1 00:00:05,180 --> 00:00:08,448 Bonjour à tous, j'envisage donc aujourd'hui le Paragraphe Second 2 00:00:08,480 --> 00:00:11,680 consacré au droit à l'intervention d'un juge, 3 00:00:11,872 --> 00:00:13,312 après donc le premier paragraphe 4 00:00:13,392 --> 00:00:16,912 consacré au contrôle de l'autorité judiciaire. 5 00:00:17,760 --> 00:00:20,750 Alors, je me concentre ici donc sur le fameux article 6, 6 00:00:20,784 --> 00:00:23,008 paragraphe 1, que j'évoquais par le passé, 7 00:00:23,520 --> 00:00:25,888 qui emporte plusieurs conséquences. 8 00:00:26,352 --> 00:00:31,568 La première conséquence est en effet que toute personne accusée, 9 00:00:31,632 --> 00:00:33,984 donc en matière pénale au sens européen du terme, 10 00:00:34,240 --> 00:00:36,672 a la possibilité de saisir un tribunal, 11 00:00:36,720 --> 00:00:39,888 une juridiction de tribunal au sens large, bien sûr, une juridiction. 12 00:00:40,512 --> 00:00:43,952 Concrètement, cela signifie que l'on ne peut pas imposer à un individu 13 00:00:43,984 --> 00:00:47,390 un mode alternatif de règlement des conflits, ce qu'on appelle un MARC, 14 00:00:47,450 --> 00:00:50,560 Mode alternatif de règlement des conflits. 15 00:00:50,608 --> 00:00:51,392 Donc concrètement, 16 00:00:51,420 --> 00:00:54,944 on ne peut pas imposer à un individu une composition pénale, 17 00:00:54,992 --> 00:00:57,040 une médiation pénale parce que, notamment, 18 00:00:58,816 --> 00:01:02,432 parce que l'individu a le droit de pouvoir agir en justice 19 00:01:02,496 --> 00:01:03,440 devant une juridiction. 20 00:01:03,650 --> 00:01:06,110 On ne peut pas imposer non plus une procédure rapide de jugement 21 00:01:06,144 --> 00:01:10,190 telle que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. 22 00:01:11,904 --> 00:01:12,832 Deuxième conséquence, 23 00:01:12,880 --> 00:01:17,456 ce droit d'accès au juge doit être un droit concret et effectif. 24 00:01:18,208 --> 00:01:21,136 Autrement dit, rien ne doit y faire obstacle. 25 00:01:21,168 --> 00:01:24,128 C'est une décision notamment du Conseil constitutionnel 26 00:01:24,512 --> 00:01:33,888 du 9 avril 1996 qui l'affirme, décision numéro DC 96-373, 27 00:01:34,096 --> 00:01:37,856 et un célèbre arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, 28 00:01:37,920 --> 00:01:44,416 l'arrêt GOLDER contre Royaume-Uni du 21 février 1975. 29 00:01:45,290 --> 00:01:49,168 Alors cela vaut par exemple pour la personne mise en cause, 30 00:01:49,200 --> 00:01:54,200 pour le prévenu, par exemple, si l'avocat est obligatoire, 31 00:01:54,256 --> 00:01:56,992 si l'assistance d'un avocat est obligatoire dans la procédure 32 00:01:57,136 --> 00:02:02,704 et que la personne n'a pas les moyens de s'en offrir un, j'allais dire, 33 00:02:03,320 --> 00:02:05,712 il faut pouvoir lui en commettre un d'office. 34 00:02:06,460 --> 00:02:09,600 Par exemple, nous verrons, l'assistance d'un avocat est obligatoire 35 00:02:09,680 --> 00:02:13,840 pour la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, 36 00:02:13,904 --> 00:02:15,552 qui est une forme de plaider coupable, 37 00:02:15,830 --> 00:02:18,736 et devant la cour d'assises donc en matière criminelle. 38 00:02:19,310 --> 00:02:24,464 En revanche, ce n'est pas obligatoire donc devant le tribunal correctionnel 39 00:02:24,496 --> 00:02:26,320 qui juge les délits. 40 00:02:28,080 --> 00:02:33,104 Voilà, par ailleurs, je profite de l'occasion pour vous inviter à relire, 41 00:02:33,264 --> 00:02:35,020 simplement par le biais d'un mémento, 42 00:02:38,700 --> 00:02:43,056 l'introduction au droit et des institutions judiciaires qui comportent, 43 00:02:43,072 --> 00:02:44,768 qui sont des cours qui comportent certains passages 44 00:02:44,800 --> 00:02:51,600 consacrés notamment aux juridictions pénales. 45 00:02:53,040 --> 00:02:56,752 Alors je le disais donc un droit concret et effectif qui vaut pour le prévenu. 