1 00:00:05,800 --> 00:00:09,488 Partie 1 : l’action en justice. 2 00:00:10,440 --> 00:00:16,355 Dans la chronologie du procès, l’action en justice correspond à un moment précis, 3 00:00:17,000 --> 00:00:22,440 celui où le requérant saisit le juge et lui demande de trancher le litige. 4 00:00:23,280 --> 00:00:27,111 L’action en justice est une notion fondamentale du droit processuel, 5 00:00:27,510 --> 00:00:33,066 dans la mesure où elle structure la compréhension du déclenchement du procès. 6 00:00:34,533 --> 00:00:36,644 À la fin du 19e siècle, 7 00:00:36,710 --> 00:00:42,555 c’est grâce à la doctrine publiciste qu’une nouvelle vision de l’action en justice 8 00:00:42,777 --> 00:00:43,911 s’est développée. 9 00:00:44,733 --> 00:00:46,088 Jusqu’à cette époque, 10 00:00:46,422 --> 00:00:50,111 on confondait le plus souvent le droit subjectif 11 00:00:50,222 --> 00:00:53,111 dont le plaideur cherchait à obtenir la reconnaissance, 12 00:00:53,511 --> 00:00:58,488 et l’action en justice qu’il mettait en œuvre pour obtenir cette reconnaissance. 13 00:00:59,010 --> 00:01:03,222 Ainsi, l’action en justice était souvent présentée, 14 00:01:03,800 --> 00:01:08,377 pour reprendre une expression célèbre, comme le droit mis en mouvement, 15 00:01:08,640 --> 00:01:12,800 c’est-à-dire le droit à l’état d’action au lieu d’être à l’état de repos, 16 00:01:13,088 --> 00:01:16,333 le droit à l’état de guerre au lieu d’être à l’état de paix, 17 00:01:16,620 --> 00:01:20,400 pour reprendre la formule de Demolombe. 18 00:01:22,070 --> 00:01:25,850 Dans cette perspective, jusqu’à la fin du 19e siècle, 19 00:01:26,150 --> 00:01:30,155 l’action en justice crée le droit substantiel 20 00:01:30,170 --> 00:01:36,066 et s’identifie au droit substantiel qu’elle tend à protéger. 21 00:01:36,530 --> 00:01:39,590 Autrement dit, l’action en justice n’est qu’un accessoire, 22 00:01:39,830 --> 00:01:43,130 n’est qu’une facette de ce droit substantiel. 23 00:01:45,890 --> 00:01:50,990 Le renouveau de cette conception classique de l’action en justice 24 00:01:51,133 --> 00:01:55,850 est en grande partie due à l’influence exercée par la doctrine publiciste 25 00:01:56,000 --> 00:01:58,040 à partir de la fin du 19e siècle. 26 00:01:58,630 --> 00:02:02,644 Alors comment a-t-on procédé au renouvellement 27 00:02:02,880 --> 00:02:05,133 de cette vision de l’action en justice 28 00:02:05,222 --> 00:02:12,440 qui confond le droit subjectif et l’action en justice, qui permet de le protéger ? 29 00:02:13,850 --> 00:02:18,422 En premier lieu, la doctrine publiciste affirme 30 00:02:18,755 --> 00:02:22,644 que le recours pour excès de pouvoir est une action en justice. 31 00:02:23,450 --> 00:02:29,355 En effet, nous l’avons déjà vu, l’évolution remarquable du contentieux administratif 32 00:02:29,422 --> 00:02:32,622 depuis la seconde moitié du 19e siècle 33 00:02:33,044 --> 00:02:37,511 permet de considérer que le recours pour excès de pouvoir n’est plus un recours hiérarchique, 34 00:02:37,800 --> 00:02:39,890 n’est plus un recours administratif. 35 00:02:40,250 --> 00:02:42,410 Il s’agit bien d’un recours juridictionnel. 36 00:02:43,520 --> 00:02:48,000 En premier lieu, le recours pour excès de pouvoir est une action en justice. 37 00:02:48,800 --> 00:02:53,570 En second lieu, cette même doctrine publiciste de la fin du 19e siècle 38 00:02:54,170 --> 00:02:59,180 affirme le caractère objectif du recours pour excès de pouvoir, 39 00:02:59,910 --> 00:03:06,355 donc le litige soumis aux juges vise à garantir le respect de la légalité objective, 40 00:03:06,577 --> 00:03:11,444 sans porter sur la reconnaissance d’un droit subjectif au profit du requérant. 