1 00:00:05,100 --> 00:00:08,840 Pour conclure sur cette deuxième condition, la nature du jugement 2 00:00:09,040 --> 00:00:13,800 antérieur, retenez principalement qu'en général, un jugement est 3 00:00:14,000 --> 00:00:16,040 revêtu de l'autorité de la chose jugée parce que la plupart des 4 00:00:16,240 --> 00:00:18,200 jugements sont des jugements définitifs. 5 00:00:18,720 --> 00:00:21,700 Mais que les jugements provisoires et les jugements avant dire droit, 6 00:00:21,980 --> 00:00:24,740 eux, n'ont pas l'autorité de la chose jugée au principal, 7 00:00:25,200 --> 00:00:28,880 c'est-à-dire qu'ils n'empêchent pas ensuite de saisir un juge du 8 00:00:29,080 --> 00:00:29,840 fond de la même demande. 9 00:00:31,320 --> 00:00:36,460 En revanche, si j'ai un jugement provisoire, je ne peux pas saisir 10 00:00:36,660 --> 00:00:39,660 à nouveau un juge des référés parce que ce jugement provisoire aura 11 00:00:39,860 --> 00:00:41,300 autorité de la chose jugée au provisoire. 12 00:00:41,500 --> 00:00:44,000 Et je ne dis pas la même chose pour les jugements avant dire droit 13 00:00:44,200 --> 00:00:48,100 parce que là, c'est discuté et la doctrine ne sait pas exactement 14 00:00:48,300 --> 00:00:51,320 ce qu'il en est et de toute façon, la question ne se pose pas pour 15 00:00:51,520 --> 00:00:53,740 le jugement avant dire droit donc ce qui compte, c'est de savoir 16 00:00:53,940 --> 00:00:56,860 que le jugement provisoire, lui, n'a pas l'autorité de la chose 17 00:00:57,060 --> 00:00:59,680 jugée au principal mais a l'autorité de la chose jugée au provisoire. 18 00:01:02,560 --> 00:01:03,960 J'en arrive à la troisième condition. 19 00:01:04,420 --> 00:01:05,180 C. 20 00:01:05,380 --> 00:01:09,460 La localisation de la chose jugée dans le jugement. 21 00:01:12,940 --> 00:01:16,800 Alors déjà, il faut savoir que dans un jugement, il y a deux parties. 22 00:01:17,340 --> 00:01:22,520 Le dispositif, c'est la fin, c'est la décision proprement dite 23 00:01:22,720 --> 00:01:25,660 qui suit les mots par ses motifs et donc par ses motifs, 24 00:01:25,920 --> 00:01:30,320 condamne X à verser tant à Y, déboute X de sa demande, 25 00:01:30,660 --> 00:01:34,920 ordonne la publication du jugement, prononce le divorce au tort de 26 00:01:35,120 --> 00:01:35,880 tel époux. 27 00:01:36,080 --> 00:01:38,140 Tout cela donc c'est le dispositif. 28 00:01:38,340 --> 00:01:41,560 Et puis l'autre partie, avant, c'est la partie des motifs, 29 00:01:41,820 --> 00:01:45,060 c'est-à-dire les raisons qui ont conduit le juge à prendre cette 30 00:01:45,260 --> 00:01:46,020 décision-là. 31 00:01:46,680 --> 00:01:51,240 L'autorité s'attache uniquement à la chose jugée dans le dispositif 32 00:01:51,440 --> 00:01:53,740 et jamais à la chose jugée dans les motifs. 33 00:01:54,820 --> 00:01:59,340 C'est une règle que l'on déduit de l'article 480 du Code de procédure 34 00:01:59,540 --> 00:02:00,300 civile. 35 00:02:00,500 --> 00:02:05,000 Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du litige 36 00:02:05,200 --> 00:02:08,220 a dès son prononcé l'autorité de la chose jugée relativement à la 37 00:02:08,420 --> 00:02:09,340 contestation qu'il tranche. 38 00:02:09,540 --> 00:02:13,300 Donc on en déduit que l'autorité s'attache à ce qui est tranché 39 00:02:13,500 --> 00:02:16,640 dans le dispositif du jugement et pas dans les motifs. 40 00:02:17,040 --> 00:02:19,900 Alors à ce sujet, il y a un arrêt important qui a été rendu par 41 00:02:20,100 --> 00:02:21,640 l'assemblée plénière le 13 mars 2009. 42 00:02:22,820 --> 00:02:27,120 Assemblée plénière 13 mars 2009 et donc dans cet arrêt, 43 00:02:27,320 --> 00:02:29,000 il y a un attendu de principe qui est le suivant. 