46 00:02:57,296 --> 00:02:58,800 Cela vaut également pour la partie civile, 47 00:02:58,864 --> 00:03:02,272 c'est-à-dire la personne qui est lésée par l'infraction. 48 00:03:02,610 --> 00:03:05,280 La France a été condamnée à plusieurs reprises. 49 00:03:05,360 --> 00:03:16,488 Je donne l'exemple d'un arrêt de la Cour européenne Aït Mouhoub 50 00:03:16,752 --> 00:03:20,704 contre France, en date du 28 octobre 1998, 51 00:03:21,520 --> 00:03:24,352 la France a été condamnée, en effet, 52 00:03:24,400 --> 00:03:29,072 au motif que la partie civile avait dû consigner une somme d'argent 53 00:03:29,120 --> 00:03:33,216 dépassant largement ses capacités financières. 54 00:03:33,730 --> 00:03:34,720 Nous verrons, en effet, 55 00:03:34,912 --> 00:03:38,864 lorsque l'on se constitue partie civile dans une procédure pénale, 56 00:03:39,392 --> 00:03:44,928 la loi exige, afin d'éviter les abus, les manœuvres dilatoires également, 57 00:03:45,824 --> 00:03:49,360 de consigner une somme d'argent dont le montant, au demeurant, 58 00:03:49,424 --> 00:03:51,072 est apprécié par le juge, 59 00:03:51,920 --> 00:03:55,424 qu'il s'agisse de juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, 60 00:03:55,472 --> 00:03:58,320 selon le moment où vous vous constituez partie civile. 61 00:03:58,940 --> 00:04:03,552 Et ce montant est apprécié donc en fonction des ressources de la personne. 62 00:04:04,420 --> 00:04:06,176 Et puis, troisième conséquence, 63 00:04:06,208 --> 00:04:09,420 ce droit inclut également le droit d'exercer un recours. 64 00:04:10,230 --> 00:04:13,664 La jurisprudence de la Cour européenne a conduit en ce domaine 65 00:04:14,256 --> 00:04:17,840 à une modification du Code de procédure pénale français 66 00:04:18,000 --> 00:04:21,760 à propos de l'obligation notamment de se constituer prisonnier 67 00:04:22,192 --> 00:04:24,560 la veille de l'audience de la Cour de cassation. 68 00:04:24,780 --> 00:04:28,350 En effet, vous aviez un ancien article du Code de procédure pénale, 69 00:04:28,384 --> 00:04:30,976 c'était l'ancien article 583, 70 00:04:31,696 --> 00:04:35,104 qui prévoyait qu'à défaut d'avoir respecté cette obligation 71 00:04:35,152 --> 00:04:39,424 de se constituer prisonnier la veille de l'audience de la Cour de cassation, 72 00:04:40,176 --> 00:04:42,288 une déchéance du pourvoi était prévue 73 00:04:42,320 --> 00:04:46,304 donc le pourvoi était rejeté sans même être examiné au fond. 74 00:04:47,040 --> 00:04:50,400 La Cour européenne a jugé que cette sanction était disproportionnée 75 00:04:50,448 --> 00:04:52,800 au regard du droit d'accès à un tribunal. 76 00:04:52,848 --> 00:04:59,888 C'est un arrêt notamment KHALFAOUI contre France, 77 00:04:59,936 --> 00:05:02,752 en date du 14 décembre 1999. 78 00:05:04,784 --> 00:05:08,240 Alors voilà donc pour ce deuxième paragraphe, 79 00:05:08,288 --> 00:05:11,632 je passe à présent donc à la Section 2, 80 00:05:12,144 --> 00:05:20,432 liée donc aux garanties d'une justice pénale de qualité 81 00:05:20,480 --> 00:05:25,440 après une première section consacrée aux garanties d'accès à la justice pénale : 82 00:05:25,620 --> 00:05:28,688 les garanties de justice pénale de qualité. 83 00:05:29,472 --> 00:05:32,960 Je pars toujours de l'article 6 paragraphe 1. 84 00:05:33,790 --> 00:05:37,088 Les garanties d'une bonne justice dans la jurisprudence 85 00:05:37,168 --> 00:05:40,992 de la Cour européenne des droits de l'homme sont celles de l'indépendance, 86 00:05:41,520 --> 00:05:45,168 de l'impartialité des juridictions, mais aussi de célérité. 87 00:05:46,048 --> 00:05:49,152 Alors, Premier Paragraphe : l'Indépendance. 