1 00:00:05,100 --> 00:00:08,460 Maintenant que nous avons vu les pouvoirs de l’administration, 2 00:00:08,660 --> 00:00:11,740 voyons non pas les pouvoirs, mais les droits du cocontractant. 3 00:00:12,700 --> 00:00:16,780 En effet, le cocontractant a droit à l’exécution du contrat, 4 00:00:16,980 --> 00:00:21,560 mais il n’a pas de pouvoir comme l’administration pour la forcer 5 00:00:21,760 --> 00:00:27,640 à se conformer aux stipulations 6 00:00:27,840 --> 00:00:28,600 du contrat. 7 00:00:29,660 --> 00:00:35,880 Le régime de l’exécution du contrat administratif est inégalitaire. 8 00:00:37,160 --> 00:00:40,120 Cependant, le cocontractant a des droits. 9 00:00:41,220 --> 00:00:45,760 Il a un droit à l’exécution du contrat, je vais vous en parler dans un 10 00:00:45,960 --> 00:00:49,300 premier temps, pour ensuite vous parler d’un second droit qui est 11 00:00:49,500 --> 00:00:53,560 très important pour le cocontractant de l’administration, le droit au 12 00:00:53,760 --> 00:00:56,360 maintien de l’équilibre financier du contrat. 13 00:00:57,660 --> 00:01:01,460 Premièrement, voyons le droit à l’exécution du contrat. 14 00:01:02,960 --> 00:01:06,300 Le cocontractant de l’administration a évidemment le droit à ce que 15 00:01:06,500 --> 00:01:11,700 l’administration s’exécute et s’exécute correctement, en temps et en heure. 16 00:01:12,080 --> 00:01:16,140 Le contrat est obligatoire pour le cocontractant aussi bien que 17 00:01:16,340 --> 00:01:17,160 pour l’administration. 18 00:01:18,580 --> 00:01:23,400 Les contrats administratifs prévoient souvent des indemnités qui sont 19 00:01:23,600 --> 00:01:26,520 dues en cas d’inexécution de la part de l’administration. 20 00:01:26,980 --> 00:01:32,560 Dans ces cas-là, des clauses peuvent simplement être actionnées par 21 00:01:32,760 --> 00:01:33,960 le cocontractant de l’administration. 22 00:01:34,460 --> 00:01:37,040 S’il n’y a pas de clause dans le contrat, quoi qu’il arrive, 23 00:01:37,240 --> 00:01:40,580 le cocontractant a toujours la possibilité de saisir le juge, 24 00:01:40,780 --> 00:01:48,180 donc saisine du juge dans laquelle le cocontractant demande le versement 25 00:01:48,380 --> 00:01:53,160 d’indemnités en raison du retard de l’administration. 26 00:01:54,120 --> 00:01:57,800 Cependant, contrairement à l’administration, le cocontractant 27 00:01:58,000 --> 00:02:03,640 n’a pas de pouvoir lui permettant de s’assurer qu’elle respecte ses 28 00:02:03,840 --> 00:02:04,600 obligations. 29 00:02:04,800 --> 00:02:09,620 En particulier, et contrairement à l’administration, le cocontractant 30 00:02:09,820 --> 00:02:14,720 n’a pas le droit de s’abstenir d’exécuter le contrat en raison 31 00:02:14,920 --> 00:02:17,860 de l’inexécution de l’administration. 32 00:02:18,860 --> 00:02:21,680 On appelle cela l’exception d’inexécution. 33 00:02:23,020 --> 00:02:26,060 En matière administrative, c’est-à-dire dans le cadre des 34 00:02:26,260 --> 00:02:29,540 contrats administratifs, le cocontractant de l’administration 35 00:02:29,740 --> 00:02:33,340 n’a pas le droit de faire valoir cette exception d’inexécution. 36 00:02:34,200 --> 00:02:38,820 Il ne peut pas s’abstenir de respecter le contrat parce que l’administration 37 00:02:39,020 --> 00:02:41,380 ne respecte pas le contrat elle-même. 38 00:02:42,780 --> 00:02:47,960 Tout de même, l’exception d’inexécution a été admise par le juge administratif, 39 00:02:48,500 --> 00:02:51,680 mais elle a été admise dans des conditions telles que, 40 00:02:51,880 --> 00:02:55,500 très concrètement, cette exception d’inexécution n’existe pas. 41 00:02:56,040 --> 00:02:56,800 Voyons ça. 42 00:02:57,000 --> 00:03:02,720 Cela découle d’un arrêt du Conseil d’État du 8 octobre 2014, 43 00:03:03,240 --> 00:03:04,900 société Grenke location. 