1 00:00:05,090 --> 00:00:05,870 Bonjour à tous ! 2 00:00:06,464 --> 00:00:10,060 Alors, nous reprenons la suite de l'exigence de motivation. 3 00:00:11,296 --> 00:00:14,608 J'abordais donc la dernière fois les exigences constitutionnelles, B. 4 00:00:15,936 --> 00:00:19,130 Il faut d'abord dire un mot sur la résistance de la chambre criminelle, 5 00:00:19,168 --> 00:00:20,320 vous allez comprendre. 6 00:00:20,960 --> 00:00:22,704 On s'est interrogé en réalité 7 00:00:22,752 --> 00:00:25,968 sur le renforcement d'exigence de motivation en matière criminelle 8 00:00:26,320 --> 00:00:28,784 par imitation de ce qui est requis en matière correctionnelle. 9 00:00:28,832 --> 00:00:32,384 Je vous ai dit la dernière fois que l'on avait permis, 10 00:00:32,448 --> 00:00:38,496 donc introduit l'exigence de motivation en matière criminelle donc en 2011, 11 00:00:39,248 --> 00:00:43,200 l'étape est ici ultérieure et surtout plus intense, 12 00:00:43,280 --> 00:00:45,280 il s'agit de s'interroger sur la possibilité 13 00:00:45,360 --> 00:00:47,984 même d'exiger une motivation aussi stricte 14 00:00:48,032 --> 00:00:50,624 que celle requise en matière criminelle. 15 00:00:51,740 --> 00:00:53,760 Je l'ai dit, donc nous avons effectivement 16 00:00:53,808 --> 00:00:57,712 toute une motivation spéciale qui est le fruit de différentes réformes 17 00:00:58,192 --> 00:01:02,128 et notamment particulièrement depuis la loi du 24 novembre 2009. 18 00:01:03,168 --> 00:01:06,860 Alors, on s'interroge sur le champ d'application de l'exigence 19 00:01:06,928 --> 00:01:09,980 effectivement de motivation ainsi prévue par le Code pénal. 20 00:01:10,490 --> 00:01:12,336 Plusieurs QPC avaient été soulevées 21 00:01:12,368 --> 00:01:16,000 afin de transférer ces exigences en matière criminelle, 22 00:01:16,320 --> 00:01:18,240 au nom alors de différents principes, 23 00:01:18,304 --> 00:01:20,352 au nom du principe d'égalité devant la loi, 24 00:01:20,464 --> 00:01:23,552 au nom des droits de la défense et du droit à une procédure équitable. 25 00:01:23,900 --> 00:01:28,070 Vous avez donc plusieurs QPC qui ont été soulevées en 2013. 26 00:01:29,000 --> 00:01:33,856 C'est notamment six QPC qui ont été soulevées entre le 29 mai 27 00:01:33,920 --> 00:01:36,384 et le 4 décembre 2013, 28 00:01:37,856 --> 00:01:41,824 soulevées, j'allais dire, avec vigueur de la part des avocats. 29 00:01:42,992 --> 00:01:46,670 Ces questions soulevaient finalement et notamment une contradiction 30 00:01:47,060 --> 00:01:50,450 à ne pas appliquer ces dispositions en matière criminelle, 31 00:01:50,510 --> 00:01:54,832 alors même que la motivation des décisions des cours d'assises 32 00:01:54,864 --> 00:01:56,420 est désormais prévue depuis 2011. 33 00:01:56,496 --> 00:01:59,120 Voilà une sorte de paradoxe qu'il y avait à ne pas, désormais, 34 00:01:59,184 --> 00:02:02,510 puisque la motivation doit être aussi prévue en matière criminelle, 35 00:02:02,810 --> 00:02:07,168 eh bien ne pas appliquer les exigences requises en matière correctionnelle. 36 00:02:07,820 --> 00:02:10,416 Malgré cette vigueur, cette énergie des avocats, 37 00:02:10,550 --> 00:02:13,136 la chambre criminelle a refusé systématiquement 38 00:02:13,488 --> 00:02:17,040 de transmettre ces QPC au Conseil constitutionnel. 39 00:02:17,570 --> 00:02:19,184 Elle estime notamment, je cite, 40 00:02:19,248 --> 00:02:22,896 que l'absence de motivation des peines de réclusion criminelle, 41 00:02:22,944 --> 00:02:26,464 ce sont tous les arrêts, enfin les six CQP, 42 00:02:26,490 --> 00:02:27,824 la formule est la même à chaque fois 43 00:02:27,872 --> 00:02:30,416 entre le 29 mai 2013 et le 4 décembre 2013, 44 00:02:31,050 --> 00:02:33,552 l'absence de motivation des peines de réclusion criminelle 45 00:02:33,600 --> 00:02:35,340 prononcées par les cours d'assises, 46 00:02:35,440 --> 00:02:39,344 qui s'expliquent par l'exigence d'un vote à la majorité absolue 47 00:02:39,470 --> 00:02:42,384 ou à la majorité de 6 ou de 8 voix au moins 48 00:02:42,416 --> 00:02:45,792 lorsque le maximum de la peine privative de liberté est prononcée, 49 00:02:46,064 --> 00:02:50,960 ne porte pas atteinte au droit à l'égalité devant la justice, 50 00:02:51,280 --> 00:02:54,656 les personnes accusées de crimes étant dans une situation différente 51 00:02:54,704 --> 00:02:57,680 de celles poursuivies devant le tribunal correctionnel. 52 00:02:59,090 --> 00:03:01,104 Le mode de décision criminelle exclut, je cite, 53 00:03:01,216 --> 00:03:03,360 "tout risque d'arbitraire et n'est pas en soi contraire 54 00:03:03,424 --> 00:03:04,944 au principe de nécessité des peines". 55 00:03:04,976 --> 00:03:08,240 Alors vous repasserez peut-être en boucle ce message. 56 00:03:08,510 --> 00:03:13,664 En tous les cas, cet extrait plutôt, ces motifs laissent songeur. 