44 00:02:29,480 --> 00:02:36,280 "Attendu que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de 45 00:02:36,480 --> 00:02:40,020 ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif". 46 00:02:40,840 --> 00:02:49,740 Pourquoi cette solution ? 47 00:02:49,940 --> 00:02:51,480 Pour une raison de sécurité juridique. 48 00:02:51,800 --> 00:02:56,540 Les plaideurs doivent pouvoir se contenter de lire le dispositif, 49 00:02:56,740 --> 00:03:00,440 la fin du jugement pour savoir ce que le juge a tranché et donc 50 00:03:00,640 --> 00:03:02,540 ce qu'ils n'ont plus le droit de demander une deuxième fois. 51 00:03:03,200 --> 00:03:06,480 Par exemple déboute X de sa demande de dommages et intérêts, 52 00:03:06,680 --> 00:03:11,180 X sait qu'il ne peut pas à nouveau entamer un nouveau procès en demandant 53 00:03:11,380 --> 00:03:12,660 à nouveau des dommages et intérêts. 54 00:03:13,700 --> 00:03:18,000 Si le juge a oublié de l'indiquer dans le dispositif, c'est-à-dire 55 00:03:18,200 --> 00:03:19,900 que dans les motifs, on trouve les raisons pour lesquelles 56 00:03:20,100 --> 00:03:24,380 il faut que X soit débouté et donc il est dit à la fin et donc il 57 00:03:24,580 --> 00:03:27,540 conviendra de débouter X mais ensuite dans le dispositif, on ne trouve 58 00:03:27,740 --> 00:03:30,720 plus déboute X de sa demande, ce qui peut arriver quand il y 59 00:03:30,920 --> 00:03:31,680 a plusieurs demandes. 60 00:03:31,880 --> 00:03:35,660 Le juge peut oublier dans le dispositif d'évoquer le sort de l'une d'entre 61 00:03:35,860 --> 00:03:36,620 elles. 62 00:03:36,820 --> 00:03:42,200 Eh bien dans ce cas-là, ça veut dire que dans le dispositif, 63 00:03:42,400 --> 00:03:45,660 il n'est rien dit de cette demande, elle n'est donc pas tranchée et 64 00:03:45,860 --> 00:03:48,640 donc il n'y a pas d'autorité de la chose jugée et donc ça veut 65 00:03:48,840 --> 00:03:51,960 dire concrètement que là, X peut former la même demande, 66 00:03:52,200 --> 00:03:55,840 peut commencer un nouveau procès parce que sa demande, 67 00:03:56,040 --> 00:03:58,980 il en avait été débouté mais uniquement dans les motifs, pas dans le 68 00:03:59,180 --> 00:03:59,940 dispositif. 69 00:04:02,140 --> 00:04:07,360 Incidemment, je signale que c'est cette règle, l'autorité s'attache 70 00:04:07,560 --> 00:04:10,520 au dispositif et pas au motif, qui permet à la Cour de cassation 71 00:04:10,720 --> 00:04:13,920 de refuser toute autorité de la chose jugée positive, 72 00:04:14,120 --> 00:04:18,840 alors encore une fois sauf autorité du pénal sur le civil mais du civil 73 00:04:19,040 --> 00:04:23,680 sur le civil, au civil sur le civil, il n'y a pas d'autorité de la chose 74 00:04:23,880 --> 00:04:28,240 jugée positive parce que quand on se demande si un juge est lié 75 00:04:28,440 --> 00:04:33,980 par ce qu'a décidé un premier juge dans un litige connexe ou est-ce 76 00:04:34,180 --> 00:04:37,300 que ce premier juge aura tranché le point litigieux commun à la 77 00:04:37,500 --> 00:04:39,620 question par exemple de la qualification de l'accident en 78 00:04:39,820 --> 00:04:42,220 accident du travail ou pas, ou est-ce que ça va être évoqué, 79 00:04:42,420 --> 00:04:43,900 ça, est-ce que ça va être évoqué dans dispositif ? 80 00:04:44,100 --> 00:04:47,260 Non, dans le dispositif, on ne trouvera pas "par ses motifs 81 00:04:47,460 --> 00:04:50,390 qualifie l'accident d'accident du travail", ça n'y est pas, 82 00:04:50,590 --> 00:04:52,520 ça, c'est uniquement dans les motifs. 