1 00:00:06,840 --> 00:00:10,420 Il existe donc, dans le Code civil aujourd'hui,  2 00:00:10,540 --> 00:00:17,920 des mécanismes qui vont tenter de réaliser un certain équilibre entre les prestations. 3 00:00:18,600 --> 00:00:26,560 Le premier d'entre eux, qui va être prévu par l'article 1169, est l'exigence d'une contrepartie. 4 00:00:27,060 --> 00:00:30,220 L'article 1169, tel qu'il est rédigé aujourd'hui, 5 00:00:30,220 --> 00:00:34,820 donc qui découle de l'ordonnance du 10 février 2016,  6 00:00:34,960 --> 00:00:39,660 sanctionne par la nullité le contrat à titre onéreux 7 00:00:39,660 --> 00:00:46,580 qui prévoit une contrepartie illusoire ou dérisoire au profit de celui qui s'engage. 8 00:00:47,010 --> 00:00:53,420 Cette condition de validité s'appréciant au moment de la formation du contrat, on y reviendra. 9 00:00:54,000 --> 00:00:57,980 Cette solution légale, posée à l'article 1169,  10 00:00:58,160 --> 00:01:03,560 n'est pas aujourd'hui une création complète par l'ordonnance de 2016 11 00:01:03,560 --> 00:01:08,940 puisqu'elle va reprendre, elle va consacrer les solutions jurisprudentielles  12 00:01:08,940 --> 00:01:13,540 qui avaient été rendues auparavant sur le terrain de l'absence de cause. 13 00:01:14,240 --> 00:01:16,620 Ce que l'on remarque dans un premier temps,  14 00:01:16,940 --> 00:01:23,040 c'est que cette nouvelle disposition légale ne vise que les contrats à titre onéreux. 15 00:01:23,040 --> 00:01:26,720 Et donc on peut se demander quelle est la notion de contrepartie ? 16 00:01:26,720 --> 00:01:29,200 Ou en regardant la jurisprudence antérieure,  17 00:01:29,200 --> 00:01:34,540 quelle était l'exigence de cause dans les autres contrats que les contrats à titre onéreux ? 18 00:01:35,680 --> 00:01:40,220 Par exemple, dans les contrats à titre gratuit, comme la donation,  19 00:01:40,950 --> 00:01:43,300 il n'y a évidemment pas de contrepartie. 20 00:01:43,500 --> 00:01:48,060 Or, le contrat n'est pas nul, la validité des contrats est évidemment possible. 21 00:01:48,540 --> 00:01:53,740 D'après la jurisprudence, il fallait évidemment,  pour que ces contrats soient valables,  22 00:01:53,740 --> 00:01:55,280 qu'il y ait néanmoins une cause ;  23 00:01:55,280 --> 00:02:00,180 la cause étant une condition de validité des contrats de manière générale. 24 00:02:01,260 --> 00:02:06,340 Antérieurement à l'ordonnance de 2016,  quand la cause figurait dans le Code civil, 25 00:02:06,480 --> 00:02:11,250 d'après la jurisprudence celle-ci pour les contrats à titre gratuit 26 00:02:11,425 --> 00:02:15,650 résidait dans l'intérêt moral du gratifiant,  27 00:02:15,750 --> 00:02:18,950 c'est-à-dire finalement dans son intention libérale. 28 00:02:19,650 --> 00:02:25,420 Si cette intention libérale n'existait pas, en réalité le contrat était nul,  29 00:02:25,900 --> 00:02:27,980 car il n'y avait pas de consentement, 30 00:02:28,000 --> 00:02:32,180 ou alors on estimait qu'il y avait un vice du consentement,  31 00:02:32,360 --> 00:02:36,500 une erreur par exemple sur la personne ou sur les motifs. 32 00:02:37,830 --> 00:02:39,540 D'autres modèles de contrats,  33 00:02:39,540 --> 00:02:42,340 dans les classifications qu'on avait vues au début de l'année,  34 00:02:42,480 --> 00:02:45,800 doivent être précisés au regard de cette exigence de contrepartie,  35 00:02:45,800 --> 00:02:48,500 ou anciennement ce qui était appelé la cause. 36 00:02:49,240 --> 00:02:55,840 Quand un contrat est un contrat aléatoire,  là aussi il faut qu'il y ait une contrepartie. 37 00:02:56,670 --> 00:03:00,780 La contrepartie va consister, d'après la jurisprudence,  38 00:03:00,920 --> 00:03:04,200 dans l'existence d'un véritable aléa. 39 00:03:04,940 --> 00:03:08,780 On peut donner ici comme exemple le contrat de vente 40 00:03:08,900 --> 00:03:11,760 moyennant le versement d'une rente viagère. 