1 00:00:05,670 --> 00:00:11,777 Passons donc, 3, à l’organisation d’une juridiction administrative, 2 00:00:12,090 --> 00:00:18,200 la distinction des juridictions administratives générales et spécialisées. 3 00:00:19,620 --> 00:00:20,711 À bien des égards, 4 00:00:20,755 --> 00:00:25,422 l’ordre juridictionnel administratif se compose de juridictions générales 5 00:00:25,514 --> 00:00:27,530 et de juridictions spécialisées. 6 00:00:28,140 --> 00:00:32,555 Autrement dit, les premières détiennent une compétence de droit commun 7 00:00:32,790 --> 00:00:35,911 et les secondes, une compétence d’attribution. 8 00:00:36,810 --> 00:00:41,070 Cette distinction emporte deux conséquences principales. 9 00:00:42,030 --> 00:00:46,111 La première, c’est que les litiges, en matière administrative, 10 00:00:46,177 --> 00:00:50,244 sont portés devant les juridictions administratives générales, 11 00:00:50,444 --> 00:00:53,911 à moins qu’un texte ne désigne expressément 12 00:00:54,133 --> 00:00:57,266 une juridiction spécialisée comme étant compétente. 13 00:00:58,200 --> 00:00:59,733 Seconde conséquence, 14 00:00:59,950 --> 00:01:05,377 les juridictions générales sont soumises au Code de justice administrative, 15 00:01:05,911 --> 00:01:10,755 conformément à l’article L1 du Code de justice administrative, 16 00:01:11,422 --> 00:01:16,470 alors que les juridictions spécialisées échappent au Code de justice administrative 17 00:01:16,533 --> 00:01:18,955 et sont régies par des textes spécifiques. 18 00:01:20,020 --> 00:01:21,222 En tout état de cause, 19 00:01:21,555 --> 00:01:26,955 seul le législateur est compétent pour créer une nouvelle catégorie de juridictions 20 00:01:27,311 --> 00:01:30,777 conformément à l’article 34 de la Constitution. 21 00:01:32,200 --> 00:01:37,266 Ainsi que le Conseil constitutionnel interprète l’article 34, 22 00:01:37,330 --> 00:01:39,711 puisque selon le Conseil constitutionnel, 23 00:01:40,866 --> 00:01:48,244 la compétence du législateur est celle de créer des nouveaux ordres de juridiction. 24 00:01:49,690 --> 00:01:57,800 Il l’interprète comme une compétence pour créer une nouvelle catégorie de juridictions. 25 00:01:58,420 --> 00:02:05,177 C’est ce qui ressort notamment d’une décision du Conseil constitutionnel du 20 juillet 1977 26 00:02:05,422 --> 00:02:10,288 ou encore d’une décision du Conseil constitutionnel du 4 décembre 2003. 27 00:02:12,600 --> 00:02:17,133 Nous allons commencer par les juridictions administratives générales. 28 00:02:18,090 --> 00:02:22,022 Aujourd’hui, l’organisation de ces juridictions administratives générales 29 00:02:22,066 --> 00:02:25,777 s’apparente à une pyramide composée de trois niveaux : 30 00:02:26,310 --> 00:02:31,866 les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et le Conseil d’État. 31 00:02:33,222 --> 00:02:36,822 Toutefois, cette structure pyramidale ne doit pas tromper. 32 00:02:37,400 --> 00:02:41,088 Bien qu’elle ressemble à l’organisation de l’ordre judiciaire, 33 00:02:41,340 --> 00:02:46,533 le système juridictionnel administratif s’en distingue radicalement 34 00:02:46,800 --> 00:02:49,244 pour une raison fondamentale. 35 00:02:50,770 --> 00:02:56,466 Tandis que la Cour de cassation a été instituée au sommet du système judiciaire 36 00:02:56,555 --> 00:03:00,000 pour garantir la soumission des juges du fond à la loi, 37 00:03:00,240 --> 00:03:02,155 grâce à la technique de la cassation, 38 00:03:02,577 --> 00:03:09,133 le Conseil d’État n’a pas été créé comme étant le sommet des juridictions administratives. 39 00:03:09,850 --> 00:03:10,822 Tout à l’inverse, 40 00:03:10,866 --> 00:03:15,222 les juridictions administratives ont progressivement été instituées 41 00:03:15,444 --> 00:03:19,777 sous le Conseil d’État pour une raison tout à fait pragmatique, 42 00:03:19,977 --> 00:03:24,288 à savoir l’encombrement du prétoire du Conseil d’État, 43 00:03:24,422 --> 00:03:27,066 qui rendait matériellement impossible 44 00:03:27,222 --> 00:03:31,066 le maintien de son monopole en matière contentieuse. 