44 00:03:05,940 --> 00:03:10,540 Dans cette décision, le Conseil d’État a jugé que le 45 00:03:10,740 --> 00:03:15,600 cocontractant de l’administration ne peut pas faire valoir l’inexécution 46 00:03:15,800 --> 00:03:20,660 du contrat de l’administration pour s’exonérer lui-même de ses 47 00:03:20,860 --> 00:03:26,580 obligations, sauf si, première condition, le contrat 48 00:03:26,780 --> 00:03:30,440 prévoit cette faculté pour le cocontractant, c’est-à-dire prévoit 49 00:03:30,640 --> 00:03:34,020 la faculté de ne pas l’exécuter si l’administration ne l’exécute pas. 50 00:03:34,340 --> 00:03:36,520 Première condition, une clause doit le prévoir. 51 00:03:37,040 --> 00:03:41,940 Deuxième condition, le contrat ne doit pas porter sur l’exécution 52 00:03:42,140 --> 00:03:43,020 même d’un service public. 53 00:03:43,220 --> 00:03:46,520 Par exemple, il ne doit pas s’agir d’une concession de service public. 54 00:03:46,720 --> 00:03:47,480 Pourquoi ? 55 00:03:47,680 --> 00:03:52,620 Parce que si on permet au cocontractant de l’administration de ne pas respecter 56 00:03:52,820 --> 00:03:58,180 le contrat, cela signifie qu’il va y avoir atteinte à la continuité 57 00:03:58,380 --> 00:03:59,140 du service public. 58 00:03:59,340 --> 00:04:02,500 Et vous le savez, la continuité du service public est un principe 59 00:04:02,700 --> 00:04:04,080 de valeur constitutionnelle. 60 00:04:05,640 --> 00:04:08,240 Je répète, premièrement, il faut qu’une clause le prévoie. 61 00:04:08,560 --> 00:04:11,760 Deuxièmement, il ne faut pas que le contrat porte sur l’exécution 62 00:04:11,960 --> 00:04:14,260 d’une mission de service public, ce qui enlève un grand nombre de 63 00:04:14,460 --> 00:04:15,220 contrats. 64 00:04:16,100 --> 00:04:19,540 Troisièmement, l’administration peut s’opposer à ce que le 65 00:04:19,740 --> 00:04:22,080 cocontractant ne s’exécute pas. 66 00:04:23,140 --> 00:04:31,120 Cela peut paraître particulièrement restrictif puisque l’administration 67 00:04:31,320 --> 00:04:36,260 va toujours dire que le cocontractant ne doit pas s’abstenir de respecter 68 00:04:36,460 --> 00:04:38,920 le contrat, même si elle ne l’exécute pas. 69 00:04:39,360 --> 00:04:42,880 Il y a tout de même une condition à cela, l’administration doit faire 70 00:04:43,080 --> 00:04:49,340 valoir un motif d’intérêt général pour refuser que le cocontractant 71 00:04:49,540 --> 00:04:50,840 ne s’exécute pas. 72 00:04:52,220 --> 00:04:55,740 Trois aspects, une clause doit le prévoir, cela ne doit pas porter 73 00:04:55,940 --> 00:04:57,400 sur l’exécution du service public. 74 00:04:57,760 --> 00:05:00,800 Troisièmement, il faut que l’administration ne s’y oppose 75 00:05:01,000 --> 00:05:05,280 pas pour un motif d’intérêt général, ce qui fait tellement de restrictions 76 00:05:05,480 --> 00:05:09,760 que dans les faits, le cocontractant de l’administration ne bénéficie 77 00:05:09,960 --> 00:05:11,740 pas de l’exception d’inexécution. 78 00:05:14,940 --> 00:05:18,380 Si je récapitule tout cela, le cocontractant de l’administration 79 00:05:18,580 --> 00:05:23,020 a le droit à ce que l’administration exécute le contrat, mais pour faire 80 00:05:23,220 --> 00:05:26,700 valoir ce droit, le cocontractant doit aller devant le juge pour 81 00:05:26,900 --> 00:05:27,660 l’essentiel. 