88 00:05:50,944 --> 00:05:54,096 L'indépendance de l'autorité judiciaire, au-delà de ses membres, 89 00:05:54,128 --> 00:05:59,248 est garantie en France par l'article 64 de la Constitution française 90 00:05:59,730 --> 00:06:02,577 qui nous dit, je cite : "Le président de la République est garant 91 00:06:02,888 --> 00:06:05,360 de l'indépendance de l'autorité judiciaire", 92 00:06:05,560 --> 00:06:10,380 avec les remarques qui peuvent être formulées à cet égard. 93 00:06:10,580 --> 00:06:12,610 N'hésitez pas à développer votre esprit critique. 94 00:06:12,810 --> 00:06:14,096 Qu'est-ce que cela vous inspire ? 95 00:06:15,856 --> 00:06:18,060 Il faut savoir que le président de la République était autrefois 96 00:06:18,600 --> 00:06:19,840 président du CSM. 97 00:06:19,920 --> 00:06:23,740 Ce n'est plus le cas aujourd'hui, mais l'article 64 donc continue, 98 00:06:23,770 --> 00:06:26,240 pour le coup, d'affirmer que le président de la République 99 00:06:26,304 --> 00:06:28,272 est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, 100 00:06:28,304 --> 00:06:32,608 ce qui, effectivement, pose question quant à la notion même d'indépendance 101 00:06:32,832 --> 00:06:35,088 et de séparation des pouvoirs. 102 00:06:35,880 --> 00:06:39,728 Et voilà, c'est Guy Carcassonne, notamment, 103 00:06:40,144 --> 00:06:44,480 qui expliquait la nécessité de réformer cet article 104 00:06:45,472 --> 00:06:47,888 ne correspondant plus du tout à la réalité 105 00:06:47,968 --> 00:06:50,656 et finalement au fonctionnement de notre République, 106 00:06:51,690 --> 00:06:55,350 traduisant par ailleurs une vision quasiment monarchique du pouvoir 107 00:06:55,408 --> 00:06:59,056 qui pouvait correspondre à l'époque à la fonction présidentielle 108 00:06:59,072 --> 00:07:03,104 telle qu'elle était envisagée, mais qui ne l'est plus aujourd'hui. 109 00:07:03,820 --> 00:07:05,424 Et Guy Carcassonne avait ce mot-là 110 00:07:05,584 --> 00:07:10,528 en expliquant qu’affirmer que le président de la République 111 00:07:10,560 --> 00:07:12,944 est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, 112 00:07:13,328 --> 00:07:15,840 autant affirmer que le loup est gardien de la bergerie. 113 00:07:18,350 --> 00:07:22,144 Voilà, alors l'article 6 paragraphe 1 de la Convention, 114 00:07:22,176 --> 00:07:24,870 lui, prévoit que toute personne a le droit, 115 00:07:24,944 --> 00:07:26,480 vous avez commencé à le maîtriser, 116 00:07:26,672 --> 00:07:30,384 à un tribunal à la fois indépendant et impartial. 117 00:07:30,784 --> 00:07:34,820 Alors, vous savez, vous êtes habitués maintenant, qu'en droit, 118 00:07:34,880 --> 00:07:36,464 les notions doivent être définies, 119 00:07:36,528 --> 00:07:38,464 strictement définies grâce à des critères, 120 00:07:38,512 --> 00:07:40,864 et cette indépendance a été définie 121 00:07:40,880 --> 00:07:42,864 donc par la Cour européenne des droits de l'homme 122 00:07:42,912 --> 00:07:45,408 grâce à quatre critères qu'il faut connaître.    123 00:07:45,520 --> 00:07:49,510 Donc quatre critères, à savoir le mode de désignation 124 00:07:49,568 --> 00:07:53,376 donc vous voyez que relativement au parquet, 125 00:07:53,536 --> 00:07:55,330 les conditions de nomination sont importantes. 126 00:07:55,376 --> 00:07:58,800 Le mode de désignation, est-ce que ce mode permet de garantir l'indépendance ? 127 00:07:59,350 --> 00:08:01,120 La durée du mandat ensuite, 128 00:08:01,488 --> 00:08:05,536 l'existence de garanties contre les pressions extérieures, 129 00:08:05,584 --> 00:08:09,008 alors essentiellement des pouvoirs législatif et exécutif, 130 00:08:09,328 --> 00:08:10,944 mais aussi éventuellement des médias. 131 00:08:11,390 --> 00:08:14,208 C'est une problématique, j'allais dire, 132 00:08:14,272 --> 00:08:16,912 qui va être amenée à forcément se développer 133 00:08:16,944 --> 00:08:19,232 et on perçoit aujourd'hui la pression forte 134 00:08:19,552 --> 00:08:25,456 que peut représenter celle des médias et l'opposition entre vérité judiciaire, 135 00:08:25,536 --> 00:08:29,376 vérité médiatique et condamnation surtout médiatique et populaire 136 00:08:29,440 --> 00:08:33,152 face à la condamnation judiciaire, j'aurai l'occasion d'y revenir. 