57 00:03:14,080 --> 00:03:17,328 Certes, on ne peut pas nier que les individus sont placés 58 00:03:17,360 --> 00:03:19,616 dans des situations différentes, 59 00:03:20,048 --> 00:03:22,816 donc à la rigueur, du point de vue de principe d'égalité, 60 00:03:22,960 --> 00:03:26,096 on peut comprendre l'expression des personnes accusées de crimes 61 00:03:26,144 --> 00:03:27,696 étant dans une situation différente 62 00:03:27,760 --> 00:03:30,352 de celles poursuivies devant le tribunal correctionnel. 63 00:03:31,160 --> 00:03:34,432 En revanche, l'explication relative à l'absence de motivation spéciale 64 00:03:34,464 --> 00:03:35,648 est assez bancale. 65 00:03:36,560 --> 00:03:40,032 Elle revient à confondre la motivation des peines 66 00:03:40,368 --> 00:03:42,432 et le mode d'adoption des décisions sur la peine, 67 00:03:42,464 --> 00:03:44,290 ce qui n'est pas la même chose, je vais y revenir. 68 00:03:44,490 --> 00:03:48,384 Le vote, si vous voulez, requis, permet certes de penser 69 00:03:48,416 --> 00:03:52,400 que les membres de la Cour se sont interrogés sur l'opportunité de la peine 70 00:03:52,832 --> 00:03:55,424 au regard de la situation et de la personnalité de l'auteur, 71 00:03:55,640 --> 00:03:58,520 mais non qu'ils se sont confrontés à une motivation circonstanciée 72 00:03:59,210 --> 00:04:02,540 tel que prévu par le Code pénal en matière correctionnelle. 73 00:04:04,160 --> 00:04:08,080 Alors par la suite, nous avons eu trois arrêts rendus le 8 février 2017 74 00:04:08,128 --> 00:04:10,280 donc par la chambre criminelle de la Cour de cassation, 75 00:04:10,820 --> 00:04:18,432 numéro 15 86 914, numéro 16 80 389 et numéro 16 80 391 76 00:04:19,136 --> 00:04:21,776 donc relatifs au prononcé des peines criminelles, 77 00:04:21,856 --> 00:04:25,680 eh bien pas de révolution, bien au contraire, 78 00:04:25,728 --> 00:04:30,944 puisque la Cour de cassation réaffirme au visa de l'article 365-1 79 00:04:30,992 --> 00:04:33,856 donc vous vous souvenez, créé par la loi du 10 août 2011, 80 00:04:34,352 --> 00:04:36,992 qu'en cas de condamnation, je cite, "par une cour d'assises, 81 00:04:37,160 --> 00:04:41,390 la motivation consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge 82 00:04:41,690 --> 00:04:44,330 qui l'ont convaincue de la culpabilité de l'accusé". 83 00:04:44,900 --> 00:04:48,410 Et elle ajoute "qu'en l'absence d'autres dispositions légales le prévoyant, 84 00:04:48,800 --> 00:04:51,744 la Cour et le jury ne doivent pas montrer le choix de la peine 85 00:04:51,792 --> 00:04:56,000 qu'ils prononcent dans des conditions définies à l'article 362". 86 00:04:56,208 --> 00:05:00,880 Voilà cela l'a conduit à censurer les trois arrêts d'assises 87 00:05:01,050 --> 00:05:03,312 qui y étaient déferrés car, tenez-vous bien, 88 00:05:03,344 --> 00:05:06,016 ils avaient motivé la peine prononcée. 89 00:05:06,760 --> 00:05:09,510 On en déduit finalement que la présence, et c'est très paradoxal, 90 00:05:09,568 --> 00:05:13,060 la présence d'une motivation, même succincte, de la peine, 91 00:05:13,152 --> 00:05:15,472 suffit à faire encourir la cassation, 92 00:05:15,632 --> 00:05:19,760 quand bien même la Cour et le jury auraient correctement motivé 93 00:05:20,144 --> 00:05:21,776 la décision sur la culpabilité, 94 00:05:21,856 --> 00:05:27,808 comme l'article 365-1 les y invite depuis la loi du 10 août 2011. 95 00:05:28,672 --> 00:05:32,864 Voilà donc ce sont des décisions, finalement, 96 00:05:32,912 --> 00:05:37,200 qui se situent dans le prolongement des arrêts que j'évoquais de 2013. 97 00:05:37,248 --> 00:05:42,940 Alors tout cela étonne, la dichotomie ainsi retenue finalement, 98 00:05:43,140 --> 00:05:46,560 obligeant le juge correctionnel à motiver spécialement toute peine, 99 00:05:47,440 --> 00:05:54,848 mais de l'autre côté, l'interdiction étant de mise en matière criminelle, 100 00:05:56,752 --> 00:06:00,070 cette dichotomie est particulièrement surprenante 101 00:06:00,940 --> 00:06:04,640 et j'allais dire, contradictoire, elle est en tout cas contestable 102 00:06:05,040 --> 00:06:08,280 dès lors que l'on envisage la motivation comme une composante, 103 00:06:08,400 --> 00:06:13,060 c'est l'objet de notre propos, du droit à un procès équitable, 104 00:06:13,152 --> 00:06:20,208 à l'instar de la publicité, de la célérité des droits de la défense, etc. 105 00:06:24,830 --> 00:06:27,856 L'une des raisons, vous savez peut-être ou vous ne savez peut-être pas, 106 00:06:28,128 --> 00:06:30,560 l'une des raisons qui justifiait 107 00:06:30,624 --> 00:06:34,720 l'absence de motivation des arrêts d'assises jusqu'en 2011 tenait au fait, 108 00:06:34,760 --> 00:06:39,600 tenait à l'existence d'un jury criminel, l'existence d'un jury populaire. 109 00:06:40,576 --> 00:06:43,520 Donc on expliquait que la procédure ne pouvait pas être la même 110 00:06:43,568 --> 00:06:45,728 et qu'on ne pouvait pas exiger une motivation juridique 111 00:06:45,792 --> 00:06:47,200 de la part d'un jury populaire. 112 00:06:47,760 --> 00:06:49,950 Dès lors que cet obstacle, si vous voulez, a été, 113 00:06:50,048 --> 00:06:53,840 donc cet obstacle du jury criminel a été franchi en 2011, 114 00:06:54,120 --> 00:06:57,328 s'agissant de la motivation de la décision sur la culpabilité, 115 00:06:58,200 --> 00:07:01,792 il n'y a pas de raison de ne pas franchir cet obstacle 116 00:07:01,840 --> 00:07:04,560 s'agissant de la motivation de la peine également. 