45 00:03:31,470 --> 00:03:34,200 C’est ainsi que le Conseil d’État s’est progressivement 46 00:03:34,288 --> 00:03:39,622 délesté d’une partie de ses compétences, mais sans les abandonner pleinement. 47 00:03:39,960 --> 00:03:44,266 Comme vous le verrez, le Conseil d’État n’est pas uniquement juge de cassation. 48 00:03:44,460 --> 00:03:48,911 Il a conservé des compétences en premier ressort et en appel. 49 00:03:50,340 --> 00:03:51,600 Commençons premièrement, 50 00:03:51,685 --> 00:03:55,857 par l’apparition des tribunaux administratifs. 51 00:03:57,510 --> 00:04:03,800 Jusqu’en 1953, le Conseil d’État est juge de droit commun en premier ressort, 52 00:04:04,377 --> 00:04:08,466 c’est-à-dire qu’il est compétent pour connaître, en premier ressort, 53 00:04:08,688 --> 00:04:11,288 de tous les litiges administratifs, 54 00:04:11,533 --> 00:04:14,755 dès lors que le traitement d’un litige n’est pas attribué 55 00:04:14,844 --> 00:04:18,780 à une autre juridiction administrative par un texte. 56 00:04:19,980 --> 00:04:23,222 Accablé par la masse des affaires à traiter, 57 00:04:23,377 --> 00:04:27,666 le Conseil d’État statuait dans des délais extrêmement longs. 58 00:04:28,977 --> 00:04:32,911 C’est pourquoi ont été créés les tribunaux administratifs 59 00:04:33,133 --> 00:04:37,555 par le décret-loi du 30 septembre 1953. 60 00:04:38,130 --> 00:04:41,542 Par cette réforme, les tribunaux administratifs sont devenus 61 00:04:41,628 --> 00:04:45,028 juges de droit commun en premier ressort 62 00:04:45,228 --> 00:04:50,710 et le Conseil d’État est devenu juge d’appel des jugements rendus par les tribunaux. 63 00:04:51,670 --> 00:04:56,111 Aujourd’hui encore, les tribunaux administratifs sont juges de droit commun 64 00:04:56,260 --> 00:04:57,977 du contentieux administratif 65 00:04:58,866 --> 00:05:06,844 conformément à l’article L211-1 du Code de justice administrative et sont au nombre de 42. 66 00:05:07,420 --> 00:05:09,777 Pour leur ressort, vous pouvez consulter 67 00:05:09,844 --> 00:05:14,230 l’article R221-3 du Code de justice administrative. 68 00:05:16,040 --> 00:05:21,933 Ensuite, deuxièmement, sont apparues les cours administratives d’appel. 69 00:05:22,820 --> 00:05:24,422 Le problème, en effet, 70 00:05:24,510 --> 00:05:26,733 était que la réforme de 1953 71 00:05:26,800 --> 00:05:32,370 n’a pas permis de résoudre le problème de l’engorgement du Conseil d’État. 72 00:05:33,350 --> 00:05:38,200 Victime d’un engorgement en tant que juge d’appel, 73 00:05:38,933 --> 00:05:43,666 les délais étaient toujours extrêmement longs, les délais de jugement, 74 00:05:44,450 --> 00:05:47,622 au point qu’une nouvelle réforme a été nécessaire, 75 00:05:47,733 --> 00:05:53,540 ce qui explique la réforme du 31 décembre 1987. 76 00:05:54,320 --> 00:06:00,755 Par cette loi du 31 décembre 1987 ont été créées les cours administratives d’appel. 77 00:06:01,666 --> 00:06:04,644 Ces cours sont au nombre de huit, 78 00:06:04,844 --> 00:06:10,000 conformément à l’article R221-7 du Code de justice administrative. 79 00:06:10,550 --> 00:06:16,400 Elles sont à Bordeaux, Douai, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris et Versailles 80 00:06:16,640 --> 00:06:24,000 et une neuvième cour administrative d’appel verra le jour à Toulouse à la fin de l’année 2021. 81 00:06:25,560 --> 00:06:28,822 Autrement dit, c’est fondamental à comprendre, 82 00:06:29,044 --> 00:06:32,911 la cassation des arrêts rendus par les cours administratives d’appel 83 00:06:33,111 --> 00:06:37,333 n’est la principale fonction juridictionnelle du Conseil d’État 84 00:06:37,620 --> 00:06:41,111 que depuis la fin du 20e siècle. 85 00:06:43,270 --> 00:06:47,733 Cette construction progressive de l’ordre juridictionnel administratif 86 00:06:47,777 --> 00:06:53,355 explique pourquoi le Conseil d’État n’est pas uniquement un juge de cassation 87 00:06:53,420 --> 00:06:57,911 et pourquoi ce Conseil d’État conserve des compétences résiduelles 88 00:06:57,933 --> 00:07:00,422 en premier ressort et en appel. 