137 00:08:33,570 --> 00:08:37,376 Et dernier critère, l'apparence d'indépendance, 138 00:08:39,296 --> 00:08:40,416 donc, ce qui compte, c'est qu'effectivement, 139 00:08:40,432 --> 00:08:44,688 la justice paraisse aux yeux du justiciable indépendante. 140 00:08:45,190 --> 00:08:57,168 La Cour européenne a délimité ces quatre critères dans un arrêt Campbell et Fell, 141 00:08:57,440 --> 00:09:00,510 en date du 28 juin 1984. 142 00:09:03,300 --> 00:09:09,856 Voilà donc cette indépendance de l'autorité judiciaire 143 00:09:10,192 --> 00:09:13,824 vaut à l'égard des autres pouvoirs, législatif et exécutif. 144 00:09:14,064 --> 00:09:17,808 Donc s'agissant du pouvoir législatif, cela ne pose pas de difficulté, 145 00:09:18,120 --> 00:09:21,088 s'agissant du pouvoir exécutif, bien sûr, 146 00:09:21,616 --> 00:09:25,690 les choses sont un peu plus délicates, et ce qu'il faut avoir à l'esprit, 147 00:09:25,776 --> 00:09:30,624 c'est que la garantie d'indépendance concerne aussi bien 148 00:09:30,976 --> 00:09:35,248 les magistrats chargés de la procédure de jugement 149 00:09:37,008 --> 00:09:39,728 que de la procédure d'instruction, donc le juge d'instruction, 150 00:09:40,176 --> 00:09:44,912 que celui chargé du contrôle d'une arrestation et de détention, 151 00:09:44,944 --> 00:09:47,520 donc l'illustration bien sûr à ce stade, 152 00:09:48,390 --> 00:09:51,472 et celle de l'indépendance des membres du ministère public 153 00:09:51,504 --> 00:09:54,048 donc au début de la procédure, je n'y reviens pas, 154 00:09:54,496 --> 00:09:57,520 ça a été l'objet de mon développement précédent. 155 00:09:59,008 --> 00:10:02,450 Alors ensuite, autre garantie d'une justice pénale de qualité, 156 00:10:02,496 --> 00:10:09,330 Paragraphe 2 : l'impartialité, l'impartialité et l'indépendance, 157 00:10:09,424 --> 00:10:13,392 qui sont deux notions souvent corrélées.   158 00:10:15,420 --> 00:10:19,504 L'impartialité se mesure au regard des rapports 159 00:10:19,792 --> 00:10:22,176 entre le magistrat et les parties. 160 00:10:22,350 --> 00:10:26,800 Et là encore, on peut, on doit se référer à des définitions juridiques, 161 00:10:26,840 --> 00:10:29,232 des définitions qui, au demeurant, 162 00:10:29,296 --> 00:10:31,712 ont été délivrées par la Cour européenne elle-même, 163 00:10:32,240 --> 00:10:39,888 dans un arrêt Piersack contre Belgique du 1er octobre 1982, 164 00:10:41,232 --> 00:10:43,408 arrêt dans lequel la Cour nous explique 165 00:10:43,472 --> 00:10:46,000 que l'impartialité peut s'apprécier de deux manières, 166 00:10:46,320 --> 00:10:48,672 subjectivement et objectivement. 167 00:10:49,380 --> 00:10:51,920 Alors l'impartialité subjective, 168 00:10:51,968 --> 00:10:56,610 personnelle est celle attachée à la personne même du magistrat. 169 00:10:56,672 --> 00:10:59,136 C'est l'impartialité première, intuitive, 170 00:10:59,312 --> 00:11:01,184 celle à laquelle on se pense spontanément. 171 00:11:01,590 --> 00:11:06,064 Par exemple, n'est pas subjectivement impartial le magistrat 172 00:11:06,140 --> 00:11:09,616 qui exprimerait avant le jugement sa conviction 173 00:11:09,696 --> 00:11:11,760 sur la culpabilité du prévenu, 174 00:11:12,300 --> 00:11:14,544 et ce, même s'il le fait de manière indirecte, 175 00:11:14,592 --> 00:11:18,208 par le biais de petites expressions, par le biais de tons, d'intonations, 176 00:11:20,176 --> 00:11:23,568 même j'allais dire d'attitudes, de comportement, 177 00:11:24,480 --> 00:11:26,688 en adoptant certaines expressions, etc. 178 00:11:27,360 --> 00:11:31,680 La France a encore été condamnée par la Cour européenne, 179 00:11:31,728 --> 00:11:37,952 notamment dans un arrêt Remli, en date du 23 avril 1996, 180 00:11:38,700 --> 00:11:42,208 à propos d'un juré de cour d'assises, donc en matière criminelle, 181 00:11:42,600 --> 00:11:46,624 qui avait fait part publiquement de ses convictions racistes 182 00:11:46,650 --> 00:11:49,408 alors que l'accusé était d'origine maghrébine. 