41 00:03:12,620 --> 00:03:14,533 Ainsi, ce courant doctrinal, 42 00:03:14,755 --> 00:03:19,755 essentiellement porté par des auteurs comme Duguit, Hauriou ou encore Jèze, 43 00:03:21,044 --> 00:03:25,866 opère un rapprochement entre deux idées a priori antithétiques, 44 00:03:26,266 --> 00:03:29,422 à savoir l’existence d’une action en justice 45 00:03:29,644 --> 00:03:34,044 et l’objectivité du litige soumis aux juges par cette voie de droit. 46 00:03:35,810 --> 00:03:38,155 Une fois ce rapprochement opéré, 47 00:03:38,844 --> 00:03:44,777 la doctrine publiciste va davantage s’intéresser à la classification de recours 48 00:03:45,022 --> 00:03:47,711 et aux éléments de singularité 49 00:03:48,044 --> 00:03:52,200 qui permettent d’insister sur l’exorbitance du contentieux administratif. 50 00:03:52,520 --> 00:03:57,666 La doctrine publiciste va donc ensuite délaisser l’étude de l’action en justice, 51 00:03:57,866 --> 00:04:01,533 mais le principal travail qu’elle va opérer, 52 00:04:01,733 --> 00:04:05,577 c’est dissocier l’action en justice du droit subjectif 53 00:04:05,866 --> 00:04:09,355 puisqu’il s’agit de démontrer qu’un recours objectif, 54 00:04:09,600 --> 00:04:14,240 comme le recours pour excès de pouvoir, est bien une action en justice. 55 00:04:16,650 --> 00:04:20,822 Au lendemain de la Libération et en réaction à la critique 56 00:04:20,977 --> 00:04:25,911 faite par les auteurs publicistes de la conception classique de l’action en justice, 57 00:04:26,511 --> 00:04:33,177 plusieurs auteurs civilistes vont proposer une théorie moderne de l’action en justice. 58 00:04:34,140 --> 00:04:39,555 Plusieurs auteurs civilistes vont prendre appui sur les travaux de la doctrine publiciste 59 00:04:39,933 --> 00:04:44,555 pour proposer une nouvelle théorie de l’action en justice. 60 00:04:44,933 --> 00:04:51,133 Ainsi, Savigny, Motulsky plus récemment, ou encore Vizioz, 61 00:04:51,270 --> 00:04:54,311 vont contester l’idée d’une symbiose 62 00:04:54,377 --> 00:04:59,790 entre l’action en justice et ledroit subjectif dont elle assure la réalisation. 63 00:05:00,720 --> 00:05:04,244 En isolant l’action en justice, 64 00:05:04,550 --> 00:05:07,111 la doctrine processualiste va s’inscrire 65 00:05:07,400 --> 00:05:10,750 dans le sillage des auteurs publicistes du début du 20e siècle. 66 00:05:13,070 --> 00:05:18,044 En réalité, la notion d’action en justice est toujours controversée. 67 00:05:18,810 --> 00:05:26,533 Aujourd’hui encore, des débats ont lieu sur la nature de l’action en justice. 68 00:05:27,950 --> 00:05:33,288 Pour autant, on s’accorde à considérer l’action en justice 69 00:05:33,311 --> 00:05:37,755 comme étant autonome du droit subjectif en litige, 70 00:05:38,022 --> 00:05:41,355 donc on peut s’accorder aujourd’hui à considérer 71 00:05:41,533 --> 00:05:47,244 que l’action en justice est un droit subjectif processuel, indépendant, 72 00:05:47,533 --> 00:05:52,333 émancipé du droit subjectif substantiel au cœur du litige. 73 00:05:53,580 --> 00:05:55,688 Cette conception de l’action en justice 74 00:05:55,955 --> 00:06:00,430 est consacrée à l’article 30 du Code de procédure civile. 75 00:06:01,950 --> 00:06:04,400 Pour paraphraser ce texte, 76 00:06:04,844 --> 00:06:08,911 je vous propose de retenir la définition suivante de l’action en justice : 77 00:06:09,422 --> 00:06:13,666 "l’action en justice est un droit subjectif processuel. 78 00:06:14,022 --> 00:06:20,044 C’est le droit d’obtenir du juge une décision sur le fond de sa prétention". 