83 00:04:52,720 --> 00:04:55,260 Et donc comme il n'y pas d'autorité de la chose jugée qui s'attache 84 00:04:55,460 --> 00:05:00,040 au motif, on en déduit que le second juge qui est saisi dans un litige 85 00:05:00,240 --> 00:05:02,560 qui n'est pas le même litige mais qui a des points communs, 86 00:05:02,760 --> 00:05:05,680 n'est pas lié par ce qui a été décidé par le premier juge parce 87 00:05:05,880 --> 00:05:10,000 que c'était dans les motifs et donc c'est par ce biais qu'on peut 88 00:05:10,200 --> 00:05:14,100 dire qu'en France, il n'y a pas d'autorité positive de la chose jugée. 89 00:05:14,300 --> 00:05:20,040 Et j'en ai terminé avec l'autorité de la chose jugée, j'en viens donc 90 00:05:20,240 --> 00:05:24,940 à une autre condition d'ouverture de l'action en justice, 91 00:05:25,140 --> 00:05:28,580 une condition qui a été ajoutée par la jurisprudence, section 3 : 92 00:05:28,780 --> 00:05:31,480 l'absence de contradiction au détriment d'autrui. 93 00:05:31,680 --> 00:05:39,020 Qu'est-ce qu'on appelle l'interdiction 94 00:05:39,220 --> 00:05:40,600 de se contredire au détriment d'autrui ? 95 00:05:40,800 --> 00:05:44,120 En fait, cette interdiction de se contredire au détriment d'autrui 96 00:05:44,320 --> 00:05:47,600 dépasse le cadre du procès, c'est un principe général en droit, 97 00:05:47,800 --> 00:05:52,180 c'est un principe qui dérive d'une institution de common law qui s'appelle 98 00:05:52,380 --> 00:05:57,520 l'estoppel, c'est l'interdiction du comportement suivant. 99 00:05:57,720 --> 00:06:03,980 Quelqu'un adopte une certaine attitude, souvent passive, c'est-à-dire qui 100 00:06:04,180 --> 00:06:08,280 consiste à ne rien faire, cette attitude créé chez autrui 101 00:06:08,480 --> 00:06:15,600 l'attente légitime de la persistance de cette attitude puis ce quelqu'un 102 00:06:15,800 --> 00:06:20,160 modifie brusquement son comportement et engendre de ce fait un préjudice 103 00:06:20,360 --> 00:06:24,200 chez autrui qui s'attendait à ce que l'attitude persiste, 104 00:06:24,400 --> 00:06:25,500 l'attitude initiale persiste. 105 00:06:25,700 --> 00:06:33,220 Par exemple un créancier ne se plaint pas du fait qu'il a une 106 00:06:33,420 --> 00:06:36,960 créance périodique et elle n'est jamais payée donc son débiteur 107 00:06:37,160 --> 00:06:40,900 ne paye jamais sa dette mais le créancier ne s'en plaint pas. 108 00:06:41,100 --> 00:06:45,860 Au bout de quelques années, le débiteur peut s'attendre à ce 109 00:06:46,060 --> 00:06:49,320 que la dette ne lui soit jamais réclamée puisqu'il n'a jamais payé, 110 00:06:49,520 --> 00:06:53,200 on ne lui a jamais rien demandé et puis subitement, le créancier 111 00:06:53,400 --> 00:06:57,520 demande paiement de toutes les dettes depuis le début donc quatre 112 00:06:57,720 --> 00:07:01,820 ans avant par exemple et comme le débiteur évidemment n'a pas 113 00:07:02,020 --> 00:07:05,960 les moyens de verser tout d'un coup, le créancier fait jouer la clause 114 00:07:06,160 --> 00:07:10,880 résolutoire et donc il y a résolution automatique, résolution de plein 115 00:07:11,080 --> 00:07:13,560 droit du contrat et le débiteur perd le bénéfice du contrat. 116 00:07:13,760 --> 00:07:20,160 Alors je précise quand même qu'en revanche, le montant de la dette 117 00:07:20,360 --> 00:07:29,480 doit être payé, je reprends, 118 00:07:29,680 --> 00:07:34,120 dans les pays anglo-saxons, comment ce comportement est-il traité, 119 00:07:34,320 --> 00:07:38,180 le fait pour le créancier de ne rien dire pendant des années et 120 00:07:38,380 --> 00:07:40,460 du jour au lendemain, "payez-moi tout, ah vous ne pouvez 121 00:07:40,660 --> 00:07:41,420 pas ? 122 00:07:41,620 --> 00:07:42,380 Je fais jouer la clause résolutoire". 