1 00:00:06,840 --> 00:00:10,500 Dernière condition relative au contenu du contrat :  2 00:00:11,000 --> 00:00:13,575 la licéité du contenu du contrat. 3 00:00:14,450 --> 00:00:18,230 Cela signifie ici le respect, de manière générale, de l'ordre public. 4 00:00:19,110 --> 00:00:21,950 Il y a eu une certaine évolution, là encore,  5 00:00:22,000 --> 00:00:26,375 puisque la notion de contenu vient remplacer les anciennes notions d'objet et de causes. 6 00:00:27,120 --> 00:00:29,550 Avant la réforme du droit des contrats, 7 00:00:29,950 --> 00:00:34,425 la licéité du contrat s'appréciait à partir de la licéité de l'objet, 8 00:00:34,475 --> 00:00:37,475 l'objet devait être conforme à l'ordre public,  9 00:00:37,875 --> 00:00:42,175 et de la cause, on parlait de cause illicite ou de cause immorale,  10 00:00:42,375 --> 00:00:44,175 donc cause contraire à l'ordre public 11 00:00:44,200 --> 00:00:47,375 ou cause pour la cause immorale contraire aux bonnes mœurs. 12 00:00:48,130 --> 00:00:50,900 Aujourd'hui, dans l'idée de contenu licite,  13 00:00:51,600 --> 00:00:56,925 on va retrouver l'idée que le contenu du contrat doit être conforme à l'ordre public, 14 00:00:57,050 --> 00:01:00,550 ce qui va reprendre peu ou prou l'idée d'objet licite. 15 00:01:01,160 --> 00:01:07,650 Et il y a, dans les textes du Code civil,  une référence au but licite du contrat,  16 00:01:08,100 --> 00:01:14,750 ce qui va renvoyer à l'ancienne notion de cause licite, c'est-à-dire de mobile. 17 00:01:15,420 --> 00:01:17,725 On a vu, dans une autre vidéo, que la cause,  18 00:01:17,750 --> 00:01:21,725 c'était parfois la cause au sens de la contrepartie, la cause objective,  19 00:01:21,800 --> 00:01:24,500 la même pour chaque type de contrat. 20 00:01:24,960 --> 00:01:28,125 Ici, c'est l'ancienne notion de cause subjective,  21 00:01:28,325 --> 00:01:32,580 c'est-à-dire une cause qui va varier d'un contractant à l'autre, 22 00:01:32,675 --> 00:01:39,400 c'est la raison pour laquelle on s'engage, c'est donc le mobile poursuivi par les parties. 23 00:01:39,900 --> 00:01:41,600 Et à travers le contrôle du mobile,  24 00:01:42,250 --> 00:01:46,850 le juge pouvait contrôler la conformité du but poursuivi par les parties 25 00:01:47,325 --> 00:01:49,425 à l'ordre public et aux bonnes mœurs. 26 00:01:49,830 --> 00:01:53,375 On va voir, dans un premier temps, cette conformité, 27 00:01:53,625 --> 00:01:56,275 cette licéité des stipulations contractuelles. 28 00:01:56,725 --> 00:02:00,450 Et dans un second temps, on verra la licéité du but poursuivi par les parties. 29 00:02:01,890 --> 00:02:05,950 La licéité du contenu des stipulations du contrat, 30 00:02:06,050 --> 00:02:08,425 c'est l'idée qui reprend la licéité de l'objet. 31 00:02:09,175 --> 00:02:14,775 Et si on voit les textes anciens et les règles issues de la jurisprudence, 32 00:02:15,325 --> 00:02:19,575 ce qui ressort surtout c'est que la prestation doit porter 33 00:02:19,760 --> 00:02:22,600 sur une chose qui est dans le commerce. 34 00:02:22,790 --> 00:02:27,425 Il y a l'idée, qui figurait dans l'article 1128 du Code civil, 35 00:02:27,450 --> 00:02:30,950 qu'il n'y a que les choses qui sont dans le commerce  36 00:02:31,400 --> 00:02:34,830 qui peuvent être l'objet de conventions. 