117 00:07:06,080 --> 00:07:08,940 Voilà alors, évidemment, ces trois arrêts du 8 février 2017, 118 00:07:08,970 --> 00:07:11,440 j'espère que vous aurez fait le lien, sont à mettre en perspective 119 00:07:11,504 --> 00:07:15,900 avec ceux rendus en matière correctionnelle sept jours plus tôt, 120 00:07:15,952 --> 00:07:19,120 le 1er février même 2017 en matière correctionnelle, 121 00:07:19,168 --> 00:07:20,112 donc il n'y a pas de hasard, 122 00:07:20,160 --> 00:07:23,472 une véritable politique déterminée ici par la Cour de cassation. 123 00:07:23,920 --> 00:07:25,968 Donc, un souhait en matière correctionnelle 124 00:07:25,984 --> 00:07:28,160 de voir se renforcer l'exigence de motivation 125 00:07:28,464 --> 00:07:31,152 donc pour toutes les peines principales complémentaires, 126 00:07:31,696 --> 00:07:34,752 donc toutes les peines correctionnelles et de l'autre côté, 127 00:07:34,816 --> 00:07:39,552 eh le souhait de ne pas transposer ces exigences à la matière criminelle 128 00:07:39,616 --> 00:07:44,310 par motivation de la culpabilité, oui, mais pas motivation de la peine. 129 00:07:45,456 --> 00:07:48,450 Alors, quid de la censure constitutionnelle. 130 00:07:48,496 --> 00:07:50,944 J'évoquais la résistance ici de la chambre criminelle. 131 00:07:51,090 --> 00:07:53,536 La censure constitutionnelle résulte, elle, 132 00:07:54,000 --> 00:07:57,872 d'une décision donc du Conseil en date du 2 mars 2018, 133 00:07:57,920 --> 00:08:02,448 qui fait partie des décisions qui comptent, de mars 2008 QPC, 134 00:08:02,752 --> 00:08:06,640 une décision importante, relative à la motivation des arrêts d'assises, 135 00:08:06,960 --> 00:08:10,624 à l'occasion donc d'une question prioritaire de constitutionnalité 136 00:08:10,976 --> 00:08:16,980 posée au sujet de l'article 365-1 du Code de procédure pénale. 137 00:08:17,904 --> 00:08:21,390 Alors je vous rappelle que cet article issu de la loi 2011 prévoit 138 00:08:21,456 --> 00:08:22,736 qu'en cas de condamnation, 139 00:08:22,768 --> 00:08:28,144 la motivation consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, 140 00:08:28,190 --> 00:08:30,160 pour chacun des faits reprochés à l'accusé, 141 00:08:30,288 --> 00:08:32,160 ont convaincu la cour d'assises, 142 00:08:32,624 --> 00:08:35,680 une motivation qui doit figurer sur une feuille annexée, 143 00:08:35,856 --> 00:08:38,288 la feuille des questions, appelée feuille de motivation, 144 00:08:38,640 --> 00:08:43,632 qui est signée par le président de la cour d'assises et le premier juré. 145 00:08:44,240 --> 00:08:46,256 Or, formellement et strictement, 146 00:08:47,232 --> 00:08:51,488 eh bien, cette disposition, cet article 365-1 n'impose 147 00:08:51,504 --> 00:08:54,750 aucune obligation de motivation des peines criminelles. 148 00:08:55,380 --> 00:08:58,800 On se souvient éventuellement de la circulaire du 15 décembre 2011 149 00:08:58,880 --> 00:09:03,280 qui indique que la réforme donc du 10 août n'avait pour objectif que, je cite, 150 00:09:03,472 --> 00:09:07,584 de "permettre à l'accusé condamné de connaître les principales raisons 151 00:09:07,630 --> 00:09:09,824 pour lesquelles il a été déclaré coupable", 152 00:09:09,872 --> 00:09:13,696 d'accord, donc ce qui rejoint, j'allais dire, la philosophie européenne, 153 00:09:14,490 --> 00:09:17,088 "mais non celles ayant conduit la cour d'assises 154 00:09:17,152 --> 00:09:19,184 à prononcer telle ou telle peine". 155 00:09:19,216 --> 00:09:20,070 Donc c'est assez clair. 156 00:09:20,640 --> 00:09:21,792 On estimait en effet, je cite, 157 00:09:21,840 --> 00:09:25,600 que "la précision de la procédure prévue par l'article 362 158 00:09:25,640 --> 00:09:27,248 sur la détermination de la peine 159 00:09:27,552 --> 00:09:30,336 et le fait que la décision émane d'une collégialité 160 00:09:30,430 --> 00:09:32,112 apporte des garanties suffisantes 161 00:09:32,144 --> 00:09:34,720 rendant inutile une motivation spéciale." 162 00:09:35,640 --> 00:09:42,064 Or, la difficulté résultait de ce que donc l'exigence de motivation 163 00:09:42,090 --> 00:09:47,600 en matière correctionnelle est plus stricte. 164 00:09:48,780 --> 00:09:49,920 On le sait, je l'ai dit, 165 00:09:49,968 --> 00:09:52,976 donc l'exigence de motivation en matière correctionnelle 166 00:09:53,020 --> 00:09:55,136 s'est profondément renforcée 167 00:09:55,168 --> 00:09:59,040 en vue d'individualiser donc le prononcé de la peine. 