183 00:11:49,650 --> 00:11:51,824 J'ai bien employé le mot d'accusé ici, le terme "accusé", 184 00:11:51,872 --> 00:11:53,792 puisque nous sommes en matière d'assises. 185 00:11:54,660 --> 00:11:56,720 Dans cet arrêt Remli contre France, 186 00:11:56,848 --> 00:11:59,600 la Cour européenne énonce plus largement 187 00:11:59,664 --> 00:12:04,288 qu'un tribunal doit présenter une apparence d'impartialité 188 00:12:04,464 --> 00:12:09,216 eu égard à la confiance que les tribunaux d'une société démocratique 189 00:12:09,264 --> 00:12:12,304 sont tenus d'inspirer aux justiciables. 190 00:12:12,630 --> 00:12:16,816 Il en va de la sauvegarde de la liberté individuelle 191 00:12:17,392 --> 00:12:22,010 et de la confiance que les tribunaux se doivent d'inspirer aux justiciables. 192 00:12:22,992 --> 00:12:26,730 Alors la difficulté est que cette impartialité subjective, 193 00:12:26,830 --> 00:12:28,208 comme tout ce qui est subjectif d'ailleurs, 194 00:12:28,240 --> 00:12:30,512 est difficile et délicate à mesurer, 195 00:12:30,656 --> 00:12:33,720 et c'est la raison pour laquelle il est possible de contrôler 196 00:12:33,760 --> 00:12:36,640 cette garantie d'impartialité de manière objective. 197 00:12:37,320 --> 00:12:41,120 Cette impartialité objective, dite également parfois fonctionnelle, 198 00:12:41,230 --> 00:12:44,912 se rattache non plus à la personne même du magistrat, mais à ses fonctions. 199 00:12:46,500 --> 00:12:50,550 La question se pose en effet de l'exercice successif de fonctions 200 00:12:50,656 --> 00:12:52,832 par un même juge dans une même affaire, 201 00:12:53,232 --> 00:13:00,128 et donc de la séparation de poursuite, d'instruction et de jugement. 202 00:13:01,200 --> 00:13:04,740 Alors la Cour européenne des droits de l'homme estime sur ce point 203 00:13:04,800 --> 00:13:09,104 que le seul cumul de fonctions judiciaires distinctes 204 00:13:09,390 --> 00:13:10,720 n'emporte pas en soi 205 00:13:11,216 --> 00:13:15,280 violation de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention, 206 00:13:15,904 --> 00:13:18,832 au-delà de l'impartialité fonctionnelle ou objective, 207 00:13:19,088 --> 00:13:24,976 elle se livre à une analyse détaillée de l'impartialité subjective du magistrat, 208 00:13:25,440 --> 00:13:30,464 je m'explique, s'appuyant en effet sur le fait de savoir si celui-ci, 209 00:13:30,570 --> 00:13:35,680 si ce magistrat, a ou non dû porter une première appréciation 210 00:13:35,744 --> 00:13:39,680 sur la culpabilité de l'individu dont il aura ultérieurement à connaître. 211 00:13:40,060 --> 00:13:42,480 Vous voyez donc c'est un peu le serpent qui se mord la queue. 212 00:13:43,830 --> 00:13:47,248 La partialité peut se mesurer également de manière objective 213 00:13:47,312 --> 00:13:50,240 en vérifiant la possibilité de cumuler différentes fonctions, 214 00:13:50,288 --> 00:13:53,536 ce qui n'est pas en soi un obstacle, 215 00:13:56,496 --> 00:13:58,128 simplement, il s'agit de vérifier 216 00:13:58,192 --> 00:14:02,048 qu'à travers l'une des fonctions assurées par le magistrat, 217 00:14:02,096 --> 00:14:07,392 celui-ci n'a pas déjà eu l'occasion de se forger un avis 218 00:14:08,432 --> 00:14:12,680 sur la culpabilité d'un individu dont il aura par la suite à connaître. 219 00:14:13,160 --> 00:14:17,360 Alors parfois, les choses sont, j'allais dire, relativement simples. 220 00:14:17,690 --> 00:14:22,384 En effet, le législateur a prévu une règle précise de non-cumul. 221 00:14:23,168 --> 00:14:26,368 Déjà, notons que l'article préliminaire du Code de procédure pénale, 222 00:14:26,400 --> 00:14:30,912 le fameux dont je vous parle, dont je vous parlais, garantit, 223 00:14:31,040 --> 00:14:35,088 je cite "la séparation des autorités chargées de l'action publique 224 00:14:35,184 --> 00:14:36,720 et des autorités de jugement". 