37 00:02:36,360 --> 00:02:38,975 Cette exigence d'une chose qui est dans le commerce 38 00:02:39,400 --> 00:02:41,675 pour pouvoir faire l'objet d'une convention, 39 00:02:42,575 --> 00:02:48,325 c'est une idée qui a été critiquée d'après la formulation donnée à l'article 1128,  40 00:02:48,350 --> 00:02:52,025 puisque certains auteurs ont estimé qu'en réalité le texte disait : 41 00:02:52,050 --> 00:02:53,600 "Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce 42 00:02:53,925 --> 00:02:55,250 qui peuvent faire l'objet d'un commerce." 43 00:02:55,350 --> 00:02:59,325 En réalité, c'est ce que l'on a appelé une tautologie, un vice logique. 44 00:02:59,350 --> 00:03:06,000 Le texte ne disait rien, ne précisait rien sur ces choses pouvant faire l'objet de contrats. 45 00:03:07,975 --> 00:03:11,450 L'idée ici, on va donner évidemment des illustrations,  46 00:03:11,525 --> 00:03:16,400 c'est qu'il y a certaines choses qui vont échapper au contrat,  47 00:03:16,475 --> 00:03:20,750 et donc à la liberté contractuelle qui est le principe applicable ici,  48 00:03:21,125 --> 00:03:23,675 en raison de nécessités particulières :  49 00:03:24,275 --> 00:03:28,400 la protection de l'ordre public, la protection de la santé publique,  50 00:03:28,825 --> 00:03:31,550 le caractère sacré qui est attaché à certaines choses,  51 00:03:31,875 --> 00:03:35,525 qui va placer ces choses hors du commerce juridique. 52 00:03:35,550 --> 00:03:38,225 Attention, on va préciser la notion 53 00:03:38,775 --> 00:03:44,200 parce que l'extra-commercialité ne signifie pas qu'il y a interdiction de tout accord de volonté 54 00:03:44,600 --> 00:03:46,075 sur les choses concernées. 55 00:03:46,620 --> 00:03:50,950 Cela signifie, on le verra, qu'il y a simplement une réduction ponctuelle 56 00:03:51,330 --> 00:03:54,950 de la liberté de contracter sur tel ou tel objet. 57 00:03:55,630 --> 00:04:00,525 Et on verra, par ailleurs, que comme c'est une catégorie, les choses hors commerce,  58 00:04:00,550 --> 00:04:03,325 qui dépend de la notion d'ordre public, 59 00:04:03,930 --> 00:04:05,650 et que la notion d'ordre public évolue :  60 00:04:06,225 --> 00:04:10,625 évidemment, la jurisprudence a elle aussi évolué sur certains aspects,  61 00:04:10,800 --> 00:04:11,800 sur certaines choses,  62 00:04:12,275 --> 00:04:14,275 qui étaient auparavant déclarées hors commerce 63 00:04:14,275 --> 00:04:17,875 et qui deviennent intégrées dans le commerce juridique. 64 00:04:18,840 --> 00:04:21,125 Ces choses, il n'y a pas de liste limitative,  65 00:04:21,550 --> 00:04:25,425 ça va renvoyer de manière générale à la notion d'ordre public de bonnes mœurs. 66 00:04:25,825 --> 00:04:27,450 Donnons quelques exemples. 67 00:04:28,560 --> 00:04:34,100 Caractère sacré pour l'exclusion des contrats de la personne ou des éléments du corps humain. 68 00:04:34,900 --> 00:04:40,925 C'est ce qui a expliqué le fameux arrêt d'assemblée plénière du 31 mai 1991 69 00:04:40,975 --> 00:04:43,800 sur la prohibition des mères porteuses,  70 00:04:44,075 --> 00:04:46,600 avec le principe d'indisponibilité du corps humain ;  71 00:04:46,950 --> 00:04:51,025 principe rappelé aujourd'hui par l'article 16-7 du Code civil. 72 00:04:51,840 --> 00:04:54,870 Ce sont aussi les choses hors du commerce, les droits de la personnalité 73 00:04:55,520 --> 00:04:57,550 ou les règles de l'autorité parentale,  74 00:04:57,600 --> 00:05:01,725 les devoirs et les droits entre époux qui résultent du mariage. 