168 00:09:59,820 --> 00:10:02,490 Voilà donc un décalage, finalement, de motivation, 169 00:10:02,528 --> 00:10:05,456 selon la nature des infractions délictuelles ou criminelles, 170 00:10:06,030 --> 00:10:07,680 et un paradoxe, donc, au demeurant, 171 00:10:07,728 --> 00:10:09,680 ayant déjà fait l'objet de vives discussions 172 00:10:09,770 --> 00:10:13,504 et de décisions de la chambre criminelle qui, à plusieurs reprises, 173 00:10:13,680 --> 00:10:16,800 a refusé de transmettre les QPC, donc en 2013, 174 00:10:18,570 --> 00:10:24,384 au Conseil constitutionnel, avec, je le répète, des arguments critiquables, 175 00:10:24,410 --> 00:10:29,040 alors tenant soit à l'absence de situations comparables 176 00:10:29,072 --> 00:10:32,970 entre les justiciables et donc à l'éviction du principe d'égalité, 177 00:10:33,008 --> 00:10:34,624 est-ce que cela, on peut entendre ? 178 00:10:34,860 --> 00:10:37,696 Mais soit également, autre argument, 179 00:10:38,144 --> 00:10:40,912 aux garanties suffisantes qui entourent le verdict, 180 00:10:41,210 --> 00:10:43,760 ce qui ne permet pourtant pas de s'assurer 181 00:10:43,808 --> 00:10:51,072 que la Cour a motivé particulièrement la peine. 182 00:10:51,930 --> 00:10:54,672 Le vote requis permet certes encore une fois de penser 183 00:10:54,704 --> 00:10:56,560 que les membres de la Cour se sont interrogés 184 00:10:56,624 --> 00:10:58,230 sur l'opportunité de la peine, 185 00:10:58,288 --> 00:11:00,896 mais non pas qu'ils se sont confrontés à une motivation spéciale 186 00:11:01,152 --> 00:11:03,690 tel que prévu en matière correctionnelle. 187 00:11:03,712 --> 00:11:06,160 Il ne s'agit pas de confondre motivation des peines 188 00:11:06,192 --> 00:11:08,416 et modes d'adoption des décisions sur la peine, 189 00:11:08,464 --> 00:11:10,768 ce qui est sensiblement différent. 190 00:11:12,304 --> 00:11:14,496 Alors, quoi qu'il en soit, 191 00:11:14,832 --> 00:11:16,928 l'enseignement était clair aux yeux de la Cour de cassation, 192 00:11:16,976 --> 00:11:19,648 l'article n'impose pas une des peines criminelles, 193 00:11:19,856 --> 00:11:22,048 seule doit être motivée la culpabilité. 194 00:11:22,464 --> 00:11:24,208 Alors finalement, le 13 décembre 2017, 195 00:11:24,272 --> 00:11:27,536 la chambre criminelle acceptait curieusement, 196 00:11:27,568 --> 00:11:32,640 après toutes les décisions de 2013, les arrêts du 8 février 2017, 197 00:11:32,736 --> 00:11:35,430 le 13 décembre, la Chambre criminelle, 198 00:11:35,472 --> 00:11:40,432 accepta de transmettre une QPC relative à l'article 365-1. 199 00:11:40,950 --> 00:11:44,928 Les requérants et parties intervenantes invoquaient une atteinte 200 00:11:44,960 --> 00:11:47,824 au principe de nécessité et de réalité des peines, 201 00:11:48,128 --> 00:11:50,912 au principe d'individualisation des peines, 202 00:11:51,344 --> 00:11:54,336 au droit, à une procédure juste et équitable, 203 00:11:54,928 --> 00:11:57,968 au droit de la défense et au principe d'égalité devant la loi 204 00:11:58,032 --> 00:11:59,650 et devant la justice. 205 00:12:00,000 --> 00:12:03,504 La Cour, quant à elle, estimaitla question sérieuse 206 00:12:03,568 --> 00:12:06,656 dès lors que l'obligation de motiver les décisions de condamnation 207 00:12:06,864 --> 00:12:10,230 constituent une garantie légale de l'exigence constitutionnelle 208 00:12:10,770 --> 00:12:13,584 faite au législateur d'empêcher tout pouvoir arbitraire 209 00:12:14,096 --> 00:12:16,000 de l'autorité judiciaire. 210 00:12:16,320 --> 00:12:19,248 En outre, l'obligation pour les juridictions correctionnelles 211 00:12:19,296 --> 00:12:21,360 de modifier toute peine, je cite, 212 00:12:21,420 --> 00:12:23,792 "est susceptible de créer entre les prévenus et les accusés 213 00:12:23,840 --> 00:12:26,656 une différence de traitement contraire à la Constitution". 214 00:12:26,940 --> 00:12:31,050 La Cour fait évoluer sa position sur le sujet. 215 00:12:31,104 --> 00:12:36,870 Alors le Conseil est saisi et le 2 mars, il a finalement une vision assez autre, 216 00:12:36,944 --> 00:12:37,830 je vous explique. 217 00:12:38,940 --> 00:12:41,632 Il invoque d'abord les articles 7, 8 et 9 218 00:12:41,648 --> 00:12:43,472 de la Déclaration des droits de l'homme 219 00:12:43,632 --> 00:12:46,680 pour rappeler classiquement qu'il appartient au législateur, 220 00:12:46,752 --> 00:12:48,560 dans l'exercice de sa compétence, 221 00:12:48,832 --> 00:12:51,520 de fixer des règles de nature à exclure l'arbitraire 222 00:12:51,568 --> 00:12:53,520 dans la recherche des auteurs de l'infraction, 223 00:12:53,700 --> 00:12:55,472 le jugement des personnes poursuivies 224 00:12:55,536 --> 00:12:58,176 ainsi que dans le prononcé et l'exécution des peines. 225 00:12:58,920 --> 00:13:02,220 Et le conseil en déduit surtout, et pour la première fois, 226 00:13:02,256 --> 00:13:06,210 je cite, que "le principe d'individualisation des peines 227 00:13:06,272 --> 00:13:09,680 qui découle de l'article 8 de cette déclaration implique 228 00:13:09,744 --> 00:13:12,432 qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée 229 00:13:12,480 --> 00:13:15,536 que si le juge l'a expressément prononcée 230 00:13:15,792 --> 00:13:19,232 en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce". 231 00:13:20,100 --> 00:13:22,832 Et de conclure de façon inédite, je cite, 232 00:13:23,008 --> 00:13:26,864 "Ces exigences constitutionnelles imposent la motivation des jugements 233 00:13:26,896 --> 00:13:31,616 et arrêts de condamnation pour la culpabilité comme pour la peine." 