41 00:03:12,490 --> 00:03:17,360 Aux articles 1974 et 1975 du Code civil,  42 00:03:17,420 --> 00:03:22,300 on voit bien que ce contrat sera nul, ne produira aucun effet,  43 00:03:22,480 --> 00:03:27,500 s'il est conclu sur la tête d'une personne déjà morte au jour du contrat,  44 00:03:27,720 --> 00:03:33,780 ou déjà atteinte d'une maladie dont elle décède dans les 20 jours de la conclusion du contrat. 45 00:03:33,910 --> 00:03:38,840 En réalité dans ces hypothèses visées par les textes, il n'y a pas d'aléas, 46 00:03:38,840 --> 00:03:41,600 donc la contrepartie n'existe pas. 47 00:03:42,460 --> 00:03:49,920 Enfin, dernière catégorie de contrat ici dont on peut dire quelques mots pour la contrepartie,  48 00:03:49,920 --> 00:03:51,940 pour l'exigence d'une contrepartie. 49 00:03:52,030 --> 00:03:56,720 En ce qui concerne les contrats réels, la jurisprudence estime 50 00:03:56,720 --> 00:04:02,800 que la contrepartie de l'obligation de restitution est la remise de la chose. 51 00:04:03,460 --> 00:04:08,540 Mais cette idée, relativement à la cause, toujours antérieurement à 2016,  52 00:04:08,540 --> 00:04:09,600 avait été critiquée. 53 00:04:09,600 --> 00:04:13,260 Parce que pour certains auteurs, s'il n'y avait pas de remise de la chose,  54 00:04:13,260 --> 00:04:15,940 le contrat de toute façon n'était pas formé. 55 00:04:16,000 --> 00:04:20,940 Il n'y avait pas d'obligation, donc il n'était pas nécessaire d'invoquer la cause. 56 00:04:21,880 --> 00:04:23,200 La notion de contrepartie,  57 00:04:23,200 --> 00:04:26,980 elle va jouer essentiellement dans les contrats à titre onéreux. 58 00:04:26,980 --> 00:04:30,300 Et c'est ce que l'on revoit ici avec la consécration légale 59 00:04:30,300 --> 00:04:36,280 des solutions antérieures de la jurisprudence dans l'article 1169 du Code civil. 60 00:04:36,920 --> 00:04:38,080 La contrepartie. 61 00:04:38,280 --> 00:04:40,220 La contrepartie dans le contrat,  62 00:04:40,480 --> 00:04:46,980 ça va être ce que reçoit chaque contractant en échange de sa propre prestation. 63 00:04:47,680 --> 00:04:50,320 C'est une définition ici objective,  64 00:04:50,320 --> 00:04:54,580 c'est-à-dire que la contrepartie sera en réalité la même,  65 00:04:54,720 --> 00:04:59,960 l'idée de la notion de contrepartie sera la même dans un type de contrat donné. 66 00:05:00,320 --> 00:05:06,600 Par exemple : dans la vente, la contrepartie qui est reçue par le vendeur, c'est le prix. 67 00:05:06,600 --> 00:05:10,160 C'est la contrepartie de son obligation de délivrer la chose. 68 00:05:10,530 --> 00:05:16,440 Et inversement, la contrepartie de l'obligation  de l'acheteur qui est de payer le prix :  69 00:05:16,760 --> 00:05:20,180 sa contrepartie, ce sera le transfert de propriété,  70 00:05:20,180 --> 00:05:23,240 le bénéfice du transfert de propriété du bien. 71 00:05:23,800 --> 00:05:24,950 Dans un contrat de travail… 72 00:05:24,950 --> 00:05:28,480 On peut multiplier les exemples dans les contrats à titre onéreux. 73 00:05:28,480 --> 00:05:31,320 Dans un contrat de travail, l'obligation,  74 00:05:31,380 --> 00:05:36,700 anciennement l'objet de l'obligation de l'employeur, c'est de fournir le salaire. 75 00:05:36,700 --> 00:05:41,540 Mais en contrepartie, il reçoit la prestation de travail fourni par le salarié. 76 00:05:41,580 --> 00:05:43,720 C'est donc ça, la contrepartie. 77 00:05:43,860 --> 00:05:47,240 Et la contrepartie de son travail,  du travail qu'effectue le salarié, 78 00:05:47,240 --> 00:05:50,200 c'est la perception du salaire. 79 00:05:50,710 --> 00:05:55,320 Ainsi, la jurisprudence de manière classique, avant l'ordonnance de 2016, 80 00:05:55,320 --> 00:05:59,360 mais c'est une solution qui vaut toujours aujourd'hui,  81 00:05:59,360 --> 00:06:02,800 précise bien que dans les contrats synallagmatiques,  82 00:06:02,800 --> 00:06:09,040 la cause de l'obligation d'une partie réside dans l'obligation contractée par l'autre. 