75 00:05:02,550 --> 00:05:05,200 Il y a une protection de la personne humaine aussi après sa mort,  76 00:05:05,250 --> 00:05:07,775 avec la protection des tombeaux ou des sépultures. 77 00:05:08,640 --> 00:05:11,550 Il y a une protection des biens qui appartiennent au domaine public,  78 00:05:11,725 --> 00:05:13,475 qui ne peuvent pas faire l'objet de vente. 79 00:05:14,530 --> 00:05:17,375 Il y a une mise hors du commerce du droit de vote, 80 00:05:17,450 --> 00:05:20,425 de manière générale, ou  des opérations électorales. 81 00:05:20,870 --> 00:05:23,250 On peut voir un arrêt récent sur cette question,  82 00:05:23,300 --> 00:05:26,775 de la première chambre civile du 3 novembre 2004. 83 00:05:27,030 --> 00:05:28,425 Sont ainsi hors du commerce 84 00:05:28,775 --> 00:05:32,225 des attributs de la souveraineté ou des investitures politiques. 85 00:05:33,240 --> 00:05:36,500 Protection de la santé publique,  de la salubrité publique,  86 00:05:36,550 --> 00:05:39,050 de la sécurité, sont hors du commerce. 87 00:05:39,390 --> 00:05:43,350 Évidemment, les drogues, les armes lourdes ou des produits périmés,  88 00:05:44,100 --> 00:05:46,475 ou même des marchandises contrefaisantes, 89 00:05:46,575 --> 00:05:51,025 ce qui ressort d'un arrêt de la chambre commerciale du 24 septembre 2003,  90 00:05:51,050 --> 00:05:54,240 ou encore des substances vénéneuses par exemple. 91 00:05:54,375 --> 00:05:57,775 Dans tous ces cas, dans toutes ces hypothèses,  92 00:05:57,800 --> 00:06:02,050 on voit qu'il y a une nécessité supérieure, un intérêt général 93 00:06:02,250 --> 00:06:06,400 qui fait que certaines choses sont placées hors de la liberté contractuelle,  94 00:06:06,750 --> 00:06:10,250 hors de ce qu'on va appeler de manière générale le commerce juridique. 95 00:06:12,330 --> 00:06:16,675 Le corps humain, on l'a vu, en raison de son caractère sacré, est hors du commerce. 96 00:06:16,700 --> 00:06:17,400 Mais là aussi,  97 00:06:17,825 --> 00:06:22,800 on doit préciser que le fait de dire qu'on ne peut pas passer de contrat sur le corps humain,  98 00:06:23,675 --> 00:06:25,275 c'est une affirmation qui est erronée  99 00:06:25,750 --> 00:06:29,275 parce qu'il y a certains contrats possibles sur le corps humain. 100 00:06:29,325 --> 00:06:33,700 Ce qui, en revanche, va être en principe interdit, c'est qu'il y a une contrepartie. 101 00:06:34,280 --> 00:06:36,275 Mais par exemple, le don d'organes,  102 00:06:36,300 --> 00:06:40,125 le don de produits du corps humain comme le sang ou le sperme par exemple,  103 00:06:40,425 --> 00:06:45,300 sont des contrats qui sont réglementés par la loi,  104 00:06:45,350 --> 00:06:47,200 qui sont entourés de certaines précautions. 105 00:06:47,250 --> 00:06:49,080 Il faut qu'il y ait un intérêt thérapeutique. 106 00:06:49,125 --> 00:06:52,025 Et surtout, il faut qu'il n'y ait pas de rémunération. 107 00:06:52,800 --> 00:06:56,175 Il faut évidemment qu'il y ait le consentement express du donneur. 108 00:06:56,570 --> 00:06:57,700 Mais même sur le corps humain,  109 00:06:58,450 --> 00:07:00,475 il y a parfois une commercialiser de certains éléments,  110 00:07:00,600 --> 00:07:02,470 pour les cheveux ou les ongles par exemple. 111 00:07:03,040 --> 00:07:06,870 Vous voyez qu'il y a une extra-commercialité du corps humain, 112 00:07:06,925 --> 00:07:10,500 c'est une affirmation qui doit là aussi être nuancée. 