1 00:00:06,260 --> 00:00:11,760 Deuxième catégorie de personnes impliquées dans l'action de la 2 00:00:11,960 --> 00:00:15,380 police et de la justice et qui mérite protection, les victimes 3 00:00:15,580 --> 00:00:16,920 de crimes et délits. 4 00:00:17,540 --> 00:00:21,080 C'est le paragraphe 2 de cette première section sur la protection 5 00:00:21,280 --> 00:00:22,040 des personnes. 6 00:00:22,480 --> 00:00:24,460 Là, le droit… 7 00:00:25,140 --> 00:00:30,560 Je l'ai dit précédemment, mais je le redis, les dispositions 8 00:00:30,760 --> 00:00:35,040 qui pourraient protéger la sécurité des forces de l'ordre pourraient 9 00:00:35,240 --> 00:00:41,980 aussi s'appliquer, le cas échéant, aux victimes de crimes et délits. 10 00:00:42,380 --> 00:00:47,060 J'ai d'ailleurs évoqué l'article Samuel Paty juste en transition 11 00:00:47,260 --> 00:00:52,200 entre le paragraphe 1 sur les forces de l'ordre et le paragraphe 2. 12 00:00:52,480 --> 00:00:57,080 Plus précisément, en ce qui concerne les victimes, la législation comporte 13 00:00:57,280 --> 00:01:02,740 des dispositions qui visent à protéger l'identité et l'image de certaines 14 00:01:02,940 --> 00:01:08,420 victimes, essentiellement les mineurs, les victimes d'agressions sexuelles 15 00:01:08,620 --> 00:01:10,640 en raison de leur particulière vulnérabilité. 16 00:01:11,280 --> 00:01:15,360 Et puis, il y a des dispositions à la fois pénales et civiles qui 17 00:01:15,560 --> 00:01:17,700 protègent, B, la dignité des victimes. 18 00:01:19,520 --> 00:01:20,280 A. 19 00:01:20,480 --> 00:01:22,660 L'identité et l'image de certaines victimes. 20 00:01:23,300 --> 00:01:30,180 Je le disais, le droit s'efforce de protéger d'abord les mineurs 21 00:01:30,380 --> 00:01:32,220 victimes d'infractions. 22 00:01:33,240 --> 00:01:43,360 C'est un article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881 qui s'intéresse 23 00:01:43,560 --> 00:01:51,560 à cette question, en punissant la diffusion d'informations relatives 24 00:01:51,760 --> 00:01:56,820 à l'identité ou permettant l'identification des mineurs dans 25 00:01:57,020 --> 00:01:58,660 un certain nombre de circonstances. 26 00:01:59,220 --> 00:02:05,140 Le texte vise un mineur ayant quitté 27 00:02:05,340 --> 00:02:07,860 ses parents, un mineur délaissé, un mineur qui s'est suicidé, 28 00:02:08,260 --> 00:02:12,760 mais ce qui m'intéresse ici, c'est que l'article 39 bis punit 29 00:02:12,960 --> 00:02:17,040 de 15 000 euros d'amende la diffusion d'informations relatives à l'identité 30 00:02:17,240 --> 00:02:21,500 ou permettant l'identification d'un mineur victime d'une infraction. 31 00:02:23,640 --> 00:02:28,540 On considère qu'en raison de leur vulnérabilité particulière, 32 00:02:29,680 --> 00:02:32,200 ces mineurs méritent une protection particulière. 33 00:02:32,400 --> 00:02:40,780 Je signale que le deuxième alinéa de cet article 39 bis prévoit que 34 00:02:42,520 --> 00:02:47,920 cette règle ne s'applique pas lorsque la publication de ces informations, 35 00:02:48,220 --> 00:02:53,120 l'identité des mineurs concernée, est réalisée à la demande des personnes 36 00:02:53,320 --> 00:02:55,820 qui en ont la garde, le terme est un peu vieillot, 37 00:02:56,380 --> 00:03:01,800 les titulaires de l'autorité parentale ou éventuellement les autorités 38 00:03:02,000 --> 00:03:03,000 administratives ou judiciaires. 