83 00:06:09,300 --> 00:06:14,540 Règle rappelée de manière très périodique par la Cour de cassation,  84 00:06:14,540 --> 00:06:19,040 et notamment par un arrêt de la chambre commerciale du 9 juin 2009. 85 00:06:19,660 --> 00:06:22,200 Avant de revenir sur d'autres appréciations 86 00:06:22,200 --> 00:06:26,720 et sur les termes mêmes utilisés dans l'article 1169,  87 00:06:26,980 --> 00:06:31,040 notion de contrepartie illusoire,  de contreparties dérisoires,  88 00:06:31,460 --> 00:06:34,120 simplement un petit rappel historique. 89 00:06:34,120 --> 00:06:38,480 Il faut savoir que la notion de cause, au sens de contrepartie,  90 00:06:38,560 --> 00:06:43,600 donc de cause objective, c'est une notion qui avait été critiquée par certains auteurs, 91 00:06:43,600 --> 00:06:47,500 et notamment le plus célèbre d'entre eux sans doute est Planiol. 92 00:06:47,600 --> 00:06:51,400 Planiol qui se présentait comme un anti-causaliste. 93 00:06:51,760 --> 00:06:56,640 Pour lui, la notion de cause est une notion qui est fausse et une notion qui est inutile. 94 00:06:57,020 --> 00:07:01,280 Pourquoi Planiol prétendait que la notion de cause était fausse ? 95 00:07:01,280 --> 00:07:04,520 Tout simplement, parce que dans le contrat synallagmatique,  96 00:07:04,760 --> 00:07:07,100 les deux obligations naissent en même temps. 97 00:07:07,450 --> 00:07:12,300 Or, dans un rapport de cause à effet, la cause doit précéder l'effet. 98 00:07:12,430 --> 00:07:16,500 Il y a forcément un rapport chronologique entre la cause et l'effet. 99 00:07:16,540 --> 00:07:22,900 Ici, les deux obligations naissant en même temps, l'une ne peut pas être la cause de l'autre. 100 00:07:22,960 --> 00:07:26,460 Donc Planiol dit que la notion de cause est fausse. 101 00:07:26,920 --> 00:07:28,700 Ce à quoi les auteurs ont répondu 102 00:07:28,700 --> 00:07:33,560 que chacun en réalité va s'engager dans le contrat synallagmatique, 103 00:07:33,860 --> 00:07:36,740 parce qu'il sait que l'autre prend également un engagement. 104 00:07:36,870 --> 00:07:39,720 Et qu'une fois que le contrat sera formé,  105 00:07:39,720 --> 00:07:42,080 les deux engagements seront valables en même temps 106 00:07:42,080 --> 00:07:44,700 et produiront en même temps leurs effets. 107 00:07:44,900 --> 00:07:50,460 Donc en réalité, la contrepartie réside ici dans l'espérance de la contrepartie 108 00:07:50,460 --> 00:07:51,800 qu'on va recevoir. 109 00:07:52,540 --> 00:07:58,600 Par ailleurs, d'après Planiol toujours, la notion de cause est une notion inutile. 110 00:07:58,720 --> 00:08:02,200 Parce qu'en réalité, l'obligation sera nulle,  111 00:08:02,200 --> 00:08:05,140 le contrat tombera parce qu'il n'y a pas d'objet, et donc sera nul. 112 00:08:05,200 --> 00:08:09,180 On avait vu que l'objet là aussi était une condition de validité du contrat, 113 00:08:09,180 --> 00:08:13,280 qui a été absorbée aujourd'hui dans la notion de contenu du contrat. 114 00:08:13,540 --> 00:08:18,280 Notion inutile parce qu'il y a déjà un défaut d'objet, donc il y a déjà la nullité. 115 00:08:19,090 --> 00:08:21,040 À cette objection de Planiol,  116 00:08:21,040 --> 00:08:26,420 on peut néanmoins répondre de façon aisée en disant que la cause, la notion de contrepartie, 117 00:08:26,420 --> 00:08:31,320 c'est ce qui va en réalité établir le lien entre les deux obligations. 118 00:08:31,700 --> 00:08:37,740 Parce que dans un contrat, si l'obligation d'une partie est nulle parce qu'il n'y a pas d'objet, 119 00:08:38,060 --> 00:08:43,600 seul le défaut d'objet explique seulement la nullité de la propre obligation 120 00:08:43,640 --> 00:08:44,720 qui est dépourvue d'objet. 121 00:08:44,790 --> 00:08:49,180 Elle n'explique pas pourquoi l'obligation de l'autre partie devrait tomber. 122 00:08:49,700 --> 00:08:54,080 En fait, l'obligation de l'autre partie tombera parce qu'elle n'a pas de cause. 123 00:08:54,140 --> 00:08:56,340 Donc la cause est utile ici :  124 00:08:56,520 --> 00:09:01,020 elle va matérialiser le lien entre les deux obligations. 