause réelle et sérieuse, c'est d'abord la cause réelle, 173 00:10:27,460 --> 00:10:29,640 et c'est ensuite la cause sérieuse. 174 00:10:29,840 --> 00:10:30,600 B. 175 00:10:31,900 --> 00:10:34,540 La notion de cause sérieuse. 176 00:10:35,820 --> 00:10:41,120 Le motif sur lequel se fonde le licenciement doit avoir un caractère 177 00:10:41,320 --> 00:10:42,080 sérieux. 178 00:10:42,280 --> 00:10:45,080 Je me contenterai simplement de rappeler la définition qui avait 179 00:10:45,280 --> 00:10:47,200 été donnée à l'époque par l'administration du travail : 180 00:10:47,480 --> 00:10:52,540 "Une cause sérieuse, c'est une cause revêtant une certaine 181 00:10:52,740 --> 00:10:57,060 gravité qui rend impossible, sans dommage pour l'entreprise, 182 00:10:57,260 --> 00:11:01,240 la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement." 183 00:11:02,600 --> 00:11:05,820 La faute, qu'il s'agisse d'une faute sérieuse, d'une faute grave 184 00:11:06,020 --> 00:11:07,540 ou à fortiori d'une faute lourde. 185 00:11:08,260 --> 00:11:12,620 L'inaptitude du salarié qui ne peut plus occuper son poste de travail, 186 00:11:13,380 --> 00:11:17,160 la désorganisation pour l'entreprise que cela pourrait provoquer en 187 00:11:17,360 --> 00:11:18,960 cas d'absence pour maladie. 188 00:11:19,160 --> 00:11:24,640 Absence prolongée ou absence courte, mais absence répétée. 189 00:11:25,080 --> 00:11:29,160 Le trouble dans le fonctionnement de l'entreprise qui serait la 190 00:11:29,360 --> 00:11:31,200 conséquence du comportement du salarié. 191 00:11:31,400 --> 00:11:33,900 Tous ces éléments-là, c'est une question d'appréciation, 192 00:11:34,100 --> 00:11:37,600 mais tous ces éléments-là pourraient caractériser une cause sérieuse. 193 00:11:37,840 --> 00:11:41,920 Voilà ce qu'on peut dire, très rapidement, à propos de l'exigence 194 00:11:42,120 --> 00:11:44,400 d'une cause réelle et sérieuse. 195 00:11:44,780 --> 00:11:52,300 Paragraphe 2 : La preuve de la cause réelle et sérieuse de 196 00:11:52,500 --> 00:11:53,260 licenciement. 197 00:11:54,700 --> 00:11:57,700 La preuve en matière de cause réelle et sérieuse présente également 198 00:11:57,900 --> 00:11:59,600 quelques particularités. 199 00:12:01,880 --> 00:12:05,580 L'employeur qui est à l'origine de la décision est normalement 200 00:12:05,780 --> 00:12:11,540 en mesure d'apporter la preuve de ses allégations, et la loi du 201 00:12:11,740 --> 00:12:15,640 13 juillet 1973 a institué un mécanisme dans lequel l'employeur, 202 00:12:15,840 --> 00:12:18,540 le salarié et le juge sont tous les trois mobilisés. 203 00:12:18,740 --> 00:12:22,040 Les règles sont les suivantes, très simplement : le juge doit 204 00:12:22,240 --> 00:12:26,260 forger son opinion à partir des preuves livrées par les parties, 205 00:12:26,460 --> 00:12:30,700 mais également en ordonnant toute mesure d'instructions utiles. 206 00:12:31,820 --> 00:12:35,680 La règle ne s'arrête pas là, parce qu'on retrouve ce que j'avais 207 00:12:35,880 --> 00:12:39,200 évoqué à propos du disciplinaire : si un doute subsiste, 208 00:12:39,400 --> 00:12:41,240 il profite au salarié. 209 00:12:42,820 --> 00:12:47,480 S'agissant de cette preuve, il y a une question qui fait l'objet 210 00:12:47,680 --> 00:12:55,760 d'une très forte actualité, qui est celle de savoir si l'employeur 211 00:12:55,960 --> 00:13:02,200 peut s'appuyer sur des preuves qui seraient caractérisées, 212 00:13:02,400 --> 00:13:05,300 qui constitueraient des preuves illicites ou des preuves déloyales 213 00:13:05,500 --> 00:13:09,020 pour prouver la faute du salarié, puisque généralement nous sommes 214 00:13:09,220 --> 00:13:13,260 sur du disciplinaire, pour prouver la faute du salarié dans un contentieux 215 00:13:13,460 --> 00:13:14,380 de licenciement. 216 00:13:14,580 --> 00:13:18,360 Je vais prendre deux exemples qui sont tirés de la jurisprudence. 