1 00:00:05,170 --> 00:00:09,330 Intéressons-nous maintenant, grand II, aux normes internationales 2 00:00:09,530 --> 00:00:10,390 et européennes. 3 00:00:11,170 --> 00:00:15,050 Les deux conflits mondiaux, le développement des échanges 4 00:00:15,250 --> 00:00:18,870 économiques internationaux, les nouveaux risques environnementaux, 5 00:00:19,090 --> 00:00:23,210 sanitaires ou encore technologiques, le risque nucléaire par exemple, 6 00:00:23,790 --> 00:00:27,810 voici quelques-uns des facteurs du foisonnement des normes 7 00:00:28,010 --> 00:00:35,290 internationales à partir des années 20, puis avec un renouveau après-guerre, 8 00:00:35,490 --> 00:00:37,610 après la Seconde Guerre mondiale dans les années 50. 9 00:00:38,530 --> 00:00:40,450 Les normes internationales sont diverses. 10 00:00:40,650 --> 00:00:45,390 Rapidement, un point sur ces normes, vous les verrez de manière plus 11 00:00:45,590 --> 00:00:47,280 approfondie les prochaines années. 12 00:00:47,480 --> 00:00:50,650 Alors il y a d'abord un droit international que l'on qualifie 13 00:00:50,850 --> 00:00:51,610 de primaire. 14 00:00:52,130 --> 00:00:56,450 Ce sont les traités et les conventions qui sont signés entre les États. 15 00:00:56,650 --> 00:01:00,750 Il y a des conventions qui sont bilatérales, signées par deux États 16 00:01:00,950 --> 00:01:04,650 qui régissent leurs relations, par exemple leur relation en matière 17 00:01:04,850 --> 00:01:06,750 fiscale, leurs relations en matière d'immigration. 18 00:01:07,790 --> 00:01:11,630 Ces conventions bilatérales, évidemment, ont des conséquences 19 00:01:11,830 --> 00:01:14,910 pour notre administration, pour l'administration française. 20 00:01:15,630 --> 00:01:19,670 Ces conventions sont obligatoires pour elle, l'administration fiscale 21 00:01:19,870 --> 00:01:23,470 devant appliquer les conventions bilatérales fiscales, 22 00:01:24,250 --> 00:01:29,250 les services des étrangers doivent appliquer les conventions en matière 23 00:01:29,450 --> 00:01:30,590 d'immigration, etc. 24 00:01:31,730 --> 00:01:34,590 Pour les conventions bilatérales, il y a également des conventions 25 00:01:34,790 --> 00:01:40,730 régionales qui lient un plus grand nombre d'États entre eux. 26 00:01:41,310 --> 00:01:43,470 Il y a, par exemple, à l'échelle européenne, 27 00:01:43,730 --> 00:01:47,350 l'Union européenne, bien évidemment, qui est aujourd'hui un véritable 28 00:01:47,550 --> 00:01:51,750 ordre juridique, au sein duquel 27 États sont très intégrés. 29 00:01:51,950 --> 00:01:55,510 Les conséquences du droit de l'Union européenne dans notre ordre juridique 30 00:01:55,710 --> 00:01:57,650 sont très importantes et très spécifiques. 31 00:01:58,290 --> 00:02:02,170 Je les aborderai donc dans une partie qui leur sera consacrée. 32 00:02:02,910 --> 00:02:05,930 Il y a également à l'échelle européenne, et à une échelle beaucoup 33 00:02:06,130 --> 00:02:12,610 plus large puisque cette convention inclut, par exemple, 34 00:02:12,810 --> 00:02:15,760 la Russie ou la Turquie, il y a le Conseil de l'Europe, 35 00:02:15,960 --> 00:02:21,010 Conseil de l'Europe qui a produit la Convention européenne de sauvegarde 36 00:02:21,210 --> 00:02:23,590 des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la CEDH, 37 00:02:25,210 --> 00:02:28,630 convention dont les violations sont sanctionnées par une juridiction 38 00:02:28,830 --> 00:02:30,890 particulière, la Cour européenne des droits de l'homme, 39 00:02:31,090 --> 00:02:32,940 dont j'ai déjà parlé dans ce cours. 40 00:02:33,140 --> 00:02:35,690 Et cette convention européenne des droits de l'homme et la 41 00:02:35,890 --> 00:02:39,090 jurisprudence qui est liée à cette convention, jurisprudence de la 42 00:02:39,290 --> 00:02:42,570 Cour européenne des droits de l'homme, ont des conséquences, 43 00:02:43,550 --> 00:02:47,750 les conséquences de cette convention et de la jurisprudence de la Cour 44 00:02:47,950 --> 00:02:49,710 sont importantes dans notre droit. 