125 00:09:01,270 --> 00:09:04,920 Si une obligation est nulle faute d'objet, 126 00:09:05,100 --> 00:09:10,200 l'autre obligation assumée par l'autre partie sera nulle faute de cause. 127 00:09:10,260 --> 00:09:16,900 Donc la cause va jouer un rôle en permettant l'annulation des deux obligations réciproques. 128 00:09:17,980 --> 00:09:23,260 L'existence de cette contrepartie s'apprécie au moment de la formation du contrat. 129 00:09:23,260 --> 00:09:26,240 Je reviendrai sur ce point un peu plus loin,  130 00:09:26,240 --> 00:09:31,280 parce qu'il y a eu des controverses dans la jurisprudence, et en doctrine. 131 00:09:31,280 --> 00:09:36,840 Et aujourd'hui, l'article 1169 pose cette règle de façon très claire. 132 00:09:37,000 --> 00:09:39,960 C'est une condition de validité, la contrepartie,  133 00:09:40,060 --> 00:09:43,300 donc elle s'apprécie au moment de la formation du contrat. 134 00:09:44,200 --> 00:09:49,460 Le problème qui peut se poser, et on va voir quelques illustrations en jurisprudence,  135 00:09:49,740 --> 00:09:52,760 c'est de savoir quand est-ce qu'on va considérer 136 00:09:52,900 --> 00:09:56,780 qu'il n'y a pas de contreparties ou que celle-ci est illusoire ou dérisoire. 137 00:09:57,360 --> 00:10:01,040 La contrepartie n'existe pas parfois. 138 00:10:01,040 --> 00:10:03,840 Il y a purement et simplement absence de contreparties. 139 00:10:04,090 --> 00:10:06,860 On parlait avant d'absence de causes. 140 00:10:07,060 --> 00:10:09,480 L'absence de contreparties, il n'y a pas du tout de contrepartie, 141 00:10:09,480 --> 00:10:13,340 c'est une hypothèse qui sera assez rare en pratique. 142 00:10:13,340 --> 00:10:15,720 On trouve quand même des exemples en jurisprudence. 143 00:10:15,720 --> 00:10:21,620 Il n'y a par exemple pas de contreparties quand le contrat n'a pas d'intérêt pour l'une des parties 144 00:10:21,620 --> 00:10:23,620 qui ne reçoit aucun avantage. 145 00:10:23,820 --> 00:10:27,820 On peut voir une illustration ici de l'absence de contreparties 146 00:10:28,360 --> 00:10:32,700 dans un arrêt de la chambre commerciale du 17 mai 2017. 147 00:10:32,790 --> 00:10:37,960 L'avantage, ce qui ressort de la jurisprudence, c'est qu'il doit être réel. 148 00:10:38,320 --> 00:10:43,660 Souvent, il y aura quand même une contrepartie, un minimum de contreparties,  149 00:10:44,160 --> 00:10:49,340 mais elle sera tellement peu importante que c'est comme si elle n'existait pas. 150 00:10:49,880 --> 00:10:52,700 Là, on va parler d'une contrepartie dérisoire. 151 00:10:53,070 --> 00:10:58,900 Ou alors, la deuxième hypothèse : une des parties croit qu'il y a une contrepartie,  152 00:10:58,900 --> 00:11:01,500 alors qu'en réalité elle n'existe pas. 153 00:11:01,590 --> 00:11:05,900 Et là, on fait appel à la notion de contrepartie illusoire. 154 00:11:07,060 --> 00:11:12,140 Sur la contrepartie dérisoire : la contrepartie est tellement faible qu'en réalité,  155 00:11:12,140 --> 00:11:14,220 c'est comme s’il n'y en avait aucune. 156 00:11:15,130 --> 00:11:20,140 La jurisprudence est particulièrement fournie sur la question du prix dérisoire,  157 00:11:20,260 --> 00:11:23,060 la vente avec un prix dérisoire. 158 00:11:23,230 --> 00:11:27,850 On peut voir une illustration de cette notion de prix dérisoire 159 00:11:27,850 --> 00:11:33,040 dans un arrêt de la troisième chambre civile du 21 septembre 2011. 160 00:11:34,560 --> 00:11:35,375 Ce qu'il faut comprendre,  161 00:11:35,370 --> 00:11:41,475 c'est que l'on a parfois tendance à assimiler la vente à un prix dérisoire 162 00:11:41,470 --> 00:11:43,680 avec la vente à un euro, en disant : 163 00:11:43,680 --> 00:11:47,440 "Un euro n'est pas un vrai prix, donc c'est un prix dérisoire, il n'y a pas de contrepartie. 164 00:11:47,440 --> 00:11:50,320 Ce n'est pas une vente, le contrat n'est pas valable". 