113 00:07:10,900 --> 00:07:11,975 De même, quand on parle 114 00:07:12,200 --> 00:07:14,875 de l'extra-commercialité des droits de la personnalité,  115 00:07:14,875 --> 00:07:18,075 des droits relatifs donc à l'individu, à son intimité, 116 00:07:18,325 --> 00:07:21,420 là aussi on doit relativiser d'une certaine façon aujourd'hui,  117 00:07:21,825 --> 00:07:25,125 parce qu'il y a des contrats sur l'image, des contrats sur la vie privée. 118 00:07:25,620 --> 00:07:30,225 Même si ce sont des autorisations qui ne peuvent pas avoir de portée générale, 119 00:07:30,875 --> 00:07:34,425 il y a une certaine patrimonialisation de ces droits,  120 00:07:34,475 --> 00:07:37,825 qui auparavant étaient uniquement vus comme des droits extra-patrimoniaux. 121 00:07:38,910 --> 00:07:42,700 Autre évolution dont on peut parler dans la jurisprudence : 122 00:07:42,960 --> 00:07:44,350 la question des clientèles. 123 00:07:46,200 --> 00:07:48,575 Pendant longtemps, la jurisprudence a fait la distinction 124 00:07:48,700 --> 00:07:52,275 entre les clientèles civiles et les clientèles commerciales. 125 00:07:53,160 --> 00:07:56,650 La clientèle commerciale, c'est l'élément essentiel du fonds de commerce. 126 00:07:56,700 --> 00:07:58,975 Et on a toujours évidemment validé,  127 00:07:59,025 --> 00:08:02,775 en même temps que la vente du fonds de commerce, la cession de clientèle. 128 00:08:03,390 --> 00:08:06,500 Si on vend le fonds, on vend en même temps la clientèle. 129 00:08:06,630 --> 00:08:09,420 On a déduit qu'il y avait une obligation de non-concurrence,  130 00:08:09,450 --> 00:08:11,700 une obligation de non-réinstallation,  131 00:08:12,050 --> 00:08:14,875 qui n'avait pas à être même prévue par le contrat. 132 00:08:15,060 --> 00:08:19,025 C'était une des conséquences de la garantie contre l'éviction 133 00:08:19,350 --> 00:08:22,800 due par le vendeur à l'acquéreur du fonds de commerce. 134 00:08:23,430 --> 00:08:25,025 En revanche, pour les clientèles civiles,  135 00:08:25,425 --> 00:08:31,450 la jurisprudence classique refusait la cession de clientèle civile,  136 00:08:32,000 --> 00:08:35,775 au motif que dans la clientèle civile, donc la clientèle de l'avocat,  137 00:08:35,975 --> 00:08:38,750 du médecin, de l'architecte ou de l'expert comptable,  138 00:08:38,925 --> 00:08:42,425 il y a un élément qui est l'intuitu personæ. 139 00:08:42,580 --> 00:08:45,425 Dans cette clientèle civile, on tient compte de la personne. 140 00:08:45,740 --> 00:08:49,125 On va voir tel médecin en raison de ses compétences, tel avocat, etc.,  141 00:08:49,500 --> 00:08:50,475 en raison de ses compétences. 142 00:08:50,500 --> 00:08:57,100 Cet élément, l'intuitu personæ, n'est pas a priori présent dans une clientèle commerciale. 143 00:08:57,530 --> 00:09:02,950 Et au nom de cet intuitu personæ, on mettait la clientèle civile hors du commerce,  144 00:09:03,000 --> 00:09:05,275 il n'y avait pas de cession de clientèle possible,  145 00:09:05,350 --> 00:09:09,350 contrairement à ce qui était appliqué en matière commerciale. 146 00:09:10,110 --> 00:09:13,950 Néanmoins, la pratique avait contourné en quelque sorte cette interdiction,  147 00:09:14,375 --> 00:09:15,975 et la jurisprudence avait validé 148 00:09:16,375 --> 00:09:18,675 ce que l'on appelait les contrats de présentation de clientèle. 