123 00:07:42,580 --> 00:07:44,800 Il est traité justement par le biais de l'institution de l'estoppel 124 00:07:45,100 --> 00:07:47,380 qui est une notion anglaise au départ. 125 00:07:47,580 --> 00:07:53,220 La personne qui a changé brutalement d'attitude est estopped à percevoir 126 00:07:53,420 --> 00:07:58,380 les bénéfices de ce revirement, on l'empêche de percevoir les bénéfices 127 00:07:58,580 --> 00:07:59,340 de ce revirement. 128 00:07:59,540 --> 00:08:03,180 Autrement dit donc c'est une institution qui a vocation à 129 00:08:03,380 --> 00:08:08,240 sanctionner au nom de la bonne foi et de la loyauté les contradictions 130 00:08:08,440 --> 00:08:11,780 dans le comportement d'une personne ou l'incohérence dans le comportement 131 00:08:11,980 --> 00:08:15,820 d'une personne, cette personne étant considérée comme liée par 132 00:08:16,020 --> 00:08:16,820 son comportement antérieur. 133 00:08:17,020 --> 00:08:20,160 Alors que dit le droit français face à une telle situation ? 134 00:08:20,360 --> 00:08:25,540 Classiquement en droit français, on applique l'article 1103 du Code 135 00:08:25,740 --> 00:08:29,120 civil, c'est-à-dire la force obligatoire des conventions pacta 136 00:08:29,320 --> 00:08:34,800 sunt servanda, quand on contracte une obligation, il faut l'exécuter 137 00:08:35,000 --> 00:08:36,260 et sinon, la sanction tombe. 138 00:08:36,460 --> 00:08:40,100 Et donc si la sanction a été prévue par les parties sous forme d'une 139 00:08:40,300 --> 00:08:43,500 clause résolutoire, le créancier peut faire jouer la clause résolutoire. 140 00:08:43,700 --> 00:08:49,880 Mais en fait dès les années 80, certains arrêts ont voulu sanctionner 141 00:08:50,080 --> 00:08:53,080 l'attitude du créancier, de ce type de créancier avec les 142 00:08:53,280 --> 00:08:56,080 ressources du droit des contrats par exemple en disant oui mais là, 143 00:08:56,280 --> 00:08:59,520 le créancier s'est comporté de mauvaise foi dans l'exécution du 144 00:08:59,720 --> 00:09:05,560 contrat donc il faut réparer le préjudice causé par cette faute 145 00:09:05,760 --> 00:09:10,340 contractuelle et la réparation en nature, c'est la paralysie de 146 00:09:10,540 --> 00:09:12,680 la clause résolutoire, il ne peut plus faire jouer la 147 00:09:12,880 --> 00:09:16,720 clause résolutoire parce qu'il a exécuté le contrat de mauvaise foi. 148 00:09:16,920 --> 00:09:19,060 Mais c'est ce que j'essayais de dire tout à l'heure, 149 00:09:19,260 --> 00:09:22,420 mais les dettes restent dues, ça ne peut pas aller jusqu'à, 150 00:09:22,620 --> 00:09:26,660 on peut pas dire, vous vous êtes comporté de mauvaise foi dans 151 00:09:26,860 --> 00:09:32,100 l'exécution du contrat donc vous n'avez droit à rien de ce qui vous 152 00:09:32,300 --> 00:09:36,120 est dû au terme du contrat, non, l'objet de la prestation est 153 00:09:36,320 --> 00:09:41,100 toujours dû, en revanche, les clauses, les prérogatives que 154 00:09:41,300 --> 00:09:43,800 les clauses offrent aux parties comme la clause résolutoire, 155 00:09:44,000 --> 00:09:45,700 ces clauses sont paralysées. 156 00:09:45,900 --> 00:09:50,480 Alors il y a une dizaine d'années, la Cour de cassation a proposé 157 00:09:50,680 --> 00:09:53,820 de sanctionner ce type d'attitude, quand le contexte s'y prête, 158 00:09:54,020 --> 00:09:57,100 par une sanction procédurale donc plus une sanction du droit des 159 00:09:57,300 --> 00:09:58,520 contrats mais une sanction procédurale, l'irrecevabilité. 