1
00:00:05,760 --> 00:00:09,720
Passons maintenant paragraphe 2
à une méthode.

2
00:00:10,100 --> 00:00:15,110
Paragraphe 2, une méthode :
l’introduction au droit processuel.

3
00:00:16,610 --> 00:00:20,870
Cette méthode tente de répondre
à une question fondamentale.

4
00:00:21,470 --> 00:00:28,100
N’existerait-il qu’une façon de faire un procès
indépendamment de l’objet du litige

5
00:00:28,300 --> 00:00:30,320
et de la personnalité des parties ?

6
00:00:31,220 --> 00:00:36,120
Ainsi que Rodolphe Dareste
le soutenait dès 1962,

7
00:00:36,280 --> 00:00:41,500
la justice, même administrative,
a ses conditions essentielles.

8
00:00:42,590 --> 00:00:47,930
Ce paradigme, cette idée
qu’il n’y a qu’une façon de faire un procès,

9
00:00:48,380 --> 00:00:52,820
s’impose d’autant plus que l’on assiste
à une évolution croisée

10
00:00:53,150 --> 00:00:58,260
des procédures suivies devant les
juridictions administratives et judiciaires.

11
00:00:58,730 --> 00:01:02,040
Cette évolution croisée résulte de l’émergence

12
00:01:02,380 --> 00:01:07,500
de standards procéduraux communs
à tous les procès,

13
00:01:07,860 --> 00:01:11,760
sous l’influence
déterminante du droit européen,

14
00:01:11,980 --> 00:01:14,860
du droit international
et du droit constitutionnel.

15
00:01:16,240 --> 00:01:21,930
Au fond, deux temps caractérisent
l’émergence d’un droit processuel

16
00:01:22,000 --> 00:01:24,260
d’une méthode processualiste.

17
00:01:25,180 --> 00:01:30,580
Tout d’abord, le droit processuel
est un droit comparé des procès.

18
00:01:31,420 --> 00:01:36,970
Ensuite, le droit processus apparaît
comme un droit commun du procès.

19
00:01:37,420 --> 00:01:40,750
À : un droit comparé des procès.

20
00:01:41,080 --> 00:01:44,370
B : un droit commun du procès.

21
00:01:45,800 --> 00:01:48,680
À : un droit comparé des procès.

22
00:01:50,430 --> 00:01:55,000
Au milieu des années 60,
VIzioz ou encore Motulsky,

23
00:01:55,560 --> 00:02:00,360
que l’on considère aujourd’hui
comme les pères fondateurs du droit processuel,

24
00:02:00,800 --> 00:02:07,640
construisent le droit processuel à partir
d’une comparaison entre les procédures pénales,

25
00:02:08,000 --> 00:02:09,910
administratives et civiles.

26
00:02:10,740 --> 00:02:14,880
En ce sens, le droit processuel
est d’abord conçu par ses auteurs

27
00:02:15,080 --> 00:02:19,140
comme un droit comparé interne
des procédures,

28
00:02:19,200 --> 00:02:22,920
interne c’est-à-dire
interne à l’ordre juridique français.

29
00:02:24,120 --> 00:02:29,330
Il s’agit schématiquement de partir
des grandes théories classiques,

30
00:02:29,730 --> 00:02:33,090
l’action en justice,
la notion de juridiction,

31
00:02:33,390 --> 00:02:36,440
la notion d’acte de juger ou encore l’instance,

32
00:02:36,920 --> 00:02:41,420
et de comparer les techniques procédurales
mises en œuvre

33
00:02:41,800 --> 00:02:43,940
à l’occasion de ces différentes procédures,

34
00:02:44,520 --> 00:02:48,760
pour mesurer ce qu’elles ont en commun
et ce qu’elles ont de propre.

35
00:02:49,860 --> 00:02:53,190
Plusieurs auteurs se sont inscrits
dans cette démarche intellectuelle

36
00:02:53,550 --> 00:02:55,080
d’un point de vue publiciste.

37
00:02:55,620 --> 00:02:57,430
Je vais vous en donner deux exemples.

38
00:02:57,860 --> 00:03:00,580
Le premier exemple symptomatique,
à mon sens,

39
00:03:00,760 --> 00:03:06,000
est une thèse soutenue
par le Professeur Debbasch en 1962,

40
00:03:06,240 --> 00:03:08,100
consacrée à la question suivante :

41
00:03:08,420 --> 00:03:11,580
procédures administratives
contentieuses et procédures civiles.

42
00:03:12,890 --> 00:03:14,060
Dès l’introduction,

43
00:03:14,480 --> 00:03:20,060
le Professeur Debbasch souligne
que sa thèse s’inscrit dans un courant doctrinal

44
00:03:20,300 --> 00:03:22,430
qui vise à rapprocher ces deux droits,

45
00:03:23,030 --> 00:03:26,450
procédure civile,
procédure administrative contentieuse,

46
00:03:27,230 --> 00:03:30,180
afin de les examiner dans un même esprit,

47
00:03:30,560 --> 00:03:42,160
c’est-à-dire chercher ce qui fait œuvre commune
entre les procès administratif et civil.