79 00:06:21,800 --> 00:06:24,666 Plusieurs auteurs publicistes se sont interrogés 80 00:06:24,888 --> 00:06:30,466 sur l’opportunité de transposer cette conception de l’action en justice 81 00:06:30,822 --> 00:06:33,111 en droit du procès administratif. 82 00:06:34,730 --> 00:06:39,200 Le principal auteur en la matière est le Professeur Broyelle 83 00:06:39,466 --> 00:06:44,222 qui procède à une telle transposition dans son manuel de contentieux administratif. 84 00:06:45,820 --> 00:06:51,044 Au fond, je pense qu’une telle transposition de la notion de l’action en justice 85 00:06:51,088 --> 00:06:54,670 est non seulement possible, mais au-delà souhaitable. 86 00:06:55,870 --> 00:07:03,511 Je vais donc tenter de vous exposer les conditions d’existence 87 00:07:03,711 --> 00:07:09,022 et d’exercice d’une action en justice en droit du procès administratif. 88 00:07:09,460 --> 00:07:13,450 En effet, il convient de bien distinguer les conditions d’existence 89 00:07:13,533 --> 00:07:19,400 et les conditions d’exercice de ce droit de soumettre au juge le bien-fondé d’une prétention. 90 00:07:20,500 --> 00:07:23,311 Tandis que les conditions d’existence 91 00:07:23,622 --> 00:07:30,010 visent à vérifier que l’auteur d’une demande est titulaire du droit d’agir en justice, 92 00:07:31,180 --> 00:07:39,444 les conditions d’exercice visent, quant à elles, à s’assurer de la régularité de cette demande. 93 00:07:40,150 --> 00:07:44,511 Voyons donc Section 1: les conditions d’existence de l’action en justice, 94 00:07:44,800 --> 00:07:48,955 Section 2 : les conditions d’exercice de l’action en justice. 95 00:07:49,960 --> 00:07:54,640 Section 1: les conditions d’existence de l’action en justice. 96 00:07:56,280 --> 00:07:58,177 En droit du procès administratif, 97 00:07:58,355 --> 00:08:02,844 les conditions d’existence d’une action en justice sont au nombre de deux. 98 00:08:03,900 --> 00:08:08,885 Si le droit d’agir en justice et le droit d’obtenir du juge 99 00:08:09,114 --> 00:08:12,060 une décision sur le bien-fondé d’une prétention, 100 00:08:12,400 --> 00:08:18,244 le juge doit s’assurer, au préalable, de la recevabilité de cette prétention. 101 00:08:19,110 --> 00:08:23,155 Deux conditions permettent de vérifier cette recevabilité 102 00:08:23,511 --> 00:08:26,844 d’une prétention formulée devant le juge. 103 00:08:28,230 --> 00:08:33,955 D’une part, une action en justice suppose l’existence d’une prétention. 104 00:08:34,730 --> 00:08:36,688 En droit du procès administratif, 105 00:08:36,955 --> 00:08:43,110 cette condition se matérialise par l’exigence d’une décision préalable. 106 00:08:44,070 --> 00:08:46,177 D’autre part, seconde condition, 107 00:08:46,666 --> 00:08:51,755 seule une personne physique ou morale qui retire un profit 108 00:08:52,044 --> 00:08:56,200 ou un avantage de la formulation d’une prétention 109 00:08:56,533 --> 00:09:00,911 peut être considérée comme titulaire d’une action en justice. 110 00:09:01,350 --> 00:09:07,577 C’est ce qui correspond, en droit du procès administratif, à l’exigence d’un intérêt à agir. 111 00:09:08,340 --> 00:09:12,933 Dès lors, il convient d’étudier la règle de la décision préalable, 112 00:09:13,140 --> 00:09:16,880 première condition d’existence d’une action en justice, 113 00:09:17,340 --> 00:09:23,422 puis celle de l’intérêt à agir, seconde condition de l’existence d’une action en justice. 114 00:09:23,880 --> 00:09:26,533 Paragraphe 1 : la décision préalable, 115 00:09:26,622 --> 00:09:29,244 première condition d’existence d’une action en justice. 116 00:09:29,755 --> 00:09:32,288 Paragraphe 2 : l’intérêt à agir, 117 00:09:32,400 --> 00:09:36,110 seconde condition d’existence d’une action en justice.