45 00:02:50,310 --> 00:02:55,650 Il est régulièrement invoqué devant le juge administratif le protocole 46 00:02:55,850 --> 00:03:01,070 additionnel numéro 1 sur le droit de propriété, l'article 8 consacré 47 00:03:01,270 --> 00:03:03,070 à la vie privée et familiale, etc. 48 00:03:04,380 --> 00:03:10,140 Ensuite, au-delà des conventions bilatérales, des conventions qui 49 00:03:10,340 --> 00:03:13,480 ont une vocation régionale, il y a aussi des conventions qui 50 00:03:13,680 --> 00:03:18,360 ont une vocation globale, notamment l'Organisation des Nations 51 00:03:18,560 --> 00:03:23,880 unies et les agences qui relèvent de cette organisation, 52 00:03:24,460 --> 00:03:28,100 Organisation internationale du travail, Agence internationale de l'énergie 53 00:03:28,300 --> 00:03:32,420 atomique, Organisation de l'aviation civile internationale, 54 00:03:32,620 --> 00:03:33,380 etc. 55 00:03:34,020 --> 00:03:38,560 Voilà pour le droit primaire, c'est-à-dire le droit produit des 56 00:03:38,760 --> 00:03:41,600 conventions, qui est le produit des conventions qui sont signées 57 00:03:41,800 --> 00:03:42,560 entre les États. 58 00:03:43,280 --> 00:03:48,160 Il y a également un droit que l'on appelle international dérivé, 59 00:03:48,620 --> 00:03:53,020 droit qui est donc issu des institutions constituées par le 60 00:03:53,220 --> 00:03:54,080 droit international primaire. 61 00:03:55,280 --> 00:04:03,740 Je vous citerai ici le droit dérivé qui découle de la mise en œuvre 62 00:04:03,940 --> 00:04:06,200 des conventions européennes, des conventions qui ont été signées 63 00:04:06,400 --> 00:04:10,380 dans le cadre de l'Union européenne, car ce sont ces actes de droit 64 00:04:10,580 --> 00:04:12,440 dérivé qui nous concernent le plus. 65 00:04:13,720 --> 00:04:19,960 Les institutions européennes produisent principalement deux types de normes 66 00:04:20,160 --> 00:04:20,920 dérivées. 67 00:04:21,120 --> 00:04:23,620 Il y a d'une part des règlements, je reviendrai sur cette question-là 68 00:04:23,820 --> 00:04:26,840 de la valeur des règlements dans le droit français, il y a des 69 00:04:27,040 --> 00:04:30,860 règlements donc, des actes juridiques qui ont une portée générale, 70 00:04:31,060 --> 00:04:35,520 qui sont obligatoires et qui sont directement applicables par les 71 00:04:35,720 --> 00:04:36,480 États membres. 72 00:04:36,680 --> 00:04:39,880 Les États membres doivent directement s'y conformer en quelque sorte. 73 00:04:40,080 --> 00:04:43,280 À côté de ces règlements, il y a ce que l'on appelle des 74 00:04:43,480 --> 00:04:44,240 directives. 75 00:04:44,540 --> 00:04:49,300 Ce sont des actes juridiques généraux qui fixent non pas des règles 76 00:04:49,500 --> 00:04:53,480 directement applicables comme les règlements, mais qui fixent plutôt 77 00:04:53,680 --> 00:04:54,440 des objectifs. 78 00:04:54,700 --> 00:05:00,560 Des objectifs plus ou moins précis que les États membres doivent atteindre 79 00:05:00,760 --> 00:05:01,960 avant une certaine date. 80 00:05:02,160 --> 00:05:06,300 Chaque directive fixe une date à partir de laquelle tous les États 81 00:05:06,500 --> 00:05:12,080 membres doivent avoir modifié leur droit interne pour atteindre l'objectif 82 00:05:12,280 --> 00:05:14,160 qui a été fixé par la directive. 83 00:05:14,360 --> 00:05:15,840 Donc ces actes ne sont pas, en tout cas théoriquement, 84 00:05:16,040 --> 00:05:16,800 nous allons voir que c'est plus compliqué dans les faits, 85 00:05:17,000 --> 00:05:22,440 ne sont pas théoriquement applicables directement. 86 00:05:22,640 --> 00:05:28,700 Ils doivent être transposés par les États, les États étant libres 87 00:05:28,900 --> 00:05:34,600 en quelque sorte dans les moyens qu'ils veulent mettre en œuvre 88 00:05:34,800 --> 00:05:37,590 pour atteindre les objectifs qui ont été fixés par la directive. 