82 00:05:27,860 --> 00:05:36,000 C’est tout le désavantage qu’il 83 00:05:36,200 --> 00:05:43,860 y a à la situation de cocontractant de l’administration, c’est-à-dire 84 00:05:44,060 --> 00:05:47,480 que le cocontractant se trouve dans une situation qui est profondément 85 00:05:47,680 --> 00:05:48,540 inégalitaire. 86 00:05:50,000 --> 00:05:57,060 Tout de même, b, le cocontractant bénéficie d’un droit au maintien 87 00:05:57,260 --> 00:05:59,540 de l’équilibre financier du contrat. 88 00:06:02,200 --> 00:06:06,800 En effet, les droits du cocontractant de l’administration sont financiers. 89 00:06:07,000 --> 00:06:10,800 Le cocontractant a le droit au maintien de cet équilibre financier 90 00:06:11,000 --> 00:06:15,600 qu’il a trouvé avec l’administration au moment de la signature de leur 91 00:06:15,800 --> 00:06:16,560 contrat. 92 00:06:17,060 --> 00:06:22,800 Des événements peuvent compliquer l’exécution d’un contrat administratif 93 00:06:23,000 --> 00:06:27,040 et lorsqu’il y a un aléa, c’est-à-dire lorsqu’il y a une 94 00:06:27,240 --> 00:06:31,420 difficulté pour exécuter le contrat, le cocontractant de l’administration 95 00:06:31,620 --> 00:06:38,840 peut invoquer ce droit au maintien de l’équilibre financier du contrat. 96 00:06:41,920 --> 00:06:44,060 Voyons ces différents aléas. 97 00:06:44,700 --> 00:06:48,100 Le premier aléa possible donne lieu à ce que l’on appelle 98 00:06:48,300 --> 00:06:49,940 l’imprévision. 99 00:06:50,240 --> 00:06:55,700 Cette notion remonte à un arrêt ancien, un arrêt Compagnie générale d’éclairage 100 00:06:55,900 --> 00:07:00,300 de Bordeaux, très célèbre, qui a été rendu par le Conseil 101 00:07:00,500 --> 00:07:02,480 d’État le 30 mars 1916. 102 00:07:03,340 --> 00:07:06,360 Dans cette affaire, la Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux 103 00:07:06,560 --> 00:07:11,020 était concessionnaire du service public de l’éclairage dans la commune. 104 00:07:11,220 --> 00:07:16,760 À l’époque, le gaz d’éclairage était produit à partir de la houille, 105 00:07:17,280 --> 00:07:18,400 une sorte de charbon. 106 00:07:19,200 --> 00:07:20,700 On parlait de gaz de houille. 107 00:07:20,900 --> 00:07:25,180 On obtenait ce gaz à partir d’une transformation de la houille. 108 00:07:26,380 --> 00:07:29,180 Pendant la guerre, la Première Guerre mondiale, vous vous doutez bien, 109 00:07:29,840 --> 00:07:33,560 à cause de l’occupation des régions qui étaient productrices de charbon 110 00:07:33,760 --> 00:07:38,720 et du fait des difficultés de transport par la mer, le prix du charbon 111 00:07:38,920 --> 00:07:40,000 s’envole. 112 00:07:40,220 --> 00:07:44,780 Cette augmentation affecte directement l’activité de la Compagnie générale 113 00:07:44,980 --> 00:07:48,420 d’éclairage de Bordeaux qui demande alors au juge de condamner la ville 114 00:07:48,620 --> 00:07:54,740 à compenser les pertes que l’augmentation du prix du charbon 115 00:07:54,940 --> 00:07:56,380 entraîne pour elle. 116 00:07:58,220 --> 00:08:03,120 Et justement, la Compagnie demande à la ville de Bordeaux de l’indemniser 117 00:08:03,320 --> 00:08:07,320 pour les pertes afin de pouvoir continuer à exécuter le contrat. 118 00:08:08,260 --> 00:08:11,680 Dans son arrêt, le Conseil d’État juge qu’en principe, 119 00:08:12,360 --> 00:08:15,180 le contrat doit s’exécuter tel qu’il a été signé. 120 00:08:15,380 --> 00:08:20,720 D’ailleurs, c’est un peu le principe qui prévaut en matière civile. 121 00:08:21,500 --> 00:08:25,720 Le contrat doit s’exécuter tel qu’il a été signé. 122 00:08:26,700 --> 00:08:31,300 Normalement, les variations de prix des matières premières doivent 123 00:08:31,500 --> 00:08:32,680 être anticipées par les parties. 