234 00:13:32,410 --> 00:13:33,328 Dès lors, je cite, 235 00:13:33,360 --> 00:13:38,672 "en n'imposant pas à la Cour d'assises de motiver le choix de la peine, 236 00:13:38,864 --> 00:13:41,344 le législateur a méconnu les exigences 237 00:13:41,408 --> 00:13:45,776 tirées des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789. 238 00:13:46,440 --> 00:13:51,120 Et le deuxième alinéa de l'article 365-1 du Code de procédure pénale 239 00:13:51,184 --> 00:13:54,000 doit donc être déclaré contraire à la Constitution". 240 00:13:54,880 --> 00:13:56,910 Alors, que penser de cette décision ? 241 00:13:56,944 --> 00:13:58,800 Est-ce une bonne décision ? 242 00:13:58,864 --> 00:13:59,584 Oui. 243 00:13:59,960 --> 00:14:01,328 Quels en sont les fondements ? 244 00:14:01,360 --> 00:14:02,704 Quelle en est la portée ? 245 00:14:03,330 --> 00:14:10,272 Les fondements, tout d'abord, sont assez frappants, saillants. 246 00:14:11,232 --> 00:14:12,976 Il y a d'abord des fondements explicites, 247 00:14:13,760 --> 00:14:16,170 il y a deux fondements explicites, tout d'abord.    248 00:14:16,390 --> 00:14:19,750 En effet, premier fondement explicite, un changement de circonstances. 249 00:14:20,176 --> 00:14:22,650 Ensuite, le principe d'individualisation. 250 00:14:22,850 --> 00:14:25,500 S'agissant du premier fondement, le changement de circonstances, 251 00:14:25,568 --> 00:14:29,200 pourquoi explicite, c'est-à-dire que le Conseil y fait référence. 252 00:14:29,680 --> 00:14:33,200 Le Conseil, en effet, avait déjà eu l'occasion, le 4 août 2011, 253 00:14:33,280 --> 00:14:37,456 dans le cadre de son contrôle a priori de la loi du 10 août, 254 00:14:37,584 --> 00:14:41,344 de déclarer conforme à la Constitution les dispositions contestées. 255 00:14:41,980 --> 00:14:46,144 Or c'est précisément un changement de circonstances 256 00:14:46,192 --> 00:14:49,712 qui a pu le conduire à déclarer ici, la QPC recevable. 257 00:14:49,744 --> 00:14:51,184 Pourquoi changement de circonstances ? 258 00:14:51,616 --> 00:14:56,770 Eh bien, parce que, premièrement, l'écart des exigences de motivation, 259 00:14:56,816 --> 00:14:59,440 en matière correctionnelle et en matière criminelle, s'est creusé, 260 00:15:00,070 --> 00:15:01,472 de sorte qu'on peut s'interroger. 261 00:15:02,672 --> 00:15:05,590 Le Conseil fait en effet référence aux arrêts de revirements, 262 00:15:05,790 --> 00:15:09,808 aux trois arrêts que j'ai évoqués du 1er février 2017 de la Chambre criminelle, 263 00:15:09,920 --> 00:15:13,104 par lesquels celle-ci a jugé que toutes les peines correctionnelles, 264 00:15:13,280 --> 00:15:15,392 tant principales que complémentaires, 265 00:15:15,440 --> 00:15:17,488 doivent être motivées par référence 266 00:15:17,904 --> 00:15:22,090 aux éléments mentionnés par l'article 132-1 du Code pénal. 267 00:15:22,570 --> 00:15:25,040 Et une semaine plus tard, le 8 février, 268 00:15:25,168 --> 00:15:29,020 la même cour estimait en revanche, vous vous souvenez, que la peine criminelle, 269 00:15:29,088 --> 00:15:31,280 elle, n'a pas à être motivée 270 00:15:31,360 --> 00:15:35,072 et qu'une Cour d'assises ne saurait s'octroyer un tel pouvoir, 271 00:15:35,152 --> 00:15:37,232 si jamais les motifs doivent être censurés. 272 00:15:37,328 --> 00:15:38,208 C'est le paradoxe. 273 00:15:38,720 --> 00:15:41,200 Il résultait de tout cela, effectivement, un paradoxe, 274 00:15:41,650 --> 00:15:44,864 un décalage et un certain embarras puisque d'un côté, 275 00:15:45,696 --> 00:15:50,432 la Cour de cassation pouvait exercer finalement, en matière correctionnelle, 276 00:15:50,544 --> 00:15:53,440 un contrôle nouveau sur la motivation des juges du fond 277 00:15:53,664 --> 00:15:55,216 lorsqu'ils prononcent une peine, 278 00:15:55,248 --> 00:15:58,600 principale complémentaire ou encore une peine d'amende délictuelle. 279 00:15:58,656 --> 00:16:02,860 Et de l'autre côté, les cours d'assises ne pouvaient, à peine de nullité, 280 00:16:02,896 --> 00:16:04,416 motiver les peines criminelles. 281 00:16:05,110 --> 00:16:07,840 Fort de ce paradoxe, le Conseil entend mettre un terme, 282 00:16:07,872 --> 00:16:10,112 et c'est heureux, à cette incohérence juridique. 283 00:16:11,290 --> 00:16:14,800 Et puis, deuxièmement, changement de circonstances encore, 284 00:16:14,848 --> 00:16:16,512 l'autre changement, nous dit le Conseil, 285 00:16:16,768 --> 00:16:21,344 tient à la modification de l'article 362 par la loi du 15 août 2014, 286 00:16:21,600 --> 00:16:25,280 qui prévoit désormais qu'en cas de réponse affirmative sur la culpabilité, 287 00:16:25,328 --> 00:16:29,650 le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 131-1, 288 00:16:29,728 --> 00:16:32,384 132-1 et 132-18 du Code pénal, 289 00:16:32,720 --> 00:16:35,952 c'est-à-dire de textes déterminant les conditions de fixation de la peine, 290 00:16:36,016 --> 00:16:39,120 et notamment au regard des éléments circonstanciés de l'espèce. 