89 00:05:37,790 --> 00:05:40,660 Donc le règlement fixe des règles directement invocables, 90 00:05:40,860 --> 00:05:43,580 directement applicables, les directives posent des objectifs, 91 00:05:43,840 --> 00:05:48,700 les États devant transposer les objectifs de ces directives dans 92 00:05:48,900 --> 00:05:49,660 leur droit national. 93 00:05:50,960 --> 00:05:54,460 Les normes internationales, toutes celles que je vous ai citées 94 00:05:54,660 --> 00:06:00,540 de droit primaire, du droit originaire ou du droit dérivé, les normes 95 00:06:00,740 --> 00:06:03,860 du droit international sont des normes de référence pour le contrôle 96 00:06:04,060 --> 00:06:04,820 de l'administration. 97 00:06:05,460 --> 00:06:10,600 Le juge impose le respect des normes internationales à l'administration. 98 00:06:10,800 --> 00:06:16,040 Alors pour vous présenter la soumission 99 00:06:16,240 --> 00:06:19,180 de l'administration aux normes internationales, je parlerai d'abord 100 00:06:19,380 --> 00:06:23,480 des normes internationales en général, puis du cas particulier des normes 101 00:06:23,680 --> 00:06:27,400 européennes qui ont une place spécifique dans la légalité 102 00:06:27,600 --> 00:06:28,360 administrative. 103 00:06:28,560 --> 00:06:29,320 A. 104 00:06:29,520 --> 00:06:31,780 Les normes internationales. 105 00:06:32,980 --> 00:06:36,520 Les normes internationales bénéficient d'un principe de primauté, 106 00:06:36,720 --> 00:06:43,900 primauté très étendue puisque les normes du droit international priment 107 00:06:44,100 --> 00:06:47,960 à la fois sur les actes de l'administration et sur les lois 108 00:06:48,160 --> 00:06:50,100 qu'applique l'administration. 109 00:06:50,900 --> 00:06:55,120 Mais contrairement aux autres normes, celles du droit international ne 110 00:06:55,320 --> 00:06:58,460 peuvent pas être invoquées sans respecter certaines conditions. 111 00:06:59,100 --> 00:07:02,680 L'action de l'administration ne peut pas être contrôlée à l'aune 112 00:07:02,880 --> 00:07:05,540 de n'importe quelle norme du droit international. 113 00:07:05,740 --> 00:07:08,960 Il y a des conditions, je vous en parlerai après vous 114 00:07:09,160 --> 00:07:12,500 avoir parlé de la primauté donc des normes internationales. 115 00:07:12,700 --> 00:07:13,460 1. 116 00:07:13,660 --> 00:07:15,460 La primauté des normes internationales. 117 00:07:17,140 --> 00:07:18,840 Les normes internationales, je vous le disais, priment sur 118 00:07:19,040 --> 00:07:22,280 les actes administratifs et sur les lois, se pose une autre question, 119 00:07:22,480 --> 00:07:26,980 celle de savoir quels sont les rapports entre les conventions 120 00:07:27,180 --> 00:07:29,600 internationales, donc plus généralement le droit international, 121 00:07:29,980 --> 00:07:31,280 et la Constitution. 122 00:07:32,000 --> 00:07:35,360 Je parlerai d'abord de la primauté sur les actes administratifs, 123 00:07:35,560 --> 00:07:40,820 puis de la primauté sur les lois, et je consacrerai une vidéo au 124 00:07:41,020 --> 00:07:44,540 rapport entre les conventions internationales et le droit 125 00:07:44,740 --> 00:07:45,500 constitutionnel. 126 00:07:45,700 --> 00:07:46,460 a. 127 00:07:46,920 --> 00:07:48,800 Primauté sur les actes administratifs. 128 00:07:50,080 --> 00:07:52,980 Les choses sont plutôt simples dans ce cas-là. 129 00:07:53,180 --> 00:07:58,960 Concernant les actes administratifs, les conventions priment sur eux, 130 00:07:59,380 --> 00:08:04,100 et l'administration doit dans son action respecter les normes 131 00:08:04,300 --> 00:08:05,600 internationales. 132 00:08:05,800 --> 00:08:10,460 Cela découle notamment du préambule de 1946. 133 00:08:10,800 --> 00:08:15,680 Vous voyez que cela n'est pas seulement propre à la Cinquième République. 134 00:08:16,020 --> 00:08:21,180 Avant même cela, il y avait une disposition au sein du préambule 135 00:08:21,380 --> 00:08:28,260 de 1946 qui prévoyait la soumission de la République française au droit 136 00:08:28,460 --> 00:08:29,220 international. 