48
00:03:42,810 --> 00:03:45,780
Comprenez bien que procédure
administrative contentieuse

49
00:03:45,820 --> 00:03:49,430
est  ici un synonyme
de contentieux administratif.

50
00:03:51,140 --> 00:03:54,400
La problématique centrale
de cette thèse est de savoir

51
00:03:54,820 --> 00:04:00,620
comment doit être exercée
la juridiction contentieuse par les tribunaux.

52
00:04:01,120 --> 00:04:05,300
Ici, ce que le Professeur Debbasch
souhaite faire,

53
00:04:05,660 --> 00:04:09,940
c’est mesurer la portée exacte
des bouleversements

54
00:04:10,040 --> 00:04:15,920
introduits dans un procès administratif
par la présence d’un justiciable public,

55
00:04:16,320 --> 00:04:20,360
ce justiciable public
étant l’administration évidemment.

56
00:04:21,970 --> 00:04:27,490
En réalité, l’ambition ici
est de repenser ces deux disciplines,

57
00:04:27,790 --> 00:04:30,320
contentieux administratif
et procédure civile,

58
00:04:30,600 --> 00:04:33,700
qui sont trop souvent radicalement opposées.

59
00:04:34,060 --> 00:04:35,740
Nous le verrons plus tard,

60
00:04:35,960 --> 00:04:39,860
mais on a pour habitude d’opposer
assez radicalement

61
00:04:40,120 --> 00:04:42,260
le procès administratif et le procès civil.

62
00:04:42,640 --> 00:04:45,460
L’un serait inquisitoire,
l’autre accusatoire,

63
00:04:45,760 --> 00:04:51,300
l’autre respecterait une procédure écrite,
l’un respecterait une procédure orale.

64
00:04:51,500 --> 00:04:56,500
Bref, les oppositions
entre ces procès sont légion.

65
00:04:57,430 --> 00:05:05,940
À cet égard, une démarche comparative
est adoptée par le Professeur Debbasch.

66
00:05:06,380 --> 00:05:10,560
Il constate que les procédures civiles
et administratives contentieuses

67
00:05:10,640 --> 00:05:14,470
ont un but commun :
la résolution de litiges.

68
00:05:15,160 --> 00:05:18,710
Or, il en résulte deux éléments communs.

69
00:05:20,320 --> 00:05:23,120
Il voit, dans ces deux éléments communs,

70
00:05:23,320 --> 00:05:29,570
l’unité fondamentale de la procédure,
quel que soit le juge compétent.

71
00:05:32,490 --> 00:05:35,220
Je reviens très brièvement
sur ces deux éléments

72
00:05:35,280 --> 00:05:37,740
que le Professeur Debbasch dégage.

73
00:05:38,250 --> 00:05:43,840
Premier élément, quel que soit le procès,
ce sont les parties qui doivent l’introduire.

74
00:05:44,490 --> 00:05:47,400
Le juge ne peut jamais se saisir d’office.

75
00:05:47,670 --> 00:05:51,930
Ce sont toujours les parties
qui vont initier l’instance.

76
00:05:52,860 --> 00:05:54,700
Ce pouvoir d’initiative

77
00:05:54,880 --> 00:05:59,360
va avoir des conséquences sur le déroulement
du procès puisque dans une certaine mesure,

78
00:05:59,620 --> 00:06:04,770
les parties vont être maîtres du litige
qu’elles soumettent au juge.

79
00:06:06,060 --> 00:06:09,660
Second élément commun sur lequel il insiste,

80
00:06:10,120 --> 00:06:16,110
la solution de l’instance,
la solution du litige relève de l’office du juge.

81
00:06:17,130 --> 00:06:24,160
En effet, la solution d’un litige ne sera jamais
laissée à la discrétion des parties

82
00:06:24,360 --> 00:06:27,720
puisque le but
est ici de remédier à un trouble social.

83
00:06:28,620 --> 00:06:35,010
Ainsi, ces deux éléments qui se
retrouvent dans les deux procédures

84
00:06:35,430 --> 00:06:38,740
conduisent Debbasch à relativiser

85
00:06:39,020 --> 00:06:44,300
la nature particulière des litiges
en matière administrative.

86
00:06:45,530 --> 00:06:53,080
Second exemple, c’est une étude
réalisée par Chaput en 1977-78

87
00:06:53,570 --> 00:06:55,940
consacrée à l’office du juge.

88
00:06:56,660 --> 00:07:01,240
En réalité, cette étude fait suite
à une réforme majeure de la procédure civile

89
00:07:01,340 --> 00:07:06,340
qui a conduit à un renouvellement
de l’office du juge civil.

90
00:07:07,370 --> 00:07:13,080
En effet, l’une des conséquences majeures
de cette réforme de la fin des années 70

91
00:07:13,540 --> 00:07:17,380
est de rapprocher
les procès administratifs et civils

92
00:07:17,600 --> 00:07:25,220
puisque de nouveaux pouvoirs sont reconnus
au profit du juge civil durant l’instance,

93
00:07:25,760 --> 00:07:30,140
ce qui vient nettement nuancer
l’image d’un juge passif

94
00:07:30,520 --> 00:07:35,860
qui serait enfermé dans le rôle assigné
par une procédure dite accusatoire.