160 00:10:00,900 --> 00:10:05,020 Dans une hypothèse, enfin dans ce type d'hypothèse, de type 161 00:10:05,220 --> 00:10:08,400 d'hypothèse suivant par exemple, j'avais laissé croire que je ne 162 00:10:08,600 --> 00:10:11,880 formerai pas une demande en justice ou que je n'invoquerai pas tel 163 00:10:12,080 --> 00:10:16,020 moyen de défense et finalement, je le fais, brutalement je change 164 00:10:16,220 --> 00:10:16,980 d'avis et je le fais. 165 00:10:17,420 --> 00:10:20,000 Donc dans certaines circonstances à certaines conditions, 166 00:10:20,200 --> 00:10:24,500 un tel revirement pourrait être sanctionné par une irrecevabilité. 167 00:10:24,700 --> 00:10:28,880 Alors la Cour de cassation avant l'arrêt d'assemblée plénière dont 168 00:10:29,080 --> 00:10:31,240 je vais parler dans un instant, la Cour de cassation l'avait déjà 169 00:10:31,440 --> 00:10:35,280 admis, la première chambre civile l'avait déjà admis dans un arrêt 170 00:10:35,480 --> 00:10:43,380 du 6 juillet 2005, un arrêt Golshani, civile première 6 juillet 2005. 171 00:10:43,580 --> 00:10:46,860 C'était en matière d'arbitrage, les faits étaient les suivants, 172 00:10:47,060 --> 00:10:51,100 une partie avait saisi un arbitre et avait participé à l'arbitrage 173 00:10:51,300 --> 00:10:55,620 sans aucune réserve pendant des années et puis une sentence avait 174 00:10:55,820 --> 00:10:57,800 été rendue qui la condamnait, elle n'était pas contente de la 175 00:10:58,000 --> 00:11:01,960 sentence et donc elle a décidé de l'attaquer mais on ne peut pas 176 00:11:02,460 --> 00:11:04,780 attaquer les sentences arbitrales, on peut pas en faire appel, 177 00:11:04,980 --> 00:11:09,700 ça ne marche pas et donc on ne peut que faire un recours en annulation 178 00:11:09,900 --> 00:11:13,420 de la sentence pour certains motifs bien précis et donc il fallait 179 00:11:13,620 --> 00:11:15,940 bien trouver une raison, enfin il fallait bien entrer dans 180 00:11:16,140 --> 00:11:20,240 l'un des motifs d'annulation et donc le motif d'annulation qu'avait 181 00:11:20,440 --> 00:11:23,540 trouvé cette partie, c'est l'incompétence du tribunal 182 00:11:23,740 --> 00:11:26,860 arbitral et elle disait que le tribunal arbitral était incompétent 183 00:11:27,060 --> 00:11:30,860 donc il n'aurait pas dû rendre cette sentence parce que la convention 184 00:11:31,060 --> 00:11:34,040 d'arbitrage, la convention d'arbitrage, c'est celle qui donne compétence 185 00:11:34,240 --> 00:11:37,220 au tribunal arbitral, eh bien la convention d'arbitrage 186 00:11:37,420 --> 00:11:38,580 était nulle. 187 00:11:38,780 --> 00:11:44,020 Or il se trouve qu'il n'avait jamais 188 00:11:44,220 --> 00:11:48,580 contesté la validité de la convention d'arbitrage pendant tout l'arbitrage 189 00:11:48,780 --> 00:11:51,920 et donc la Cour de cassation a estimé que ce recours en annulation 190 00:11:52,120 --> 00:11:55,340 était irrecevable et là, elle s'est fondée directement sur 191 00:11:55,540 --> 00:11:58,000 l'estoppel, c'est-à-dire que le mot estoppel, le mot anglais estoppel 192 00:11:58,200 --> 00:12:01,660 est énoncé dans la décision du 6 juillet 2005. 193 00:12:01,860 --> 00:12:05,300 Mais bon, c'est une décision qui est rendue qui a fait grand bruit 194 00:12:05,500 --> 00:12:07,640 mais qui est rendue en matière d'arbitrage international et donc 195 00:12:07,840 --> 00:12:10,760 pendant longtemps, on pensait qu'elle était cantonnée à ce domaine 196 00:12:10,960 --> 00:12:13,980 d'arbitrage international, jusqu'à donc un arrêt d'assemblée 197 00:12:14,180 --> 00:12:15,560 plénière du 27 février 2009. 