89 00:07:01,120 --> 00:07:07,133 C’est ce qui ressort de l’article L111-1 du Code de justice administrative 90 00:07:07,155 --> 00:07:10,800 relatif aux attributions contentieuses du Conseil d’État. 91 00:07:11,440 --> 00:07:13,311 Cet article dispose en effet 92 00:07:13,622 --> 00:07:18,222 que le Conseil d’État est la juridiction administrative suprême. 93 00:07:20,155 --> 00:07:23,333 Pour reprendre une métaphore de Rivero, 94 00:07:23,644 --> 00:07:29,088 le Conseil d’État est davantage un soleil au centre du système 95 00:07:29,240 --> 00:07:35,200 formé par l’ensemble des juridictions administratives, que le sommet d’une pyramide. 96 00:07:36,250 --> 00:07:39,000 Une procédure paraît tout à fait symptomatique 97 00:07:39,200 --> 00:07:41,911 de ce positionnement institutionnel du Conseil d’État. 98 00:07:42,460 --> 00:07:46,000 Il s’agit de la demande d’avis contentieux. 99 00:07:46,690 --> 00:07:51,644 Prévue à l’article L113-1 du Code de justice administrative, 100 00:07:51,820 --> 00:07:54,200 cette demande d’avis contentieux 101 00:07:54,511 --> 00:07:58,377 permet aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel 102 00:07:58,600 --> 00:08:03,000 de soumettre au Conseil d’État une question de droit nouvelle, 103 00:08:03,155 --> 00:08:07,688 présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. 104 00:08:08,440 --> 00:08:11,888 Si le Conseil d’État estime la demande recevable, 105 00:08:11,977 --> 00:08:16,422 il se prononce par un avis et non par une décision juridictionnelle. 106 00:08:16,860 --> 00:08:21,711 Et cet avis ne porte pas sur la solution à apporter au litige, 107 00:08:21,970 --> 00:08:27,644 mais sur la façon dont la règle de droit doit être comprise et appliquée. 108 00:08:28,150 --> 00:08:30,777 Autrement dit, cette procédure 109 00:08:30,822 --> 00:08:35,177 apparaît comme un mode de formation accélérée de la jurisprudence. 110 00:08:36,640 --> 00:08:42,244 Passons, en second lieu, aux juridictions administratives spécialisées. 111 00:08:43,210 --> 00:08:46,911 Une cinquantaine de juridictions administratives spécialisées 112 00:08:46,970 --> 00:08:53,114 existent en marge de la structure hiérarchisée des juridictions administratives générales. 113 00:08:54,060 --> 00:08:57,133 Toutefois, celles-ci ne sont pas hors système 114 00:08:57,288 --> 00:09:02,000 puisqu’elles sont toutes placées sous le contrôle de cassation du Conseil d’État. 115 00:09:03,160 --> 00:09:09,888 Il ne s’agit ici bien évidemment pas de revenir sur chacune de ces juridictions spécialisées. 116 00:09:10,390 --> 00:09:14,422 Plus simplement, j’aimerais que vous compreniez que ces juridictions spécialisées 117 00:09:14,533 --> 00:09:18,400 ne traitent que de certains types de litiges. 118 00:09:18,850 --> 00:09:21,577 Par exemple, certaines juridictions sont compétentes 119 00:09:21,622 --> 00:09:24,133 pour connaître du contentieux de l’aide sociale, 120 00:09:24,466 --> 00:09:26,688 comme la Commission centrale d’aide sociale 121 00:09:26,911 --> 00:09:31,311 ou la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale. 122 00:09:32,066 --> 00:09:34,844 D’autres interviennent en matière financière, 123 00:09:35,133 --> 00:09:40,466 comme la Cour des comptes ou la Cour de discipline budgétaire et financière. 124 00:09:41,170 --> 00:09:46,355 D’autres encore interviennent en matière d’asile, comme la Cour nationale du droit d’asile, 125 00:09:46,711 --> 00:09:48,844 ou encore en matière disciplinaire, 126 00:09:48,930 --> 00:09:52,266 comme les chambres disciplinaires des ordres professionnels, 127 00:09:52,444 --> 00:09:56,711 ou encore le Conseil supérieur de la magistrature. 128 00:09:59,940 --> 00:10:04,933 Quelle est l’étendue de la compétence des juridictions administratives ? 129 00:10:04,977 --> 00:10:08,755 C’est ce qu’il convient d’analyser maintenant dans le B.