149 00:09:18,750 --> 00:09:23,800 On ne vendait pas la clientèle, mais on présentait le nouveau médecin,  150 00:09:23,850 --> 00:09:27,100 le médecin qui allait succéder,  le nouvel avocat à la clientèle. 151 00:09:27,620 --> 00:09:30,250 Et ça, c'est un contrat qui pouvait avoir une contrepartie. 152 00:09:31,040 --> 00:09:37,550 En mettant fin à ce qui apparaissait finalement comme une espèce d'hypocrisie pratique  153 00:09:37,600 --> 00:09:38,975 et qui allait être validée,  154 00:09:39,600 --> 00:09:45,450 la Cour de cassation a reconnu la validité des cessions de clientèle civile 155 00:09:45,825 --> 00:09:50,250 par un arrêt de la première chambre civile du 7 novembre 2000. 156 00:09:50,820 --> 00:09:52,750 Ce qui est précisé dans la jurisprudence,  157 00:09:52,825 --> 00:09:57,625 c'est simplement que le patient doit garder sa liberté de choix. 158 00:09:58,150 --> 00:10:00,625 Ce qu'on voit et ce qui est important,  159 00:10:00,650 --> 00:10:03,700 c'est que la notion de choses hors du commerce 160 00:10:04,350 --> 00:10:07,330 est une notion qui échappe à une définition générale. 161 00:10:07,870 --> 00:10:12,600 Il n'y a pas de liste figurant dans un code, dans une loi particulière. 162 00:10:12,900 --> 00:10:16,375 Et donc finalement, c'est une liste qui est susceptible d'évoluer 163 00:10:16,650 --> 00:10:20,250 selon les nécessités de l'ordre public à un moment donné. 164 00:10:20,400 --> 00:10:24,300 Et l'ordre public, c'est une notion qui effectivement est susceptible d'évoluer. 165 00:10:25,690 --> 00:10:29,400 Dans la licéité du contenu du contrat et des stipulations, 166 00:10:29,710 --> 00:10:33,025 on peut ajouter également qu'il faut qu'il y ait une licéité 167 00:10:33,350 --> 00:10:35,550 de l'opération contractuelle elle-même, 168 00:10:35,950 --> 00:10:40,800 même si certains auteurs estiment que la licéité des stipulations devrait suffire 169 00:10:41,050 --> 00:10:42,725 à obtenir la nullité du contrat. 170 00:10:43,525 --> 00:10:45,175 On peut par exemple préciser que,  171 00:10:45,900 --> 00:10:49,650 dans le respect de l'ordre public par l'opération contractuelle elle-même,  172 00:10:49,700 --> 00:10:55,225 on interdit par exemple un contrat qui serait conclu pour réaliser une infraction,  173 00:10:55,825 --> 00:10:58,850 en donnant l'exemple extrême d'un contrat de tueurs à gages. 174 00:10:58,950 --> 00:11:01,850 Évidemment, c'est un contrat qui est illicite. 175 00:11:02,050 --> 00:11:06,450 Il consiste dans la réalisation d'une infraction pénale. 176 00:11:06,970 --> 00:11:09,775 De manière générale, on ne pourrait pas avoir un contrat 177 00:11:09,825 --> 00:11:12,820 qui porterait atteinte à une loi impérative. 178 00:11:12,875 --> 00:11:16,575 Les lois impératives sont précisément, d'après l'article 6,  179 00:11:16,625 --> 00:11:20,825 celles auxquelles on ne peut pas déroger par des conventions particulières. 180 00:11:21,490 --> 00:11:22,750 Les lois impératives, 181 00:11:23,200 --> 00:11:26,000 c'est ce qui va se développer 182 00:11:26,275 --> 00:11:28,775 dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'ordre public de protection 183 00:11:29,100 --> 00:11:30,650 ou l'ordre public de direction. 184 00:11:30,950 --> 00:11:35,100 On ne pourra pas avoir d'atteintes à ces règles impératives. 