291 00:16:40,330 --> 00:16:41,808 Ces deux éléments, finalement, 292 00:16:41,856 --> 00:16:44,432 caractérisent un changement de circonstances, 293 00:16:44,592 --> 00:16:50,096 de nature à conduire le Conseil à juger la question recevable. 294 00:16:50,470 --> 00:16:54,272 Outre ce changement de circonstances, le second fondement explicite réside 295 00:16:54,304 --> 00:16:57,104 dans le principe d'individualisation de la peine 296 00:16:57,360 --> 00:17:00,656 et donc dans l'article 132-1 du Code pénal, 297 00:17:00,784 --> 00:17:05,664 dont le rayonnement est ainsi désormais assuré également en matière criminelle. 298 00:17:06,520 --> 00:17:09,568 Notons que le Conseil constitutionnel ne se place pas 299 00:17:09,616 --> 00:17:13,510 sur le terrain de l'égalité des citoyens devant la loi et la justice, 300 00:17:13,568 --> 00:17:15,024 ce qui aurait pourtant été envisageable, 301 00:17:15,088 --> 00:17:18,288 ce qui a été envisagé par la Cour de cassation pour transmettre la question. 302 00:17:18,550 --> 00:17:21,430 La loi devant être la même pour tous, soit qu'elle protège, 303 00:17:21,504 --> 00:17:25,280 soit qu'elle punisse selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme. 304 00:17:25,680 --> 00:17:27,360 De même, le Conseil aurait pu tirer 305 00:17:27,584 --> 00:17:30,560 cette exigence de motivation du droit à un procès équitable. 306 00:17:32,490 --> 00:17:35,584 Ensuite, nous avons bien sûr des fondements implicites, cette fois. 307 00:17:35,632 --> 00:17:36,880 Après les deux fondements explicites, 308 00:17:36,928 --> 00:17:38,416 il y a également des fondements implicites, 309 00:17:38,432 --> 00:17:41,072 c'est-à-dire ceux qui dépassent la décision, 310 00:17:41,504 --> 00:17:43,872 qui tiennent aux raisons de rendre nécessaire 311 00:17:43,904 --> 00:17:45,776 et obligatoire la motivation en la matière 312 00:17:45,808 --> 00:17:47,770 et qui justifient ainsi cette heureuse évolution. 313 00:17:48,820 --> 00:17:51,232 Ces motivations implicites, 314 00:17:52,400 --> 00:17:54,464 je vous renvoie à ce que je vous disais tout à l'heure, 315 00:17:54,624 --> 00:17:57,312 il s'agit ici des justifications mêmes de la motivation, 316 00:17:57,360 --> 00:18:00,400 c'est-à-dire que la motivation est un moyen de lutte contre l'arbitraire. 317 00:18:00,730 --> 00:18:03,808 C'est une condition nécessaire à l'exercice des droits à la défense. 318 00:18:04,192 --> 00:18:06,128 Cela met en mesure la Cour de cassation 319 00:18:06,176 --> 00:18:08,288 d'exercer un véritable contrôle de légalité. 320 00:18:08,860 --> 00:18:12,240 Cela permet à la justice de faire œuvre de pédagogie. 321 00:18:12,590 --> 00:18:14,480 Tout cela, indéniablement, 322 00:18:15,552 --> 00:18:18,760 a aussi guidé la solution du Conseil constitutionnel. 323 00:18:19,216 --> 00:18:22,010 Ensuite, quant à la portée de cette décision. 324 00:18:22,080 --> 00:18:23,936 Alors, une double portée en réalité, 325 00:18:23,984 --> 00:18:26,290 au regard de la jurisprudence et au regard de la loi. 326 00:18:26,950 --> 00:18:28,672 Au regard de la jurisprudence, d'abord, 327 00:18:28,704 --> 00:18:32,480 il faut souligner qu'il s'agit d'un revirement important 328 00:18:33,136 --> 00:18:35,040 qui rompt avec l'évolution antérieure, 329 00:18:35,120 --> 00:18:37,616 puisque vous vous souvenez que, le 1er avril 2011, 330 00:18:37,770 --> 00:18:40,384 le Conseil avait estimé l'absence de motivation 331 00:18:40,432 --> 00:18:42,330 en matière criminelle justifiée 332 00:18:42,400 --> 00:18:46,832 dès lors qu'il existait des garanties de nature à exclure l'arbitraire. 333 00:18:47,600 --> 00:18:51,808 Avec cette décision du 2 mars, les juges remettent en cause le principe 334 00:18:51,856 --> 00:18:54,208 qui voulait que l'obligation de motivation ne présente 335 00:18:54,240 --> 00:18:56,384 aucun caractère général et absolu. 336 00:18:57,070 --> 00:19:00,272 Ensuite, et surtout, le Conseil constitutionnel, 337 00:19:00,300 --> 00:19:03,328 presque paradoxalement, apparaît plus protecteur 338 00:19:03,328 --> 00:19:06,032 que la Cour européenne des droits de l'homme ne l'est elle-même. 339 00:19:06,512 --> 00:19:07,936 La jurisprudence européenne, en effet, 340 00:19:07,968 --> 00:19:12,064 n'incite pas fermement les juges nationaux 341 00:19:12,352 --> 00:19:15,280 à exiger des cours d'assises de motiver les peines qu'elles prononcent. 342 00:19:15,760 --> 00:19:19,408 Que l'on songe à l'arrêt Taxquet contre Belgique du 16 novembre 2010, 343 00:19:20,144 --> 00:19:22,816 selon lequel la convention, je cite "ne requiert pas 344 00:19:22,848 --> 00:19:25,760 que les jurés donnent les raisons de leur décision. 345 00:19:26,000 --> 00:19:27,696 Et l'article 6 ne s'oppose pas 346 00:19:27,760 --> 00:19:30,608 à ce qu'un accusé soit jugé par un jury populaire, 347 00:19:30,800 --> 00:19:33,600 même dans les cas où son verdict n'est pas motivé". 