165 00:11:50,800 --> 00:11:52,280 Cependant, la jurisprudence, 166 00:11:52,280 --> 00:11:56,260 et on voit des exemples ici dans la jurisprudence de la Cour de cassation,  167 00:11:56,520 --> 00:12:02,160 a précisé que la vente à un euro ne signifie pas toujours qu'il n'y a pas de contrepartie. 168 00:12:02,800 --> 00:12:03,120 Pourquoi ? 169 00:12:03,120 --> 00:12:07,020 Parce que souvent, quand il y a une vente avec ce prix de un euro,  170 00:12:07,220 --> 00:12:11,080 il y a en contrepartie des engagements qui sont pris par l'acquéreur. 171 00:12:11,340 --> 00:12:14,160 Et c'est notamment le cas dans les procédures collectives, 172 00:12:14,290 --> 00:12:18,200 quand une entreprise fait l'objet d'un rachat moyennant la somme 173 00:12:18,660 --> 00:12:21,320 qui est dérisoire apparemment de un euro,  174 00:12:21,420 --> 00:12:27,310 il y a évidemment en contrepartie d'autres engagements qui sont assumés par le repreneur,  175 00:12:27,940 --> 00:12:32,240 qui vont être notamment des engagements en termes de maintien d'emplois, par exemple. 176 00:12:32,280 --> 00:12:37,925 On va considérer qu'alors même que le prix serait un prix très faible, un prix dérisoire,  177 00:12:38,125 --> 00:12:42,080 la vente sera quand même valable parce que la contrepartie existe. 178 00:12:42,160 --> 00:12:48,480 Attention : ce n'est pas parce qu'apparemment le prix serait très faible qu'en réalité, 179 00:12:48,480 --> 00:12:50,560 il n'y aura pas de contreparties. 180 00:12:51,430 --> 00:12:54,020 On a aussi la notion de cause illusoire. 181 00:12:54,340 --> 00:12:58,940 La notion de cause illusoire : on va croire qu'il existe une cause dans un contrat,  182 00:12:58,940 --> 00:13:01,020 alors qu'en réalité elle n'existe pas. 183 00:13:01,020 --> 00:13:02,700 Il n'y a qu'une apparence de cause. 184 00:13:02,900 --> 00:13:05,160 On peut donner ici plusieurs exemples. 185 00:13:06,010 --> 00:13:09,380 La jurisprudence a eu l'occasion de prononcer 186 00:13:09,380 --> 00:13:13,860 la nullité d'un contrat de cession sur un jeu télévisé,  187 00:13:14,140 --> 00:13:19,520 alors qu'en réalité ce jeu n'était pas protégé par le droit de la propriété intellectuelle. 188 00:13:19,910 --> 00:13:25,020 En ce sens, un arrêt de la première chambre civile du 6 octobre 1981. 189 00:13:25,700 --> 00:13:32,320 Ou alors, autre exemple : nullité d'un contrat de présentation à un successeur d'une clientèle,  190 00:13:32,360 --> 00:13:35,800 alors qu'en réalité cette clientèle est inexistante ; 191 00:13:36,060 --> 00:13:40,480 un arrêt de la première chambre civile du 25 avril 1990. 192 00:13:40,970 --> 00:13:45,020 Ou alors, là encore, nullité d'un contrat de franchise 193 00:13:45,020 --> 00:13:51,340 par lequel le franchiseur ne transmet aucun savoir-faire substantiel et original ;  194 00:13:51,740 --> 00:13:56,320 par un arrêt de la chambre commerciale du 10 mai 1994. 195 00:13:56,480 --> 00:14:02,080 Ou alors, enfin, pour un contrat aléatoire, on avait vu que l'aléa doit exister,  196 00:14:02,420 --> 00:14:11,280 il y aura nullité du contrat d'assurance portant sur un risque que l'assuré savait déjà réalisé. 197 00:14:11,520 --> 00:14:16,020 Et en ce sens, on a un arrêt de la première chambre civile du 4 novembre 2003. 198 00:14:16,280 --> 00:14:20,980 Dans ces hypothèses, en réalité, la contrepartie n'est qu'apparente, elle n'existe pas. 199 00:14:21,170 --> 00:14:26,280 Et elle n'a aucune consistance dès le moment de la formation du contrat. 200 00:14:27,350 --> 00:14:29,000 Sur cette notion de contrepartie,  201 00:14:29,160 --> 00:14:33,560 il faut savoir que la jurisprudence a créé des solutions de nature 202 00:14:33,560 --> 00:14:39,100 à entraîner un plus grand équilibre, un équilibre plus parfait dans les prestations. 203 00:14:39,460 --> 00:14:41,160 Il faut en dire deux mots maintenant. 