185 00:11:36,000 --> 00:11:41,225 Et enfin, on peut ajouter, dans la licéité de l'opération contractuelle, la notion de fraude. 186 00:11:42,010 --> 00:11:44,900 On ne peut pas avoir une opération frauduleuse dans un contrat. 187 00:11:45,430 --> 00:11:48,760 La fraude a un effet corrupteur. 188 00:11:48,825 --> 00:11:53,200 On dit que la fraude corrompt tout : "fraus omnia corrumpit". 189 00:11:53,480 --> 00:11:58,150 Cela veut dire que si la fraude est démontrée,  la fraude se démontre par tout moyen,  190 00:11:58,350 --> 00:12:03,625 elle entraînera soit la nullité de l'acte, soit l'inopposabilité de l'acte,  191 00:12:04,325 --> 00:12:08,625 c'est-à-dire en réalité l'inefficacité de la manœuvre 192 00:12:08,825 --> 00:12:13,030 qui a conduit à vouloir contourner la règle impérative. 193 00:12:14,170 --> 00:12:17,525 La fraude a une portée générale en droit, elle se prouve par tout moyen. 194 00:12:17,900 --> 00:12:22,400 Et elle peut permettre, à travers cette notion de licéité du contenu du contrat,  195 00:12:22,725 --> 00:12:26,975 à entraîner sa nullité, ou l'inefficacité en tout cas de l'acte. 196 00:12:28,120 --> 00:12:29,250 C'est la première chose :  197 00:12:29,450 --> 00:12:33,325 les stipulations doivent être licites, conformes à l'ordre public,  198 00:12:34,300 --> 00:12:37,450 parce que le contrat portera sur une chose qui est dans le commerce,  199 00:12:37,500 --> 00:12:41,400 ou alors parce que le contrat ne sera pas le moyen de contourner une règle impérative,  200 00:12:41,475 --> 00:12:45,500 de frauder ou de réaliser par exemple une infraction pénale. 201 00:12:46,480 --> 00:12:49,125 La notion de licéité du contenu de contrat, 202 00:12:49,150 --> 00:12:53,260 c'est une notion qui se retrouve aussi dans le but poursuivi par les parties. 203 00:12:53,300 --> 00:12:56,350 Et on fait appel ici, je vous le disais en présentation,  204 00:12:56,400 --> 00:13:01,810 à la notion de cause subjective dans le droit antérieur à l'ordonnance de 2016. 205 00:13:01,850 --> 00:13:05,150 C'est-à-dire qu'à la question "Pourquoi je m'engage ?",  206 00:13:05,475 --> 00:13:08,575 il y a la cause immédiate pour percevoir une contrepartie. 207 00:13:09,060 --> 00:13:12,300 Mais il y a la cause lointaine,  le mobile qui m'anime ; 208 00:13:12,640 --> 00:13:16,475 et qui va permettre de contrôler la licéité du contrat,  209 00:13:16,500 --> 00:13:20,500 la conformité du contrat à l'ordre public ou aux bonnes mœurs. 210 00:13:20,750 --> 00:13:24,300 On le voit, finalement même s'il y avait eu beaucoup de débats sur la cause, 211 00:13:24,625 --> 00:13:29,625 la doctrine avant 2016 était à peu près d'accord sur la dualité du sens du mot "cause" : 212 00:13:29,900 --> 00:13:34,300 à la fois qui se référait à la notion de contrepartie, et à la fois à la notion de mobile. 213 00:13:34,990 --> 00:13:36,675 J'achète une maison :  214 00:13:37,075 --> 00:13:42,100 la contrepartie immédiate, donc la raison immédiate, la cause objective,  215 00:13:42,150 --> 00:13:44,150 c'est pour en avoir la propriété. 216 00:13:44,530 --> 00:13:49,900 Mais le mobile qui m'anime, ça peut être pour l'habiter, la louer,  217 00:13:50,025 --> 00:13:54,725 ou alors ouvrir une maison de jeu,  un casino de manière illicite, etc. 218 00:13:54,910 --> 00:14:00,225 Donc le mobile va permettre de vérifier que l'opération est bien une opération licite. 