348 00:19:34,240 --> 00:19:35,856 "Ce qui importe, nous dit la cour, 349 00:19:35,904 --> 00:19:39,520 c'est que l'intéressé puisse comprendre les raisons de sa culpabilité 350 00:19:39,600 --> 00:19:41,808 et bénéficier de garanties procédurales passant 351 00:19:41,984 --> 00:19:47,136 par le biais de questions précises non équivoques soumises au jury, 352 00:19:47,488 --> 00:19:52,384 de nature à former une trame apte à servir de fondement au verdict". 353 00:19:52,720 --> 00:19:55,440 De sorte que, si vous comprenez bien, 354 00:19:55,888 --> 00:19:58,672 la réforme réalisée en 2011 paraît, aux yeux de la cour, 355 00:20:02,560 --> 00:20:05,056 suffisante pour lutter contre l'arbitraire 356 00:20:05,136 --> 00:20:08,980 et favoriser la compréhension de la condamnation par l'accusé. 357 00:20:09,024 --> 00:20:11,470 Et on sait que la Cour européenne aura l'occasion, par la suite, 358 00:20:11,504 --> 00:20:14,144 de valider un dispositif en 2013, 359 00:20:14,192 --> 00:20:18,288 notamment dans ses arrêts Agnelet et Legillon et puis en 2015. 360 00:20:19,540 --> 00:20:21,488 Nul besoin, en revanche, 361 00:20:22,672 --> 00:20:25,730 d'une motivation du choix des peines prononcées. 362 00:20:25,792 --> 00:20:30,010 Elle a pu d'ailleurs le juger dans un arrêt Lhermite contre Belgique 363 00:20:30,080 --> 00:20:32,032 en date du 29 novembre 2016. 364 00:20:32,270 --> 00:20:35,376 "Nul besoin, en revanche, une motivation du choix des peines prononcées. 365 00:20:35,400 --> 00:20:36,576 Dès lors, nous dit-elle, 366 00:20:36,656 --> 00:20:39,616 que les questions posées ne sont pas laconiques et composent, 367 00:20:39,696 --> 00:20:44,384 je cite, un ensemble précis et exempt d'ambiguïté 368 00:20:44,608 --> 00:20:46,380 sur ce qui est reproché au requérant". 369 00:20:46,810 --> 00:20:50,176 Un droit positif plus protecteur que le droit européen lui-même, 370 00:20:50,208 --> 00:20:54,580 c'est un apport majeur et suffisamment rare pour être souligné. 371 00:20:55,664 --> 00:20:59,408 Portée ensuite au regard de la loi et non plus de la jurisprudence. 372 00:20:59,920 --> 00:21:03,968 Au regard de la loi, premièrement, évidemment, 373 00:21:04,420 --> 00:21:08,464 le Conseil constitutionnel a astreint le législateur à revoir sa copie. 374 00:21:09,490 --> 00:21:12,240 Les juges se verront désormais contraints, 375 00:21:12,320 --> 00:21:14,752 en matière correctionnelle et criminelle, 376 00:21:15,056 --> 00:21:16,750 d'exposer dans leurs décisions, 377 00:21:16,976 --> 00:21:19,344 au demeurant au sein de la feuille de motivation, 378 00:21:19,392 --> 00:21:23,136 les circonstances de l'espèce les ayant conduits à prononcer 379 00:21:23,168 --> 00:21:24,624 telle peine plutôt qu'une autre, 380 00:21:24,700 --> 00:21:31,488 quant à sa nature, quant à son quantum dans la limite du maximum légal encouru. 381 00:21:31,904 --> 00:21:34,048 Concrètement, 382 00:21:34,336 --> 00:21:38,704 cela signifie que le législateur doit fixer le cadre de cette exigence 383 00:21:38,912 --> 00:21:41,856 en tenant compte de la ligne tracée par la décision. 384 00:21:42,460 --> 00:21:44,304 La loi imposait déjà, on le sait, 385 00:21:44,656 --> 00:21:47,072 aux présidents de cours d'assises de dire aux jurés 386 00:21:47,168 --> 00:21:50,688 les articles 131-1 et 132-1 du Code pénal. 387 00:21:51,328 --> 00:21:54,688 Eh bien, la peine devra désormais être choisie sur la base de ces articles, 388 00:21:54,720 --> 00:21:56,816 en fonction des circonstances de l'infraction 389 00:21:57,120 --> 00:22:01,840 et de la personnalité de son auteur, ainsi que de sa situation matérielle. 390 00:22:02,400 --> 00:22:07,056 Que l'on songe notamment aux causes d'aggravation ou de réduction de peine, 391 00:22:07,450 --> 00:22:11,808 à la qualité délinquant primaire ou de récidiviste de l'auteur, 392 00:22:11,856 --> 00:22:14,496 ou encore aux objectifs poursuivis par la peine, 393 00:22:15,120 --> 00:22:19,152 il s'agit d'expliquer, par exemple, pourquoi telle ou telle peine retenue 394 00:22:19,200 --> 00:22:21,872 entend favoriser la protection de la société, 395 00:22:22,016 --> 00:22:24,272 empêcher le renouvellement de telle infraction 396 00:22:24,336 --> 00:22:27,136 ou aider le condamné à se réinsérer dans la société. 397 00:22:30,340 --> 00:22:32,560 Il est certain que les débats qui sont menés 398 00:22:32,816 --> 00:22:36,080 lors du procès fournissent des informations importantes sur les faits, 399 00:22:36,176 --> 00:22:38,640 sur la personnalité de l'accusé, 400 00:22:38,736 --> 00:22:41,280 et ces éléments-là doivent être saisis par la cour 401 00:22:41,580 --> 00:22:44,272 afin d'expliquer le choix concernant la peine, 402 00:22:44,336 --> 00:22:46,750 et non plus seulement la culpabilité. 403 00:22:47,800 --> 00:22:52,576 On voit qu'en rassemblant ainsi des exigences de motivation 404 00:22:52,624 --> 00:22:54,288 au-delà de la nature de l'infraction, 405 00:22:54,416 --> 00:22:57,952 le Conseil constitutionnel met un terme à l'incohérence évoquée 406 00:22:57,984 --> 00:23:02,448 et donne à l'article 132-1 du Code pénal une portée générale, 407 00:23:03,456 --> 00:23:06,160 que les peines soient correctionnelles ou criminelles. 