39 00:03:05,940 --> 00:03:10,900 L'article 39 bis interdit la diffusion d'informations, d'images, 40 00:03:11,100 --> 00:03:15,000 bien sûr, d'un mineur qui s'est suicidé, mais vous avez un certain 41 00:03:15,200 --> 00:03:18,540 nombre de parents, je pense à la mère de Marion Fraisse, 42 00:03:18,740 --> 00:03:22,420 qui s'est suicidée à la suite de harcèlement à l'âge de 13 ans, 43 00:03:22,820 --> 00:03:29,760 qui a non seulement écrit un ouvrage, mais également autorisé l'adaptation 44 00:03:29,960 --> 00:03:35,520 de cet ouvrage dans un téléfilm, et qui parcourt les collèges et 45 00:03:35,720 --> 00:03:37,400 lycées pour alerter sur le harcèlement. 46 00:03:37,680 --> 00:03:41,820 Évidemment, si les titulaires d'autorité parentale donnent leur 47 00:03:42,020 --> 00:03:44,960 autorisation, ces informations pourront être diffusées. 48 00:03:46,660 --> 00:03:48,740 Ça, c'est pour les mineurs victimes d'infraction. 49 00:03:48,940 --> 00:03:51,960 La deuxième catégorie particulière de victimes que le droit s'efforce 50 00:03:52,160 --> 00:03:59,040 de protéger, ce sont les victimes d'agressions ou d'atteintes sexuelles. 51 00:03:59,260 --> 00:04:03,180 Et cette fois, bienvenue dans la loi de 1881, c'est l'article 39 52 00:04:03,380 --> 00:04:09,140 quinquies de la loi de 1881 qui 53 00:04:09,340 --> 00:04:14,300 prévoit cette disposition. 54 00:04:14,920 --> 00:04:20,640 "L'article 39 quinquies interdit la diffusion", par tout moyen, 55 00:04:21,280 --> 00:04:26,680 quel que soit le support public, "de renseignements concernant 56 00:04:26,880 --> 00:04:30,340 l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelle 57 00:04:30,540 --> 00:04:33,440 ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable". 58 00:04:33,640 --> 00:04:34,400 Deux observations. 59 00:04:34,920 --> 00:04:39,300 D'abord, les deux dispositions se cumulent. 60 00:04:40,460 --> 00:04:45,160 A fortiori, un mineur victime d'une agression sexuelle, son identité 61 00:04:45,360 --> 00:04:47,840 ou son identification ne devrait pas être rendue possible. 62 00:04:48,840 --> 00:04:52,120 C'était il y a plus de 20 ans, mais je ne sais pas si vous avez 63 00:04:52,320 --> 00:04:59,100 entendu parler de l'affaire d'Outreau où un certain nombre de notables, 64 00:04:59,300 --> 00:05:02,220 comme on les avait appelés, avaient été mis en cause. 65 00:05:02,860 --> 00:05:06,500 Mais ce qui m'intéresse ici, c'est qu'il avait été dit que les 66 00:05:06,700 --> 00:05:10,620 enfants du couple untel avaient été victimes d'agressions sexuelles. 67 00:05:10,820 --> 00:05:15,320 L'identification de ces mineurs était évidemment rendue possible. 68 00:05:15,860 --> 00:05:19,040 L'affaire d'Outreau est un contre-exemple de respect des 69 00:05:19,240 --> 00:05:22,240 dispositions, à la fois juridiques et déontologiques, en matière de 70 00:05:22,440 --> 00:05:24,760 traitement de l'information policière et judiciaire. 71 00:05:24,960 --> 00:05:27,000 Je ne m'attarde pas davantage ici. 72 00:05:27,440 --> 00:05:30,440 La deuxième observation que je voulais faire, c'est une disposition 73 00:05:30,640 --> 00:05:34,580 qui n'est pas toujours respectée, mais la deuxième observation que 74 00:05:34,780 --> 00:05:38,980 je voulais faire, c'était que la jurisprudence récente, 75 00:05:39,860 --> 00:05:43,700 et c'est, je crois, sauf ailleurs de ma part, un arrêt de la chambre 76 00:05:43,900 --> 00:05:56,860 criminelle du 7 février 2023, considère que cette disposition 77 00:05:57,060 --> 00:06:02,540 s'applique à toute personne qui 78 00:06:02,740 --> 00:06:08,400 se prétend victime, quand bien même la réalité de l'agression 79 00:06:08,600 --> 00:06:10,660 dont elle a été victime n'a pas été prouvée. 