95
00:07:37,140 --> 00:07:40,000
Cette observation conduit Chaput à remarquer

96
00:07:40,080 --> 00:07:44,020
que le nouveau
régime procédural en matière civile

97
00:07:44,180 --> 00:07:50,630
n’est plus substantiellement différent
de celui en vigueur en matière administrative.

98
00:07:51,300 --> 00:07:56,660
L’opposition classique entre les
procès civils et administratifs

99
00:07:56,940 --> 00:08:02,280
à l’égard de laquelle, il émettait déjà des doutes
antérieurement à ces réformes,

100
00:08:02,600 --> 00:08:08,220
cette opposition classique se trouve,
selon lui, frappée de caducité.

101
00:08:08,630 --> 00:08:11,800
On ne peut plus opposer un procès civil

102
00:08:12,040 --> 00:08:15,300
qui serait accusatoire
et où les parties conduiraient l’instance,

103
00:08:15,740 --> 00:08:19,520
et un procès administratif
qui serait nécessairement inquisitorial

104
00:08:19,900 --> 00:08:23,740
et au cours duquel
seul le juge aurait la maîtrise du procès.

105
00:08:25,100 --> 00:08:26,400
Je le cite explicitement :

106
00:08:26,800 --> 00:08:31,380
"On peut douter de la convenance
des expressions procédure inquisitoriale

107
00:08:31,440 --> 00:08:34,560
et surtout procédure accusatoire.

108
00:08:35,370 --> 00:08:37,120
Elles sont cependant, ces matières,

109
00:08:37,400 --> 00:08:41,000
trop usuelles et commodes
pour qu’on renonce à les y utiliser",

110
00:08:41,340 --> 00:08:45,290
ce qui explique pourquoi aujourd’hui encore,
on y recourt régulièrement.

111
00:08:47,130 --> 00:08:52,920
La procédure civile rejoint donc,
par ces réformes des années 70,

112
00:08:53,780 --> 00:08:59,160
le procès administratif
et l’office du juge administratif.

113
00:09:01,660 --> 00:09:11,280
À bien des égards, le fondement de l’office du juge
est commun au procès civil et administratif

114
00:09:11,520 --> 00:09:13,540
puisque dans l’un et l’autre cas,

115
00:09:13,900 --> 00:09:19,740
l’objectif du juge, l’objet de son office
est de parvenir, dans les meilleurs délais,

116
00:09:19,900 --> 00:09:25,260
à la solution la plus juste
au regard du droit objectivement applicable

117
00:09:25,320 --> 00:09:28,860
et conformément aux exigences
de l’intérêt général.

118
00:09:30,990 --> 00:09:34,680
L’idée de ces deux exemples,
la raison pour laquelle je vous les soumets,

119
00:09:34,980 --> 00:09:39,240
est qu’il est essentiel de comprendre
que la comparaison

120
00:09:39,480 --> 00:09:41,940
n’est nullement la source d’une négation.

121
00:09:42,540 --> 00:09:47,310
Nul ne nie la spécificité
du procès administratif ou du procès civil.

122
00:09:47,760 --> 00:09:52,500
Nul ne prétend que les procédures suivies
devant les juges administratifs

123
00:09:52,600 --> 00:09:56,430
et judiciaires
seraient parfaitement identiques.

124
00:09:57,120 --> 00:10:02,880
Plus modestement, ce que le droit
comparé des procès permet de dresser,

125
00:10:03,590 --> 00:10:06,060
c’est le constat que la différence

126
00:10:06,720 --> 00:10:09,760
entre le procès administratif
et le procès civil

127
00:10:10,180 --> 00:10:16,590
se situe davantage sur le plan des modalités
que sur le plan des principes.

128
00:10:17,640 --> 00:10:19,460
Ainsi, par exemple,

129
00:10:19,760 --> 00:10:25,340
nous le verrons tant en droit du procès
administratif qu’en droit du procès civil,

130
00:10:25,920 --> 00:10:31,980
le juge doit respecter et faire respecter
le principe de la contradiction.

131
00:10:32,280 --> 00:10:34,980
Ce principe est donc commun
aux deux procès.

132
00:10:35,460 --> 00:10:39,210
En revanche, sur le plan des modalités
concrètes et techniques,

133
00:10:39,560 --> 00:10:42,780
nous observerons
des différences dans la manière

134
00:10:43,060 --> 00:10:46,820
dont le juge et les parties
exercent leurs offices.

135
00:10:48,390 --> 00:10:53,100
L’évolution du droit positif
a vivement encouragé

136
00:10:53,320 --> 00:10:55,850
le développement d’une méthode processualiste.

137
00:10:56,700 --> 00:11:03,720
Plus encore, l’évolution du droit positif,
au cours de la seconde moitié du 20e siècle,

138
00:11:03,980 --> 00:11:08,960
incite à ne point se limiter
à une comparaison entre le procès

139
00:11:09,240 --> 00:11:16,020
et incite ainsi à se livrer à l’élaboration
d’une véritable théorie du procès.