225 00:14:37,610 --> 00:14:41,904 L'article 49 du même code interdit au juge d'instruction, 226 00:14:41,936 --> 00:14:46,224 donc en instruction préparatoire, en phase entre l'enquête et le jugement, 227 00:14:46,528 --> 00:14:49,190 interdit au juge d'instruction, à peine de nullité, 228 00:14:49,248 --> 00:14:52,048 de participer au jugement des affaires pénales 229 00:14:52,144 --> 00:14:54,496 dont il a connu en cette qualité. 230 00:14:57,460 --> 00:15:02,048 Et puis, corrélativement, l'article 137-1 du Code de procédure pénale 231 00:15:02,624 --> 00:15:05,280 qui a été créé par la loi du 15 juin 2000, 232 00:15:05,328 --> 00:15:12,848 qui crée le juge des libertés et de la détention prévoit que le JLD ne peut, 233 00:15:13,050 --> 00:15:17,184 à peine de nullité, participer au juge des affaires pénales dont il a connu. 234 00:15:17,296 --> 00:15:19,680 Donc un juge qui instruit ne peut juger la personne. 235 00:15:19,880 --> 00:15:24,480 Un JLD qui s'est prononcé en instruction préparatoire 236 00:15:24,520 --> 00:15:26,256 donc en mettant en détention provisoire 237 00:15:26,304 --> 00:15:28,352 ne peut par la suite juger cette personne. 238 00:15:28,480 --> 00:15:30,976 Nous verrons en effet notamment que la détention provisoire 239 00:15:31,008 --> 00:15:33,200 est l'occasion pour le magistrat de se forger, 240 00:15:33,376 --> 00:15:37,470 même inconsciemment, un premier avis sur la culpabilité de l'individu. 241 00:15:37,616 --> 00:15:41,808 Encore une fois, lorsque vous placez en détention provisoire une personne 242 00:15:42,180 --> 00:15:44,768 en vue d'éviter le renouvellement de l'infraction, 243 00:15:44,800 --> 00:15:47,744 ou en vue d'éviter qu'elle ne prévienne ses complices, 244 00:15:47,800 --> 00:15:51,360 c'est bien que vous estimez que cette personne est auteur de l'infraction, 245 00:15:51,424 --> 00:15:53,568 qu'elle a déjà commis une infraction, 246 00:15:54,000 --> 00:15:58,448 d'où la nécessaire règle d'impartialité ici. 247 00:15:58,620 --> 00:16:03,120 Par ailleurs, notons que depuis la loi du 25 juillet 2013, 248 00:16:03,810 --> 00:16:07,232 le législateur a prévu, à l'article 31, 249 00:16:08,110 --> 00:16:10,832 que cette garantie d'impartialité s'applique également au parquet, 250 00:16:10,880 --> 00:16:12,360 au ministère public, 251 00:16:14,040 --> 00:16:18,336 et trois années plus tard, la loi du 3 juin 2016 est venue préciser, 252 00:16:20,220 --> 00:16:26,496 à l'article 39-3, que le parquet enquête à charge et à décharge, 253 00:16:26,560 --> 00:16:28,944 formule qui rappelle celle employée 254 00:16:29,824 --> 00:16:33,728 à l'égard du juge d'instruction sur laquelle nous reviendrons. 255 00:16:33,970 --> 00:16:38,340 Et là encore, cela appelle certaines critiques, certaines observations, 256 00:16:38,384 --> 00:16:39,728 je vous laisse apprécier. 257 00:16:40,200 --> 00:16:44,384 Un ministère public, un procureur de la République impartial 258 00:16:45,376 --> 00:16:47,488 qui enquête à charge et à décharge, 259 00:16:47,520 --> 00:16:50,608 c'est-à-dire à la fois qui doit veiller à conduire, 260 00:16:50,640 --> 00:16:52,288 à mettre en cause une personne 261 00:16:52,336 --> 00:16:56,010 et en même temps à permettre de l'innocenter le cas échéant, 262 00:16:56,656 --> 00:17:03,136 on mesure ici la schizophrénie à travers de telles dispositions, 263 00:17:03,168 --> 00:17:07,200 et schizophrénie surtout, qui tient au statut même du parquet 264 00:17:07,280 --> 00:17:08,222 et à ses fonctions, 265 00:17:10,770 --> 00:17:12,377 qu'est le parquet, le parquet. 