219 00:14:00,700 --> 00:14:03,100 Et donc, on parle de cause subjective 220 00:14:03,125 --> 00:14:07,750 parce que là, la cause est différente d'un individu à l'autre, d'un contrat à l'autre. 221 00:14:08,200 --> 00:14:11,875 Autant, dans la vente, la cause de l'obligation du vendeur 222 00:14:12,375 --> 00:14:14,950 et la cause de l'obligation de l'acquéreur sont toujours les mêmes. 223 00:14:15,190 --> 00:14:20,975 Autant ici, le mobile varie d'un contrat à l'autre et va varier d'un individu à l'autre. 224 00:14:21,775 --> 00:14:26,350 Aujourd'hui, le mobile, donc le but du contrat, est pris en compte 225 00:14:26,450 --> 00:14:29,725 dans les textes depuis l'ordonnance de 2016. 226 00:14:30,280 --> 00:14:35,275 Et l'ordonnance consacre également une autre solution donnée par la jurisprudence,  227 00:14:35,925 --> 00:14:42,650 qui consiste à permettre de prendre en compte le but illicite ou immoral du contrat 228 00:14:43,275 --> 00:14:47,525 alors même qu'il n'aurait pas été connu de la part de l'autre cocontractant. 229 00:14:47,920 --> 00:14:49,400 Il y a eu une évolution de la jurisprudence. 230 00:14:49,930 --> 00:14:53,800 Auparavant, la Cour de cassation limitait les possibilités d'annulation 231 00:14:54,250 --> 00:14:57,475 aux cas dans lesquels le mobile était connu par les deux parties. 232 00:14:57,730 --> 00:15:03,450 Et puis, il y a eu un changement avec un arrêt de la première chambre civile du 7 octobre 1998 :  233 00:15:03,875 --> 00:15:07,400 le mobile n'a pas à être connu de l'autre partie. 234 00:15:08,200 --> 00:15:12,500 Et ceci a été repris dans l'ordonnance de 2016. 235 00:15:13,010 --> 00:15:16,775 La preuve de ce but peut être apportée par tous moyens. 236 00:15:17,025 --> 00:15:20,625 Et notamment, là aussi il y a eu une évolution dès le début du vingtième siècle. 237 00:15:21,070 --> 00:15:25,550 Auparavant, il y avait ce qu'on appelait le système de la preuve intrinsèque,  238 00:15:26,150 --> 00:15:28,475 c'est-à-dire la preuve qui  devait figurer dans l'acte. 239 00:15:28,910 --> 00:15:33,950 Et ensuite, à partir d'un arrêt de la chambre civile du 2 janvier 1907, 240 00:15:34,490 --> 00:15:39,075 la Cour de cassation a consacré le système de la preuve extrinsèque,  241 00:15:39,225 --> 00:15:40,350 donc preuve par tout moyen. 242 00:15:42,520 --> 00:15:47,875 Ce qu'il faut savoir, c'est que sur la notion de contrat qui aurait un but illicite ou immoral… 243 00:15:47,900 --> 00:15:52,425 Évidemment là encore, la notion d'ordre public, la notion de bonnes moeurs,  244 00:15:52,475 --> 00:15:53,650 est une notion qui évolue. 245 00:15:54,140 --> 00:15:55,950 Si bien que les bonnes mœurs disparaissent 246 00:15:56,970 --> 00:15:57,975 du droit commun des contrats,  247 00:15:58,050 --> 00:16:01,100 on les trouve uniquement dans l'article 6 du Code civil. 248 00:16:03,050 --> 00:16:07,375 Sur cette question, on peut se référer à l'évolution de la jurisprudence 249 00:16:07,950 --> 00:16:11,300 concernant les libéralités entre des concubins adultérins. 250 00:16:11,780 --> 00:16:12,375 Pendant longtemps,  251 00:16:12,425 --> 00:16:16,600 la jurisprudence annulait ces libéralités au motif qu'elles avaient un mobile 252 00:16:16,950 --> 00:16:18,275 qui était contraire aux bonnes mœurs,  253 00:16:18,300 --> 00:16:22,125 puisqu'il était contraire notamment au devoir de fidélité dans le mariage. 