137 00:08:29,420 --> 00:08:33,400 Je vous cite rapidement le préambule de la Constitution de 1946. 138 00:08:33,820 --> 00:08:36,140 La République française, fidèle à ses traditions, 139 00:08:36,580 --> 00:08:39,500 se conforme aux règles du droit public international. 140 00:08:40,540 --> 00:08:42,420 Et le constituant poursuit. 141 00:08:43,180 --> 00:08:47,640 Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations 142 00:08:47,840 --> 00:08:50,860 de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense 143 00:08:51,060 --> 00:08:51,820 de la paix. 144 00:08:53,480 --> 00:08:58,800 Le Conseil d'État lui-même a fait application, à l'époque, 145 00:09:00,140 --> 00:09:04,020 de normes du droit international à l'administration. 146 00:09:04,460 --> 00:09:08,060 Il a imposé le respect de normes internationales à l'administration. 147 00:09:08,260 --> 00:09:12,660 Je vous citerai une affaire célèbre, arrêt du Conseil d'État rendu le 148 00:09:12,860 --> 00:09:15,680 30 mai 1952 dame Kirkwood. 149 00:09:16,620 --> 00:09:19,120 Dans cette décision, le Conseil d'État contrôle 150 00:09:19,320 --> 00:09:24,720 l'incompatibilité d'un décret avec une convention franco-américaine 151 00:09:24,920 --> 00:09:29,060 relative à l'extradition des ressortissants de ces deux pays. 152 00:09:29,260 --> 00:09:31,660 Alors je vous présente très rapidement le cas. 153 00:09:31,980 --> 00:09:37,900 En l'espèce, une Américaine voyage en Europe avec son nouveau mari, 154 00:09:38,640 --> 00:09:42,640 d'origine allemande, qui se rend avec sa nouvelle femme 155 00:09:42,840 --> 00:09:47,260 dans sa famille, avec son nouveau mari donc d'origine allemande, 156 00:09:47,740 --> 00:09:52,420 et cette femme emporte avec elle son fils, issu d'une première union. 157 00:09:53,680 --> 00:09:57,020 Le père de l'enfant, qui devait en avoir la garde durant 158 00:09:57,220 --> 00:10:00,560 les vacances, porte plainte contre son ex-femme, devant le tribunal 159 00:10:00,760 --> 00:10:07,200 de New York, qui lance un mandat d'arrêt international contre cette 160 00:10:07,400 --> 00:10:09,300 femme, contre madame Kirkwood. 161 00:10:10,140 --> 00:10:15,320 À l'arrivée de son bateau à Cherbourg, les autorités françaises l'arrêtent, 162 00:10:15,540 --> 00:10:19,560 placent son fils à l'assistance publique, le président du Conseil 163 00:10:19,760 --> 00:10:24,660 signe un décret d'extradition et de remise du fils aux autorités 164 00:10:24,860 --> 00:10:25,740 américaines. 165 00:10:26,020 --> 00:10:30,400 Madame Kirkwood conteste ce décret d'extradition devant le Conseil 166 00:10:30,600 --> 00:10:34,900 d'État français en invoquant notamment la violation par l'administration 167 00:10:35,100 --> 00:10:39,700 française, par le président du Conseil ici, de la convention 168 00:10:39,900 --> 00:10:41,980 franco-américaine relative à l'extradition. 169 00:10:42,800 --> 00:10:47,540 Et dans son arrêt, le Conseil d'État juge que, en vertu de la Constitution 170 00:10:47,740 --> 00:10:50,660 de 1946, les conventions internationales, je cite, 171 00:10:50,860 --> 00:10:51,920 « ont force de loi ». 172 00:10:52,560 --> 00:10:56,460 L'administration devait donc se conformer à cette convention 173 00:10:56,660 --> 00:10:58,680 franco-américaine sur l'extradition. 174 00:10:59,300 --> 00:11:03,620 Ici, le juge considère que l'administration n'a pas méconnu 175 00:11:03,820 --> 00:11:07,360 cette convention, mais il exerce tout de même un contrôle sur l'action 176 00:11:07,560 --> 00:11:08,320 de l'administration. 