198 00:12:18,080 --> 00:12:21,820 Assemblée plénière, 27 février 2009, alors c'est assez curieux parce 199 00:12:22,020 --> 00:12:28,920 qu'en fait, on était dans un cas dans lequel le principe de l'estoppel 200 00:12:29,120 --> 00:12:31,420 ou qu'on appelle aussi le principe de l'interdiction de se contredire 201 00:12:31,620 --> 00:12:34,600 au détriment d'autrui ne pouvait pas s'appliquer parce qu'en fait, 202 00:12:34,800 --> 00:12:39,180 l'attitude de la partie à qui on opposait le principe n'était pas 203 00:12:39,380 --> 00:12:44,560 contradictoire avec son attitude précédente, elle n'avait pas reviré 204 00:12:44,760 --> 00:12:48,000 d'attitude, elle avait simplement fait une action et puis ensuite, 205 00:12:48,200 --> 00:12:50,100 elle avait fait une autre action mais les deux n'étaient pas 206 00:12:50,300 --> 00:12:53,740 incompatibles donc ça ne pouvait pas marcher et la Cour de cassation 207 00:12:53,940 --> 00:12:57,980 pensait que ça ne pouvait pas marcher mais elle a quand même tenu à affirmer 208 00:12:58,180 --> 00:13:02,140 le principe, du coup elle l'a affirmé à contrario avec l'attendu de principe 209 00:13:02,340 --> 00:13:08,580 suivant,"attendu que la seule circonstance qu'une partie se 210 00:13:08,780 --> 00:13:11,700 contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin 211 00:13:11,900 --> 00:13:20,220 de non-recevoir au visa de l'article 212 00:13:20,420 --> 00:13:24,080 122 du Code de procédure civile" — donc celui qui énumère les fins 213 00:13:24,280 --> 00:13:27,300 de non-recevoir principales mais elles ne sont pas limitatives, 214 00:13:27,500 --> 00:13:33,600 et donc ce que la Cour de cassation 215 00:13:33,800 --> 00:13:38,280 dit, c'est peut-être vous pouvez dire que là, il y a une contradiction 216 00:13:38,480 --> 00:13:41,180 au détriment d'autrui mais enfin, ça ne suffit pas pour dire que 217 00:13:41,380 --> 00:13:45,260 la demande est irrecevable et donc à contrario, ça veut dire si on 218 00:13:45,460 --> 00:13:47,400 est face à une vraie contradiction au détriment d'autrui, 219 00:13:47,600 --> 00:13:50,800 alors là, la demande sera irrecevable, une fin de non-recevoir pourra 220 00:13:51,000 --> 00:13:53,500 être soulevée qui conduira à l'irrecevabilité de la demande. 221 00:13:53,700 --> 00:13:59,660 Donc à contrario, l'assemblée plénière introduit l'interdiction de se 222 00:13:59,860 --> 00:14:02,900 contredire au détriment d'autrui en droit français mais en consacrant 223 00:14:03,100 --> 00:14:06,560 un principe, enfin en le consacrant de façon négative, il faut 224 00:14:06,760 --> 00:14:09,240 l'interpréter à contrario puisque là en l'occurrence, le principe, 225 00:14:09,440 --> 00:14:11,100 il n'y avait pas de problème, il n'avait pas été violé. 226 00:14:11,300 --> 00:14:16,740 Et depuis, alors oui, 227 00:14:17,280 --> 00:14:20,120 depuis donc on a attendu de voir, bon bah d'accord mais dans quel 228 00:14:20,320 --> 00:14:25,300 cas est-ce qu'une contradiction au détriment d'autrui va vraiment 229 00:14:25,500 --> 00:14:28,080 être considérée comme telle et donc va entraîner l'irrecevabilité 230 00:14:28,280 --> 00:14:31,960 de la demande, quelles sont les conditions pour pouvoir dire que 231 00:14:32,160 --> 00:14:35,380 la demande est irrecevable parce qu'il y a contradiction au détriment 232 00:14:35,580 --> 00:14:36,340 d'autrui. 233 00:14:36,540 --> 00:14:42,040 Alors il y a eu quelques arrêts, plutôt pas très clairs mais au 234 00:14:42,240 --> 00:14:44,440 fil des arrêts, la formule de la Cour de cassation s'est affinée 235 00:14:44,640 --> 00:14:47,840 et donc maintenant, le principe qu'elle donne, c'est "la fin de 236 00:14:48,040 --> 00:14:51,040 non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire 237 00:14:51,240 --> 00:15:00,280 au détriment d'autrui, sanctionne l'attitude procédurale 238 00:15:00,480 --> 00:15:05,920 consistant pour une partie au cours 239 00:15:06,120 --> 00:15:10,820 d'une même instance à adopter des positions contraires ou incompatibles 240 00:15:11,020 --> 00:15:18,180 entre elles dans des conditions 241 00:15:18,380 --> 00:15:21,220 qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions". 