408 00:23:06,730 --> 00:23:10,448 Le Conseil entend bien, par ce biais, garantir la qualité de la justice 409 00:23:10,528 --> 00:23:13,008 et offrir un rempart contre l'arbitraire judiciaire. 410 00:23:13,210 --> 00:23:16,060 En accord avec ce qu'il se passe par ailleurs dans d'autres pays, 411 00:23:16,260 --> 00:23:18,608 comme en Allemagne, en Espagne ou en Italie. 412 00:23:19,870 --> 00:23:22,970 La portée ensuite, de cette décision, il faut le noter aussi. 413 00:23:23,008 --> 00:23:25,888 Le Conseil avait décidé de reporter l'effet de l'abrogation 414 00:23:26,464 --> 00:23:31,232 en laissant au législateur le soin de modifier le texte d'ici 415 00:23:31,552 --> 00:23:33,488 le mois de mars 2019. 416 00:23:34,848 --> 00:23:36,624 Ce qui pose ici des questions intéressantes 417 00:23:36,688 --> 00:23:38,720 en termes de QPC et d'effets dans le temps. 418 00:23:39,040 --> 00:23:40,176 Ici, ce choix est justifié 419 00:23:40,224 --> 00:23:45,152 dès lors que l'abrogation immédiate des dispositions de l'article 365-1 420 00:23:45,696 --> 00:23:50,000 aurait eu pour effet de supprimer, en cas de condamnation, 421 00:23:50,368 --> 00:23:52,720 l'exigence aussi de motivation de la culpabilité, 422 00:23:52,864 --> 00:23:54,096 telle qu'issue de la loi de 2011. 423 00:23:54,112 --> 00:23:55,856 Donc, ça aurait eu des conséquences excessives. 424 00:23:56,560 --> 00:23:59,264 Et troisièmement, enfin, cela étant précisé, 425 00:23:59,296 --> 00:24:02,290 afin de faire cesser immédiatement l'inconstitutionnalité constatée, 426 00:24:02,920 --> 00:24:06,016 le Conseil a formulé une réserve d'interprétation transitoire, 427 00:24:06,570 --> 00:24:10,800 selon laquelle "Les dispositions attaquées doivent pour, je cite, 428 00:24:10,960 --> 00:24:13,312 les arrêts d'assises rendus à l'issue d'un procès ouvert 429 00:24:13,344 --> 00:24:15,312 après la publication de sa décision, 430 00:24:15,568 --> 00:24:18,656 être interprétées comme imposant également à la Cour d'assises 431 00:24:18,736 --> 00:24:20,384 d'énoncer dans la feuille de motivation, 432 00:24:20,416 --> 00:24:23,120 les principaux éléments l'ayant convaincue dans le choix de la peine". 433 00:24:23,408 --> 00:24:26,240 Ce qui recouvre a priori les circonstances de l'infraction, 434 00:24:26,280 --> 00:24:29,536 la personnalité de l'auteur, sa situation matérielle, familiale, 435 00:24:29,640 --> 00:24:31,808 sociale ayant déterminé la Cour d'assises 436 00:24:31,872 --> 00:24:35,104 à choisir telle peine plutôt qu'une autre. 437 00:24:35,150 --> 00:24:40,144 C'est ici le choix d'une application finalement immédiate. 438 00:24:40,944 --> 00:24:43,024 Je vous donne, je détaille cette portée 439 00:24:43,072 --> 00:24:45,264 car cette décision est extrêmement intéressante 440 00:24:45,456 --> 00:24:47,568 en termes de mécanisme de la QPC 441 00:24:47,712 --> 00:24:50,112 et relativement à cette question d'application 442 00:24:51,008 --> 00:24:53,296 dans le temps des décisions du Conseil constitutionnel 443 00:24:53,392 --> 00:24:55,584 qui peut reporter les effets de sa décision. 444 00:24:57,040 --> 00:25:00,111 C'est une décision primordiale qui a été adoptée 445 00:25:00,177 --> 00:25:03,720 et qui entraînera, nécessairement, un nouveau contrôle de la Cour de cassation. 446 00:25:04,330 --> 00:25:06,160 Et c'est d'autant plus intéressant que, 447 00:25:06,208 --> 00:25:08,672 dans le cadre de la réforme du 23 mars 2019, 448 00:25:08,976 --> 00:25:11,168 il a été prévu la possibilité de limiter 449 00:25:11,232 --> 00:25:13,792 l'appel des décisions des cours d'assises à la peine 450 00:25:13,952 --> 00:25:15,792 et non plus à la culpabilité. 451 00:25:16,070 --> 00:25:18,112 Évidemment, un tel appel ne peut avoir d'intérêt 452 00:25:18,144 --> 00:25:21,040 qu'à la condition que des Cours d'assises motivent conformément 453 00:25:22,384 --> 00:25:27,568 la peine aux exigences du Code pénal. 454 00:25:28,976 --> 00:25:33,870 Par la suite, la Cour de cassation a eu, notamment, l'occasion d'affirmer, 455 00:25:34,770 --> 00:25:38,656 de rappeler, de conforter, de renforcer ses exigences de motivation. 456 00:25:38,700 --> 00:25:41,936 Le 30 mai 2018, en matière contraventionnelle, 457 00:25:41,968 --> 00:25:43,968 cette fois, la Cour de cassation a affirmé 458 00:25:44,016 --> 00:25:45,984 que "La juridiction qui prononce une amende 459 00:25:46,192 --> 00:25:49,280 doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, 460 00:25:49,312 --> 00:25:52,512 de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, 461 00:25:52,544 --> 00:25:55,184 en tenant compte de ses ressources et de ses charges". 462 00:25:55,216 --> 00:25:58,544 Donc harmonisation ici de la jurisprudence 463 00:25:58,832 --> 00:26:01,740 et renforcement de l'exigence de motivation. 464 00:26:01,792 --> 00:26:06,512 Tout cela dans une perspective d'amélioration des garanties 465 00:26:06,560 --> 00:26:09,968 du droit à un procès équitable.