254 00:16:22,510 --> 00:16:24,725 C'est une solution qui a été abandonnée 255 00:16:25,100 --> 00:16:29,175 dans un arrêt de la première chambre civile du 3 février 1999,  256 00:16:29,550 --> 00:16:34,050 confirmée par un arrêt d'assemblée plénière du 29 octobre 2004. 257 00:16:34,510 --> 00:16:39,025 Et expressément, dans les conclusions de l'avocat général sur ces décisions, 258 00:16:39,500 --> 00:16:41,900 il est fait référence justement à l'évolution des mœurs 259 00:16:42,225 --> 00:16:45,950 qui fait qu'aujourd'hui l'adultère n'est plus réprimé comme avant. 260 00:16:47,480 --> 00:16:51,425 L'évolution des mœurs, l'évolution des considérations morales,  261 00:16:52,250 --> 00:16:55,300 on peut en voir aussi une illustration 262 00:16:55,600 --> 00:16:59,575 dans un arrêt de la première chambre civile du 4 novembre 2011,  263 00:16:59,625 --> 00:17:03,750 qui va valider contrat de courtage matrimonial 264 00:17:04,175 --> 00:17:06,450 avec une personne qui était pourtant déjà mariée. 265 00:17:06,580 --> 00:17:09,450 Et la Cour de cassation va estimer que c'est un contrat qui est licite. 266 00:17:10,550 --> 00:17:14,650 Quand le contrat a un contenu qui est illicite, immoral,  267 00:17:14,725 --> 00:17:18,775 la sanction est ici une nullité absolue, on reviendra sur cette notion. 268 00:17:19,300 --> 00:17:23,600 Nullité absolue, c'est l'idée que c'est l'intérêt général qui est en cause, 269 00:17:23,650 --> 00:17:28,750 l'intérêt général qui est protégé à travers ce contrôle de la licéité du contenu. 270 00:17:29,300 --> 00:17:32,950 La nullité est une nullité absolue  avec différentes conséquences 271 00:17:33,025 --> 00:17:34,450 qu'on précisera par la suite. 272 00:17:35,000 --> 00:17:39,080 De plus, il y a une conséquence sur les effets de la nullité,  273 00:17:39,950 --> 00:17:44,725 puisque normalement une nullité qui est prononcée donne lieu à des restitutions. 274 00:17:45,170 --> 00:17:50,400 Or, ici, les restitutions seront paralysées par application d'un adage 275 00:17:50,450 --> 00:17:52,700 qu'on appelle l'adage "nemo auditur",  276 00:17:52,975 --> 00:17:55,940 sur lequel là aussi on reviendra dans les effets de la nullité. 277 00:17:56,510 --> 00:17:58,850 Le but de la paralysie des restitutions,  278 00:17:58,900 --> 00:18:02,900 c'est éviter la conclusion de contrats qui seraient immoraux,  279 00:18:03,425 --> 00:18:06,925 parce qu'on sait qu'en concluant ce contrat, si on exécute sa prestation 280 00:18:07,200 --> 00:18:09,025 et que le contrat vient à être annulé,  281 00:18:09,475 --> 00:18:13,600 l'autre partie n'aura pas à restituer ce qu'elle a perçu. 282 00:18:14,320 --> 00:18:18,250 Donc ça dissuade de passer des contrats qui seraient simplement immoraux,  283 00:18:18,625 --> 00:18:21,100 parce que la règle "nemo auditur"  ne vise que ces contrats,  284 00:18:21,150 --> 00:18:24,525 et non pas les contrats qui seraient simplement, si on peut dire, illicites. 285 00:18:25,430 --> 00:18:28,350 On a terminé ces développements sur le contenu du contrat. 286 00:18:29,030 --> 00:18:31,075 Il nous reste maintenant à voir une dernière condition,  287 00:18:31,100 --> 00:18:34,850 mais qui ne figure pas dans les conditions de validité du contrat :  288 00:18:35,500 --> 00:18:37,550 la question de la forme du contrat.