242 00:15:21,420 --> 00:15:25,400 C'est ce qui résulte par exemple d'un arrêt de la deuxième chambre 243 00:15:25,600 --> 00:15:30,020 civile du 15 mars 2018 numéro 17-21.991. 244 00:15:34,260 --> 00:15:37,680 Donc il résulte de cette formule donc c'est un peu plus précis que 245 00:15:37,880 --> 00:15:40,840 ce qu'elle disait en 2009, la contradiction, la vraie 246 00:15:41,040 --> 00:15:43,700 contradiction, celle qui est sanctionnée doit avoir lieu au 247 00:15:43,900 --> 00:15:48,360 cours d'une même instance donc on ne va pas sanctionner le fait 248 00:15:48,560 --> 00:15:52,360 qu'une partie adopte une attitude avant l'instance et le fait qu'elle 249 00:15:52,560 --> 00:15:56,060 modifie cette attitude pendant l'instance, il faut que la 250 00:15:56,260 --> 00:15:59,400 modification, le changement d'attitude ait lieu au cours de l'instance 251 00:15:59,600 --> 00:16:01,100 donc une fois que le procès est engagé. 252 00:16:01,300 --> 00:16:04,380 Quelles sont les hypothèses qui correspondent à cela ? 253 00:16:04,580 --> 00:16:05,880 En fait on ne sait pas. 254 00:16:06,080 --> 00:16:11,380 Dans la presque totalité des cas, la Cour de cassation refuse 255 00:16:11,580 --> 00:16:15,260 l'application du principe et la fin de non-recevoir qui s'en déduit. 256 00:16:15,460 --> 00:16:19,400 En fait la Cour de cassation a une attitude ambigu à propos de 257 00:16:19,600 --> 00:16:23,000 ce principe, quelle que soit la chambre de la Cour de cassation. 258 00:16:23,200 --> 00:16:27,780 Quand elle doit statuer sur un arrêt d'appel qui a appliqué le 259 00:16:27,980 --> 00:16:31,980 principe et donc qui a déclaré irrecevable tel ou tel moyen d'un 260 00:16:32,180 --> 00:16:34,160 plaideur au motif que, en invoquant ce moyen, 261 00:16:34,360 --> 00:16:37,700 il s'est contredit au détriment d'autrui, alors elle peut adopter 262 00:16:37,900 --> 00:16:39,420 plusieurs attitudes. 263 00:16:39,620 --> 00:16:44,580 Première attitude, elle vise le principe, vu le principe selon 264 00:16:44,780 --> 00:16:47,820 lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui et ensuite 265 00:16:48,020 --> 00:16:50,180 elle énonce que oui mais bon, en l'espèce, ce principe n'avait 266 00:16:50,380 --> 00:16:52,420 pas été méconnu donc ce n'était pas une vraie contradiction au 267 00:16:52,620 --> 00:16:57,440 détriment d'autrui, soit elle casse l'arrêt sans même mentionner le 268 00:16:57,640 --> 00:16:59,380 principe comme s'il n'existait pas. 269 00:16:59,580 --> 00:17:03,500 Par exemple, une partie change de stratégie en appel, 270 00:17:03,700 --> 00:17:07,700 par exemple alors qu'elle n'avait jamais remis en cause le fait qu'elle 271 00:17:07,900 --> 00:17:11,780 était locataire, en appel pour la première fois, elle dit mais 272 00:17:11,980 --> 00:17:15,000 en fait je ne suis pas vraiment locataire donc elle change de ligne 273 00:17:15,200 --> 00:17:17,280 de défense entre la première et la deuxième instance, 274 00:17:18,400 --> 00:17:24,540 une Cour d'appel avait estimé que ce moyen de défense était irrecevable, 275 00:17:24,740 --> 00:17:26,760 le moyen de défense consistant à dire en fait je ne suis pas 276 00:17:26,960 --> 00:17:29,240 locataire, elle avait estimé que c'était irrecevable parce que c'était 277 00:17:29,440 --> 00:17:30,480 une contradiction au détriment d'autrui. 