124 00:08:32,960 --> 00:08:36,240 Autrement dit, en principe, le cocontractant de l’administration 125 00:08:36,440 --> 00:08:41,060 n’a pas le droit à une indemnisation pour la variation des prix du marché. 126 00:08:41,700 --> 00:08:44,480 Mais le juge ajoute tout de même la chose suivante. 127 00:08:44,680 --> 00:08:48,320 C’est un peu long, mais je vais lire : "La hausse survenue au cours de 128 00:08:48,520 --> 00:08:52,020 la guerre actuelle dans le prix du charbon" – qui est la matière 129 00:08:52,220 --> 00:08:56,300 première de la fabrication du gaz – "s’est trouvé atteindre une 130 00:08:56,500 --> 00:09:00,420 proportion telle que non seulement elle a un caractère exceptionnel 131 00:09:00,620 --> 00:09:04,500 dans le sens habituellement donné à ce terme, mais qu’elle entraîne, 132 00:09:04,700 --> 00:09:07,960 dans le coût de la fabrication du gaz, une augmentation qui, 133 00:09:08,360 --> 00:09:12,080 dans une mesure déjouant tous les calculs" – c’est le caractère 134 00:09:12,280 --> 00:09:19,740 imprévisible de l’imprévision, comme le nom l’indique – "augmentation 135 00:09:19,940 --> 00:09:24,860 qui dépasse certainement les limites extrêmes des majorations ayant 136 00:09:25,060 --> 00:09:28,280 pu être envisagées par les partis lors de la passation du contrat 137 00:09:28,480 --> 00:09:29,240 de concession". 138 00:09:29,440 --> 00:09:33,420 En l’espèce, il y avait eu un véritable bouleversement de l’économie du 139 00:09:33,620 --> 00:09:38,260 contrat, bouleversement de l’économie du contrat qui découlait d’un événement 140 00:09:38,460 --> 00:09:41,500 imprévisible, non seulement la guerre mais en plus de cela, 141 00:09:41,700 --> 00:09:46,180 des prix absolument stratosphériques. 142 00:09:46,600 --> 00:09:48,600 Quelles sont les conditions d’application de l’imprévision ? 143 00:09:50,300 --> 00:09:53,720 Vous les entrevoyez déjà par rapport à ce que je viens de dire. 144 00:09:54,180 --> 00:09:57,620 Premièrement, il faut qu’il y ait un événement extérieur aux parties. 145 00:09:58,740 --> 00:10:02,820 Comme la force majeure, l’imprévision repose d’abord sur 146 00:10:03,020 --> 00:10:04,630 le caractère extérieur. 147 00:10:04,830 --> 00:10:08,920 L’exécution est rendue plus onéreuse par un phénomène naturel, 148 00:10:09,120 --> 00:10:12,280 en raison de circonstances économiques, en raison de la guerre, 149 00:10:12,520 --> 00:10:13,280 etc. 150 00:10:13,980 --> 00:10:17,740 Deuxième condition, l’événement doit être imprévisible, 151 00:10:18,040 --> 00:10:20,940 c’est justement le nom de l’imprévision, c’est-à-dire que 152 00:10:21,140 --> 00:10:24,760 les parties n’ont pas pu envisager, au moment de la conclusion du contrat, 153 00:10:24,960 --> 00:10:29,880 que cet événement allait se produire et que cet événement allait bouleverser 154 00:10:30,080 --> 00:10:30,980 l’économie du contrat. 155 00:10:32,760 --> 00:10:37,020 Enfin, troisième condition, l’événement ne doit pas être 156 00:10:37,220 --> 00:10:41,560 irrésistible, c’est toute la différence qu’il y a entre l’imprévision d’un 157 00:10:41,760 --> 00:10:44,400 côté et la force majeure de l’autre. 158 00:10:44,760 --> 00:10:50,340 Si l’événement est irrésistible, le cocontractant ne peut pas exécuter 159 00:10:50,540 --> 00:10:56,120 le contrat, il y a force majeure, il y a donc une exécution justifiée. 160 00:10:56,840 --> 00:11:00,780 Lorsqu’il y a imprévision, donc événement extérieur et 161 00:11:00,980 --> 00:11:04,220 imprévisible, et bouleversement de l’économie du contrat, 162 00:11:05,260 --> 00:11:10,520 l’exécution du contrat peut continuer et doit donc continuer. 