266 00:17:12,464 --> 00:17:14,352 J'aurais peut-être dû commencer par cela, 267 00:17:14,528 --> 00:17:18,310 le parquet, c'est l'autorité de poursuite, c'est celui qui accuse, 268 00:17:18,360 --> 00:17:20,240 c'est le procureur, c'est le représentant, 269 00:17:20,304 --> 00:17:25,376 nous le verrons plus tard de la société, son action publique vise à réparer, 270 00:17:25,424 --> 00:17:28,390 à travers le dommage qui sera bien sûr réparé auprès de la victime 271 00:17:28,432 --> 00:17:29,680 grâce à l'action civile, 272 00:17:29,920 --> 00:17:33,050 vise à réparer le dommage plus grand causé à la société. 273 00:17:33,168 --> 00:17:36,448 C'est une autorité de poursuite d'accusation. 274 00:17:36,820 --> 00:17:40,150 Donc il y a un certain paradoxe, voire une certaine schizophrénie, 275 00:17:40,190 --> 00:17:48,016 à affirmer que le parquet est impartial, force est de reconnaître que la volonté, 276 00:17:48,064 --> 00:17:51,280 si ce n'est l'ambition du législateur en créant une telle disposition, 277 00:17:51,328 --> 00:17:57,984 a été symboliquement au moins de rappeler la nécessaire objectivité, 278 00:17:58,080 --> 00:18:02,848 j'allais dire, du parquet lorsqu'il mène ses investigations. 279 00:18:03,660 --> 00:18:09,822 Alors la solution, toutefois, n'est pas toujours très nette en jurisprudence 280 00:18:10,111 --> 00:18:13,510 et en dehors de ces textes, de ces règles précises, 281 00:18:13,552 --> 00:18:16,900 la question demeure soumise à l'appréciation de la Cour de cassation 282 00:18:17,440 --> 00:18:19,264 et du Conseil constitutionnel. 283 00:18:19,750 --> 00:18:20,928 Je vous donne quelques exemples 284 00:18:20,960 --> 00:18:23,920 démontrant cette difficulté d'interprétation, 285 00:18:24,480 --> 00:18:27,070 notamment une célèbre décision qui date un peu, 286 00:18:27,120 --> 00:18:29,024 mais qui est importante, qui date de 2011, 287 00:18:29,056 --> 00:18:34,368 une décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011 numéro 2011/147QPC, 288 00:18:34,540 --> 00:18:37,200 à propos de la composition du tribunal pour enfants, 289 00:18:37,728 --> 00:18:41,552 jusqu'en 2011 en effet, le Conseil constitutionnel estimait 290 00:18:41,584 --> 00:18:43,792 que le juge des enfants pouvait cumuler 291 00:18:44,592 --> 00:18:47,776 les fonctions d'instruction et de jugement. 292 00:18:48,040 --> 00:18:53,110 Le juge des enfants devenait le président du tribunal pour enfants, 293 00:18:53,152 --> 00:18:55,330 assisté de deux assesseurs éducateurs. 294 00:18:56,032 --> 00:18:58,112 Et on considérait même que c'était préférable 295 00:18:58,128 --> 00:19:01,150 dans la mesure où les mineurs étaient ainsi soumis au même juge. 296 00:19:01,570 --> 00:19:04,624 En 2011, le Conseil change d'avis 297 00:19:04,992 --> 00:19:08,464 et la décision du Conseil est d'autant plus spectaculaire 298 00:19:08,512 --> 00:19:13,184 que la question posée n'était même pas celle de l'impartialité du juge. 299 00:19:13,870 --> 00:19:16,016 La question portait sur la présence d'assesseurs 300 00:19:16,064 --> 00:19:18,112 qui ne sont pas des magistrats professionnels. 301 00:19:18,400 --> 00:19:21,280 Le Conseil balaie l'argument et, en revanche, 302 00:19:21,360 --> 00:19:24,048 relève d'office la question de l'impartialité 303 00:19:24,144 --> 00:19:27,040 pour décider qu'il est impossible pour le juge des enfants 304 00:19:27,360 --> 00:19:31,296 ayant instruit de ne pas présider par la suite le tribunal de jugement. 305 00:19:31,690 --> 00:19:33,888 Sachant que le Conseil introduit une nuance, 306 00:19:34,064 --> 00:19:37,216 la garantie en effet d'impartialité est respectée, 307 00:19:37,440 --> 00:19:41,280 si le juge des enfants prononce une mesure d'assistance éducative. 308 00:19:41,560 --> 00:19:44,928 En revanche, lorsqu'après avoir instruit, 309 00:19:44,960 --> 00:19:49,744 il prononce une peine en tant que président du tribunal pour enfants, 310 00:19:49,808 --> 00:19:50,816 cela pose difficulté. 311 00:19:50,848 --> 00:19:53,620 Donc on voit un peu l'effet souhaité par le Conseil. 