80 00:06:13,560 --> 00:06:17,720 Sauf si, bien sûr, elle le dénonce dans les médias, comme c'est le 81 00:06:17,920 --> 00:06:24,320 cas depuis le mouvement #MeToo, mais on ne demande pas la preuve 82 00:06:24,520 --> 00:06:27,440 de l'agression ou de l'atteinte sexuelle subie. 83 00:06:27,680 --> 00:06:31,340 Toute personne qui se prétend victime a droit au respect de son anonymat 84 00:06:31,540 --> 00:06:32,500 et de son identité. 85 00:06:33,560 --> 00:06:38,440 Voilà ce que je voulais dire sur la protection de l'identité et 86 00:06:38,640 --> 00:06:41,280 de l'image de certaines victimes. 87 00:06:41,720 --> 00:06:44,260 Il va de soi que la déontologie, j'y reviendrai certainement l'année 88 00:06:44,460 --> 00:06:52,660 prochaine, prévoit des dispositions plus précises pour assurer la 89 00:06:52,860 --> 00:06:57,400 protection des victimes de crimes et délits. 90 00:06:58,340 --> 00:07:02,880 Deuxième point que je voulais aborder, B, la dignité des victimes. 91 00:07:04,320 --> 00:07:08,800 Et je vous disais, en introduction de ce paragraphe 2, que la dignité 92 00:07:09,000 --> 00:07:12,660 des victimes fait l'objet à la fois d'une protection pénale et 93 00:07:12,860 --> 00:07:14,860 d'une protection civile. 94 00:07:15,060 --> 00:07:21,620 Je redis que la protection pénale vise à mettre en jeu la responsabilité 95 00:07:21,820 --> 00:07:25,980 pénale des médias qui auraient commis certaines infractions. 96 00:07:26,900 --> 00:07:33,340 Parmi les infractions que je souhaite évoquer ici, il y en a deux, 97 00:07:36,040 --> 00:07:39,400 plus ou moins justifiées, mais je vais m'en expliquer. 98 00:07:40,500 --> 00:07:45,100 La première, c'est la disposition relative aux reproductions des 99 00:07:45,300 --> 00:07:50,860 circonstances d'un crime ou d'un délit qui figure à l'article 35 100 00:07:51,060 --> 00:07:53,020 quater de la loi de 1881. 101 00:07:54,020 --> 00:07:59,900 Et la seconde, qui relève du Code pénal, a trait à l'infraction dite 102 00:08:00,100 --> 00:08:02,200 de happy slapping ou vidéo-lynchage. 103 00:08:02,400 --> 00:08:03,560 J'y reviens après. 104 00:08:07,140 --> 00:08:11,480 La première disposition qui assure la protection pénale de la dignité 105 00:08:11,680 --> 00:08:16,460 des victimes, c'est donc l'article 35 quater de la loi de 1881, 106 00:08:18,540 --> 00:08:24,900 qui incrimine, je cite, "la diffusion, par quelque moyen 107 00:08:25,100 --> 00:08:30,440 et quel qu'en soit le support, de la reproduction des circonstances 108 00:08:30,640 --> 00:08:35,560 d'un crime ou d'un délit, lorsque cette reproduction porte 109 00:08:35,760 --> 00:08:40,380 gravement atteinte à la dignité d'une victime et qu'elle est réalisée 110 00:08:40,580 --> 00:08:42,100 sans l'accord de cette dernière". 111 00:08:44,520 --> 00:08:48,540 Il existait auparavant une disposition qui interdisait, de façon générale, 112 00:08:48,740 --> 00:08:52,560 la reproduction des circonstances d'un crime et délit, 113 00:08:52,760 --> 00:08:57,340 autrement dit des scènes de crime ou de délit, pour parler en langage 114 00:08:57,540 --> 00:08:58,320 courant. 115 00:08:59,120 --> 00:09:04,080 Cette disposition avait été jugée contraire au principe de liberté 116 00:09:04,280 --> 00:09:06,740 d'expression par la Cour européenne des droits de l'homme. 