217 00:13:19,540 --> 00:13:25,060 Imaginons une première situation dans laquelle l'employeur, 218 00:13:25,260 --> 00:13:31,240 pour prouver la faute d'un salarié ou d'une salariée qui aurait diffusé 219 00:13:31,440 --> 00:13:34,460 par exemple, alors je parle de l'arrêt qu'on appelle parfois l'arrêt 220 00:13:34,660 --> 00:13:37,800 Petit Bateau, d'une salariée qui avait diffusé la nouvelle collection 221 00:13:38,000 --> 00:13:44,220 Petit Bateau et qui l'avait diffusée via sa messagerie privée ou plutôt 222 00:13:44,420 --> 00:13:46,660 le mur privé de Facebook. 223 00:13:47,720 --> 00:13:52,240 L'employeur se sert de ces informations-là pour caractériser 224 00:13:52,440 --> 00:13:53,660 la faute de la salariée. 225 00:13:53,860 --> 00:13:57,720 Là, la salariée considère que l'employeur ne peut utiliser cet 226 00:13:57,920 --> 00:14:02,860 élément de preuve pour prouver la faute, puisqu'il s'agissait du mur privé, 227 00:14:03,060 --> 00:14:05,500 ça relève du secret des correspondances, et puisque ça 228 00:14:05,700 --> 00:14:08,580 relève du secret des correspondances ça relève de la vie privée, 229 00:14:08,780 --> 00:14:14,820 donc c'est un élément de preuve illicite car attentatoire à la 230 00:14:15,020 --> 00:14:15,780 vie privée. 231 00:14:16,320 --> 00:14:22,260 Prenons un autre exemple, de l'hypothèse dans laquelle 232 00:14:22,460 --> 00:14:28,760 l'employeur aurait pu obtenir de manière déloyale certains éléments 233 00:14:28,960 --> 00:14:30,040 de preuve. 234 00:14:30,240 --> 00:14:34,840 Imaginons l'hypothèse dans laquelle l'employeur se ferait passer pour 235 00:14:35,040 --> 00:14:39,320 un ami d'un salarié ou d'une salariée pour accéder à des informations 236 00:14:39,520 --> 00:14:43,760 et pour les utiliser ensuite contre le salarié dans une procédure de 237 00:14:43,960 --> 00:14:44,720 licenciement. 238 00:14:44,920 --> 00:14:49,300 Jusqu'à une période récente, on aurait considéré et on va considérer 239 00:14:49,500 --> 00:14:51,770 d'ailleurs encore, que c'est une preuve déloyale dans ce deuxième 240 00:14:51,970 --> 00:14:52,730 exemple. 241 00:14:52,930 --> 00:14:55,970 Mais jusqu'à une période récente, le sujet s'arrêtait là. 242 00:14:56,170 --> 00:14:58,910 C'est-à-dire que si la preuve est illicite ou si la preuve est déloyale, 243 00:14:59,110 --> 00:15:00,610 c'était une preuve irrecevable. 244 00:15:00,810 --> 00:15:05,910 Sauf que la Cour de cassation a fait émerger un autre concept qui 245 00:15:06,110 --> 00:15:09,130 est celui du droit à la preuve, et qui est tiré notamment de la 246 00:15:09,330 --> 00:15:11,850 convention européenne des droits de l'homme, pas seulement mais 247 00:15:12,050 --> 00:15:16,730 notamment, pour répondre à la question de savoir si dans certaines hypothèses, 248 00:15:16,930 --> 00:15:21,150 quand bien même la preuve serait illicite ou la preuve serait déloyale, 249 00:15:21,350 --> 00:15:26,610 est-ce qu'il n'est pas possible pour l'employeur de prouver, 250 00:15:26,810 --> 00:15:31,130 de recevoir cet élément de preuve au titre du droit à la preuve. 251 00:15:31,330 --> 00:15:33,490 La réponse de la Cour de cassation, c'est une réponse positive. 252 00:15:33,690 --> 00:15:37,090 La Cour de cassation y a répondu au travers d'un certain nombre 253 00:15:37,290 --> 00:15:38,050 d'arrêts. 254 00:15:38,250 --> 00:15:44,010 Simplement, je renvoie particulièrement ici à des arrêts qui ont été beaucoup 255 00:15:44,210 --> 00:15:46,570 commentés et qui sont des arrêts importants. 256 00:15:46,770 --> 00:15:50,230 Ce sont les arrêts de la Cour de cassation réunis en assemblée plénière 257 00:15:50,430 --> 00:15:56,010 et plus précisément l'un des deux arrêts, un arrêt du 22 décembre 2023. 