163 00:11:11,020 --> 00:11:15,500 Le cocontractant de l’administration doit continuer d’exécuter le contrat, 164 00:11:15,700 --> 00:11:20,760 mais puisque l’exécution est devenue très compliquée pour le cocontractant, 165 00:11:21,200 --> 00:11:26,080 donc beaucoup plus onéreuse pour le cocontractant, l’administration 166 00:11:26,280 --> 00:11:29,380 doit verser une compensation à son cocontractant. 167 00:11:30,060 --> 00:11:32,880 L’administration doit verser des indemnités. 168 00:11:34,000 --> 00:11:37,780 L’exécution du contrat n’est pas impossible, mais l’économie du 169 00:11:37,980 --> 00:11:42,600 contrat est bouleversée, on va donc rétablir l’économie 170 00:11:42,800 --> 00:11:48,160 du contrat sur une nouvelle base, l’administration verse des indemnités 171 00:11:48,360 --> 00:11:49,280 au cocontractant. 172 00:11:49,840 --> 00:11:53,520 La différence entre l’imprévision et la force majeure, 173 00:11:53,720 --> 00:11:58,740 vous l’avez comprise, découle de ce caractère irrésistible 174 00:11:58,940 --> 00:12:02,300 de la force majeure et non irrésistible de l’imprévision. 175 00:12:02,520 --> 00:12:06,220 En outre, cela entraîne une différence de régime. 176 00:12:06,620 --> 00:12:13,920 L’imprévision entraîne une obligation 177 00:12:14,120 --> 00:12:17,480 pour l’administration qui est d’indemniser son cocontractant, 178 00:12:17,680 --> 00:12:19,920 ce qui n’est pas le cas de la force majeure. 179 00:12:20,260 --> 00:12:23,160 Lorsqu’il y a force majeure, l’administration ne verse rien 180 00:12:23,360 --> 00:12:27,100 à son cocontractant, le cocontractant ne s’exécute pas, donc l’administration 181 00:12:27,300 --> 00:12:28,700 n’a rien à lui verser. 182 00:12:28,940 --> 00:12:32,840 S’il y a imprévision en revanche, l’administration doit compenser 183 00:12:33,040 --> 00:12:37,940 le fait que le cocontractant s’exécute toujours dans des conditions qui 184 00:12:38,140 --> 00:12:40,000 sont beaucoup plus difficiles. 185 00:12:40,680 --> 00:12:48,580 L’imprévision tient non seulement à la préservation de la continuité 186 00:12:48,780 --> 00:12:53,380 du service public, le cocontractant bénéficie d’une indemnité pour 187 00:12:53,580 --> 00:12:58,240 continuer à s’exécuter, donc pour assurer la continuité 188 00:12:58,440 --> 00:12:59,900 du service public dont il a la charge. 189 00:13:00,220 --> 00:13:05,340 Mais en plus de ça, en dehors même de cette idée très pragmatique 190 00:13:05,540 --> 00:13:08,220 qui est celle de la poursuite de l’exécution du contrat, 191 00:13:08,840 --> 00:13:12,840 il y a aussi une vision solidariste des relations contractuelles, 192 00:13:13,040 --> 00:13:17,020 c’est-à-dire une question d’éthique du rapport contractuel. 193 00:13:17,840 --> 00:13:23,360 L’administration et son cocontractant ont déterminé un équilibre entre 194 00:13:23,560 --> 00:13:27,260 leurs obligations respectives. 195 00:13:27,460 --> 00:13:32,640 S’il y a un déséquilibre à un moment, il faut que l’équilibre soit retrouvé 196 00:13:32,840 --> 00:13:35,820 par le versement provisoire d’une indemnité. 197 00:13:36,140 --> 00:13:39,580 Justement, j’en viens à un autre caractère de l’imprévision, 198 00:13:40,380 --> 00:13:43,660 c’est que celle-ci a un caractère provisoire, un caractère temporaire. 199 00:13:44,280 --> 00:13:49,680 L’administration n’a pas vocation à compenser ad vitam eternam le 200 00:13:49,880 --> 00:13:53,680 renchérissement des opérations que subit le cocontractant. 