117 00:09:06,940 --> 00:09:10,960 Le législateur français donc l'a abrogée et a adopté cette nouvelle 118 00:09:11,160 --> 00:09:16,440 disposition qui, en gros, autorise la reproduction des 119 00:09:16,640 --> 00:09:19,720 circonstances de crime et délit, sauf si ça porte gravement atteinte 120 00:09:19,920 --> 00:09:21,680 à la dignité d'une victime. 121 00:09:22,240 --> 00:09:32,400 Le problème de cette disposition, c'est que la mise en œuvre de l'action 122 00:09:32,600 --> 00:09:36,760 publique, de l'action pénale, est réservée à la victime. 123 00:09:37,720 --> 00:09:44,140 Ce qui signifie qu'elle ne peut être utilisée que lorsque la victime 124 00:09:44,340 --> 00:09:45,100 n'est pas décédée. 125 00:09:46,360 --> 00:09:49,840 Lorsque la victime est décédée, on ne peut pas mettre en jeu cette 126 00:09:50,040 --> 00:09:51,280 protection pénale. 127 00:09:51,480 --> 00:09:53,240 Je m'en explique. 128 00:09:54,660 --> 00:09:59,360 D'abord, sur le fait que l'initiative de l'action n'appartient qu'à la 129 00:09:59,560 --> 00:10:11,120 victime, c'est prévu dans l'article 48, 8°, de la loi du 29 juillet 1881, 130 00:10:11,320 --> 00:10:14,060 qui nous dit : "Dans le cas d'atteinte à la dignité de la victime prévue 131 00:10:14,260 --> 00:10:16,820 à l'article 35 quater, la poursuite n'aura lieu que sur 132 00:10:17,020 --> 00:10:21,060 la plainte de la victime." C'est assez fâcheux parce que, 133 00:10:21,260 --> 00:10:30,580 je vous donne un exemple très concret, lors des attentats du Bataclan, 134 00:10:33,120 --> 00:10:37,980 un magazine, que je ne citerai pas pour ne pas lui faire une publicité 135 00:10:38,180 --> 00:10:42,640 indue, avait photographié une victime sous une couverture de survie. 136 00:10:42,980 --> 00:10:46,320 Pour sa défense, il pensait que c'était un rescapé, or il s'est 137 00:10:46,520 --> 00:10:49,580 avéré que ce jeune homme, en l'occurrence il s'appelait Cédric 138 00:10:49,780 --> 00:10:52,240 Gomet, était en réalité décédé. 139 00:10:52,640 --> 00:10:57,140 Sa famille a agi, a tenté une action pénale sur le fondement de l'article 140 00:10:57,340 --> 00:10:58,240 35 quater. 141 00:10:59,740 --> 00:11:05,100 Et par un jugement du 20 mai 2016, 142 00:11:05,620 --> 00:11:11,540 le Tribunal de grande instance de Paris a débouté la famille de 143 00:11:11,740 --> 00:11:14,940 Cédric Gomet en disant que la faculté de déposer une plainte sur le fondement 144 00:11:15,140 --> 00:11:19,780 de l'article 35 quater était réservée à une personne vivante, 145 00:11:20,060 --> 00:11:21,900 à la victime vivante. 146 00:11:22,560 --> 00:11:28,240 C'était une solution, je vais vous choquer, 147 00:11:28,520 --> 00:11:31,920 une solution justifiée en droit au regard de l'article 48, 148 00:11:32,120 --> 00:11:34,480 8°, en équité assez injuste. 149 00:11:35,780 --> 00:11:39,580 Ultérieurement, la famille de Cédric Gomet a agi au civil, 150 00:11:39,780 --> 00:11:43,740 devant la juridiction civile, pour obtenir des dommages et intérêts, 151 00:11:43,960 --> 00:11:49,320 autrement dit une réparation pécuniaire, de l'atteinte portée 152 00:11:49,520 --> 00:11:54,220 à l'image de leur fils, à leur famille, etc. 153 00:11:54,420 --> 00:11:56,240 Et ils ont obtenu satisfaction. 154 00:11:57,180 --> 00:11:58,660 Voilà la première disposition pénale. 