177 00:11:09,700 --> 00:11:13,560 Alors depuis l'adoption de la Constitution de 1958, 178 00:11:14,420 --> 00:11:19,680 il y a un article 55 qui prévoit, je cite, « que les traités ou accords 179 00:11:19,880 --> 00:11:22,820 régulièrement ratifiés », cette disposition est très importante, 180 00:11:23,020 --> 00:11:27,480 « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur 181 00:11:27,680 --> 00:11:31,800 publication une autorité supérieure à celle des lois sous réserve pour 182 00:11:32,000 --> 00:11:34,960 chaque accord ou traité de son application par l'autre partie ». 183 00:11:35,160 --> 00:11:37,800 Je reviendrai sur certains éléments dans une prochaine vidéo, 184 00:11:38,000 --> 00:11:39,500 de certains éléments de cet article. 185 00:11:40,300 --> 00:11:43,220 Ce qui nous intéresse ici, c'est que l'article 55 dit que 186 00:11:43,420 --> 00:11:47,900 « les traités ou accords ont une autorité supérieure à celle de la loi ». 187 00:11:48,240 --> 00:11:51,280 Donc, à plus forte raison, si les traités ont une valeur 188 00:11:51,480 --> 00:11:54,960 supérieure à celle de la loi, ils ont une valeur supérieure aux 189 00:11:55,160 --> 00:11:58,200 actes administratifs qui sont pris par l'administration pour assurer 190 00:11:58,400 --> 00:11:59,550 l'exécution des lois. 191 00:11:59,750 --> 00:12:04,300 Donc les normes du droit international priment sur les actes de 192 00:12:04,500 --> 00:12:05,320 l'administration. 193 00:12:06,000 --> 00:12:09,960 Le juge administratif qui exerce un contrôle sur les actes de 194 00:12:10,160 --> 00:12:13,880 l'administration peut donc censurer ces actes s'ils sont contraires 195 00:12:14,080 --> 00:12:15,400 au droit international. 196 00:12:16,020 --> 00:12:17,620 La chose est plutôt simple. 197 00:12:18,000 --> 00:12:21,840 Voyons maintenant un cas un peu plus compliqué, celui où 198 00:12:22,040 --> 00:12:27,600 l'administration a appliqué une loi dans l'acte qu'elle a pris, 199 00:12:27,800 --> 00:12:32,600 acte qui est contraire aux stipulations d'une convention internationale. 200 00:12:33,460 --> 00:12:34,480 C'est un b. 201 00:12:34,680 --> 00:12:35,440 b. 202 00:12:35,640 --> 00:12:36,780 La primauté sur les lois. 203 00:12:39,800 --> 00:12:43,100 Je vous présentais le cas, l'administration a correctement 204 00:12:43,300 --> 00:12:47,760 appliqué une loi, cet acte de l'administration est contesté devant 205 00:12:47,960 --> 00:12:51,920 le juge, ce qui met finalement en cause non pas la conventionnalité 206 00:12:52,120 --> 00:12:57,720 de l'acte administratif, mais de la loi qui a été appliquée 207 00:12:57,920 --> 00:12:58,720 par l'administration. 208 00:12:58,920 --> 00:13:05,860 Il est question de l'inconventionnalité d'une loi à l'occasion de la 209 00:13:06,060 --> 00:13:10,060 contestation de l'inconventionnalité d'un acte administratif. 210 00:13:11,200 --> 00:13:16,960 Le juge administratif peut-il annuler un acte administratif inconventionnel 211 00:13:17,160 --> 00:13:22,760 lorsque cette inconventionnalité découle de la loi dont l'administration 212 00:13:22,960 --> 00:13:24,000 a fait application ? 213 00:13:25,160 --> 00:13:27,480 Il y a deux cas à distinguer. 214 00:13:27,680 --> 00:13:33,780 L'administration a appliqué une loi qui est antérieure au traité 215 00:13:33,980 --> 00:13:39,400 invoqué devant le juge administratif donc une loi antérieure à un traité. 216 00:13:39,980 --> 00:13:43,500 Dans ce cas-là, le contrôle de conventionnalité est possible. 217 00:13:43,780 --> 00:13:44,540 Pourquoi ? 218 00:13:44,740 --> 00:13:51,500 Parce que la convention internationale a abrogé implicitement la loi qui 219 00:13:51,700 --> 00:13:52,460 lui était contraire. 220 00:13:52,660 --> 00:13:55,040 Vous vous souvenez de l'abrogation implicite dont j'ai déjà parlé, 221 00:13:55,240 --> 00:14:00,260 j'en ai parlé à propos du contrôle de constitutionnalité des lois. 222 00:14:01,040 --> 00:14:04,680 Donc si une convention est postérieure à une loi dont l'administration 223 00:14:04,880 --> 00:14:07,840 a fait application, dans ce cas-là, c'est simple, depuis très longtemps, 224 00:14:08,260 --> 00:14:12,500 le juge administratif estime que la convention internationale est 225 00:14:12,700 --> 00:14:16,080 applicable parce qu'elle a implicitement abrogé la disposition 226 00:14:16,280 --> 00:14:17,040 législative. 