201 00:13:54,920 --> 00:14:00,400 Si le bouleversement de l’économie du contrat se prolonge, 202 00:14:01,640 --> 00:14:06,660 alors la cause d’imprévision devient irrésistible, donc l’imprévision 203 00:14:06,860 --> 00:14:09,300 devient un cas de force majeure. 204 00:14:09,560 --> 00:14:13,420 Mais cela devient un cas de force majeure particulier puisque l’on 205 00:14:13,620 --> 00:14:17,840 parle de force majeure administrative, c’est une qualification spécifique 206 00:14:18,040 --> 00:14:22,320 qui découle d’une jurisprudence ancienne, Compagnie des tramways 207 00:14:22,520 --> 00:14:24,960 de Cherbourg de 1932. 208 00:14:25,640 --> 00:14:28,300 Lorsqu’il y a force majeure administrative, c’est-à-dire 209 00:14:28,500 --> 00:14:33,260 imprévision qui devient définitive, le contrat doit être résilié, 210 00:14:33,520 --> 00:14:37,460 les parties suppriment le contrat et l’administration passera un 211 00:14:37,660 --> 00:14:40,520 contrat dans d’autres conditions avec un autre cocontractant, 212 00:14:40,720 --> 00:14:43,900 ou avec le même d’ailleurs, si cela est envisageable. 213 00:14:44,600 --> 00:14:48,920 Le contrat disparaît si l’imprévision se transforme en force majeure. 214 00:14:49,400 --> 00:14:54,080 À côté de l’imprévision, il y a une autre théorie très classique 215 00:14:54,280 --> 00:14:58,720 sur laquelle je serais plus bref, c’est le fait du prince. 216 00:14:59,920 --> 00:15:04,200 À la différence de l’imprévision, le fait du prince résulte d’un 217 00:15:04,400 --> 00:15:07,840 comportement de l’administration, il n’est donc pas extérieur aux 218 00:15:08,040 --> 00:15:12,220 parties, il est imprévisible mais il n’est pas extérieur, 219 00:15:12,840 --> 00:15:21,340 c’est un acte de l’administration 220 00:15:21,540 --> 00:15:22,300 qui bouleverse les conditions d’exécution du contrat. 221 00:15:22,500 --> 00:15:24,140 De quel acte peut-il s’agir ? 222 00:15:24,340 --> 00:15:27,700 C’est un acte qui est pris par l’administration sur le fondement 223 00:15:27,900 --> 00:15:33,300 de ses prérogatives propres, acte qui rend plus difficile 224 00:15:33,500 --> 00:15:36,080 l’exécution du contrat pour son cocontractant. 225 00:15:36,660 --> 00:15:38,900 Cela peut être par exemple un acte de police. 226 00:15:40,040 --> 00:15:47,860 Imaginons que des travaux sont en cours, que les engins de travaux passent 227 00:15:48,060 --> 00:15:52,220 par tel chemin mais que l’administration, pour des raisons 228 00:15:52,420 --> 00:15:56,860 d’ordre public, prend une mesure de police administrative pour interdire 229 00:15:57,060 --> 00:16:03,660 la circulation sur le chemin que 230 00:16:03,860 --> 00:16:06,480 prenait l’entrepreneur de travaux publics. 231 00:16:07,420 --> 00:16:10,640 L’exécution des travaux devient plus compliquée. 232 00:16:11,300 --> 00:16:13,690 Si elles deviennent plus compliquées, les conditions des travaux, 233 00:16:14,250 --> 00:16:18,670 l’exécution du contrat devient plus onéreuse pour l’entrepreneur, 234 00:16:18,870 --> 00:16:21,950 celui-ci a donc le droit à une indemnité. 235 00:16:22,390 --> 00:16:27,530 C’est ce qu’entraîne ce fait du prince que l’on appelle aussi l’aléa 236 00:16:27,730 --> 00:16:28,510 administratif. 237 00:16:29,070 --> 00:16:33,550 Lorsqu’il y a aléa administratif ou fait du prince, l’administration 238 00:16:33,750 --> 00:16:41,350 doit compenser le renchérissement que son acte a provoqué sur les 239 00:16:41,550 --> 00:16:45,910 conditions d’exécution de son cocontractant, donc il y a indemnité 240 00:16:46,110 --> 00:16:50,190 versée sur le même modèle que celui de l’imprévision.