155 00:11:58,860 --> 00:12:04,200 La seconde, c'est la disposition qui a été adoptée par le législateur 156 00:12:04,400 --> 00:12:08,820 en 2007, lorsque c'était assez à la mode, notamment parmi les jeunes, 157 00:12:09,460 --> 00:12:13,540 peut-être parce qu'ils étaient plus compétents que leurs aînés, 158 00:12:14,940 --> 00:12:18,280 de filmer avec leur téléphone portable des infractions en train de se 159 00:12:18,480 --> 00:12:20,960 commettre, et ensuite de mettre ça sur les réseaux sociaux, 160 00:12:22,120 --> 00:12:24,660 ce qui a été appelé happy slapping ou vidéo-lynchage. 161 00:12:26,160 --> 00:12:28,600 J'évoque cette disposition, ce n'est pas tout à fait approprié, 162 00:12:28,800 --> 00:12:31,940 puisqu'on va le voir, elle n'est pas applicable aux 163 00:12:32,140 --> 00:12:33,980 journalistes, en tout cas dans certaines conditions. 164 00:12:34,180 --> 00:12:39,120 La disposition elle-même, c'est l'article 222-33-3 du Code pénal, 165 00:12:40,920 --> 00:12:49,760 qui considère qu'une personne qui enregistre des images d'infraction 166 00:12:49,960 --> 00:12:54,680 en train de se commettre et qui a fortiori diffusent ces 167 00:12:54,880 --> 00:13:01,260 enregistrements peut être poursuivie comme complice des infractions 168 00:13:01,460 --> 00:13:02,220 commises. 169 00:13:02,420 --> 00:13:07,220 Il ne s'agit pas de toutes les infractions, il s'agit des infractions 170 00:13:07,420 --> 00:13:10,760 dont l'enregistrement, et à fortiori la publication des 171 00:13:10,960 --> 00:13:13,140 enregistrements, est incriminé. 172 00:13:13,400 --> 00:13:16,860 Ce sont les infractions de tortures et actes de barbarie, 173 00:13:17,220 --> 00:13:20,360 violences physiques, viols, agressions sexuelles et 174 00:13:20,560 --> 00:13:23,720 harcèlement sexuel, donc des infractions quand même graves. 175 00:13:25,180 --> 00:13:28,220 La personne qui enregistre ces infractions en train de se commettre, 176 00:13:28,420 --> 00:13:34,000 et à fortiori qui diffuse ces enregistrements peut être considérée 177 00:13:34,200 --> 00:13:37,180 comme complice de ces actes, de ces infractions de violences, 178 00:13:37,380 --> 00:13:38,140 viols, etc. 179 00:13:43,020 --> 00:13:48,500 Le but, c'est surtout d'éviter la diffusion, notamment dans les 180 00:13:48,700 --> 00:13:52,040 médias, d'images de violence, mais c'est un moyen aussi de protéger 181 00:13:52,240 --> 00:13:55,560 pénalement la dignité des victimes de ces infractions qui feraient 182 00:13:55,760 --> 00:13:57,480 l'objet d'enregistrement et de publication. 183 00:13:58,440 --> 00:14:02,420 Sauf que cette disposition n'est pas applicable aux médias. 184 00:14:02,620 --> 00:14:08,980 C'est un peu plus compliqué que ça, puisque l'alinéa 3 de l'article 185 00:14:09,180 --> 00:14:16,800 222-33-3 du Code pénal indique que cet article n'est pas applicable 186 00:14:17,740 --> 00:14:21,620 lorsque l'enregistrement ou la diffusion résulte de l'exercice 187 00:14:21,820 --> 00:14:26,460 normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public ou est 188 00:14:26,660 --> 00:14:28,760 réalisé afin de servir de preuve en justice. 189 00:14:29,000 --> 00:14:31,520 Je sors de mon sujet, mais c'est un moyen de vous dire 190 00:14:31,720 --> 00:14:36,120 que si vous êtes témoin d'infractions, de harcèlement, etc. 191 00:14:36,360 --> 00:14:42,740 J'entendais hier un message 192 00:14:42,940 --> 00:14:45,880 d'information dans le métro disant : si vous êtes victime de harcèlement 193 00:14:46,080 --> 00:14:49,040 sexuel dans les transports, etc., n'hésitez pas à sortir votre 194 00:14:49,240 --> 00:14:51,640 téléphone portable et à filmer, vous ne serez pas poursuivi pour 195 00:14:51,840 --> 