258 00:15:59,410 --> 00:16:08,610 Il s'agissait ici d'un enregistrement qui avait été réalisé à l'insu 259 00:16:08,810 --> 00:16:12,790 du salarié, c'est-à-dire que là c'est l'employeur qui à l'insu 260 00:16:12,990 --> 00:16:16,910 du salarié avait enregistré des propos du salarié. 261 00:16:17,110 --> 00:16:23,410 L'employeur avait fourni la retranscription de cet enregistrement, 262 00:16:23,610 --> 00:16:27,630 et le salarié invoquait le caractère déloyal puisque le salarié n'avait 263 00:16:27,830 --> 00:16:29,910 pas été informé de l'enregistrement. 264 00:16:30,110 --> 00:16:33,310 Et là, la Cour de cassation va chercher le droit à la preuve, 265 00:16:33,510 --> 00:16:38,190 pour considérer qu'au titre du droit à la preuve l'employeur a 266 00:16:38,390 --> 00:16:44,270 la possibilité de livrer, de produire ces éléments de preuve 267 00:16:44,470 --> 00:16:46,390 quand bien même la preuve serait déloyale. 268 00:16:46,590 --> 00:16:49,330 Mais alors attention, deux conditions sont posées par 269 00:16:49,530 --> 00:16:52,070 la Cour de cassation au titre du droit à la preuve. 270 00:16:52,270 --> 00:16:58,030 Première condition qui est posée, cette preuve doit être indispensable 271 00:16:58,230 --> 00:17:03,190 à l'exercice des droits du justiciable, c'est-à-dire qu'il faudra ici dans 272 00:17:03,390 --> 00:17:07,190 mon exemple que l'employeur démontre que c'était le seul moyen pour 273 00:17:07,390 --> 00:17:11,010 l'employeur d'apporter la preuve de la faute commise par le salarié. 274 00:17:11,210 --> 00:17:14,150 Donc première condition, elle doit être indispensable. 275 00:17:15,170 --> 00:17:19,410 Deuxième condition, la prise en compte de cette preuve ne doit 276 00:17:19,610 --> 00:17:23,070 pas porter une atteinte disproportionnée aux droits 277 00:17:23,270 --> 00:17:25,390 fondamentaux de la partie adverse. 278 00:17:25,590 --> 00:17:28,590 Je répète, la prise en compte de cette preuve ne doit pas porter 279 00:17:28,790 --> 00:17:32,890 une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de la partie 280 00:17:33,090 --> 00:17:35,770 adverse, c'est-à-dire la vie privée, l'égalité des armes, 281 00:17:35,970 --> 00:17:36,730 etc. 282 00:17:36,930 --> 00:17:42,370 Donc on en est à ce point aujourd'hui, et c'est un contentieux qui est 283 00:17:42,570 --> 00:17:45,950 particulièrement nourri actuellement. 284 00:17:46,150 --> 00:17:51,470 Le droit à la preuve permettra, le cas échéant, de justifier la 285 00:17:51,670 --> 00:17:54,010 production d'une preuve illicite ou une preuve déloyale, 286 00:17:54,210 --> 00:17:58,610 dès lors que le caractère indispensable et que le caractère proportionné, 287 00:17:58,810 --> 00:18:00,010 ces deux éléments sont établis. 288 00:18:00,950 --> 00:18:07,490 Voilà ce qu'on peut dire à propos de la preuve de la cause réelle 289 00:18:07,690 --> 00:18:08,450 et sérieuse. 290 00:18:13,490 --> 00:18:18,490 Paragraphe 3 : La sanction du licenciement sans cause réelle 291 00:18:18,690 --> 00:18:19,450 et sérieuse. 292 00:18:20,950 --> 00:18:23,250 Cette sanction du licenciement sans cause réelle et sérieuse, 293 00:18:23,450 --> 00:18:28,230 c'est un point qui a fait l'objet d'une évolution importante au travers 294 00:18:28,430 --> 00:18:30,830 de l'une des ordonnances du 22 septembre 2017. 295 00:18:32,130 --> 00:18:36,050 C'est ce qu'on appelle parfois les barèmes Macron, en raison du 296 00:18:36,250 --> 00:18:40,570 fait qu'il s'agit d'une ordonnance de 2017 qui avait été prise sous 297 00:18:40,770 --> 00:18:46,570 l'empire de la présidence d'Emmanuel Macron. 298 00:18:47,470 --> 00:18:53,790 C'est important parce qu'en fait ce texte a institué ce qu'on appelle 299 00:18:53,990 --> 00:18:56,430 les barèmes, c'est-à-dire que ces textes, lorsqu'il n'y a pas de 300 00:18:56,630 --> 00:19:02,670 cause réelle et sérieuse, ont institué un minimum 301 00:19:02,870 --> 00:19:03,630 d'indemnisation. 