227 00:14:17,240 --> 00:14:22,060 En revanche, dans l'autre cas, c'est-à-dire dans le cas où la 228 00:14:22,260 --> 00:14:27,200 loi est postérieure au traité, le traité ne l'a évidemment pas abrogé, 229 00:14:27,400 --> 00:14:31,840 puisque, c'est en quelque sorte même l'inverse, la loi aurait abrogé 230 00:14:32,040 --> 00:14:32,800 le traité. 231 00:14:33,000 --> 00:14:36,200 En tout cas, la question se pose, doit-on présenter les choses de 232 00:14:36,400 --> 00:14:37,160 cette manière ? 233 00:14:37,360 --> 00:14:41,120 La loi a-t-elle abrogé ce traité ? 234 00:14:43,080 --> 00:14:45,040 La position du Conseil d'État a varié. 235 00:14:45,960 --> 00:14:51,960 Avant 1989, le juge administratif refusait d'écarter une loi 236 00:14:52,160 --> 00:14:56,740 inconventionnelle lorsque cette loi était postérieure à l'adoption 237 00:14:56,940 --> 00:14:59,580 d'un traité, à la ratification d'un traité. 238 00:15:00,080 --> 00:15:04,620 Il estimait, le juge administratif, avant cette époque, avant 1989, 239 00:15:05,840 --> 00:15:11,580 il estimait que l'inconventionnalité de la loi, ou plutôt remettre en 240 00:15:11,780 --> 00:15:15,920 cause l'inconventionnalité de la loi, consistait à remettre en cause 241 00:15:16,120 --> 00:15:17,400 son inconstitutionnalité. 242 00:15:18,160 --> 00:15:21,980 Il y avait un lien, selon le Conseil d'État, entre inconventionnalité 243 00:15:22,180 --> 00:15:22,940 et inconstitutionnalité. 244 00:15:23,420 --> 00:15:24,180 Pourquoi ? 245 00:15:24,620 --> 00:15:28,860 Parce que l'article 55 de la Constitution, je vous l'ai déjà dit, 246 00:15:29,580 --> 00:15:36,660 prévoit que les conventions internationales ont une autorité 247 00:15:36,860 --> 00:15:39,440 supérieure à celle des lois. 248 00:15:39,740 --> 00:15:43,580 Donc, lorsque l'on invoque l'inconventionnalité d'une loi, 249 00:15:43,780 --> 00:15:48,840 en réalité, on invoque la violation 250 00:15:49,040 --> 00:15:54,840 par le législateur de l'article 55 de la Constitution, le législateur 251 00:15:55,040 --> 00:15:59,620 ayant méconnu cet article qui prévoit que les traités ont une force 252 00:15:59,820 --> 00:16:02,100 supérieure à celle des lois. 253 00:16:02,340 --> 00:16:06,960 Donc, selon le Conseil d'État, puisque inconventionnalité égale 254 00:16:07,160 --> 00:16:11,180 inconstitutionnalité, et que le juge administratif, depuis très 255 00:16:11,380 --> 00:16:13,560 longtemps, je vous en ai parlé, avec l'arrêt Arrighi, 256 00:16:14,700 --> 00:16:18,500 décide de ne pas faire ce contrôle, il ne peut pas non plus faire un 257 00:16:18,700 --> 00:16:20,610 contrôle de conventionnalité des lois. 258 00:16:22,840 --> 00:16:26,320 Cette jurisprudence apparaissait notamment dans un arrêt très célèbre, 259 00:16:26,520 --> 00:16:31,600 un arrêt du 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants 260 00:16:31,800 --> 00:16:33,000 de semoule de France. 261 00:16:35,210 --> 00:16:40,790 En 1975, tout de même, décision très importante rendue 262 00:16:40,990 --> 00:16:47,350 par le Conseil constitutionnel, celui-ci décide que le contrôle 263 00:16:47,550 --> 00:16:50,670 de l'inconventionnalité ne relève pas de sa compétence, 264 00:16:50,890 --> 00:16:53,570 mais relève de la compétence du juge ordinaire. 265 00:16:53,770 --> 00:16:58,170 Donc le Conseil constitutionnel ne suit pas la position du Conseil 266 00:16:58,370 --> 00:16:59,130 d'État. 267 00:16:59,330 --> 00:17:02,910 Le Conseil d'État, je vous l'ai dit, lui, estime que l'inconventionnalité 268 00:17:03,110 --> 00:17:06,650 d'une loi est égale à son inconstitutionnalité. 269 00:17:07,370 --> 00:17:10,930 Le Conseil constitutionnel, lui, adopte la position complètement 270 00:17:11,130 --> 00:17:11,890 inverse. 