204 00:14:41,780 --> 00:14:46,840 D'abord, dans les textes anciens du Code civil, il y avait la notion de "fausse cause", 205 00:14:47,180 --> 00:14:50,040 on se rapproche de la contrepartie illusoire, 206 00:14:50,240 --> 00:14:53,220 notion de fausse cause prévue par le Code civil 207 00:14:53,380 --> 00:14:58,020 et explicitée par la jurisprudence avec un régime propre. 208 00:14:58,430 --> 00:15:02,800 Ainsi, la Cour de cassation  prononçait la nullité du contrat 209 00:15:03,040 --> 00:15:08,500 si le contractant s'est engagé, en croyant que la contrepartie existait ou était utile. 210 00:15:08,800 --> 00:15:12,800 Et la notion de fausse cause,  précisée par les textes,  211 00:15:12,800 --> 00:15:19,060 la Cour de cassation a posé la règle suivant laquelle elle devait être prouvée par écrit. 212 00:15:19,720 --> 00:15:25,380 Rappel de cette règle dans un arrêt de la première chambre civile du 23 février 2012. 213 00:15:26,000 --> 00:15:29,720 La notion de fausse cause, d'erreur sur la cause, elle était prévue dans le Code civil. 214 00:15:30,020 --> 00:15:33,390 Il y a un lien avec l'idée de contrepartie illusoire. 215 00:15:34,050 --> 00:15:37,820 Seulement, qu'est-ce qu'a fait la jurisprudence à un moment de la Cour de cassation ? 216 00:15:38,150 --> 00:15:42,360 Elle a opéré un glissement de la notion de fausse cause 217 00:15:42,620 --> 00:15:46,800 vers ce qu'elle a appelé la "fausseté partielle de la cause". 218 00:15:46,970 --> 00:15:52,580 C'est une notion créée par la jurisprudence, la fausseté partielle de la cause, 219 00:15:52,900 --> 00:15:58,420 avec un rôle potentiellement très fort dans la recherche de l'équilibre du contrat. 220 00:15:58,790 --> 00:16:05,020 Ainsi, que pouvait faire le juge au regard d'une fausseté partielle de cause ? 221 00:16:05,020 --> 00:16:09,420 Le juge, ça lui permettait de réduire une obligation 222 00:16:09,520 --> 00:16:13,400 à la mesure de la fraction de la cause subsistante. 223 00:16:13,420 --> 00:16:16,120 On va estimer que le contrat a une contrepartie,  224 00:16:16,120 --> 00:16:19,120 mais cette contrepartie est simplement partielle. 225 00:16:19,120 --> 00:16:22,800 Ça donnait un pouvoir très important au juge de refaire le contrat. 226 00:16:22,800 --> 00:16:28,980 Le juge allait réduire les obligations pour les mettre à la mesure de la contrepartie existante. 227 00:16:29,080 --> 00:16:33,200 On voit cette notion de fausse de fausseté partielle de la cause 228 00:16:33,280 --> 00:16:35,120 et de réduction de l'obligation, 229 00:16:35,260 --> 00:16:38,880 dans un arrêt de la première chambre civile du 11 mars 2003. 230 00:16:39,300 --> 00:16:42,640 Potentiellement, cela donnait au juge un pouvoir extrêmement fort,  231 00:16:42,680 --> 00:16:45,520 et cela a été considéré comme un pouvoir assez dangereux,  232 00:16:45,600 --> 00:16:49,100 si bien que la Cour de cassation est revenue en arrière 233 00:16:49,100 --> 00:16:54,160 et a exclu la notion de fausse cause dans les contrats synallagmatiques,  234 00:16:54,300 --> 00:16:58,325 en estimant effectivement que cela pouvait déboucher sur un véritable contrôle 235 00:16:58,375 --> 00:17:00,440 de l'équivalence des prestations. 236 00:17:00,470 --> 00:17:03,440 Et on a vu, ce qui est la règle aujourd'hui encore,  237 00:17:03,440 --> 00:17:07,880 il n'y a pas de principe d'équilibre des prestations en droit français. 238 00:17:08,340 --> 00:17:10,920 La Cour de cassation est revenue en arrière 239 00:17:10,920 --> 00:17:15,720 dans un arrêt de la première chambre civile du 31 mars 2007. 240 00:17:16,910 --> 00:17:21,020 Fausse cause, fausseté partielle de la cause, même si on est revenu en arrière sur cette notion,  241 00:17:21,020 --> 00:17:23,940 c'était en tout cas la volonté de la Cour de cassation 242 00:17:23,940 --> 00:17:27,340 d'aller vers une plus grande exigence d'équilibre. 243 00:17:28,400 --> 00:17:32,140 Et si on prend la deuxième évolution jurisprudentielle,  244 00:17:32,140 --> 00:17:34,860 on part de l'idée suivant laquelle la contrepartie, 245 00:17:35,020 --> 00:17:39,120 la cause avant 2016, était ici objective. 