302 00:19:03,830 --> 00:19:07,410 C'est-à-dire qu'il va falloir tenir compte de l'effectif de l'entreprise 303 00:19:07,610 --> 00:19:10,210 d'une part, et surtout de l'ancienneté du salarié. 304 00:19:10,410 --> 00:19:13,370 De l'effectif de l'entreprise, car il va falloir distinguer les 305 00:19:13,570 --> 00:19:16,950 entreprises de plus de 11 salariés et celles qui ont moins de 11 salariés, 306 00:19:17,150 --> 00:19:23,270 et surtout de l'ancienneté du salarié, puisque existe donc sur ce point 307 00:19:23,470 --> 00:19:29,210 un barème d'indemnisation — je 308 00:19:29,410 --> 00:19:33,610 ne vais pas évidemment énumérer toutes les indemnisations — mais 309 00:19:33,810 --> 00:19:38,490 qui prévoit une sanction plancher et ce qui avait fait beaucoup de bruit, 310 00:19:38,690 --> 00:19:40,330 une sanction plafond. 311 00:19:40,530 --> 00:19:43,950 Prenons deux exemples : un salarié qui a trois ans d'ancienneté 312 00:19:44,150 --> 00:19:47,970 dans l'entreprise, je suis dans une entreprise qui regroupe au 313 00:19:48,170 --> 00:19:50,990 moins 11 salariés donc plus de 10 salariés. 314 00:19:51,190 --> 00:19:55,750 Le salarié a trois ans d'ancienneté, il pourra prétendre à une indemnisation 315 00:19:55,950 --> 00:20:00,630 d'un minimum de trois mois de salaire et d'un maximum de quatre mois 316 00:20:00,830 --> 00:20:01,590 de salaire. 317 00:20:01,790 --> 00:20:04,110 C'est-à-dire que sa fourchette d'indemnisation sera comprise entre 318 00:20:04,310 --> 00:20:06,410 trois et quatre mois de salaire. 319 00:20:06,610 --> 00:20:09,630 Je vais beaucoup plus loin, je prends l'hypothèse d'un salarié 320 00:20:09,830 --> 00:20:11,650 qui a 17 ans d'ancienneté. 321 00:20:13,330 --> 00:20:17,990 Le juge aura une fourchette comprise entre un minimum de trois mois 322 00:20:18,190 --> 00:20:22,410 de salaire pouvant aller jusqu'à 14 mois de salaire, pour fixer 323 00:20:22,610 --> 00:20:24,750 le montant des dommages et intérêts. 324 00:20:24,950 --> 00:20:28,270 Je l'avais déjà évoqué au début de ce cours, s'est posée la question 325 00:20:28,470 --> 00:20:32,570 de savoir si ces barèmes d'indemnisation n'étaient pas 326 00:20:32,770 --> 00:20:35,870 contraires à la Charte sociale européenne d'une part et à la 327 00:20:36,070 --> 00:20:38,010 convention OIT 158 d'autre part. 328 00:20:38,210 --> 00:20:43,590 Et vous rappeler que la Cour de cassation a considéré d'une part 329 00:20:43,790 --> 00:20:47,090 que la Charte sociale européenne, le texte qui s'intéresse à 330 00:20:47,290 --> 00:20:51,230 l'indemnisation en cas de licenciement abusif, que ce texte n'était pas 331 00:20:51,430 --> 00:20:52,430 d'applicabilité directe. 332 00:20:52,630 --> 00:20:55,690 De sorte qu'il n'était pas possible pour un salarié d'invoquer la Charte 333 00:20:55,890 --> 00:20:58,170 sociale européenne à l'encontre de l'employeur. 334 00:20:58,370 --> 00:21:03,910 Et puis, s'agissant de la convention OIT qui exige une indemnisation 335 00:21:04,110 --> 00:21:09,810 qui soit une indemnisation efficace et légitime, et là, la Cour de 336 00:21:10,010 --> 00:21:13,430 cassation a considéré qu'il n'y avait aucun problème, 337 00:21:14,250 --> 00:21:17,810 aucune difficulté, et qu'il y avait bien une indemnisation qui était 338 00:21:18,010 --> 00:21:21,850 adaptée puisque le juge dispose d'une fourchette d'indemnisation, 339 00:21:22,050 --> 00:21:26,150 avec un minimum et un maximum pour fixer le montant des dommages et 340 00:21:26,350 --> 00:21:27,110 intérêts. 341 00:21:27,310 --> 00:21:34,210 Voilà ce qu'on peut dire à propos, tout d'abord de la cause réelle 342 00:21:34,410 --> 00:21:37,190 et sérieuse de licenciement, ce qui faisait l'objet de la 343 00:21:37,390 --> 00:21:38,150 sous-section 2. 344 00:21:38,570 --> 00:21:45,390 Nous verrons ensuite un autre sujet, qui est celui des suites du 345 00:21:45,590 --> 00:21:47,610 licenciement, ce qui fait l'objet d'une sous-section 3.