271 00:17:12,090 --> 00:17:15,130 Il estime que l'inconventionnalité et l'inconstitutionnalité sont 272 00:17:15,330 --> 00:17:16,870 deux choses tout à fait différentes. 273 00:17:17,410 --> 00:17:22,110 Pour des raisons dans lesquelles je ne rentre pas, la justification 274 00:17:22,310 --> 00:17:25,970 qui était apportée par le Conseil constitutionnel n'était pas 275 00:17:26,170 --> 00:17:27,130 particulièrement convaincante. 276 00:17:27,330 --> 00:17:31,970 Il s'agit, je ne vous l'ai pas dit, mais de la décision très célèbre 277 00:17:32,170 --> 00:17:36,590 Interruption volontaire de grossesse, IVG, rendue donc en 1975. 278 00:17:37,170 --> 00:17:40,550 Le Conseil constitutionnel se décharge du contrôle de conventionnalité 279 00:17:40,750 --> 00:17:47,810 des lois et estime que c'est aux juges ordinaires de réaliser ce 280 00:17:48,010 --> 00:17:51,710 contrôle, aux juges judiciaires concernant les actes qui relèvent 281 00:17:51,910 --> 00:17:55,890 de lui et aux juges administratifs concernant les actes de 282 00:17:56,090 --> 00:17:56,850 l'administration. 283 00:17:57,130 --> 00:18:01,030 Alors l'argumentation du Conseil constitutionnel a convaincu assez 284 00:18:01,230 --> 00:18:04,930 rapidement la Cour de cassation puisque dans son arrêt Jacques Vabre, 285 00:18:05,130 --> 00:18:07,910 dont vous avez très probablement déjà entendu parler, 286 00:18:08,390 --> 00:18:10,690 dans son arrêt Jacques Vabre, la Cour de cassation, 287 00:18:10,890 --> 00:18:17,750 en 1975, décide d'opérer ce contrôle de conventionnalité des lois et 288 00:18:17,950 --> 00:18:20,610 en particulier des lois qui sont postérieures au traité, 289 00:18:20,810 --> 00:18:21,650 je le répète. 290 00:18:23,090 --> 00:18:28,630 Le Conseil d'État a été réticent, 291 00:18:29,530 --> 00:18:33,490 celui-ci préférant faire primer les lois par une forme de 292 00:18:33,690 --> 00:18:34,550 légicentrisme. 293 00:18:34,770 --> 00:18:38,270 Le Conseil d'État a longtemps refusé de faire ce contrôle de 294 00:18:38,470 --> 00:18:39,570 conventionnalité des lois. 295 00:18:39,770 --> 00:18:46,090 Il l'a accepté le 20 octobre 1989, sa position devenant assez intenable. 296 00:18:46,730 --> 00:18:51,850 Il a décidé dans un arrêt Nicolo, très connu, extrêmement important, 297 00:18:52,970 --> 00:18:55,990 de faire ce contrôle de conventionnalité des lois. 298 00:18:56,190 --> 00:18:57,710 Alors que s'était-il passé, rapidement ? 299 00:18:58,230 --> 00:19:03,060 En l'espèce, Monsieur Raoul Georges Nicolo, célèbre ingénieur guadeloupéen, 300 00:19:04,330 --> 00:19:06,850 avait contesté les élections européennes de 1989. 301 00:19:08,490 --> 00:19:10,900 Ces élections, qui sont donc des opérations administratives, 302 00:19:12,550 --> 00:19:18,430 s'étaient déroulées conformément à une loi de 1977 qui prévoyait, 303 00:19:18,730 --> 00:19:22,590 de manière assez peu surprenante, vous en conviendrez, 304 00:19:22,810 --> 00:19:26,430 que les habitants des territoires d'outre-mer pouvaient participer 305 00:19:26,630 --> 00:19:27,390 au scrutin. 306 00:19:28,170 --> 00:19:31,850 Selon Monsieur Nicolo, un scrutin européen concernait 307 00:19:32,050 --> 00:19:35,570 seulement la métropole et non les territoires d'outre-mer. 308 00:19:35,770 --> 00:19:40,210 La Guadeloupe n'aurait donc pas dû voter aux élections européennes. 309 00:19:40,410 --> 00:19:46,190 Et Monsieur Nicolo invoquait, devant le Conseil d'État, 310 00:19:46,610 --> 00:19:55,530 la violation par le législateur, en 1977, du traité de Rome de 1957. 311 00:19:57,310 --> 00:20:03,170 Selon lui, selon son interprétation du traité de Rome, les territoires 312 00:20:03,370 --> 00:20:07,130 d'outre-mer donc qui ne sont pas européens, selon lui, 313 00:20:07,330 --> 00:20:11,610 ne devaient pas voter aux élections. 314 00:20:12,690 --> 00:20:16,130 Donc on était en présence de l'argument suivant. 