246 00:17:39,230 --> 00:17:40,180 Elle existe ou non. 247 00:17:40,300 --> 00:17:41,780 Il y a une contrepartie ou non. 248 00:17:42,380 --> 00:17:46,800 Or, la jurisprudence, à partir d'un arrêt en 1996,  249 00:17:46,800 --> 00:17:52,240 a opéré ce que l'on appelle la subjectivisation de la cause,  250 00:17:52,580 --> 00:17:58,240 c'est-à-dire qu'elle a permis un glissement entre une conception purement objective,  251 00:17:58,370 --> 00:18:04,760 il y a une contrepartie ou non, vers une appréciation subjective de la cause, 252 00:18:05,020 --> 00:18:10,280 est-ce que les parties retirent un intérêt réel au contrat ? 253 00:18:10,660 --> 00:18:16,540 Cette idée de subjectivisation de la cause, soulignée par la doctrine,  254 00:18:16,540 --> 00:18:18,980 on la retrouve dans un arrêt très important,  255 00:18:18,980 --> 00:18:25,820 qui est l'arrêt appelé Point club vidéo de la première chambre civile du 3 juillet 1996. 256 00:18:26,170 --> 00:18:30,500 Dans cette décision, un couple avait acheté dans un petit village,  257 00:18:30,500 --> 00:18:33,000 un commerce de location de cassettes vidéo. 258 00:18:33,100 --> 00:18:34,260 Il y avait une contrepartie,  259 00:18:34,260 --> 00:18:37,400 c'est-à-dire qu'il y avait la mise à disposition des cassettes 260 00:18:37,400 --> 00:18:39,610 moyennant le paiement d'un prix. 261 00:18:39,700 --> 00:18:41,920 Mais ce que va relever la Cour de cassation,  262 00:18:41,920 --> 00:18:46,400 c'est qu'en réalité l'opération contractuelle n'était pas viable. 263 00:18:46,470 --> 00:18:51,580 C'est-à-dire que, quelle que soit, après,  la régularité des locations cassettes vidéo,  264 00:18:51,580 --> 00:18:59,240 le faible nombre d'habitants faisait que c'était une opération contractuelle vouée à l'échec. 265 00:18:59,280 --> 00:19:01,180 Pour la Cour de cassation,  266 00:19:01,500 --> 00:19:07,100 l'exécution du contrat selon l'économie voulue par les parties est impossible. 267 00:19:07,480 --> 00:19:12,075 Le défaut de toute contrepartie réelle à l'obligation de payer le prix 268 00:19:12,150 --> 00:19:14,440 prive le contrat de cause. 269 00:19:15,300 --> 00:19:17,960 Potentiellement, c'est une solution assez dangereuse. 270 00:19:18,100 --> 00:19:18,770 Pourquoi ? 271 00:19:18,970 --> 00:19:24,440 Parce qu'elle pourrait permettre à une partie de remettre en cause le contrat 272 00:19:24,720 --> 00:19:29,560 quand cette partie, après, postérieurement,  réalise qu'elle a fait une mauvaise affaire. 273 00:19:30,160 --> 00:19:35,860 C'est pour ça que la jurisprudence postérieure semble avoir abandonné cette solution. 274 00:19:36,100 --> 00:19:39,940 D'abord, un arrêt de la chambre commerciale du 27 mars 2007,  275 00:19:40,580 --> 00:19:43,900 mais qui se fonde sur l'absence de preuve en l'espèce 276 00:19:44,000 --> 00:19:47,760 de pouvoir réaliser la location de cassettes vidéo. 277 00:19:48,160 --> 00:19:54,800 De façon plus nette, un arrêt de la chambre commerciale du 9 juin 2009 réaffirme,  278 00:19:54,900 --> 00:19:57,300 de façon très claire, de façon très nette,  279 00:19:57,520 --> 00:20:01,420 que la cause de l'obligation d'une partie à un contrat synallagmatique  280 00:20:01,420 --> 00:20:05,560 réside dans l'obligation contractée par l'autre. 281 00:20:06,520 --> 00:20:09,750 Cependant, on peut dire qu'il y a un doute aujourd'hui 282 00:20:09,750 --> 00:20:16,060 pour savoir si la Cour de cassation va maintenir ce contrôle plus poussé de l'équilibre,  283 00:20:16,240 --> 00:20:19,120 et notamment parce qu'il y a eu deux arrêts plus récents : 284 00:20:19,480 --> 00:20:22,580 un arrêt de la chambre commerciale du 7 juin 2016 285 00:20:22,780 --> 00:20:26,440 et un arrêt de la troisième chambre civile du 30 novembre 2017. 286 00:20:26,560 --> 00:20:33,080 Dans cette décision, la Cour de cassation va se référer à l'équilibre général du contrat,  287 00:20:33,460 --> 00:20:36,800 ou à l'équilibre voulu par les parties au moment du contrat,  288 00:20:37,100 --> 00:20:39,640 pour apprécier l'existence d'une contrepartie. 