00:14:56,880 happy slapping si l'objectif est de fournir l'enregistrement à la 196 00:14:57,080 --> 00:15:00,080 victime pour lui servir de preuve en justice." Ce n'est pas mon propos 197 00:15:00,280 --> 00:15:01,040 ici. 198 00:15:01,240 --> 00:15:05,320 Mon propos, c'est de dire que si l'enregistrement est réalisé par 199 00:15:05,520 --> 00:15:09,600 un journaliste dans l'exercice de ses fonctions,  puisque l'exercice 200 00:15:09,800 --> 00:15:12,160 normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, 201 00:15:12,360 --> 00:15:14,980 c'est le cas de la profession journalistique, il ne pourra pas 202 00:15:15,180 --> 00:15:18,240 être poursuivi pour happy slapping. 203 00:15:18,440 --> 00:15:25,200 La question avait fait débat pour un journaliste, Daniel Psenny, 204 00:15:25,400 --> 00:15:30,360 journaliste au Monde, qui s'était trouvé en train de 205 00:15:30,560 --> 00:15:35,000 dîner chez un ami en face de la sortie de secours du Bataclan et qui, 206 00:15:35,200 --> 00:15:37,300 réflexe journalistique, avait sorti son téléphone portable 207 00:15:37,500 --> 00:15:44,920 pour filmer la fuite des victimes. 208 00:15:46,220 --> 00:15:49,980 Certains avaient dit ce n'est pas très déontologique. 209 00:15:50,340 --> 00:15:51,780 Il se trouve que le journaliste en question, au départ, 210 00:15:51,980 --> 00:15:57,240 a réagi comme ça et réalisant ce qui se passait, il est allé dans 211 00:15:57,440 --> 00:16:05,700 l'arène, il a été lui-même blessé et donc les choses étaient clarifiées. 212 00:16:06,780 --> 00:16:11,960 La dignité des victimes fait également l'objet d'une protection civile. 213 00:16:12,160 --> 00:16:17,600 Sur le fondement de l'article 16 du Code civil qui dispose… 214 00:16:18,200 --> 00:16:23,140 J'en profite pour dire que la loi ne stipule jamais, c'est un contrat 215 00:16:23,340 --> 00:16:24,100 qui stipule. 216 00:16:24,300 --> 00:16:25,800 Le terme "stipuler", je sais que les étudiants l'aiment 217 00:16:26,000 --> 00:16:27,840 bien, ils trouvent que ça fait très juridique. 218 00:16:28,040 --> 00:16:30,460 Mais la loi ne stipule pas, elle dispose ou elle prévoit, 219 00:16:30,660 --> 00:16:31,420 elle pose. 220 00:16:32,300 --> 00:16:37,080 L'article 16 du Code civil dispose que la loi assure la primauté de 221 00:16:37,280 --> 00:16:41,680 la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit 222 00:16:41,880 --> 00:16:44,500 le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. 223 00:16:45,860 --> 00:16:50,980 C'est l'interdiction de l'atteinte à la dignité qui m'intéresse ici. 224 00:16:52,640 --> 00:16:56,020 Je vais essayer de ne pas être trop longue sur la protection civile 225 00:16:56,220 --> 00:16:59,440 de la dignité de la personne. 226 00:16:59,780 --> 00:17:04,620 En gros, les juges vont devoir arbitrer entre la protection de 227 00:17:04,820 --> 00:17:07,860 la dignité de la personne et le droit à l'information sur des 228 00:17:08,060 --> 00:17:08,840 événements graves. 229 00:17:15,460 --> 00:17:17,640 Ils vont tenir compte, je pense à la publication de photos 230 00:17:17,840 --> 00:17:19,080 ou de vidéos de victimes. 231 00:17:19,280 --> 00:17:21,700 Vous imaginez, si vous êtes la victime, vous n'avez pas forcément envie 232 00:17:21,900 --> 00:17:22,880 d'être filmée, photographiée. 233 00:17:23,080 --> 00:17:27,040 Mais d'un autre côté, je pense à des attentats terroristes, 234 00:17:27,240 --> 00:17:30,440 il est important aussi que la population soit informée sur ce 235 00:17:30,640 --> 00:17:31,800 qui se passe ou sur ce qui s'est passé. 