315 00:20:17,890 --> 00:20:24,470 L'administration a fait application d'une loi contraire à un traité 316 00:20:24,670 --> 00:20:28,870 qui lui est antérieur donc une loi postérieure à un traité qui 317 00:20:29,070 --> 00:20:30,450 est contraire à ce traité. 318 00:20:31,590 --> 00:20:33,150 Que répond le Conseil d'État ? 319 00:20:33,450 --> 00:20:34,210 Je cite. 320 00:20:34,410 --> 00:20:41,110 Au terme de l'article 227-1 du traité en date du 25 mars 1957, 321 00:20:41,490 --> 00:20:46,310 instituant la Communauté économique européenne : "le présent traité 322 00:20:46,510 --> 00:20:48,210 s'applique à la République française". 323 00:20:49,570 --> 00:20:53,000 "Les règles ci-dessus rappelées", poursuit le Conseil d'État, 324 00:20:53,650 --> 00:20:59,150 "définies par la loi du 7 juillet 1977, ne sont pas incompatibles avec 325 00:20:59,350 --> 00:21:03,350 les stipulations claires de l'article 227 du traité de Rome". 326 00:21:03,690 --> 00:21:06,010 Donc, que nous dit ici le Conseil d'État ? 327 00:21:06,210 --> 00:21:10,790 Que la loi de 77 n'est pas contraire au traité de 1957. 328 00:21:12,270 --> 00:21:15,990 Ce qui veut dire que, par cette phrase finalement très sobre, 329 00:21:16,370 --> 00:21:23,410 très neutre, est effectué un contrôle de conventionnalité d'une loi 330 00:21:23,610 --> 00:21:24,950 postérieure à un traité. 331 00:21:26,050 --> 00:21:29,590 Donc ici, il y a bien un contrôle, ce qui remet en cause toute sa 332 00:21:29,790 --> 00:21:32,190 jurisprudence antérieure, toute la jurisprudence antérieure 333 00:21:32,390 --> 00:21:36,010 du Conseil d'État selon laquelle la loi ne peut pas faire l'objet 334 00:21:36,210 --> 00:21:40,310 d'un contrôle, un tel contrôle étant un contrôle de constitutionnalité 335 00:21:40,510 --> 00:21:42,550 selon le juge. 336 00:21:42,990 --> 00:21:46,310 Alors, ce contrôle de conventionnalité est décentralisé. 337 00:21:47,410 --> 00:21:52,710 Tout juge peut écarter l'application d'une loi en ce que celle-ci est 338 00:21:52,910 --> 00:21:55,490 incompatible avec une norme internationale. 339 00:21:55,750 --> 00:22:00,150 N'importe quel tribunal administratif, n'importe quelle juridiction 340 00:22:00,350 --> 00:22:03,590 administrative spécialisée, n'importe quel tribunal judiciaire, 341 00:22:03,790 --> 00:22:10,230 etc., peut décider de ne pas appliquer une loi et de faire prévaloir les 342 00:22:10,430 --> 00:22:12,090 normes du droit international. 343 00:22:14,370 --> 00:22:17,890 Donc il est toujours possible de faire ce que l'on appelle une exception 344 00:22:18,090 --> 00:22:21,250 d'inconventionnalité, c'est-à-dire que par voie d'action, 345 00:22:22,790 --> 00:22:27,850 on va saisir le juge administratif d'un recours contre un acte 346 00:22:28,050 --> 00:22:28,810 administratif. 347 00:22:29,010 --> 00:22:33,670 À l'occasion de ce recours, on peut demander au juge par voie 348 00:22:33,870 --> 00:22:39,410 d'exception de faire primer une 349 00:22:39,610 --> 00:22:44,370 norme du droit international pour écarter une loi dont l'administration 350 00:22:44,570 --> 00:22:49,310 a fait application, si effectivement, la loi est contraire au traité 351 00:22:49,510 --> 00:22:55,110 international, celle-ci est écartée du litige et l'acte de l'administration 352 00:22:55,310 --> 00:22:56,070 est annulé. 353 00:22:56,270 --> 00:22:58,550 J'insiste bien sur ce point-là, c'est très important. 354 00:22:59,110 --> 00:23:03,330 La loi qui fait l'objet de l'exception d'inconventionnalité ne disparaît 355 00:23:03,530 --> 00:23:04,690 pas de l'ordre juridique. 356 00:23:05,050 --> 00:23:12,770 Simplement, dans le litige particulier où son inconventionnalité est invoquée, 357 00:23:13,110 --> 00:23:14,160 cette loi est écartée. 358 00:23:14,910 --> 00:23:19,590 Le juge n'en fait pas application et considère donc que l'acte qui 359 00:23:19,790 --> 00:23:23,710 a été adopté sur son fondement n'est pas un acte légal et il l'annule.