289 00:20:39,640 --> 00:20:44,520 On peut dire, et aujourd'hui quand on voit les commentaires sur l'article 1169, 290 00:20:44,720 --> 00:20:48,240 il y a une incertitude : est-ce que les solutions antérieures,  291 00:20:48,720 --> 00:20:55,180 initiées par l'arrêt Point club vidéo,  vont-elles ou pas être conservées ? 292 00:20:56,260 --> 00:21:00,240 Ce qu'on peut dire pour terminer sur cette question de la contrepartie, 293 00:21:00,660 --> 00:21:02,260 c'est que de toute façon il y a quand même,  294 00:21:02,260 --> 00:21:05,480 même s'il y a une exigence d'équilibre plus importante 295 00:21:06,040 --> 00:21:10,880 que celle qui consisterait à abandonner le contrat à la liberté contractuelle, 296 00:21:11,360 --> 00:21:13,840 c'est quand même un équilibre qui reste relatif. 297 00:21:15,100 --> 00:21:17,700 Il y a la volonté de tendre vers un certain équilibre. 298 00:21:17,770 --> 00:21:20,260 Celui-ci n'est pas absolu. 299 00:21:20,680 --> 00:21:24,160 L'obligation est censée avoir une contrepartie,  300 00:21:24,160 --> 00:21:29,400 même si le partenaire fournit une prestation d'une valeur moindre. 301 00:21:30,730 --> 00:21:35,540 Un dernier problème que j'avais mentionné tout à l'heure, que l'article 1169,  302 00:21:36,700 --> 00:21:39,675 qui traite de la contrepartie, précise bien 303 00:21:39,825 --> 00:21:44,325 que cette contrepartie s'apprécie au moment de la formation du contrat. 304 00:21:44,620 --> 00:21:49,750 Ce qu'il faut savoir simplement, c'est que certains auteurs causalistes, comme Capitan,  305 00:21:49,900 --> 00:21:55,880 proposaient que la cause joue un rôle tout au long de l'exécution du contrat. 306 00:21:55,880 --> 00:22:00,320 La cause, ce n'est pas simplement un élément de validité du contrat,  307 00:22:00,320 --> 00:22:04,700 une condition de validité, elle devait perdurer tout au long de la vie du contrat. 308 00:22:04,700 --> 00:22:07,480 Et certains arrêts avaient semblé lui donner raison. 309 00:22:07,860 --> 00:22:12,600 La jurisprudence, cependant, et c'est confirmé aujourd'hui par l'article 1169, 310 00:22:12,900 --> 00:22:15,620 la jurisprudence avait estimé de façon très nette 311 00:22:15,740 --> 00:22:18,780 que la cause était une condition de validité du contrat,  312 00:22:18,980 --> 00:22:23,740 et que donc son existence s'appréciait au moment de sa formation ; 313 00:22:23,980 --> 00:22:27,440 règle reprise par l'article 1169. 314 00:22:27,880 --> 00:22:31,360 Si la contrepartie disparaît en cours d'exécution néanmoins,  315 00:22:31,560 --> 00:22:33,620 le contrat sera caduc. 316 00:22:34,000 --> 00:22:38,500 La notion de caducité, elle a fait son entrée dans le Code civil avec l'ordonnance de 2016. 317 00:22:38,520 --> 00:22:39,560 On y reviendra. 318 00:22:39,690 --> 00:22:44,580 Et la règle figure aujourd'hui sur la caducité à l'article 1186. 319 00:22:44,580 --> 00:22:48,370 La cause, contrepartie aujourd'hui,  la notion de contrepartie,  320 00:22:48,740 --> 00:22:51,460 s'apprécie au moment de la formation du contrat. 321 00:22:51,850 --> 00:22:56,320 Simplement, il faut savoir que si elle disparaît en cours d'exécution,  322 00:22:56,320 --> 00:22:58,780 il y a quand même une sanction,  mais qui n'est pas la nullité, 323 00:22:58,780 --> 00:23:02,240 qui sera simplement la caducité,  notion qu'on explicitera. 324 00:23:02,860 --> 00:23:07,300 C'est la première règle en dehors de la lésion prévue par des textes : 325 00:23:07,930 --> 00:23:13,660 la règle générale prévue par l'article 1169 du Code civil,  326 00:23:13,660 --> 00:23:16,300 dans l'équilibre des prestations finalement. 327 00:23:16,740 --> 00:23:20,980 Ce qu'on va voir maintenant,  c'est une autre règle, l'article 1170, 328 00:23:20,980 --> 00:23:26,000 sur la non-contrariété par rapport à l'obligation essentielle du contrat.