278 00:17:30,680 --> 00:17:33,700 La chambre commerciale n'était pas d'accord avec ça, 279 00:17:33,900 --> 00:17:36,600 elle estimait qu'on devait pouvoir changer de stratégie procédurale 280 00:17:36,800 --> 00:17:41,900 entre la première et la deuxième instance, qu'il n'y n'avait pas 281 00:17:42,100 --> 00:17:44,200 de problème et que donc ça devait être recevable donc elle casse l'arrêt, 282 00:17:44,400 --> 00:17:47,340 c'est un arrêt de la chambre commerciale du 10 février 2015 283 00:17:48,040 --> 00:17:55,380 numéro 13-28.262, mais pour casser 284 00:17:55,580 --> 00:17:58,520 l'arrêt, elle aurait pu faire comme dans les premiers groupes d'arrêt 285 00:17:58,720 --> 00:18:01,200 que je viens de citer en disant, vu le principe selon lequel nous 286 00:18:01,400 --> 00:18:03,220 ne peut se contredire au détriment d'autrui mais là, il n'y a pas 287 00:18:03,420 --> 00:18:05,180 vraiment de contradiction au détriment d'autrui mais non, elle ne fait pas ça, 288 00:18:05,380 --> 00:18:10,600 elle ne parle même pas du principe, elle se contente de viser les articles 289 00:18:10,800 --> 00:18:15,720 72 et 563 qui sont des articles qui disent, une défense au fond 290 00:18:15,920 --> 00:18:18,660 peut être soulevée en tout état de cause, en tout état de cause 291 00:18:18,860 --> 00:18:20,120 ça veut dire même pour la première fois en appel. 292 00:18:20,320 --> 00:18:24,200 Donc elle se contente de viser les textes qui disent non, 293 00:18:24,400 --> 00:18:27,000 la défense au fond, c'est quand vous voulez et elle ne parle pas, 294 00:18:27,200 --> 00:18:30,800 il n'y a pas une allusion au principe selon lequel nul ne doit se contredire 295 00:18:31,000 --> 00:18:31,760 au détriment d'autrui. 296 00:18:31,960 --> 00:18:34,760 Donc elle fait comme si le principe n'existait pas, c'est encore plus 297 00:18:34,960 --> 00:18:35,720 radical. 298 00:18:36,020 --> 00:18:39,380 Et alors rarissimement, c'est la troisième attitude possible 299 00:18:39,580 --> 00:18:43,780 qu'on constate chez la Cour de cassation, rarissimement elle admet 300 00:18:43,980 --> 00:18:46,700 que le principe doit recevoir application et donc un moyen doit 301 00:18:46,900 --> 00:18:50,700 être déclaré irrecevable mais alors uniquement dans des arrêts non 302 00:18:50,900 --> 00:18:52,500 publiés au bulletin. 303 00:18:53,680 --> 00:18:58,380 J'en ai recensé deux donc ça ne fait pas beaucoup et dans des 304 00:18:58,580 --> 00:19:01,180 circonstances tellement particulières qu'on ne comprend même pas très 305 00:19:01,380 --> 00:19:04,040 bien ce qui s'est passé et donc il est impossible d'en tirer une 306 00:19:04,240 --> 00:19:08,440 ligne générale des enseignements sur ces fameuses véritables 307 00:19:08,640 --> 00:19:10,760 contradictions au détriment d'autrui. 308 00:19:10,960 --> 00:19:13,360 Et puis les arrêts ne sont pas publiés, quand les arrêts ne sont pas publiés, 309 00:19:13,560 --> 00:19:15,560 ce n'est pas bon signe, ça veut dire que la Cour de cassation 310 00:19:15,760 --> 00:19:18,140 n'entend pas qu'on tire des enseignements de ces arrêts. 311 00:19:18,980 --> 00:19:26,560 Donc on est finalement face à une fin de non-recevoir qui a été 312 00:19:26,760 --> 00:19:30,400 introduite en 2009 mais qui n'a jamais prospéré, qui n'a jamais 313 00:19:30,600 --> 00:19:36,680 donné lieu réellement à application et la doctrine se demande en fait 314 00:19:36,880 --> 00:19:40,280 aujourd'hui quelle est la positivité du principe en dehors du domaine 315 00:19:40,480 --> 00:19:41,240 de l'arbitrage. 316 00:19:41,440 --> 00:19:43,580 En matière d'arbitrage on en parle toujours, on parle de l'estoppel 317 00:19:43,780 --> 00:19:46,920 mais en dehors de ce domaine, finalement ce principe semble ne 318 00:19:47,120 --> 00:19:49,080 plus avoir aucune positivité.