312 00:19:53,712 --> 00:19:56,500 Finalement, si le juge souhaite garder la main sur le dossier, 313 00:19:56,560 --> 00:20:00,320 il a intérêt à prononcer davantage une mesure éducative, 314 00:20:00,384 --> 00:20:06,220 en tout cas, c'est sans doute l'effet souhaité de cette décision. 315 00:20:07,111 --> 00:20:11,870 Voilà, je cite également un arrêt de la chambre criminelle du 28 mars 2012, 316 00:20:11,952 --> 00:20:15,680 pourvoi numéro 11.85-225. 317 00:20:15,850 --> 00:20:19,520 La Cour a affirmé que les magistrats siégeant à la Cour d'appel 318 00:20:19,680 --> 00:20:22,688 peuvent être les mêmes que ceux ayant antérieurement 319 00:20:22,768 --> 00:20:24,910 composé la chambre de l'instruction. 320 00:20:25,390 --> 00:20:29,600 Cela veut dire que ces magistrats peuvent donc intervenir 321 00:20:29,856 --> 00:20:31,984 dans le contentieux de la détention provisoire, 322 00:20:32,016 --> 00:20:33,920 lorsqu'ils composent la chambre de l'instruction. 323 00:20:34,032 --> 00:20:36,670 La chambre de l'instruction, c'est la Cour d'appel, 324 00:20:36,730 --> 00:20:39,600 mais en matière de procédure, vous voyez, c'est vraiment la Cour d'appel, 325 00:20:39,660 --> 00:20:40,752 mais en procédure, 326 00:20:40,768 --> 00:20:42,800 c'est-à-dire qu'on se prononce sur des questions de procédure, 327 00:20:42,864 --> 00:20:44,768 on n'est pas encore du tout sur le fond de l'affaire. 328 00:20:44,800 --> 00:20:47,488 Il ne s'agit pas de se prononcer sur la culpabilité de l'individu, 329 00:20:48,580 --> 00:20:50,710 la raison pour laquelle des procès durent parfois des années, 330 00:20:51,232 --> 00:20:55,056 on se concentre là sur d'éventuels vices de procédure. 331 00:20:55,690 --> 00:20:59,056 Et donc précisément, une décision de détention provisoire 332 00:20:59,104 --> 00:21:01,552 prise par le JLD peut faire l'objet, par exemple, 333 00:21:02,176 --> 00:21:04,592 d'un appel devant la chambre de l'instruction. 334 00:21:04,750 --> 00:21:05,936 Et là, que nous dit-on ? 335 00:21:06,016 --> 00:21:09,712 On nous dit que des magistrats qui ont composé la chambre de l'instruction, 336 00:21:09,740 --> 00:21:13,776 donc qui, par exemple, se sont prononcés sur une mesure de détention provisoire, 337 00:21:14,510 --> 00:21:18,016 peuvent aussi par la suite siéger au sein de la juridiction de jugement. 338 00:21:18,064 --> 00:21:22,512 Donc, ils peuvent siéger à la Cour d'appel, 339 00:21:22,576 --> 00:21:24,160 chambre des appels correctionnels, 340 00:21:24,160 --> 00:21:26,733 donc dans le contentieux de l'affaire au fond. 341 00:21:27,010 --> 00:21:28,560 Donc là encore, ça doit vous faire réagir 342 00:21:28,608 --> 00:21:31,664 puisqu'on a dit tout à l'heure que cela était interdit pour le JLD. 343 00:21:32,170 --> 00:21:34,480 Le JLD, qui se prononce en détention provisoire, 344 00:21:34,704 --> 00:21:36,624 ne peut juger par la suite la personne. 345 00:21:36,688 --> 00:21:38,816 Or, là, on a bien des magistrats qui, finalement, 346 00:21:38,896 --> 00:21:41,424 ont pu se prononcer devant la chambre de l'instruction 347 00:21:41,480 --> 00:21:42,912 donc au sein de la chambre de l'instruction 348 00:21:42,976 --> 00:21:46,700 sur la détention provisoire, et qui vont siéger au fond par la suite. 349 00:21:47,170 --> 00:21:49,810 C'est différent, dit la Cour, pour les magistrats à la Cour d'appel, 350 00:21:49,888 --> 00:21:52,688 puisque ceux-ci sont soumis à l'appréciation de la Cour de cassation. 351 00:21:52,720 --> 00:21:54,496 Donc la décision est assez intéressante, 352 00:21:54,544 --> 00:21:57,008 car elle permet vraiment de mesurer l'ambivalence 353 00:21:57,136 --> 00:22:05,310 et la difficulté liée à l'appréciation de l'impartialité en procédure pénale. 354 00:22:05,510 --> 00:22:10,064 Voilà, nous verrons la prochaine fois donc l'autre garantie, la célérité.