236 00:17:32,720 --> 00:17:39,160 Deux affaires illustrent les critères qui vont être utilisés par les juges. 237 00:17:39,780 --> 00:17:45,140 L'affaire Érignac d'une part, et puis une affaire d'une victime 238 00:17:45,340 --> 00:17:49,200 des attentats du RER Saint-Michel en 1995. 239 00:17:50,200 --> 00:17:55,120 L'affaire Érignac est bien connue : le préfet de Corse, le préfet Érignac 240 00:17:55,320 --> 00:17:59,260 a été assassiné dans une rue d'Ajaccio en 1998. 241 00:18:01,080 --> 00:18:03,560 Et plusieurs magazines, je crois qu'il y avait Paris Match 242 00:18:03,760 --> 00:18:07,260 et VSD en l'occurrence, avaient diffusé une photographie 243 00:18:07,460 --> 00:18:08,220 du préfet. 244 00:18:08,980 --> 00:18:13,580 L'arrêt nous dit : "Le corps et le visage du préfet assassiné gisant 245 00:18:13,780 --> 00:18:18,940 sur la chaussée d'une rue d'Ajaccio." Donc la famille du préfet avait 246 00:18:19,140 --> 00:18:23,480 agi sur le fondement de l'atteinte à la dignité de la personne. 247 00:18:25,020 --> 00:18:27,580 La Cour de cassation, et à sa suite, la Cour européenne 248 00:18:27,780 --> 00:18:30,880 des droits de l'homme qui a été saisie par les médias concernés, 249 00:18:31,080 --> 00:18:33,920 ont validé l'interdiction de publication de cette photographie 250 00:18:34,700 --> 00:18:38,920 parce que, dit la Cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 2000, 251 00:18:39,540 --> 00:18:43,840 "cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine". 252 00:18:45,060 --> 00:18:52,060 Information oui, mais peut-être pas de diffuser le détail des scènes 253 00:18:52,260 --> 00:18:55,800 de crime avec les personnes gisant au sol. 254 00:18:56,580 --> 00:19:00,980 Une solution inverse a été adoptée à propos de la diffusion de l'image 255 00:19:01,180 --> 00:19:06,480 d'une personne qui avait été victime, sans être décédée, de l'attentat 256 00:19:06,680 --> 00:19:09,420 du RER Saint-Michel en 1995. 257 00:19:12,300 --> 00:19:16,580 L'arrêt avait condamné, c'était Paris Match, 258 00:19:17,360 --> 00:19:19,540 pour atteinte au droit à l'image de cette personne. 259 00:19:20,280 --> 00:19:27,040 Et la Cour de cassation a cassé cet arrêt en considérant qu'en 260 00:19:27,240 --> 00:19:31,960 l'espèce, la photographie était dépourvue de recherche du sensationnel 261 00:19:32,160 --> 00:19:35,380 et de toute indécence, et donc ne portait pas atteinte 262 00:19:35,580 --> 00:19:36,680 à la dignité de la personne. 263 00:19:37,320 --> 00:19:38,940 Je pourrais multiplier les exemples. 264 00:19:39,140 --> 00:19:46,320 Dans l'affaire des attentats de 2015, 265 00:19:47,660 --> 00:19:51,740 il y a un jeune qui avait été filmé à La Belle Équipe, un peu le regard 266 00:19:51,940 --> 00:19:52,780 hagard, etc. 267 00:19:53,080 --> 00:19:56,600 Il avait intenté une action civile pour atteinte… 268 00:19:56,800 --> 00:19:58,820 Je crois que c'était sur le fondement de son droit à l'image. 269 00:19:59,580 --> 00:20:08,800 Et il a perdu puisqu'il a été considéré que l'information du public sur 270 00:20:09,000 --> 00:20:13,880 ces événements devait l'emporter sur le droit de la personne à son 271 00:20:14,080 --> 00:20:16,680 image et à sa dignité, dans la mesure où certes il 272 00:20:16,880 --> 00:20:21,060 apparaissait dans un état de choc, mais que la photo n'était pas 273 00:20:21,260 --> 00:20:23,020 attentatoire à sa dignité.